mardi 25 novembre 2025

Le Dieu vagabond. Fabrizio Dori.

Alors qu’en ce moment, les dieux antiques ne sont guère vénérés, un ancien satyre de la bande à Dionysos, se met en route pour retrouver ses attributs perdus pour avoir contrarié Artémis.  
«- Tu ne te lasses jamais de raconter les histoires ?
- Les mythes sont faits pour être racontés. Sans ça, le monde s'appauvrit et meurt. » 
Les beaux dessins ne sont pas encombrés de trop de paroles gardant ainsi toute leur force, leur poésie. 
« Si vous ne voyez pas les choses clairement, 
c’est parce que vous les recouvrez constamment d’une couche de paroles,
Nous les satyres gardons la tête claire, solidement attachées au corps, 
et le corps bien ancré dans la terre. Le monde s’offre à nous spontanément. » 
La mythologie peut enseigner à notre société moderne désenchantée quand une rencontre avec Van Gogh nous entraine aussi vers les étoiles. Les silhouettes des vases grecs ont eu le temps de s’animer en 156 pages au graphisme soigné.  
Cependant cette joliesse, où l’onirisme vêtu des codes élégants de l’art nouveau revu par le pop art, m’a parue un peu figée. Les personnages ayant volontiers la bouteille à la main m’ont laissé au régime sans alcool. J’aurai préféré des Dieux plus incarnés, moins lisses.

lundi 24 novembre 2025

L’étranger. François Ozon.

Le film donnera sans doute envie de lire le livre indispensable de Camus et celui de Daoud  « Meursault, contre-enquête ». Le mérite n’est pas mince. 
L’élégance et l’habileté du réalisateur, son originalité, son audace, se manifestent d’emblée dans l’attente du célèbre incipit qui arrive après une évocation des années 40 dans Alger la blanche : « Aujourd'hui, maman est morte ». 
Il joue aussi avec le cinéma où dans une salle un panneau notifie : « Interdit aux indigènes ».
Le choix d’une pellicule en noir et blanc comme le soleil et de toutes les nuances du gris, éloigne de l’anecdotique et des diagnostics psychiatriques concernant un condamné à mort qui dans la dernière phrase du livre de Camus souhaite :  
« qu'il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine.» 
Nous sommes dans le théâtre de l’absurde dont l’expression ramène - pourquoi pas - à des exercices scolaires, donc à des interrogations, qui au-delà d’un idéal adolescent de sincérité concernent aussi notre rapport à la vérité à l’heure des bilans quand la déraison continue à aveugler le monde.
La sensualité des jeunes corps magnifiquement filmés accompagne la sobriété de passages oniriques allant vers la fable philosophique, alors que les silences, la lenteur, la routine font monter la tension dramatique jusqu’au procès et l’entrevue avec l’aumonier qui constitue pour moi un grand moment.

dimanche 23 novembre 2025

Lacrima. Caroline Guiela Nguyen.

