mercredi 19 janvier 2011

Touristes en Chine 2007. J#2. Interdite.

Nous retrouvons Wang Hui, notre guide, pour visiter la cité interdite.
Parc de la colline de charbon (Jingshan park). Chacun pratique son loisir : écrire des poèmes éphémères avec un énorme pinceau en mousse alimenté en eau, pratiquer des danses sur l’air de
« vive le vent » ou rythmées par des claquements de mains, chanter des airs d’opéra, s’exercer à la gymnastique en solitaire ou entre copains sur du matériel de salle de sports mis à la disposition de tous, se promener en groupes, en famille. La foule est déjà considérable dans un décor soigné avec des bonzaïs imposants en pots, des lotus cultivés dans de grandes jarres en faïence bleues et blanches. Les vieux arbres portent une étiquette verte quand ils ont moins de 100 ans, rouge entre 100 et 300 ans.
Nous entreprenons l’ascension de la colline artificielle édifiée avec la terre provenant de creusement des fossés de la cité; située au Nord elle la protège des influences mauvaises, suivant les principes de la géomancie, elle s’élève jusqu’à un temple qui domine la ville. Nous profitons d’une vue panoramique sur l’immensité de la cité interdite. Les touristes louent des costumes anciens le temps d’une photographie.
La cité interdite servit de résidence à deux dynasties d'empereurs, les Ming et les Qing, commencée au début du XV° siècle par des ouvriers qui furent parfois plus d’un million à y travailler, les bâtiments qui subsistent après de nombreux incendies datent surtout du XVII°.
Bluffant, extraordinaire ! Il y aurait 9 999 salles et appartements. Nous entrons par le jardin impérial et ses bâtiments pourpres aux toits vernissés jaunes qui rebiquent, véritable ville avec ses rues qui mènent aux pavillons des personnages qui furent importants. Les entrées comportent des paravents en dur pour stopper les mauvais esprits décidément naïfs, voire bas de plafond. Des palais, des meubles, une salle complète pour des horloges, des trônes, des temples, puis au centre, les bâtiments les plus importants pour l’empereur, des dragons, des cerfs, des tortues en statue, des rambardes à trois niveaux avec des gargouilles grimaçantes. Sur les corniches, le nombre impair d’animaux stylisés indique le rang de son habitant. Le chiffre neuf est consacré aux plus grands. Du personnel avec masque de protection et gants passe sa journée à ramasser les détritus. La foule impressionnante des touristes est composée presque exclusivement de chinois.
La Place Tien Anmen est immense (500 m sur 900 m), soit presque 50 ha, entourée de bâtiments officiels dont le mausolée de Mao où son corps est exposé, face à l’entrée sud de la cité impériale où s’affiche son portrait.
C’est là qu’un homme se plantait devant les chars, ses sacs en plastique au bout des bras.
Wang Hui ne peut nous renseigner sur les évènements de 89 qui se sont déroulés sur cette place.
Pour dérouter les moteurs de recherche de la censure, les internautes chinois mentionnent le « 35 mai » au lieu du 4 juin, jour de la répression qui fit des centaines voire des milliers de victimes.
Ayant subi des marxistes léninistes bien de chez nous dans les années 70, je les ai vus, ceux qui voulaient faire plier le monde à leurs rêves, être fracassés. Je me suis beaucoup disputé avec ces donneurs de leçons qui m’ont appris par défaut à ne pas trop en délivrer, de leçons. J’ai portant bronzé à ces soleils rouges. Les montagnes sont restées en place et les paysans se sont rués en ville. Les chinois respirent mieux aujourd’hui, en tous cas économiquement, parce que pour ce qui est de l’air, ici c’est pas Saint Malo.
D’un coup de voiture climatisée nous nous rendons au parc Beihai, le plus ancien parc impérial : en dessous du stupa blanc, le jardin est fleuri, le lac envahi de grands lotus. La promenade est agréable sous les arbres, d’un palais impérial à l’autre avec des petits ponts surmontant des plans d’eau plein de poissons.
C’est en en tricycles que nous allons visiter les hutongs. Nos conducteurs nous déposent dans une des maisons anciennes qui appartenait à la concubine d’un mandarin où nous attend la propriétaire qui a préparé du thé, nous pouvons voir enfin une cour intérieure. Passage obligé dans une fabrique de soie. 3 chemises avec 3 hommes pour nous aider dans notre choix. Dans ce magasin d’état il y a beaucoup de personnel mais la fabrication de la soie ne fonctionne que lorsque les touristes regardent. Le chauffeur nous débarque ensuite dans un quartier moderne aux rues piétonnes pas loin de notre hôtel qui côtoie le vieux quartier en destruction. Des estancos proposant de la nourriture sont côte à côte, tenus par un personnel portant les mêmes habits. Tout se cuisine : scorpions, chrysalides, lézards, hannetons, tripes, sauterelles, huîtres grillées ou frites. Belles présentations, les bières fument et glougloutent, les friandises ont des couleurs flashies. A proximité Channel voisine avec les magasins Lancôme.Le ciel s’obscurcit mais les chantiers de construction se poursuivent. En fait ce n’est pas la tombée de la nuit, mais un orage qui ne tarde pas à éclater. Nous nous mettons à l’abri sous la verrière en casquette d’un immeuble avec grooms et chasseurs d’où nous observons le ballet des voitures, des vélos. La pluie se déchaîne, puis se calme et nous pouvons regagner notre hôtel. Une tentative dans une pâtisserie déclenche plus de fous rires que de ravissement des papilles. Thé dans les chambres. Douches, lessives.

