dimanche 13 avril 2025

Rouen # 1

 Nous partons pour ROUEN distant d’une petite centaine de km, le soleil nous accompagne prenant le pas sur le temps grisou d’hier.
Arrivés en ville, nous réussissons à dégotter une place pour la voiture, dans un  parking couvert du centre-ville (Parking de l’hôtel de ville) déjà bien plein.
C
omme à notre habitude, nous visons l’Office du tourisme en 1er lieu et retenons une visite guidée  pour demain de 15h à 17h.
Puis nous nous rendons chez Orange, où un employé compatissant nous indique un bon réparateur  de téléphonie, SAVE, qui semble pouvoir régler mon problème d’ici ce soir.
Le cœur léger, nous commandons un café en terrasse, espace du palais afin d’élaborer notre plan de bataille,
et avant de nous lancer vers l’église Saint-Maclou dans les ruelles anciennes qui ont su s’adapter à la vie d’aujourd’hui tout en côtoyant un habitat plus moderne. La magnifique façade de l’église répond aux canons du style gothique  du XV°.
En pierres blanches et tendres, elle se divise en cinq arcades suivant un arrondi, décorées de sculptures et d’ornements si érodés que les aspérités s’estompent, disparaissent, rongées.
Nous la contournons, pour accéder à l’Aître Saint-Maclou.
Un aître désigne une cour rectangulaire d’un  cimetière médiéval, le mot vient du latin atrium, soit une cour intérieure possédant une galerie chez les romains.
Dans celui-ci furent entassées jusqu’à six couches de cadavres pendant les grandes périodes de peste.
Les corps y pourrissaient  jusqu’à l’état d’ossements  pour être ensuite  transportés en étage dans l’ossuaire.
Ce très bel ensemble architectural  de maisons à pans de bois à deux niveaux encadrent une cour carrée.
Les poutres longeant les galeries du bas, sablières et potelets  affichent des sculptures  de tibias, de fémurs entrecroisés, de têtes de morts en relation avec la fonction du lieu. Et les piliers en pierre soutenant l’étage portent des statues mutilées aux têtes coupées.
Sur les colonnes des galeries Ouest et Est, la danse macabre des laïcs fait front à la danse macabre des ecclésiastiques.
Au centre, des arbres occupent aujourd’hui la cour ainsi que la terrasse du restaurant le «Hamlet ».
L’aître fut construit au XVI° siècle et constitue l’un des rares charniers de ce type en Europe parvenu jusqu’à nous. Au fil du temps, il fut reconverti en école de garçons, puis de filles en des époques où l’école de Jules Ferry n’existait pas, et en musée des beaux- arts en 1949. Il accueille de nos jours la galerie des Arts du feu et un espace dédié aux expositions ou à des ateliers.
Nous ne choisissons pas « le Hamlet » pour notre pause repas, et devrons renoncer à un restau alléchant « Un grain de » rue Cauchoise servant une cuisine maison traditionnelle  mais pour cette bonne raison, pris d’assaut.
Après avoir investigué dans les ruelles  commerçantes du quartier,  typiques et bien entretenues avec leurs façades pimpantes, nous nous replions sur une brasserie plus ordinaire mais accessible  à côté de l’église saint- Maclou.
Après le déjeuner, ne voulant pas empiéter sur la visite guidée qui nous attend demain, nous optons pour la découverte du cimetière monumental.
Comme il se situe au-dessus de Rouen, nous prenons la voiture mais n’avons aucune peine à la garer. D’ailleurs certains visiteurs entrent directement dans l’enceinte avec leur véhicule.
Une fois le portail passé, des panonceaux justifient le manque d’entretien pour des raisons écologiques et prônent le retour à la nature, au développement de la flore et de la faune, ce qui se traduit par l’abondance d’herbes folles (« mauvaises herbes » n’est pas de mise) et accentue l’impression d’abandon déjà souligné par l’écroulement de vieilles tombes. La comparaison avec le cimetière du Père Lachaise parait abusive, car les sépultures n’offrent pas autant  de variétés et d’originalité.
Même les tombes de Flaubert et de Marcel Duchamp n’attirent et ne retiennent pas particulièrement l’attention. 
Outre ces deux célébrités reposant ici se trouve aussi le musicien J.F. Boieldieu.  Cependant, notre promenade dans les allées  a le mérite de nous offrir une jolie vue sur la ville.
Puisque nous disposons de la voiture, nous nous dirigeons hors centre  vers le Panorama XXL, que le GPS signale près l’université mais nous tournons en rond sans résultat. Une jeune étudiante interrogée fort au fait de la question nous informe de sa démolition depuis plusieurs années…


samedi 12 avril 2025

L’accident. Jean-Paul Kauffmann.