Ces trois heures de spectacle nous ont fait atteindre un sommet d’émotions tout en proposant une multitude de pistes de réflexion au risque de faire apparaître bien fades d’autres propositions théâtrales. 
Quelle créativité autour d’un chiffon fut-il de haute couture !
La réalisatrice comme ses personnages aime le travail bien fait et livre un chef-d’œuvre de clarté abordant les problématiques de l’époque au moment où il est question ponctuellement de Shein, sans tomber dans l’anecdotique à l’obsolescence précoce, nous renvoyant plutôt aux enjeux éternels de notre condition humaine.
Pour la confection pendant des mois d’une sublime robe de princesse, nous partageons l’exigence du créateur soumis aux prescriptions de celle qui portera pendant 27 minutes la robe dont la symbolique dépasse les caprices. Nous admirons l’ardeur des ouvriers de la maison de couture, des dentelières d’Alençon et d’un brodeur de Mumbaï, en Inde, apportant chacun leur part à la beauté du monde.
Leur engagement percute leurs vies intimes et nous pouvons comprendre les burn-out tant la tension est pressante. Une passionnante documentation apparaît habilement à travers des témoignages destinés à une émission de radio quand les ouvrières du siècle précédent obligées au silence s’arrêtaient de respirer tant leur concentration était intense pendant des heures pour un centimètre carré d’or blanc.
La confrontation entre l’Occident et le Sud et notre hypocrisie saillante sont relevées: 
« Vous voulez les plus belles réalisations au prix les plus bas, et l'éthique en plus… 
Vous vous dites garants de la santé des employés, sans que l'exigence d'éthique ne vous coûte un centime … » 
Les urgences de notre univers toujours impérieuses, les échéances affolantes parfaitement rappelées, sont allégées par des sourires avec quelques facéties tempérant les tensions, éloignant le pathos. 
La mise en scène efficace, sans esbroufe, nous fait même subir sans broncher des paroles pas toujours audibles de certains acteurs, comme cela arrive quand une sirène d'alarme se superpose à des cris longtemps retenus. Dans la richesse de cette soirée, j’aime retenir les dialogues où se révèlent les difficultés de dire entre mères et filles, entre la doctoresse et la première d’atelier.
La précision de la description des personnages aux passions violentes ramène au format des séries devenu l’aune de nos addictions, alors que Boby Solo nous aurait susurré « Una lacrima sul viso ». 
Pour souligner la force de cette pièce de théâtre, j’aurai eu envie de la résumer dans une formule du genre : «  la beauté advient au prix des larmes et du silence » mais ce serait faire peu de cas de la subtilité de l’écriture humaniste de madame Nguyen. 

samedi 22 novembre 2025

Les derniers jours de l’apesanteur. Fabrice Caro.

Cette chronique de la vie d’un lycéen juste avant de passer son bac dans les années 80 est moins originale que le précédent roman de l’auteur multicarte
 mais tout aussi plaisante à lire. 
« Et je passais un temps infini, les yeux béants devant des fiches bristol où tout était surligné en jaune fluo, la moindre formule, le moindre mot, de sorte que le fluo en perdait de fait sa fonction.» 
La nostalgie des années Sting, « Cercle des poètes disparus » et « Jonathan Livingstone le goéland » s’illumine dans la douce lumière d’un humour léger.
« Maman il s’est passé du temps depuis mes bons points et mes vingt en orthographe, j’ai grandi, les filles sont passées par là, les fêtes et les copains aussi, […] j’ai lâchement abandonné mon 103 sport et mes goûters au Nutella, Cathy Mourier m’a quitté… »
 Pendant 216 pages lues d’un trait, la banalité prend des couleurs quand l’imagination des adolescents s’enflamme. 
« Elle était lascivement allongée sur la courbe de la fonction exponentielle, sautait à la corde avec la double hélice d’ADN … » 
Les passions théâtralisées sont mises à distance, bien qu’une réussite au Bac représentât alors un passage vers l’âge adulte plus tranché que maintenant. 
« Guillaume Marchand était allongé par terre, sur le bitume, le visage entre les mains, comme un joueur de Roland-Garros à la fin d'un match, et, sans l'expression du visage, il était difficile de déterminer s'il s'agissait d'une marque de joie ou de désespoir infini ». 
Les postures de la jeunesse, les maladresses, constituent pourtant un éternel recommencement. 
« Nous prônions la liberté à tout-va mais nous empressions à la moindre occasion de tout codifier à l'extrême : nos groupes, nos habitudes, notre façon de nous habiller, nos places dans chaque cours, immuables, alors que nous avions le loisir de nous asseoir où nous voulions. Nous ne valions pas mieux que nos parents dont nous aimions moquer la rigidité. »

vendredi 21 novembre 2025

Modifié.

