mercredi 10 février 2021

Vézelay.

Le camion qui transporte les veaux vers d’autres horizons nous a servi de réveil matin.
J. nous a préparé un copieux petit déjeuner. Grande bavarde, elle nous parle de ses origines parisiennes sur trois générations, évoque son travail à la banque, sa passion pour les BD, se plait à citer ses nombreux amis « intimes » et illustres d’ici ou de Paris (JP Marielle par exemple) et explique sa présence à Givry suite à son divorce (et sa retraite).
On ne s’ennuie pas au contact de cette femme directe et à la personnalité intéressante.
Elle nous fournit aussi des renseignements pratiques pour nos visites d’aujourd’hui.
Il pleut au moment où nous montons dans la voiture.
Nous gagnons VEZELAY par une charmante petite route indiquée par notre logeuse. 
Nous aboutissons directement  au parking sous des tilleuls  avant de passer la Porte Neuve du XIV°  rénovée et n’hésitons pas à nous engouffrer dans le Musée Zervos pour échapper à la bruine et à la fraicheur. (Voir l’article sur ce blog, demain jour des « Beaux arts »)
Nous sortons sous une bruine « bretonne » ; 
les ouvertures et fermetures de parapluie s’enchainent  pour explorer brocante, 
galeries de peintures ou photos qui nous escortent jusqu’à l’arrivée devant la basilique Sainte Madeleine en haut de la rue.
Nous tombons sur une façade romane particulière, dans un ensemble revu par Eugène Viollet-Le-Duc.
Quand nous pénétrons à l’intérieur, la messe n’est pas finie. L’église renferme bon nombre de fidèles et pèlerins dont les chants s’élèvent  avec assurance.
Beaucoup de scouts sont présents, leurs sacs à dos et bâtons sont appuyés aux murs. Pendant ce temps, les visiteurs patientent dans le narthex et observent  les lieux  en attendant de les investir.
La pierre blanche récemment nettoyée donne une belle luminosité à l'abbatiale. La voûte s’inscrit incontestablement dans l’art roman, mais des arcs dérogent au plein cintre  et se terminent brisés, en pointe. Laissées en témoignage, des croix en bois jalonnent les bords de la nef ; elles ont été apportées en 1946 lors de pèlerinages en provenance de plusieurs points d’Europe. L’une d’elles fut fabriquée par des prisonniers allemands et déposée au milieu des autres à leur demande.
En passant devant la  chapelle de Saint Antoine, nous sacrifions au rite de brûler un lumignon  en hommage habituel à nos amis avec qui nous partageons cette tradition, puis nous descendons à la crypte qui renferme les reliques de Sainte Madeleine.
Dans ce joli lieu frais et bas de plafond, se côtoient art roman et art gothique au vrai sens du terme : pilier roman contre piler gothique,  voûte romane  contre voûte gothique. 
Le sol inégal et défoncé semble taillé directement dans le roc.
Nous sortons par le cloître et la salle capitulaire. Le temps s’éclaircit, le soleil nous accompagne même lorsque nous flânons vers le jardin et le point de vue.
Nous nous approchons d’une esplanade et assistons derrière un petit muret  à un rassemblement de scouts disposés en U face à quatre adultes ; ils se préparent à une cérémonie pour le passage de jeunes aspirant à un grade plus élevé. Nous sommes surpris, par des cris inhumains à la limite de ce que peuvent produire des cordes vocales, lancés par chaque chef de section, repris en style responsorial par leur groupe. Outre le signe « scout toujours prêts », des règles et une discipline quasi militaires solennisent le moment : le candidat honoré présenté par son chef met genou à terre face aux adultes, fait des promesses puis est salué par l’ensemble de la communauté : on croirait  assister à l’adoubement d’un chevalier ! Nous retrouverons plus tard toute cette jeunesse braillant dans les rues de Vézelay avec des voix de vieux légionnaires « halte là » ou « auprès de ma blonde ».

 

mardi 9 février 2021

L'affaire Zola. Chapuzet, Grave, Girard.

