mardi 3 mai 2011

Coupures irlandaises. Kris&Vincent Bailly.

Au début de ma lecture, je croyais que l’album avait mal été référencé et qu’il aurait mieux convenu au rayon jeunesse. Et finalement se rafraichir la mémoire sur le conflit irlandais à travers le regard de deux jeunes bretons s’avère être une rencontre profitable. Au temps du Swinging London plus de trois mille morts dans cette guerre maquillée en « troubles ».
La candeur des deux adolescents en séjour linguistique à Belfast permet de ne pas rester dans un registre dramatique. La sincérité de l’auteur qui a rapporté pour une part sa propre expérience est perceptible.
L’un est reçu dans une famille catholique, l’autre chez des protestants plus aisés en 1987 quand les soldats font partie du paysage. Les enfants jouent mais les armes chargées sont dangereuses. Un dossier vient compléter utilement l’histoire agréablement dessinée.

lundi 2 mai 2011

Sans queue ni tête. Jeanne Labrune

Les psys et les putes font le même travail.
Une seule idée mais étirée pour un scénario manquant pour le coup de profondeur psychologique.
Il y a bien quelques scènes cocasses comme le travesti sur le divan avec un jeu de mots entre « Pouah » et « poids » mais tout cela n’en fait qu’un petit film pas désagréable mais un peu vain.
Le psychanalyste n’avait pas besoin de sexe et la prostituée pas de nécessité à se prendre la tête.
Hupper is down, et comme elle le dit « là, ça commence à devenir limite ».

dimanche 1 mai 2011

Gianmaria Testa.

Comme Paco Ibanez m’avait donné envie d’apprendre l’Espagnol,
Testa nous met à l’Italien sans peine, avec son 6° CD :
« Da questa parte del mare »:
« e in mezzo al mare va
una barca scura
che ha perso il vento
perso alla sua vela
e chi la sta aspettar
l'aspetta ancora »
« et au milieu de la mer va
une barque noire
qui a perdu le vent
perdu sa voile
et qui l’attend
l’attend encore »

« De ce côté de la mer » est un CD sur les migrations, et les ritals en furent jadis de ces voyageurs.
Ce morceau de texte ci dessous est en hommage à Izzo Jean Claude, celui des polars.
«Pourtant nous la connaissions nous aussi
L'odeur des cales
L'amertume du départ
Nous le savions nous aussi
Et une langue à désapprendre
Et une autre à apprendre en vitesse
Avant la bicyclette.
Nous le savions nous aussi
Et la buée de notre haleine sur les vitrines
Et la tiédeur du pain
Et la honte du rejet.
Nous le connaissions nous aussi
Ce regard muet »

Sans misérabilisme, avec force, le chanteur à la voix éraillée comme il sied à l’expérience. Chef de gare, il a commencé dans la chanson à 37 ans. Sa douceur enjôleuse, rappelle à certains Léonard Cohen et pour moi Georges Brassens jusqu’à la moustache avec une rythmique qui éveille bien des nostalgies. Le plaisir est complet avec cette voix proche de celle de Paolo Conte avec aussi son côté jazzy, au service de textes émouvants sur une musique à écouter pendant des heures.

samedi 30 avril 2011

Petite fille.

Mia est venue au monde le 29 avril 2011
chez Stéphanie Claudin et Julien Chassigneux.

lundi 25 avril 2011

Avatar. James Cameron.

A la télévision, les images sont déjà impressionnantes, alors avec la 3D qu’est ce que ça devait être ! Des restes de snobisme m’avaient conduit à ne pas apporter ma part à la recette de plus de 2 milliards d’Euros générée par cette production qui avait nécessité 10 ans de maturation pour près de 3h de film menées bon train.
Sur la planète Pandora chaque pas génère une auréole phosphorescente et les êtres bleus qui l’habitent harmonieusement ont l’oreille expressive, la tresse branchée; ils sont bien plus humains que les méchants terriens impérialistes qui viennent voler leur énergie. L’humidité qui règne chez eux ne leur cause pas de sinusite malgré l’épaisseur de leur appendice nasal qui heureusement filtre bien une atmosphère fatale aux habitants des vaisseaux colonisateurs.
On ne retient que les images brillantes, les trouvailles visuelles ; l’hybridation des humains et des êtres virtuels est le sujet même du film dont la réalisation est époustouflante dans la lignée des projectionnistes et leur lanterne magique.
« Alien » c’était il ya 24 ans et Sigourney Weaver était déjà là.
Peu importe le schématisme du propos et les personnages caricaturaux, le cinéma ne change pas le monde : ceux qui conduisent les machines implacables de destruction de notre planète n’ont pas levé le pied. Pas du tout : après l’échec de Copenhague, il ne nous reste qu’à réciter quelques mantras et mettre dans la poubelle adéquate les jouets qui devaient mener vers un Eden situé aux confins de nos imaginations.
…………
Je reprends samedi 30 avril les publications sur le blog.

dimanche 24 avril 2011

Le requiem de Fauré. Michel Corboz.