Les manières des réseaux Internet ont envahi tout l’espace.
Il n’y a pas un article dans la presse qui ne précise lorsque la parole est donnée à un témoin : « le prénom a été modifié » comme si mentionner son identité recelait un danger.
Avatars, pseudos et anonymes rejoignent les cagoulés, les voilées d’une société qui prône par ailleurs la transparence et l’expression sans filtre des individualités.
Tellement de gens craignent que Big Brother les surveille tout en rêvant d’être l’objet d’attentions particulières à fort potentiel de followers. 
Parmi les maladies mentales dont nous nous affublons dès les cours de récréation où le mot psychopathe est courant, paranoïa et grosse tête se portent bien, quand montent sur leurs égos les angoissés d’eux-mêmes.
La modestie est une qualité unanimement louée, alors que chacun réclame une place éminente dans le récit des existences sans que cette promotion doive forcément à des qualités remarquables. La proclamation submerge la reconnaissance et pendant ce temps la notion de responsabilité a du mal à être réhabilitée. Je fais ce que je veux mais ne réponds de rien : il doit bien y avoir dans le coin un paillasson en poil de bouc émissaire pour m’essuyer les pieds.
L’I.A. qui décidément me préoccupe, occupe bien des conversations au moment où l’E.I. qui n’est pas seulement mentionné lors des commémorations pointe à nouveau le bout de la kalachnikov en Syrie et place ses pions en Afrique.
Depuis les déserts passés et à venir, et « c’est pas pour dire », on rêverait que des paroles comme celles du premier ministre éthiopien, avant la COP 30, soient performatives : 
« Nous demandons à nos partenaires globaux de ne pas nous financer parce que nous sommes impactés, mais d’investir avec nous parce que nous sommes visionnaires.»
Parmi quelques expressions dont on abuse, « je ne sais pas » ne fait pas partie de la ronde, alors que ce serait l’occasion d’habiller la sincérité avec élégance. 
Par contre « On va voir ce qu’on va voir » montre ses muscles à tous propos tandis qu’il pourrait se contenter de s'annoncer avant quelque mâle combat de MMA (Mixed Martial Arts).
Marine (Tondelier), verte ou marron, (Le Pen) sont dans ce registre de la puissance bravache. Ces permanentes du spectacle aiment dramatiser et toute nuance apparaissant comme une faiblesse est bânie. Les fortes couleurs crépusculaires de l’apocalypse écologique ou migratoire découragent les modestes, les petits joueurs que nous sommes. Elles chérissent leurs victimes spécifiques. Leurs suiveurs minés par le complotisme qui va bien au-delà du cercle des shootés à l'hydroxychloroquine se perdent en interprétations, se bouffent la vie dans la méfiance systématique plutôt que de, choisir, inventer, aimer, faire confiance.
Si le « Rassemblement » ramasse tant de suffrages et C News tant de spectateurs, les excès woke n’y sont pas pour rien.
La radicalité de la gauche nourrit la radicalité de la droite.
La radicalité de la droite nourrit la radicalité de la gauche.
Pour l’instant, en superficiel scripteur, je ne fais pas appel à d’artificielles phrases venues des machines chauffantes, je livre mon jus depuis quelques arbres déchiquetés en recopiant les mots d’Eric Sadin qui regrette que des milliards d’individus trouvent dans les technologies : « l’occasion de ne plus exercer leurs facultés fondamentales, au premier rang desquelles celles de parler et d’écrire à la première personne. […]
Saisit-on qu’une vie privée de l’expression de nos facultés et de liens actifs avec nos semblables ne peut faire que le lit de la tristesse, de la rancœur et de la folie. »
Que soit interdit l'anonymat sur les réseaux sociaux ! 