mardi 18 janvier 2011

XXI. Hiver.

Pour ce numéro 13, le récit graphique de Sacco est consacré à des paysans indiens qui vivent dans la pauvreté extrême, allant jusqu’à piller quelques grains dans les nids des rats. Ce sont les Dalits autrefois appelés les « intouchables ». Le dessinateur aurait voulu séjourner dans un village mais des « gens puissants » dans la plus vaste des démocraties vont l’en empêcher.
Souvent dans les reportages proposés par la revue, dont je ne cesse de vanter les mérites jusqu’à saouler mes amis, il y a ces précisions utiles sur les conditions d’écriture qui en accentuent la crédibilité.
Ce numéro est surtout dédié à un « nouveau au monde » : l’Asie, avec un tailleur en Inde, un hôtel au Pakistan, un ancien khmer rouge. Le récit photos porte sur Birmingham et ses communautés religieuses. La « couveuse » de Mantes la Jolie aide les demandeurs d’emploi à créer leur entreprise et le coup de projecteur sur une égérie du mouvement Tea Party révèle des pratiques invraisemblables d’associations liées au parti démocrate tout en donnant la mesure d’un phénomène inquiétant en l’étudiant de l’intérieur. Les derniers français en Algérie sont émouvants et la proximité du récit de la vie d’un ermite dans une forêt française avec les révélations sur la personnalité du maître du "Monde", Mathieu Pigasse rend difficile de juger quel est le plus exotique.
Des voyages au loin rendus si proches avec des surprises, de l’empathie, de la documentation : un copieux antidote aux PPD et autres Pupujadas.

lundi 17 janvier 2011

Somewhere. Sofia Coppola.

J’apprécie le plus souvent les jeux des critiques du « Masque et la plume » le dimanche à 20h sur France Inter, mais je n’ai pas compris la posture de la plupart qui disaient ne rien avoir à faire des états d’âme d’une fille de riche à Los Angeles. Comme s’il fallait être juif newyorkais pour comprendre Woody Allen ou paysan en Corrèze pour aimer Depardon ! Quand on sait la puissance de la machine à rêves Hollywoodienne, en arpenter les couloirs m’a semblé intéressant. Et c’est réconfortant de voir que lorsque les cailles tombent toutes rôties dans le bec, elles n’ont plus de saveur, pas plus que les jolies dindes qui tournent autour des barres métalliques. La vacuité, l’ennui sont bien filmés et le rythme lent permet de saisir les évolutions des personnages qui échappent ainsi à la caricature. La petite ne va pas assurer la rédemption du père du jour au lendemain, mais il va grandir: il se met à cuire des pâtes, en route vers l’humanité.

dimanche 16 janvier 2011

L’homme sans qualité.

Même si les acteurs devaient jouer en néerlandais (surtitré), je m’étais promis de voir cette pièce car j’entretiens avec le livre de Musil, qui fut l’œuvre de toute une vie, une relation particulière. Depuis qu’un routard traversant l’Afrique m’avait laissé ce triple volume de poche pour paiement d’un hébergement lors de mon séjour à Douala, cet ouvrage que je n’étais pas parvenu à achever, avait pris du prix, d’autant plus qu’il est présenté comme une œuvre majeure de la littérature. Ce récit de la décadence au cœur la vieille Europe avait acquis, en milieu couleur latérite, une saveur particulière ; l’anniversaire du règne de François Joseph était exotique.
Je verrais volontiers une de ces malédictions toute africaine qui m’a empêché à nouveau d’aller au bout des trois heures vingt de la représentation : l’assoupissement me menaçait. L’entracte fut bienvenu pour rentrer à la maison et prendre des nouvelles de l’OM à Moscou.
J’avais apprécié « Sous le volcan » du même metteur en scène flamant Guy Cassiers riche de ses belles images, et des micros HF qui rendent bien l’intimité.
Dans ce royaume de Cacanie en 1913, à bout de sens, des interrogations politiques majeures se posent et les réponses sont dérisoires… toute ressemblance concernant par exemple l’identité nationale est bienvenue. Mais à s’appliquer à lire un texte dense sur écran ne laisse que des silhouettes d’acteurs en bordure des regards. Des lycéens à mèche Twilight qui se trouvaient derrière moi, pas franchement enthousiastes au départ et qui envisageaient de s’évader à l’entracte, comptaient bien rester au moment où je repartais. Ils ne manquaient pas de qualité, eux.

samedi 15 janvier 2011

Fahrenheit 2010. Isabelle Desesquelle.