J’ai toujours l’impression de faire mes premiers pas quand je vais à un concert de musique classique et n’avoir que des clichés à ma disposition à la sortie.
Ah, la précision suisse, la retenue ! C’était l’ensemble vocal de Lausanne.
En 1915, Fauré, le fils d’instit ariègeois, pouvait dire: « L'effroyable tempête que nous traversons nous rendra-t-elle à nous-mêmes en nous rendant notre sens commun, c'est-à-dire le goût de la clarté dans la pensée, de la sobriété et de la pureté dans la forme, le dédain du gros effet ! » Il a connu Wagner et n’est pas tombé sous sa coupe.
Je ne sais ce qui fait le phrasé de Fauré goûté par les musiciennes, je sais seulement que sa pavane me transperce à chaque fois, mais je n’ai pas été bouleversé ce soir, même si j’ai aimé l’harmonie des voix et des violons. Par contre j’ai vraiment apprécié Haendel en première partie où il est question aussi d’un « seigneur qui écrasera les rois ». Mon inculture m’avait fait prendre ce morceau fondateur pour un requiem que je trouvais bien gai avec des airs évoquant les Carmina Burana qui me sont plus familières, avec trois siècles d’écart. Mais c’est comme si j’avais pris mon dessert avant le plat de résistance : les délices baroques de l’allemand m’ont assourdi les nuances du français en majestueux ensemble où « les anges te conduisent au paradis »
pour « qu’avec Lazare, jadis si pauvre, tu connaisses le repos éternel. »
Pas de tonitruant jour de colère ( Dies irae), mais une acceptation douce de la mort par le maître de la chapelle qui avait éprouvé le besoin de renouveler la musique religieuse qu’il se devait de jouer à la Madeleine.

samedi 23 avril 2011

La carte et le territoire. Michel Houellebecq.

Ces 400 pages ne sont pas anodines, et c’est tellement bien de s’empoigner pour de la littérature, pourtant je m’aventurerai prudemment dans un commentaire venant après tellement d’avis autorisés.
Les Inrocks ont bien repéré que chaque personnage est en fait l’écrivain : le peintre personnage principal, le commissaire de police, Houellebecq lui-même tient un rôle éminent, mais aussi le chien bichon Michou, voire un chauffe eau en objet signifiant. Qui n’a pas écouté son Chaffoteau ne sait pas ce qu’est la vie, ni la solitude. Même si ce n’est pas tout à fait neuf depuis Flaubert en Madame Bovary. De l’auto fiction, de l’anticipation, une vision acérée de notre époque, de la poésie, de l’ironie, de la mélancolie.
Oui « la carte est plus intéressante que le territoire » : le roman cartographie la réalité.
Beaucoup de critiques ont parlé d’une moins grande âpreté dans cette livraison de l’amer, j’ai remarqué des plages de tendresse, mais le tableau est toujours aussi désespéré.
« La voix des gens ne change jamais pas plus que l’expression de leur regard. Au milieu de l’effondrement physique généralisé à quoi se résume la vieillesse, la voix et le regard apportent le témoignage douloureusement irrécusable de la persistance du caractère, des aspirations, des désirs, de tout ce qui constitue une personnalité humaine. »
Je suis entré dans ce livre en entendant la voix de Lucchini, et mon plaisir en était grandi avec la grandiloquence, l’intensité et l’humour correspondant à celui qui ne cesse de raviver les classiques de préférence désabusés et décapants. La présence de Julien Lepers et d’autres n’est pas artificielle comme dans beaucoup de productions oubliables : j’ai ressenti cette œuvre comme un symptôme de notre temps, un point de vue « moderne » sur notre monde, un exercice jubilatoire d’écriture.
Au pays de Jean Pierre Pernaud, il braque sa frontale sur l’argent roi et la douce fin des territoires dans La France en passe de devenir un musée vidé de toute authenticité. Sa réflexion sur l’art n’est pas académique mais d’une efficacité certaine qui va bien au-delà d’un avis amusant sur Picasso qui alimenta les gazettes mais interroge les valeurs de notre société.
Avec minutie il nous fait relire les notices des appareils photos, les dépliants publicitaires :
« Un sourire vous entraînera du jardin (espèces méditerranéennes) à votre suite, un lieu qui bousculera tous vos sens. Il vous suffira alors de fermer les yeux pour garder en mémoire les senteurs de paradis, les jets d'eau bruissant dans le hammam de marbre blanc pour ne laisser filtrer qu'une évidence : ici, la vie est belle. »
Il nous rend moins benêt pour un temps, mais désespéré, déshérité pour longtemps; pendant trois semaines je n'ai pas ouvert un roman.