jeudi 20 novembre 2025

Dunkerque # 1

Après avoir pris nos douches, rangé nos affaires  et suivi les exigences du logeur, nous sommes prêts  à décoller à 9h en direction de Dunkerque.
L’autoroute que nous empruntons s’engage dans des paysages de cultures moissonnées, parsemés  d’éoliennes,  et  le chemin des Dames annoncé en cours de route par un panneau n’est pas si loin. 
Nous ne croisons pas beaucoup  d’aires où boire notre café, nous prenons patience en écoutant à  la radio les stations successives de Ici (ex radios bleu)  nous divertissant de jeux et d’infos parfois incongrues, comme celle de deux wallabys échappés d’un enclos en Belgique.
A l’heure du repas, après avoir vu un 1er terril, avoir  contourné Lille par de grands axes extrêmement chargées nous bifurquons vers ARMENTIERES.
Pas de doute, nous voilà bien dans le Nord.
En ville, les maisons de briquettes rouges d’un ou deux étages s’appuient les unes aux autres  jusqu’à la place centrale où le beffroi parait si imposant avec son clocher que  l’église placée derrière lui fait l’effet d’une petite sœur.
Nous entrons manger au « Cristal » installé sur la place, désert à l’exception d’un client, comme l’ensemble de la ville. Puis nous continuons notre route assiégée par les camions désireux de doubler celui de devant mais sans en avoir toujours les capacités tandis que quelques gouttes de pluie apparaissent sur le pare-brise floutant  un paysage désespérément plat.   
Lorsque nous arrivons à DUNKERQUE, nous branchons le GPS pour nous guider vers le centre et nous nous arrêtons rue Maréchal French ; très centrale cette rue dispose encore de places de stationnement libres, ce qui nous permet d’investiguer la ville à pied, à commencer par l’Office du tourisme comme à notre habitude. Il loge dans le beffroi Saint Eloi, avec en face, de l’autre côté de la chaussée une église portant le même  nom et dotée d’un 2ème beffroi.
Renseignements  habituels pris auprès de l’employée de l’ODT, nous achetons deux billets pour monter dans le beffroi.
Un ascenseur nous transporte jusqu’au 5ème étage, au milieu des cloches dont le bourdon s’appelle Jean Bart ; nous pouvons aussi tourner autour d’un écrin en verre dans lequel se tient un carillon en bois,  avec son clavier particulier formé de grandes touches reliées aux cloches et avec son banc destiné au sonneur. 
Une soixantaine de marches raides dans une cage d’escalier particulièrement exiguë  basse de plafond  restent encore  à gravir avant d’atteindre la terrasse :
et là, récompensés de nos efforts, nous dominons la ville, les bassins du port, la mer, éclairés par quelques rayons du soleil de nouveau parmi nous. 
Le panorama mérite l’ascension !Avant de descendre et de se rapprocher de l’église Saint Eloi, nous la découvrons d’en haut discernant parfaitement son architecture en fonction des toits.
Ils se découpent en trois parties, dont la centrale à 2 pans  recouvre la nef. Quant aux 2 parties latérales, elles présentent une succession de toits à 4 pans.
L’église autrefois nommée  "cathédrale des sables", adopte une forme allongée avec une façade néogothique. L’intérieur se divise en 5 vaisseaux,  la nef étant plus élevée et plus large que les 4 autres. Il abrite dans le chœur le tombeau du célèbre corsaire Jean Bart.
Fortement endommagé durant la  guerre de 14 par des bombes de Zeppelin puis durant  la deuxième guerre mondiale comme dans beaucoup d’autres villes, l’édifice nécessita des travaux de restauration jusqu’en 1985,
et reçut de nouveaux vitraux de style moderne mais discrets révélant la pierre claire des piliers. En témoignage de l’Histoire, subsistent  encore sur la façade des impacts de balles.

mercredi 19 novembre 2025

Goya de Carlos Saura. Jean Serroy.