Il s’agit de l’affaire Dreyfus vue par la femme légitime de Zola, Alexandrine, Jeanne Rozerot sa maîtresse étant la mère biologique de ses enfants. 
Le récit est consacré à l’évolution de l’auteur des Rougon-Macquart s’engageant contre un antisémitisme dont on mesure une fois encore la virulence (1894 condamnation de Dreyfus) 
Les auteurs ont choisi de commencer par la fin, l’assassinat par asphyxie, thèse qui n’avait pas été retenue à l’époque, comme est simplifiée semble-t-il sa rencontre avec un modèle de Cézanne, mais pour traiter d’un des plus grands romanciers, on ne peut reprocher de romancer. Les dessins sont agréables qui citent «  le déjeuner sur l’herbe » ou Caillebotte. 
Le scénario efficace réussit en 125 pages à rendre compte de la bêtise de l’armée, de la force et de la loyauté de Dreyfus, des effroyables conditions de détention, du courage de Zola, de la violence des foules … Il écrit à la femme d’Alfred Dreyfus : 
« Madame, on vous rend l’innocent, le martyr, on rend à sa femme, à son fils, à sa fille, le mari et le père, et ma première pensée va vers la famille réunie enfin, consolée, heureuse.
Quant à moi, je le confesse, mon œuvre n’a été d’abord qu’une œuvre de solidarité humaine, de pitié et d’amour.
Lorsque la religion du Christ avait mis quatre siècles à se formuler, à conquérir quelques nations, la religion de l’innocent, condamné deux fois, a fait, d’un coup, le tour du monde, réunissant dans une immense humanité toutes les nations civilisées.Et comptez sur nous, pour sa glorification.
C’est nous, les poètes, qui donnons la gloire. Nous autres, Madame, nous allons continuer la lutte, nous battre demain pour la justice aussi âprement qu’hier. Il nous faut la réhabilitation de l’innocent. »

lundi 8 février 2021

En thérapie. Olivier Nakache Eric Toledano.

En réaction à l’engouement viral pour les séries, j’avais envie de me rappeler que je n’avais pas suivi de feuilleton depuis Steve McQueen, dans « Au nom de la loi » (1958), bien que les « Borgia » et quelques « Rois maudits » sur Canal m’aient accroché, il n’y a pas si longtemps ... (2005).
Je viens d’être séduit ce jeudi soir sur Arte par un psy, ses patients et sa contrôleuse.
Les témoignages de chacun dans un dispositif respectant unité de temps et de lieu sont passionnants, donnant aux acteurs, excellents, l’occasion de prouver leur talent. 
La parole est au centre des attentions et à travers ces cas personnels notre société se révèle avec ses violences et son empathie, ses dénis et sa recherche de vérité, dans l’humour et le drame.
Le format est parfaitement adapté au défilé des clients chez un  thérapeute, Frédéric Pierrot, qui aura bien besoin de se confier à son tour à Carole Bouquet : c’est épuisant et attachant, addictif dit-on.
Le traumatisme du massacre du Bataclan de 2015 est la première raison qui amène une chirurgienne puis un policier de la BRI à venir consulter, mais transfert et crise d’angoisse remontent à plus loin. Une sportive suicidaire, un couple en crise ne sont pas moins bouleversants, quoique réticents à se confier eux aussi.

dimanche 7 février 2021

Comme un ours. Alexis HK.

J’adore la voix du chanteur et les voies qu’il emprunte
après son précédent CD  qui rendait hommage à Georges Brassens parfaitement saisi :« J’aimais son irrévérence nonchalante ».   
Bien que faisant partie de la famille, il n’apportait pas de nouveauté respectueuse comme le fit à merveille Le Forestier, voire Joann Sfar, à la Cité de la musique 
L’auteur des « Affranchis » se présente en nœud pap’ sur la pochette mais se retrouve seul à table, 
« Comme un ours » bipolaire
Un ermite en colère » 
L’humour est noir, et le coq, 
« Les pieds dans la boue » 
« pactise avec les plus noirs instincts que les crises attisent ». 
Mais « Je me suis assoupi » dit-il et il découvre soudain 
« Quand la face du monde
A des mimiques de vilaine ogresse » 
Gavé de « religieuses », de « forêts noires », de « financiers », 
son désespoir en devient « Sucré ».
L’évocation de « La chasse » rappelle « la gallinette cendrée » du sketch caricatural des « Inconnus ». Ces pauvres types plein de « la rancœur de nos cœurs mal aimés » finissent par traquer un homme, un étranger.
L’amour peut réserver des surprises et  « La fille à Pierrot » démentir l’adage du bistrot de son père : 
« Il vaut mieux admirer la beauté en fleurs
Que de vouloir l’enfermer tout au fond du cœur »
 Lorsque les déclarations d’amour paraissent douteuses,  
« Je veux un chien »  avec ses étincelles dans les yeux, même baveux, celui là peut bien mettre des poils partout : 
«  C’est un ami qui te guérit de la défaite 
 Qui te suivra même si tu finis malhonnête » 
Le fils de sa fille auquel il dit « Salut mon grand » lui répond « salut  Papounet » et le ravit, alors après quelques précautions, il lui enseigne : 
« Vivre de nos jours, c’est au moins
Aussi moelleux
Que d’être un gueux en 1381. »
 Pourtant « Marianne » en novembre 2015, à Paris, en terrasse, pleurait : 
« Toutes nos illusions perdues en quelques secondes à peine
Consumées par le feu et les larmes des hommes qui saignent » 
Peut-on croire que même « Porté » par « la charité des vents » :
«  La prose apaise nos ecchymoses  
Approche le secret des choses » ? 
Sous « Le cerisier »,
« Il est doux le temps des cerises » 
« Un beau jour » a des airs mélancoliques puisque « je partirai »
et la profusion d’images de bonheur du clip
permet de croire à la lumière :
«  J’oublierai les baffes à l’âme
Et les coups bas
J’oublierai le goût des larmes de sel
Entre tes doigts » 
La justesse des mots, la simplicité des mélodies, font le plaisir de ces retrouvailles dans l’attente de nouvelles chansons plus allègres dans le style des « Ronchonchons ».

