samedi 17 novembre 2018

Un monde à portée de main. Maylis de Kerangal.

Le charme et la force de l’auteur de « Réparer les vivants » continuent à faire leurs effets
http://blog-de-guy.blogspot.com/2015/10/reparer-les-vivants-maylis-de-kerangal.html alors je me suis précipité sur les 285 pages de son nouveau roman documenté qui a mis quatre ans pour voir le jour.
 « …blanc de zinc, noir de vigne, orange de chrome, bleu de cobalt, alizarine cramoisie, vert de vessie et jaune de cadmium… » 
Le monde des peintres de trompe-l’œil décrit avec la minutie habituelle de l’écrivaine en chef peut sembler très spécial : nous passons d’une école Bruxelloise à divers chantiers en Russie, à Cinecitta , à Lascaux. Et grâce à l’élégance de l’écriture et l’empathie de l’auteur avec ses personnages, nous  retournons à l’enfance de l’art, pénétrons au cœur de notre temps, des images, du roman, du réel, des passions. Et du fracas ! 
Le rappel d’un évènement qui a modifié ma vision du monde m’a fait un effet de flash, mais je ne peux le divulguer, pour que le lecteur ait une révélation semblable à la mienne. 
Quelques  lignes suffisent pour donner une profondeur supplémentaire à une histoire d’amour qui va finir par se parer de tous les atours de la peinture :
 « comme s’ils se peignaient l’un l’autre, comme s’ils étaient devenus des pinceaux et s’estompaient, se frottaient, se râpaient, se calquaient, relevant les veines bleues et les grains de beauté, les plis de l’aine et l’intérieur des genoux… »
Le scénario sans aspérité permet de mieux percevoir l’intensité d'une quête de la vérité par trois jeunes. Leurs mœurs peuvent dérouter les vieux papas, mais ceux-ci se rassureront en considérant la finesse que leurs enfants mettent en œuvre pour aborder la vie.
« Paula commence à peindre, condense en un seul geste la somme des récits et la somme des images, un mouvement ample comme un lasso et précis comme une flèche, car l'écaille de la tortue contient à présent bien autre chose qu'elle-même, ramasse les genoux écorchés d'une fillette de cinq ans, le danger, une île au fond du Pacifique, le bruit d'un œuf qui se lézarde, la vanité d'un roi, un marin portugais qui croque un rat, la chevelure ondoyante d'une actrice de cinéma, un écrivain à la pêche, la masse du temps et sous des langes brodés, un bébé royal endormi au fond d'une carapace comme dans un nid fabuleux. »
Pour qui aime la peinture et la littérature, qui ont décidément à voir ensemble, le plaisir sera double.

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