Plutôt qu’un biopic à propos du géant espagnol après lequel « commence la peinture moderne » (Malraux), il s’agissait de la présentation devant les Amis du musée de Grenoble du film éminemment personnel de Carlos Saura sorti en 1999 sous un premier titre « Goya à Bordeaux ». 
Sa vision propre rejoint l’univers de l’octogénaire devenu sourd qui avait documenté avec vigueur les atrocités napoléoniennes, se situant du côté des « lumières » bien de chez nous.
« J'ai essayé de donner ma propre vision de Goya, réfugié à Bordeaux dans ses dernières années quand il vivait avec son amie et maîtresse, Leocadia Zorilla - qui était beaucoup plus jeune que lui - et avec sa fille Rosarito âgée de 12 ans. J'essaie de raconter ce qu'il était et ce qu'il pensait, ce qu'il faisait à 80 ans dans son exil bordelais : ses passions, ses affections, ses haines, ses hallucinations, ses rêves, ses monstres... » 
Le réalisateur d’une cinquantaine de films a gagné quelques « Césars » et des « Goyas », équivalent des « Oscars »,
il avait déjà approché la vie et l’œuvre de l’auteur du « Très de mayo »
La ressemblance de l’interprète aux 200 films, Francisco Rabal avec Francisco Goya, est frappante et ajoute de la vraisemblance à un film plein d’imagination.
Une naissance clôt en spirale les 100 minutes commencées sous le signe de la mort.
Le peintre de cour sans complaisance,
a aimé la belle et riche duchesse d’Albe
et fait passer l’ordre terrestre au dessus du divin lors du 
«Miracle de Saint-Antoine de Padoue ».
Dans le déroulement chronologique des souvenirs sont évoquées ses sombres estampes, 
ses  gravures crépusculaires, et ses maîtres : « Vélasquez, Rembrandt... et la nature ».
Pour évoquer la riche carrière du natif de Saragosse où se mêlent l’intime avec la grande Histoire, des procédés habiles sont mis en œuvre,  
comme l’appareil du cabinet secret qui permet 
la superposition de La Maja vêtue et de La Maja nue.
Le passé se heurte au présent tandis que la mémoire tourmentée du vieillard réveille une imagination où les couleurs s’assombrissent.
Le cinéma réalise les rêves romantiques en voyant l’au-delà du monde, la réalité intérieure donnant du sens à la réalité extérieure, sans que le bon goût y mette les doigts.

mardi 18 novembre 2025

Astérix en Lusitanie. Fabcaro Didier Conrad.

Ce 41° album réserve peu de surprises, à part la vigie du bateau pirate inévitablement coulé qui  maintenant prononce les « r » lorsqu’une galère phénicienne apparaît à l’horizon. 
«  Ô tempora ô mores ». 
Le pays des pêcheurs de morue sympathiques échappe aux caricatures appuyées.
Les chevelus à la moustache noire dont aucun poil ne dépasse sont nostalgiques et fatalistes : 
« Maintenant tout a disparu, mon cœur est fatiguééé
Mon bonheur à jamais perdu dans la douleur du passééé
Je ne vis qu’avec mon chagriiin Il ne me reste qu’à pleurer » 
Le plus festif des fado souhaite ainsi le bienvenue au « petit anxieux et au gros nonchalant » venus aider à la libération d’un  producteur artisanal de garum ( condiment à base de poissons) victime d’un Pirespès, traitre au service de Pluvalus le gouverneur, prédateur invitant tous les hommes d’affaires implantés en Lusitanie : 
« Paruvendus qui détient tous les papyrus d’information,
Elonmus bien sûr et Meïdinazix, le grand industriel de la caliga de sport… » 
L’évocation de la mondialisation capitaliste naissante s’agrémente d’allusions au milieu de la communication avec un certain Nioubiznes. Nous pouvons reconnaître nos démêlés avec des mots de passe toujours plus complexes, et retrouver la réforme des retraites :
«  Passé 75 ans, on a bien mérité notre repos, pas vrai ? » 
disent deux retraités bien de chez nous en vacances avec leur charavane au Portugal.

lundi 17 novembre 2025

Deux pianos. Arnaud Desplechin.