 

samedi 6 février 2021

Routiers. Jean-Claude Raspiengeas.

« L’univers des routiers, que l’on croit figé dans son folklore et dans ses traditions, fait l’objet d’une mutation considérable. »
 
Dès la dédicace s’annonce une économie de mots et une revalorisation de leurs sens 
« A mon père qui connaît la route et le chemin. » 
Une chronique heure par heure du travail essentiel d’hommes et de femmes, forçats du bitume,  alterne avec des rappels historiques, des prospectives, pointe les évolutions des organisations, des technologies, des comportements humains, avec une empathie sans pathos. 
« Un grand fabricant de phares trouve un slogan revigorant : 
« Cibié, c’est la nuit qu’il faut croire à la lumière ».
 Le responsable de la rubrique culture du journal «  La Croix » cite de nombreux ouvrages sans nous éblouir de ses phares : 
« Dans mon travail, je ne vois pas beaucoup de sourires et je ne dois pas en faire beaucoup, pas même à moi. Tant mieux. Personne n’a envie de lever les yeux et de voir un camionneur sourire. » James Anderson.
Il fouille un sujet qui concerne tant de professions : 
« Que s’est-il passé, entre des décennies de respect pour ce métier ingrat qui pourtant faisait rêver, et le mépris d’aujourd’hui ? Pourquoi le lien de confiance établi et conforté avec ces missionnaires de la route s’est-il brisé ? Et pourquoi ce métier n’attire-t-il plus ? » 
Le temps de Max Meynier et ses routiers sympas aux initiatives grandioses est passé, les préoccupations environnementales, les mutations numériques, logistiques amènent à penser à des véhicules sans personne.


vendredi 5 février 2021

Contagions.