L’ancien otage du Hezbollah dans les années 80 nous conduit à Corps-Nuds, la commune bretonne de son enfance au nom étrange avec une église dont le clocher conviendrait plutôt à une église orthodoxe. A travers le souvenir d’un accident qui coûta la vie à dix-huit jeunes de ce village en 1949 se revisite toute une époque. 
« Entourée d'un étrange non-dit, la tragédie ne traduisait pas la volonté de cacher mais plutôt de garder pour soi, à l'échelle du bourg, la trace d'un traumatisme trop lourd et sa part intransmissible. »
 L’ancien journaliste, fils de boulanger, nous livre 320 pages de gratitude, pleines d’odeurs, de nuances, où chaque mot est pesé pour restituer le plus justement ses souvenirs. 
« Je n’aime pas la nostalgie, cette mélancolie complaisante, maladie qui ne veut pas être soignée, je préfère le nevermore, ce  jamais plus qui ne regrette rien, ce désespoir maitrisé, point hésitant entre l’oubli et le souvenir. » 
Son enfance heureuse dans une après-guerre laborieuse, austère, lui a permis de résister pendant une détention de trois ans, qu’il se garde de brandir comme un étendard.
« Je n'ai fait aucun cauchemar pendant ma captivité. Mes rêves étaient tous bienfaisants. 
La hantise de la mort qui me harcelait pendant la journée, s’évanouissait par miracle pendant la nuit.» 
Des références au mal, au malin, venues de son passé d’enfant de chœur peuvent aujourd’hui s’agiter comme sonnette : 
« Le démoniaque est toujours là. Je le vois aujourd’hui dans cette fatigue générale, la violence triomphale trop consciente d’elle-même, la morosité paralysante et surtout cette confusion qui fait passer le faux pour le vrai. Cette apathie face au mensonge, d’essence diabolique, a fini par gagner les meilleurs esprits. » 
Le provincial évoque des paysages virgiliens, comme le suggère le dessin de première page  avec un virage qui s’avèrera mortel sous un ciel aux couleurs du peintre Nicolas Poussin.
Les tableaux du passé, peints avec sincérité, nourrissent une paisible sagesse.
« Aime ton destin, aime ton sort. 
Ne t’attarde pas sur ce qui te manque ou t’a fait mal. 
Dépasse ton ressentiment. »

vendredi 11 avril 2025

Diable, diable.

Dieu est mort, le diable lui a de l’avenir. 
Dans le débat public, la diabolisation de l’adversaire fait fureur, pendant qu’à droite la dédiabolisation en arrivait au stade de la lutte finale.
Les ouin ouin de cette rive droite de chez droite n’aiment pas la victimisation, quand ce sont les autres qui courent au martyr, ils ont défait la cravate et crachotent.
Avant ils en appelaient à la sévérité de la justice, ces jours derniers ils la trouvent sans pitié.
Leur indignation a fait long feu, mais je ne m’amuserai pas autour de quelque flamme couvant sous les zones à faibles émissions. Je ne me joindrai pas non plus aux juristes d’un jour, ni aux économistes de fraîche date, je reste à la surface des mots qui ne manquent pas de relief mais partent en tous sens.
Trump, tellement incroyable qu’on ne le prend pas au sérieux, a tout éclaté.
Il donne le ton d’un « n’importe quoi » issu du confinement où les complotistes avaient mené une danse décomplexée qui nous obsède encore.
Le plus anti-woke discrédite les universalistes qui ne supportent pas les woke.
Ce prétendu défenseur de la liberté d’expression censure à tour de bras.
« Le journal d’Anne Franck » est interdit au Texas, les PUF (Presses Universitaires de France) ont suspendu la publication d’un livre sur « L’obscurantisme woke ».
Les vérités alternatives nous mettent sans dessus dessous : la Russie n’est pas l’agresseur, le Hamas n’est pas terroriste, la France est colonialiste, pas la Chine…
Toute critique de la gauche est renvoyée carrément côté facho quand inversement est distribué sans nuance le qualificatif « islamo gauchiste ». L’expression devenue le gimmick des amuseurs de France Inter, leur permet de jouer sans fin : « c’est pour rire m’dame ». 
A proximité, l’expression « islamophobe » vise à fermer la bouche à tous ceux qui n’admettent pas que la religion catholique ait l’exclusivité des critiques et des sarcasmes.
De telles cabrioles ressemblent à celles d’enfants cherchant à confirmer l’image qui leur a été attribuée : « Ah ! On a dit que j’étais pénible ; je vais m’appliquer à l’être ».
L’adversaire affublé d’une tunique infamante n’aura pas d’autres solutions que de s’enfermer dans le camp où il a été assigné.
En matière de très grand méchant, l’éléphant républicain dans la pièce est tellement gros, grossier, que nous perdons tout recul.
Le super capitaliste affole les bourses et polarise l’attention. 
Le temps de la découverte des effets pervers est dépassé, peut-on imaginer des effets positifs à des mesures délétères ? 
Tant de bonnes âmes déploraient la marche du monde, maintenant qu’elle est bouleversée, regrets et vœux pieux ne sont plus de mise.
Nous en serions à nous accommoder d’une mondialisation jadis vouée aux gémonies.
Les états privés d’aide au développement remettront-ils en question leur dépendance toxique ? 
 « La guerre arrivée, le diable agrandit son enfer. » Proverbe espagnol

jeudi 10 avril 2025

L’exposition des arts décoratifs de 1925. Gilles Genty.