Il se trouve qu’en ce moment la musique devient un sujet privilégié du cinéma,
 
alors qu’elle en fut souvent un ornement.
Souvent ces films ont été des réussites, alors allons voir « Deux pianos » qui traite parfaitement  de l’exigence de cet art pour moi entouré de mystère. 
Charlotte Rampling à la veille de  ses adieux est bouleversante.
Par contre je me montrerai plus piano piano dans mes éloges concernant l’histoire d’amour plus proche de Zanini dans « tu veux ou tu veux pas » que de Marivaux.
On n’en fait plus des beaux garçons qui s’évanouissent en revoyant une ex, par contre nous avons connu des veuves plus éplorées.
Je resterai donc avec le réalisateur natif de Roubaix, cette fois en terre lyonnaise, avec un avis contrasté comme lors de quelques propositions précédentes. 

dimanche 16 novembre 2025

Imminentes. Jann Gallois.

La douceur initiale, le calme, surprennent quand est annoncé du hip hop dont quelques  performances spectaculaires attendent que la tension monte aux rythmes d’une musique envoutante.
Six danseuses, sans qu’il soit utile de les qualifier de guerrières pour vanter leur énergie, nous tiennent par la main pendant près d’une heure.
Loin des défis virils, leurs intentions apaisantes sont célébrées avec grâce et intensité.
Si des passages s’approchent des rondes enfantines, «  Passez pompon les carillons », les liens entre les individus et le groupe sont exprimés avec simplicité et fantaisie.
Peut-on profiter de belles propositions artistiques à la beauté abstraite détachée des malheurs du monde ? Ecartant l’image de l’orchestre du Titanic, nous pouvons éviter aussi d’être abusé par des intentions vaines prétendant lutter contre les destructions. 
Les bras enlacent, les corps se délient joliment, nous avons passé une bonne soirée.  

samedi 15 novembre 2025

Les rivières pourpres. Jean-Christophe Grangé.

« Les nuages voyageaient lentement dans le ciel,comme un convoi funéraire parti enterrer le soleil. »
 
Le livre policier installe une ambiance surréaliste angoissante bien que des références puissent être familières à ceux qui connaissent le massif de Belledonne dans les Alpes.
« Le jeune Beur observait les réverbères qui clouaient encore les ailes brunâtres de la nuit. »  
Deux policiers violents exercent leurs talents dans des lieux éloignés, mais se retrouvent pour retrouver les coupables d’une histoire horrifique.  
« Nous avons un meurtre stupéfiant, un cadavre pâle, lisse, recroquevillé, exhibant les signes d’une souffrance sans limite. »
 L’angoisse monte et nous avons hâte d’arriver au terme des 400 pages aux dévoilements quelque peu tarabiscotés. 
« Le crime se reflète toujours sur les esprits des témoins et des proches. Il faut les considérer comme des miroirs ; le meurtrier se cache dans un des angles morts. »
 Lecteur complice, nous aimons être manipulés : 
«Chaque crime est un noyau atomique et les éléments récurrents ses électrons,oscillant autour de lui et dessinant une vérité subliminale. » 
Et il peut nous arriver de chérir les stéréotypes même incroyablement increvables. 
« … il serait un combattant des villes, fébrile, obstiné,qui noierait ses propres peurs dans la violence et la rage de l’asphalte. » 
Le goût épicé de la mise en bouche perdure jusqu’à ce que l’accumulation des invraisemblances altère un plaisir qui fut si vif pour tant de lecteurs des années 1998 et des admirateurs du film de Kassovitz avec Jean Reno et Vincent Cassel en 2000 ou de la série par Olivier Marchal en 2018. 