Notre époque en peluche s’éclaire à des feux d’artifices devenus des armes.
Un paradoxe encore dans une période prétendue transparente se vautrant dans le déni : faut pas dire ! Ou alors n’importe quoi genre « dictature sanitaire ».
Le propriétaire de l’Olympique de Marseille avait raison de comparer le saccage du centre d’entraînement de son équipe à l’assaut contre le Capitole à Washington: la frustration ne se supporte plus, la défaite n’existe pas, alors on brûle ce qu’on a adoré et la bagnole du voisin. 
La violence n’est pas un phénomène nouveau, mais bien des porteurs de micro en cravate ont participé à son infiltration dans tous les pores de nos rapports sociaux. Ils s’abreuvent au monde qu’ils vilipendent, avec l’arrogance d’un Ali Baddou à toute heure.
Leur conscience (mauvaise) d’être dans l’entre soi a validé la radicalité de nouvelles paroles féministes ou antiracistes après que les invisibles aient enfilé des chasubles voyantes qui ont marqué notre présent.
Les plus légitimes revendications ne peuvent justifier le saccage de permanences électorales; quand les menaces deviennent banales, la démocratie est alors en danger.
Le monde est à l’envers : une militante laïque Fatiha Boudjalat, professeure d’histoire et géographie dans un collège, est sous protection depuis que SUD et la CGT, des syndicats, l’ont livrée aux réseaux sociaux.
La virulence a été corrélée à l’efficacité. Les services d’ordre syndicaux, quand il y en avait, s’avérant vulnérables, les autorisations préalables de manifester en l’absence de responsables étant négligées, d’aucun ont été inspirés par un affranchissement de toute règle.
Entre deux livraisons de sushis par les parias de Deliveroo, les intermittents de la morale font de la publicité aux bénéficiaires du RSA en ZAD. Leurs leçons concernent les auditeurs de RTL mais se gardent de relativiser les impatiences des impatients de la « teuf» .
Ce qui ne concernait qu’une niche, une catégorie, devient cause commune et fait causer alors que les corporatismes demeurent irascibles, les individus de plus en plus isolés, les groupes refermés. La violence a ses attraits et ses traits les plus saillants, les plus médiatiques se diffusent au-delà des porteurs de cagoules; voire également la fortune d’une gentille idée comme le revenu universel qui est souvent comprise comme un dû de la société à laquelle on ne doit rien.
Nos repères vacillent, quand par-dessus le marché, ceux qui disent la loi enfreignent le plus universel des tabous, l’inceste. L’adhésion aux exemples attendus de là haut est un peu plus remise en cause.
Mais foin de ces déplorations, il peut y avoir des penseurs qui nous remettent sur pied par la clarté de leur analyse, même si le conflit est au bout. Ce doit être ça la vie. 
« Le débat présuppose à la fois une forme de rationalité et un minimum d’empathie. La culture de la guerre assimile la discussion à la trahison et le compromis à la compromission. Les échecs de ces deux rationalismes que sont le libéralisme et le marxisme se mesurent à la valorisation contemporaine de l’émotionnel, de l’évangélisme au populisme. J’aventurerais une hypothèse un peu lourde : que le XX°siècle, jusque là dominé par un agenda chrétien, s’éloigne en fait en grande vitesse d’une perspective orientée. A cet égard le marxisme aura été le dernier grand monothéisme. Au sens étymologique, la désorientation s’installe. Ce n’est pas nécessairement négatif. Culturellement il y a un « génie du polythéisme ». Mais politiquement cela conduit à une histoire, disons à la chinoise: une succession ininterrompue de « mandats du ciel » régulée seulement par les rapports de force » 
Pascal Ory dans l’hebdomadaire « Le 1 » s’interrogeant : « Peut-on encore débattre ? »
J’ai compris ces réflexions comme un constat de la variété des opinions, mais je ne suis pas sûr que l’exercice de la contradiction soit admis par toutes les parties prenantes car les freins aux évolutions sont puissants. A trop fréquenter les réseaux sociaux mon taux de pessimisme ne risque pas de chuter, la mauvaise foi n'est pas en régression et le vieux ne voit plus que vœux pieux dans la persistance à croire au « en même temps ». Si je maintiens sous forme interrogative : « est-ce que la sagesse prévaudra sur l’arthrite et les démagogies?» c'est que je n'ose formuler la réponse.
Pourtant il va falloir s’adapter bien que le vieillissement de la population n’aide pas plus que les câlineries à des enfants rois parvenus au bord de l’âge adulte.

 

jeudi 4 février 2021

Deux virtuelles expos dans le coin et une toute petite en vrai au coin de la rue.

Mois de la Photo 2020 :
L’expo en « présentiel » avait été interrompue d’où la persistance dans l’intitulé de l’année révolue. Nous pouvons nous retrouver d’une façon fictive dans l’ancien musée de la Place Verdun à Grenoble avec vues panoramiques, mais bien que vissé à mon ordi pendant des heures, ces visites en clics me claquent. Une série de diapos un peu renseignées aurait valu autant que ce dispositif virevoltant dans un univers où les fresques sont ramenées au format d'un timbre poste. Ceux-ci deviennent d'ailleurs bien jolis depuis qu'on n'a plus guère besoin d'eux.
Hormis les couleurs vives d’ Aletheia Casey, photographe australienne, les autres m‘ont paru pâlichonnes et faute de pouvoir zoomer à fond, la lecture des cartels me manque, ainsi que la vue de près de petits formats. Malgré l’ingéniosité des concepteurs de cette irréelle visite, c’était mieux avant.
Les arts en fête
Les tableaux des peintres et sculpteurs amateurs  à la mairie Saint Egrève gagnent en lisibilité dans un dispositif de visite simple depuis chez soi. Les œuvres avaient d’ailleurs judicieusement été mises en valeur dans les sucettes publicitaires pour inviter à les connaître.Sur le thème de la femme, la « Nymphe » de Marc Vazart a eu les faveurs du jury.
Le service culturel de la mairie signale : le dispositif de visite virtuelle a également été mis en place sur l'exposition de l'artiste Amorem :  
Et en me baladant sur le web, je viens de découvrir un lieu au concept prometteur. 
Il s’agit d’une vitrine à l’angle de la Place Claveyson et de la Place aux Herbes qui présente depuis 2012 plusieurs artistes, dite Galerie Showcase. 
En ce moment, 6 assiettes en porcelaine à l’ancienne de Thoris Lausset sont illustrées d’images contemporaines. Visibles 24h sur 24h. 
Il y a aussi des artistes visibles en vrai dans les parages