jeudi 29 novembre 2018

Flashback sur scène. Jean Marie Périer.

Ce « stand-up » de deux heures devant les amis du musée de Grenoble au ton différent des conférences habituelles convenait tout à fait au sujet du soir. La musique était très présente puisqu’il s’agissait de partager l’éblouissement qui dure encore du photographe de « Salut les copains » lorsqu’il a rencontré toutes les vedettes de la chanson des années 60.
La salle a pu se laisser aller à la nostalgie sans vergogne car l’évocation de ces années a su conserver la légèreté que l’on prête à notre jeunesse.
JMP venait d'avoir l’honneur de toute une page dans le Dauphiné libéré,  il a rendu hommage à son père le comédien François Perrier, alors que c’est un des amants de sa mère qui lui a révélé que son géniteur était Henri Salvador. Il n’a pas prononcé son patronyme, comme à d’autres moments il a fait preuve de pudeur, évité la vulgarité. Le photographe a mis en scène tous les héros des ados d’alors mais n'était pas un paparazzi : lorsqu’il va chercher Brigitte Bardot que les Beatles voulaient rencontrer, il n’a pas pris de photos.
Passionné de musique, un jour, il a fermé le piano pour toujours. Au retour d’un tournage d’un film de Fellini  où son père l’avait amené, sa rencontre avec  Daniel Filipacchi  va être déterminante pour sa carrière. Avec lui, il fait la connaissance des rois du jazz : Miles Davies, Ella Fitzgerald… et Dizzy Gillespie qui un jour embarqua le jeunot dans sa limousine sous le nez de tous les photographes chevronnés  l’attendant à Nice.
Il accomplit son service militaire à Oran d’où il revient avec la conviction que la guerre par les civils est encore pire que "les évènements".
Et puis tout commence avec «  Salut les copains » doté de la seule consigne du patron Filipacchi : «  Faire des photos qui déplaisent aux parents ». Scandale quand Johnny pose devant le drapeau tricolore !  A l’époque Aznavour et Devos sont les seuls à le défendre.«  Je préfère passer pour un con, comme ça je les vois venir »
La proximité est grande entre le photographe et ses modèles aussi jeunes que lui, ne refusant jamais ses propositions les plus délirantes, les plus poétiques, les plus belles.
Le mur de ce soir composé de photographies drôles, tendres, fraîches, est raccord avec la programmation de l’association invitante qui consacre ses saisons à partager la beauté sous toutes ses formes. Si une photo de Delon sera de toute façon réussie, l’allégresse de ce temps et l’optimisme éclatent encore depuis toutes ces pages en papier glacé, auxquelles les tapisseries doivent bien des trous.
Des vies à 280 à l’heure : JMP se retrouve avec Johnny n’ayant pas dormi depuis 3 jours dans une Lamborghini qui devait rejoindre Bayonne depuis Saint Tropez. Il y aura arrêt à Tarbes autour d’un arbre où il a failli finir comme son idole James Dean.
L’idole des jeunes était accessible et son photographe un intime, n’aime pas les inélégants abimant les souvenirs, ni ceux qui parlent du « taulier » alors que son ambition était de faire de la musique avec ses potes et se donner sur scène. C’est l’époque où certains jeunes gagnent plus d’argent que leurs parents où les stars vivent essentiellement par le regard des autres.
Il mettra les Beatles dans sa poche alors que son anglais est déplorable en les faisant poser allumant une cigarette, pour un seul cliché ; il y aura d’autres séances.
Photographier Antoine au milieu des Champs Elysées ne posait aucun problème, ni suivre Chuck Berry qui ne commençait pas ses concerts sans avoir été payé en cash. Passer de l’exigeant Claude François avec le plaisir encore vif d’avoir connu les Claudettes, à Dylan le solitaire au milieu des foules, chantant « I want you » à Françoise Hardy, demande de l’agilité. Et tout était possible, pour les jeunes nababs, quand avec Dutronc ils se déroutent vers Hong Kong à la suite de divines hôtesses de l’air. Il reste de la tendresse à l’égard de ses conquêtes Marianne Faithfull et Françoise Hardy, sans forfanterie excessive.
Il nous livre quelques manies de James Brown se lissant sans cesse les cheveux, vivant entouré de noirs qui lorsqu’il vit arriver le petit français remarqua sa nature métisse d’un mouvement oscillant de la main. Eddy Mitchell fut déçu par son voyage au pays des westerns mais il fut aussi question de Mike Jagger, la bête de scène qui savait instantanément redescendre sur terre même après un concert à Hyde Park devant 500 000 personnes, deux jours après la mort de Brian Jones.
Pour donner une idée de la variété des yéyés en ses sixties, et résumer ces belles années, internet est un bon recours pour mettre des noms sous la photo en tête de l’article, dite « du siècle », prise en 1966 où figurent :  S. Vartan - Johnny - J.J. Debout - H. Aufray - Catherine Ribeiro - E. Mitchell - Danyel Gérard - Claude Ciary - F. Gall - S. Gainsbourg - Frankie Jordan - M. Torr - Sheila - Chantal Goya - Danny Logan - Michel Paje - Ronnie Bird - Monty - Sophie - Noël Deschamps - Jacky Moulière - Annie Philippe - C. François - Eileen - Guy Mardel - Billy Bridge - M. Berger - Michel Laurent - Nicole (Surfs) - Adamo - Thierry Vincent - Tiny Yong - Antoine - F. Hardy - Benjamin - D. Rivers - Monique (Surfs) - H. Vilard - Jocelyne - Dave (Surfs) - Rocky (Surfs) - Coco (Surfs) - Pat (Surfs) - Pascal (Le petit prince) - Chouchou - R. Anthony - Christophe.
Il manque Nino Ferrer, Petula Clarck et  Jacques Dutronc.

1 commentaire:

  1. Et bien, il est un bel homme. Mais, tout compte fait, je ne peux pas m'empêcher d'être triste qu'il ait choisi de fermer son piano pour aller se faire le PRODUCTEUR de tant d'autres.
    Certes, il a réussi une carrière qui l'a mis bien en vue, mais bien en vue en PRODUISANT d'autres, il me semble. Au dépens de son piano, et de sa musique.
    Je vais être dure, mais pour moi, il y a une forme d'échec, et de lâcheté dans son abandon du piano. (D'autant plus que je passe beaucoup de temps avec le mien... et c'est un sacerdoce. Le piano est un lieu, où, quand on est assis devant, il n'y plus de possibilité de faire illusion à soi-même, plus de possibilité vraiment de se dérober. C'est un lieu de vérité pour ceux et celles pour qui le piano n'est pas un "hobby". C'est un lieu où il faut travailler, et où le travail est récompensé, et le manque de travail... puni. C'est un lieu de justice, et de justesse.)
    La vie de Périer est un album d'instantanés accumulées.
    Oui, je le juge durement. Un jour se jugera-t-il durement ? Le fait-il déjà ?
    En tout cas... il a réussi, aux yeux du monde...
    Etre photographe, écrire des souvenirs, est-ce être auteur/compositeur comme le père géniteur ? Est-ce sur le même plan ? Quelque chose dans le fait de s'installer derrière un objectif pour regarder le monde me gène maintenant...

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