vendredi 14 novembre 2025

I. A.

J’
envoie, vers quelque entrepôt où se réchauffe le Cloud, ces quelques mots destinés à se perdre dans « le silence éternel des espaces infinis » qui persistent depuis Pascal.
Je vacille, ivre de clics, de problèmes démographiques en crise climatique et autres conflits géopolitiques, sur fond d’interrogations éthiques, face aux défis technologiques… Hic !
Le valétudinaire minus remercie l’informatique qui lui permet d’oser s’exprimer.
Chaque jour, dans nos corps, dans nos déplacements, la science fait ses preuves et il serait bien ingrat de dénoncer toutes les avancées artificielles dues à l’agent humain.
Qui peut croire qu’on pourrait interdire l’IA comme on se priverait de penser ?
Mais grâce à la puissance des computeurs, il y aura bien des acteurs pour utiliser comme au judo leur force pour maîtriser la bête, se ménager du temps de cerveau disponible pour travailler et inverser le cours de la facilité, de la coolitude.
Pourrons-nous trouver une voix authentique dans un appareillage appelant au compromis contre les clivages populistes bardés de lignes rouges ? Il conviendrait de laisser à leur illusion de pouvoir nos éminents boucs émissaires et voir en face la puissance des algorithmes et nos paresses numériques, nos tocs et nos éthiques retoquées.
Les lénifiantes ambiances visant à apaiser les cris risquent pourtant de se substituer, dans le domaine des apprentissages, à toute improvisation, à toute fantaisie.
Reliés aux IA, dans les écoles, les bousculés des travaux en îlots tournant le dos aux  paroles magistrales, pourraient à leur rythme, faire valoir leur singularité, reprendre ce qui leur a échappé en toute discrétion face à des machines infiniment patientes. 
Dans bien des entreprises, les bureaux individuels furent bannis, comme fut promulgué le travail de groupes pour les élèves, dans un monde devenu de plus en plus individualiste. Les égos ont explosé oubliant les idéaux entre égaux.
Sur les écrans, une fois contournées haine et bêtise, les pensées pertinentes ne manquent pas. Dans leurs emballages de papier, je saisis plus volontiers les mots qui me conviennent, comme ceux de Julia De Funès qui aime « penser sans bannière » : 
« Refuser la moralisation facile, la soumission technocratique, l’individualisme forcené, l’absurdité normative et le clanisme de la pensée… »
Même pour proclamer notre liberté, faire valoir notre indépendance, nous suivons les autres par machines interposées ou main sur l’épaule (de géants).
Combien s’accordent à déplorer la destruction du monde alors que tant d’autres s’appliquent à le dévaster ? L’acharnement de nos parlementaires à ne pas voir les déficits est un signe d’une déliquescence de nos civilisations proclamée depuis des millénaires. 
Submergé de grands mots tambourinant dans le vide, bien difficile de percevoir des pensées optimistes,  d'avoir connaissance  d'actes responsables.  
Les organisations politiques en phase de putréfaction, telles Gribouille, poussent à une dissolution qui les diluerait. Ces péripéties ne gagnent pas en dignité à s’accumuler dans notre sac à dos qu’on prendrait pour un parachute avant de sauter de la falaise.  
« La terre pressée de se jeter à l’eau trébucha et ce fut la falaise. » 
Sylvain Tesson

