Sous l’image du « Printemps » de Botticelli,
à travers des œuvres immortelles dont il révélera pourtant des aspects nouveaux, le conférencier
devant les amis du musée de Grenoble a tenu « son fil d’Ariane » en
traitant de l’espace et du temps, de l’homme et de la femme à différentes
périodes de l’histoire:
De l’époque médiévale qui réorganise les codes symboliques
gréco-romains, en passant par la Renaissance quand la quête de la beauté idéale
de Platon est revenue en force, jusqu’au XX° siècle où inconscient et liberté
de création rebrassent romantisme et symbolisme qui s’étaient évadés dans la
violence ou la nostalgie d’un âge d’or.
Botticelli, ouvrier fameux des temps nouveaux,
continuait à peindre à tempéra, à l’œuf, sur des panneaux de bois, ignorant les
lois de la perspective et de l’anatomie. De Vinci trouvait d’ailleurs qu’il traçait
trop nettement les contours de ses personnages.
Clarisse à droite du tableau deviendra Flore dès qu’elle
s’unira à Zéphir. Est ce déjà Flore « en douce attente » qui figure à
côté de Vénus au cœur et au corps parfaits, dont l’âme peut s’élever ainsi
jusqu’à Dieu ? Thèmes païens et chrétiens sont alors rassemblés, les corps
personnifiant les idées.
Dans « Le triomphe de Flore » de
Poussin
dont on ne sait rien avant qu’il ne vienne en Italie, Ajax, présente des fleurs
dans son bouclier, accompagné de Narcisse et Hyacinthe, Smilax offre des liserons, Clythie cueille des tournesols...
Si la bordure florale du tableau d’Arcimboldo a été rajoutée par la
suite, le peintre maniériste est incontournable pour illustrer le cycle des
saisons, des saisons de la vie. Le printemps est le temps de la jeunesse,
d’Hermès et de Mercure, du bélier, l’été est consacré à Apollon et le dragon y
crache son feu.
Le soleil est tout puissant pendant « La moisson » aux couleurs forcément chaudes de Peter Brueguel
l’ancien.
Le Louvre consacre une rotonde aux quatre saisons, le testament
pictural de Poussin, dont fait partie « L'Automne ou La Grappe de
raisin rapportée de la Terre promise ».
En hiver, période de repos, celui de la salamandre, Hadès,
maître des enfers, rode dans les parages.
Dans « L'arbre aux Corbeaux » de Friedrich,
un feuillage renaissant sur un vieil arbre prête à la nature des intentions
mystiques. Pourtant l’un des rares peintres allemands présent au Louvre,
s’était vu refuser un paysage où figurait une croix, jugé inadapté pour décorer
un autel.
Parmi les symboles indépassables, comme chez Bernardo Strozzi, les trois parques
décidaient du sort humain, l’une filait le fil de la vie, l’autre le déroulait,
Atropos le coupait.
Chez Picasso,
ravagé par la douleur de la perte de son ami Casagemas, « La
tragédie » présente des êtres emmitouflés, repliés sur eux-mêmes.
Dans « La mort et la jeune fille » d’ Hans
Baldung Grien, ce n’est pas un squelette mais
un « transi » avec encore la peau sur les os, qui apparaît.
Le « Portrait de Simonetta Vespucci », posthume,
peint par
Piero di Cosimo n’est
pas moins émouvant, quand est rappelé le sort de la plus belle femme de
Florence, la « sans pareille » morte très jeune de la phtisie deux
ans avant Julien de Médicis son amoureux, assassiné.
Méduse, cerbères, sirènes, monstres en dehors des normes,
destructeurs de l’ordre établi, êtres dont la difformité au moyen âge
manifestait le mal, attaquent les élus de Dieu.
Mais la vertu domine la luxure et l’ignorance dans « Minerve
et le centaure » par Botticelli quand
tant d’interprétations peuvent être envisagées à partir de la baie de Naples
placée au centre de l’œuvre, en l’honneur du roi de Naples qui avait refusé de rejoindre la ligue du pape Sixte IV contre
les Médicis.
Dans le tableau de Bronzino intitulé
« l’allégorie de l’amour et du temps », il y a bien
les pétales de roses du plaisir, mais la beauté est trompeuse et la folie crie.
Il s’agit d’une mise en garde contre le « mal des Français » ou « mal de Naples », la
syphilis.
Arcimboldo
a illustré « Les quatre éléments » : l’air,
la terre mélancolique, le feu coléreux et l’eau plutôt d’humeur
flegmatique.
Au centre de la table, attribuée à
Jérôme Bosch « Les Sept Péchés capitaux et les Quatre Dernières Étapes
humaines », l’œil de Dieu « voit tout ».
Vermeer dans « L'Allégorie de la
Foi » illustre les principes de Cesare Ripa au XVI° siècle, dont l’encyclopédie « Iconologia »
qui a marqué des siècles, devait « servir
aux poètes, peintres et sculpteurs, pour représenter les vertus, les vices, les
sentiments et les passions humaines ».
La femme donne son cœur à Dieu et le serpent est écrasé. Au
bout d’un léger ruban bleu, le globe de verre reflète la pièce toute
entière : l’esprit humain peut entrevoir l’infini.
« La jeune femme à la balance » est plus subtile ;
quel sera le destin du futur enfant ? Les plateaux de la justice et de la tempérance s’équilibrent
ou s’agit-il d’une incarnation de la
vanité des
plaisirs terrestres
comme le rappelle l’anamorphose contenue dans le « Portrait
des ambassadeurs de France » d’Holbein ?
D’ailleurs pourquoi
prendre encore des notes ? Pieter Claesz « Vanités »
Dans notre
univers chargé de symboles, les œuvres d’art gardent encore des parts de
mystère ; ainsi Louis Le Nain, « Allégorie de la Victoire », contre qui, la victoire ?