J’aurai dû me douter que l’évidence du titre ouvrirait sur un roman sans surprise.
Référence à la température, en degrés Fahrenheit, quand on en atteint 451, le papier s’enflamme (233°) : Bradbury en fit un livre, Truffaut un film.
Une directrice de librairie assiste à la marchandisation à outrance du réseau auquel elle appartient : le coupable, elle le surnomme « Blondinet » et un autre personnage « Beurk » n’est pas non plus un gentil.
Alors que ces 190 pages auraient pu convenir aux adeptes de la tribu lectrice en voie d’extinction en nous nourrissant de cette littérature, qu’elle dit vouloir défendre, elle l’assassine sous les clichés exténués. Elle dit aimer les livres mais pas ceux d’Harry Potter, bien sûr, et elle méprise tellement d’auteurs, Gavalda évidemment, qui elle respecte ses lecteurs.
Avec un style sans vigueur, elle ne nous épargne pas l’outrance de comparer les libraires aux
« malgré nous » alsaciens incorporés de force dans l’armée allemande, ni les jeux de mots calamiteux genre « fidèle castré ».
Ce n’est pas un essai politique sur l’économie du livre, ni un éclairage sur les évolutions de la société, ni une défense de la lecture, ni une fiction, ni un témoignage dont on pourrait partager l’émotion: creux et vide, de la chair à pilon !
Ironie du sort, je crois bien que c’est à Carrefour que j’en ai fait l’emplette.
Mes poireaux qui ont côtoyé cette œuvre d’Isabelle Desesquelle, étaient bien goûteux, en vinaigrette.

vendredi 14 janvier 2011

Internet crée-t-il vraiment du lien social ?

Bon débat au forum de Libération entre Benoit Thieulin qui contribua à la campagne sur le net de Ségolène et Serge Tisseron qui n’a pas émoussé sa pertinence en étant un habitué des plateaux télé, car nous sortons des visions apocalyptiques ou fatalistes.
20 millions de français sont sur « Face book ».
La pratique pédagogique du psychologue demandant à des élèves d’imprimer leur page « Face book » et de descendre la présenter dans la cour, confronte les jeunes à ce qui est en jeu dans l’exposition de soi et laisse augurer qu’une démarche, qui aille dans le sens d’un bon usage d’Internet, est possible. L’autonomie se conjuguerait avec la réciprocité, sans assujettissement. L’extimité est un néologisme qui caractérise bien ces nouvelles sociabilités, où les relations sociales « assistées par ordinateur » peuvent se maîtriser. Nous optimisons ainsi nos relations surtout en ce qui concerne notre « second cercle ». En rencontrant le plus éloigné, nous pouvons mieux nous retrouver, nous mêmes. L’écran ne fait pas écran à l’individualisme prééminent du 21° siècle, le renforce-t-il ? Ou permet-il des pratiques collectives efficaces, des constructions mutuelles ? Les deux. Il semble que les ados qui passent le plus de temps sur Internet peuvent être les plus sociables, contrairement aux anciens.
Internet profite le mieux à ceux qui ont déjà le plus de confort social.
Si la toile peut être l’occasion de s’assurer quelques amitiés « light », il n’est pas certain que nos capacités d’empathie en soient renforcées.
La fragilité psychique et l'insécurité physique se confondent en ces temps glacials, même si le réel-envahi-par- le- virtuel est une banalité dépassée.
Je viens de trouver sur le net à partir d’un mot cueilli au Forum « in the real life » « IRL » :
La sérendibité: Selon Jean-Marie Domenach, le « principe de sérendibité » « énonce que lorsqu'on cherche, on trouve souvent quelque chose qui n'était pas ce qu'on cherchait, mais qui vous stimule pour de nouvelles investigations ». De Sérendib, prince indien légendaire qui, parti à la recherche d'un trésor, trouva beaucoup de choses intéressantes, et plus intéressantes que le trésor, mais pas le trésor.
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Dans Le Canard de cette semaine.

jeudi 13 janvier 2011

Balkenhol Stephan.

Des statues polychromes en bois tendre dont le socle fait partie de l’œuvre ont la force de l’évidence, alliant une allure familière venue des temps égyptiens à une modernité de bon aloi. Une salle du Musée de Grenoble, jusqu’au 23 janvier, a été envahie par les pingouins tous différents de l’artiste allemand, mais ce sont les représentations d’hommes et de femmes les plus intéressantes, se découpant souvent sur un décor également de bois. Les chairs en bois brut qui portent les traces du ciseau, conservent des ébarbures qui donnent une vibration singulière aux statuettes ou aux visages plus imposants. Lorsque ceux-ci sont en bas relief, le fond lisse vient au premier plan : ces quelques décalages avec des productions traditionnelles en font tout le charme. Un monumental Icare est allongé sur le sol, ses ailes de géant étaient trop lourdes. Souvent ses personnages anonymes sont empreints d’une certaine tristesse, et ses montages cinétiques artisanaux portent explicitement la perspective de la mort, pourtant cette première exposition consacrée à cet artiste est chaleureuse, rassurante, à portée de chacun avec nos bras ballants, nos solitudes, nos blousons et nos pantalons noirs, nos rues de villages aux fanions colorés, nos rêves de voleurs de feu un peu dérisoires, nos secrets.