jeudi 13 novembre 2025

Châlons-en-Champagne

Nous récupérons la voiture,  et après une petite sieste sur une aire de repos, un arrêt à une station essence, la traversée de bois, de champs moissonnés et de parc éolien important,  nous atteignons Châlons-en-Champagne ( anciennement Châlons-sur- Marne) vers 16h appréciant  le retour d’un temps plus clément.
Nous nous garons immédiatement au parking souterrain du centre commercial idéalement situé près l’hôtel de ville de la place Foch près de l’Office du tourisme, passage obligé.
Celui-ci occupe une magnifique demeure à pans de bois quai des arts au bord d’un petit bout de canal. Nous nous y procurons un plan touristique avec proposition de déambulation vers les lieux dignes d’intérêts de la ville.
Malheureusement, nous y apprenons aussi que l’espace dédié à la mémoire de Cabu baptisé « Duduchothèque », but de notre crochet par Chalons, rouvre bien ses portes demain mais à 14h, lorsque nous serons partis.Déception…
Alors que nous allions sortir un employé nous interpelle pour faire  la promotion de la villa Piquart à Epernay, et nous communiquer sa passion pour les objets utilisés pendant la guerre : il nous présente par exemple un moule à presser les boules de papier à consumation lente servant à se réchauffer, des galoches ainsi que autres ustensiles.
Nous l’abandonnons après un échange instructif et enthousiaste pour nous lancer dans la visite.
Elle commence par la maison natale de Pierre Dac que nous ne trouvons pas, puis le portail de l’hôtel-Dieu réinvesti par la poste, il en subsiste la porte en pierre surmontée d’une croix.
En face le monument aux morts met en scène un groupe de guerriers mené par son chef. Les derniers noms inscrits dans la pierre rendent hommage aux soldats tombés au Tchad, en Yougoslavie et en Afghanistan.
Il nous suffit de nous retourner pour pénétrer dans la cathédrale Saint Etienne.
Elle possède de beaux vitraux dont une verrière complète autour d’Adam et Eve en présence du donateur en prière, sous la protection de Saint Michel.
Un organiste répète et sa musique que je ne connais pas retient mon attention car elle est inhabituelle dans une église. Grâce à Shazam, j’obtiens son titre en me promettant d’investiguer plus tard : « Waves » de Daniel Paterok (je serai d’ailleurs un peu déçue par la version piano mais peut-être le lieu et les différents jeux de l’instrument ajoutaient-ils à son charme ?).
La suite du parcours nous invite à flâner en bordure du grand espace vert appelé grand jard. Il propose des jeux, un skatepark, et d’après un panneau, un « Châlons plage » invisible de l’endroit où nous passons.
Faisant face, de l’autre côté de la route, le petit jard offre un jardin plus ramassé s’avérant plus intime. 
En poursuivant l’avenue Maréchal Leclerc qui  sépare les 2 jards nous tombons ensuite sur le Cirque historique. C’est  l’un des 7 cirques en dur répertoriés en France, ( cf Amiens)  https://blog-de-guy.blogspot.com/2021/06/amiens-beauvais.html construit pour accueillir festivals ou spectacles dans la « capitale européenne des arts du cirque ». Nous revenons sur nos pas, traversons le petit jard où le château du Marché plonge son soubassement dans le Nau,  remontons vers la place de la République,
le marché couvert, nous rapprochant de la place du Maréchal Foch. Nous tournicotons dans les parages, d’abord nous nous engouffrons dans un passage couvert, reliant deux  rues et appartenant à des administrations, dont les parois supportent des plaques en fonte sculptées d’armoiries entre autre.
Puis nous longeons l’Eglise Saint Alpin coincée entre des habitations devenues envahissantes. 
Nous terminons ainsi notre parcours, sans suffisamment de temps pour nous rendre  dans les musées :
musée des beaux-arts (vanté comme l’un des plus vieux de France) musée de cloître Notre dame, celui des machines à coudre (sur RDV) ou encore le musée dégustation Champagne Famille Carbot  et autres maisons du divin nectar.
Sagement, nous effectuons quelques emplettes au centre commercial avant de retrouver la voiture. Le GPS nous guide sans problème à l’adresse du Airb&b, Gédéon, notre véhicule à moteur, trouve refuge un peu plus loin.
Nous accédons au logement via une boîte à clé, grimpons un escalier raide et vétuste, mais l’appartement propret et clair qui nous attend semble tout récent. Nous nous installons, dinons de nouilles chinoises déshydratées, finissons le gaspacho concluons avec le raisin.
Enfin, royalement, nous regardons « la Crime » à la TV installée face au lit.