Le film de 3h 30 tourné en 1973 présenté par Jean Serroy a pu
convenir aux amis du musée de Grenoble. Le réalisateur anglais qui a fini sa
vie en France à l’âge de 90 ans, il y a quelques mois, s’était reconnu dans le
destin du peintre expressionniste
norvégien : Edvard Munch (prononcer Munk). « Un travail de génie » Ingmar Bergman. Peter Watkins était resté fidèle à l’esprit du groupe de
« jeunes gens en colère » auquel il avait appartenu avec ses sujets :
nucléaire, guerres, la Commune… et une
critique radicale de la « monoforme » des récits télé ou ciné. Il a fini
par quitter le milieu du cinéma, ses projets se heurtant à des difficultés de
distribution et au mécontentement des producteurs.Intitulé « La danse de la vie » le film n’a pas
été défendu par la télévision norvégienne qui l’avait financé et c’est la
version de 2004 remontée à partir de négatifs que nous avons vue.Tourné avec des amateurs pour lesquels la ressemblance était
un critère essentiel, remarquable pour l’acteur principal, ceux-ci étaient invités
à exprimer leurs propres opinions.Loin des biopics habituels, nous suivons le récit de la vie du
jeune Edvard de 1884 à 1895 entrecoupé de surgissements du passé et de
projections vers l’avenir, d’abord dans le milieu bourgeois de Kristiania
(l'ancien nom d'Oslo). Le jeune artiste se heurte à son milieu protestant, à
son père médecin dans les quartiers ouvriers, en fréquentant les
anarchistes de « La bohème ».
Il est marqué par la folie du grand-père et la mort de phtisie de sa mère et de
sa sœur. Sa passion pour celle qu'il nomme madame Heiberg dans son journal à la
troisième personne s’accompagne d’une prenante jalousie. Après Paris où il apprendra expressionnisme et symbolisme,
il s’installe à Berlin où règne le suédois exilé Strindberg. Cet itinéraire intellectuel croise un parcours
sentimental ardent lié aux mouvements sociaux de l’époque.Les autoportraits naturalistes du début vont laisser passer
l’expression des sentiments avec « L’enfant malade »
« Dans la maison
familiale nichaient la maladie et la mort. »« Nuit à Saint Cloud » et faisant
partie de « La Frise de la vie » : « Le
cri » où est inscrit :
« Ne peut avoir été peint que par un
fou ! »« La Madone » s’abandonne et un baiser passionné devient
celui d’une « Vampire ».
Ces tableaux mis en valeur dans le film
furent reproduits en variant les techniques : eaux-fortes,
lithographie, xylographie comme le cinéaste a multiplié les voix, les façons de
filmer mariant fiction et documentaire. Le son est soigneusement traité avec des
grattages qui amplifient l’intensité des gestes du peintre pourtant fragile, toujours
toussant. Les cris des oiseaux dominent les querelles humaines. Une place importante
est laissée aux critiques adressées à celui qui ne sera reconnu que tardivement.


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