Après avoir aperçu quelques versions télévisées à mes yeux
ringardes, il vaut bien mieux la lecture ou la relecture pour un des plus grands,
des plus riches de nos écrivains.
Chaque mot compte et aucun n’est de trop : cruel,
magnifique, juste.
« On est
gai sur la colline, mélancolique au bord des étangs, exalté lorsque le soleil
se noie dans un océan de nuages sanglants et qu'il jette aux rivières des
reflets rouges.
Et, le soir, sous la lune qui passe au fond du ciel, on songe à
mille choses singulières qui ne vous viendraient point à l'esprit sous la
brûlante clarté du jour. »
Les scènes de la campagne normande dans leur rude vérité m’ont
paru plus touchantes que les comédies des ministères dans « L’héritage ».
Au-delà de l’évocation d’un siècle disparu, c’est toute la
condition humaine qui est puissamment représentée :
« L'hiver
s'écoula. Il fut long et rude.
Puis le premier printemps fit repartir les
germes ; et les paysans, de nouveau, comme des fourmis laborieuses, passèrent
leurs jours dans les champs, travaillant de l'aurore à la nuit, sous la bise et
sous les pluies, le long des sillons de terre brune qui enfantaient le pain des
hommes. »
L’auteur du « Horla » peut servir d’exemple
d’efficacité et de profondeur dans chacun de ses portraits :
« Toine, en
effet, était surprenant à voir, tant il était devenu épais et gros, rouge et
soufflant. C’était un de ces êtres énormes sur qui la mort semble s’amuser,
avec des ruses, des gaietés et des perfidies bouffonnes, rendant
irrésistiblement comique son travail lent de destruction. Au lieu de se montrer
comme elle fait chez les autres, la gueuse, de se montrer dans les cheveux
blancs, dans la maigreur, dans les rides, dans l’affaissement croissant qui
fait dire avec un frisson : « Bigre ! comme il a
changé ! » elle prenait plaisir à l’engraisser, celui-là, à le faire
monstrueux et drôle, à l’enluminer de rouge et de bleu, à le souffler, à lui
donner l’apparence d’une santé surhumaine ; et les déformations qu’elle
inflige à tous les êtres devenaient chez lui risibles, cocasses,
divertissantes, au lieu d’être sinistres et pitoyables. » Essentiel.
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