« Humour anglais » : l’auteur contesterait ce
lieu commun, lui qui s’applique à démentir les clichés depuis la Norvège et ses
aurores boréales pas forcément au rendez-vous, jusqu’à la tombe de « Naopua A Puufaifiau, soldat :
mort pour la France 1914-1918 » se révélant bien plus riche de sens
que celle de Gauguin qu’il était venu voir à Tahiti.
Depuis qu’une de ses tantes lui avait envoyé des cartes
postales de lieux prestigieux, « l’escogriffe
anglais », comme le surnomme Emmanuel Carrère, était partant pour voyager :
« Tous ces
paysages, je les avais entraperçus dans des westerns, mais le fait que
quelqu’un que je connaissais y soit allé - ait prouvé qu’ils étaient réels - me
fit prendre conscience pour la première fois qu’il existait un ailleurs :
un ailleurs qui semblait le contraire de partout et de tout ce que je
connaissais »
La Cité Interdite est plus décevante pour lui que l’amie de
sa guide, mais d’autres sites décrits d’une façon souvent primesautière comme « Le
champ des orages » au Nouveau Mexique, ou « La jetée en
spirale » dans l’Utah, lieux de land art, peuvent lui permettre de glisser
des citations plus solennelles :
« Quand le grand
empire romain n’a plus été que ruines
fumantes […] ceux dont l’âme était encore vivante se retirèrent et peu à peu
construisirent des monastères, et ces monastères et ces couvents, ces petites
communautés du courage et du travail paisible, isolées, dénuées de tout mais
pour autant jamais défaites en un monde soumis à la dévastation, ces
communautés furent seules à préserver l’esprit humain de la désagrégation, de
la noirceur de ces temps obscurs. D.H. Lawrence »
Son regard décalé est révélateur, et original comme celui du
« photographe retardataire », Antoine Wilson « prenant en photo divers endroits où les stars de cinéma se sont
assises, sont restées un moment ou sont passées quelques minutes après qu’elles
aient quitté les lieux. »
Ce
recueil d’articles de 200 pages est agréable à lire : que ce soit le récit
de ses déboires de santé, sa vie à Los Angeles bien que ses pèlerinages soient
souvent décevants, et même la rencontre avec un auto-stoppeur où il ne se
montre pas à son avantage. Sa sincérité permettra le pardon.
Les photographies sont de Martin Parr.