L’intitulé de cet évènement parisien désormais centenaire se déplie en : 
« Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes » 
assorti de la question posée par le conférencier devant les amis du musée de Grenoble : 
« rupture ou continuité ? » «  Porte d’Orsay »
Prévue pour 1915, cette parade des arts sera-t-elle récapitulative ou prospective ? 
Dix ans après la guerre n’est pas encore soldée, 
des dizaines de milliers de morts au combat n’ont pas été retrouvés.
En 1924, Paris avait reçu 3 089 athlètes (dont 135 femmes) pour les jeux olympiques.
En 1922, Marseille avait accueilli trois millions de personnes à l’ « Exposition coloniale » .
Au cœur de Paris, le grand et le petit palais sont réutilisés
et le pont Alexandre III rhabillé, 
pour accueillir des boutiques de luxe
https://blog-de-guy.blogspot.com/2017/01/construire-en-metal-au-xix-siecle.html
Deux conceptions coexistent symbolisées par « La porte d’honneur » 
et  « La porte de la Concorde » qui déconcerte le public à l’image de « Bécassine » : 
« C'est la porte monumentale de l'exposition, dit le jeune homme
- Mais il n'y a pas de porte.
- Justement : en art moderne, on appelle une porte ce qui n'est pas une porte.
Il faut bien que l'art moderne se distingue d'une façon quelconque de l'art ancien. »
Les finances publiques étant exsangues, les institutions privées sont sollicitées.
Lalique a édité en format plus petit les sculptures provenant 
de la fontaine «  Les sources de France » construite devant son pavillon.
« L’atelier du Studium » des magasins du Louvre vise comme l’écrit « l’Illustration » :   
« à composer des choses pratiques, bien exécutées pour échapper aux vicissitudes de la mode, sobres pour conserver leur agrément, modérées de prix pour répandre dans le grand public les bienfaits individuels et sociaux de la stabilité du foyer. »
Le projet tout en couleurs « La primavera » pour « Le Printemps » a été modifié mais aucune image n’est parvenue des lumières qui traversaient le toit à travers des verres colorés.
Les concepteurs de l’ameublement exposé dans l'espace Pomone du « Bon marché » ambitionnent « d’industrialiser une beauté mise à la portée de tous ».
Cette « Céramique de Maurice Dufrène » porte le label « La Maîtrise », 
atelier des galeries Lafayette.
Paul Poiret, le couturier, au bord de la faillite, avait aménagé en bord de Seine trois péniches baptisées « Amours » pour la chambre à coucher, « Délices »pour un restaurant et « Orgues ».
Un « Chiffonnier » en galuchat ( peau de squale) se remarquait destiné à la chambre de l’ambassadrice au pavillon de la Société des Artistes Décorateurs.
Le « Bureau-bibliothèque de l’Ambassadeur »
sous son plafond en dôme, devant des rayonnages en bois de palmier
est posé sur « La Sirène »
un tapis de Jean Lurçat.
Jacques- Émile Ruhlmann
, « le pape de l’Art Déco » 
présentait un « Bureau de dame » en ébène de Macassar et denticules d’ivoire.
Jean Dunand, dinandier, a choisi de travailler la laque : « Vase laqué ».
A l’heure où La Tour Perret, construite en béton armé s’élève la même année à Grenoble à l'occasion de l'Exposition internationale de la Houille blanche et du Tourisme, 
les frères Perret construisent « Le pavillon de la librairie » pour la Samaritaine.
Guimard
doit se contenter de « La mairie du village français »  
coincée parmi d’autres constructions.
Parmi les rares propositions étrangères, Victor Horta a conçu le pavillon belge. 
Le raffinement des volutes Art Déco s’efface peu à peu faisant une place aux lignes droites  du Modern Style, avec le « Pavillon du tourisme » de Mallet-Stevens et son vocabulaire industriel.
Le pavillon  «Esprit Nouveau » de Le Corbusier, construit en éléments standards proposant des solutions économiques, se démarque tellement par sa sobriété, qu’il fut un moment caché par des bâches.  En 1977, une réplique a été réalisée à Bologne, en Italie. 
 « L'art de 1900 fut l'art du domaine de la fantaisie, 
celui de 1925 est du domaine de la raison » 
Charles Dufresne
« Les Perruches »
Jean Dupas