Il s’agissait du film d’Agnès Merlet de 1997 consacré à
Artemisia Gentileschi, intitulé simplement
« Artemisia », la première femme à avoir signé ainsi ses toiles au temps du
Caravage.
La réalisatrice avait suivi l’école des beaux arts à
Orléans, elle était bien placée pour faire s’exprimer un art au moyen d’un autre art.
Mais la tâche n’est pas toujours aisée,
ainsi entre peinture et littérature, à voir les précautions prises par les
peintres pour évoquer le seul livre, la Bible, pouvant vite classer
l’auteur dans une confrérie selon qu’était choisi le nouveau ou l’ancien
testament.
Cette coproduction internationale avec Michel
Serrault dans le rôle d’Orazio Gentileschi,Valentina Cervi petite fille de celui qui fut Peppone auprès de Don Camillo et le serbe Miki Manoljovik dans le rôle
d’ Agostino Tassi,
son maître, avait coûté cher comme tous les films d’époque, mais ne rencontra pas
son public.
Pourtant ce moment intense d’une vie, loin d’un biopic, où
la liberté se cherche, a des résonances bougrement contemporaines : le
peintre Agostino Tassi est accusé de viol sur la jeune Artémisia. Au début du
XVII° siècle, la notion de viol était surtout liée à la défloration qui mettait
en jeu l’honneur de la famille, mais les ambigüités autour de cet acte
perdurent, quand d’autres intérêts entrent également dans les appréciations
d’une justice qui avait alors les moyens de vous faire parler.
Tassi qui
travaillait avec Orazio Gentileschi va parfaire la formation de la jeune fille
dans le domaine de la perspective, mais le libertin l’entrainera dans une
liaison passionnée. Elle se mariera avec un autre le lendemain du procès intenté par son père qui fut un évènement bien documenté mais dont le verdict
reste flou.
De Florence, la patrie de son mari, elle revient à Rome et
passe à Naples l’essentiel de sa carrière après être allée à la cour de Londres
où elle retrouve son père dix ans après.
« Suzanne et les vieillards »
Ce récit de l’apprentissage d’une femme, devenue un symbole
féministe, face aux hommes, constitue aussi une réflexion sur le regard dès le
générique où une bougie se reflète dans un œil.
En cette époque baroque, Artemisia regarde son
corps dans un miroir, « Danaé » et le corps des
hommes qu’on lui cache, Tassi peint dehors derrière des cadres qui découpent les
paysages comme les barreaux d’un
pensionnat religieux dont le père l’a exfiltrée ou ceux de la prison de son
amant .
« Judith et Holopherne » est
un autoportrait et le portrait de son violeur. La jeune juive qui mettait fin à
la vie d’un prince Assyrien n’accomplit pas une mission comme chez Le Caravage,
c’est un évènement générateur pour elle. Le sang de la décapitation coule comme
celui de la défloration ou celui de la torture qu’elle a subi et que Tassi fait
cesser en avouant sa faute, préservant les mains de son amante.
De Cranach à Klimt, le sujet qui ne figure que dans les livres deutérocanoniques (apocryphes pour les
protestants et les juifs) fut très traité.
Orazio Gentileschi. "Judith sa servante et le tête d'Olopherne"
La symbolique de la chasteté triomphant de la luxure a pu
apparaître aussi comme
« l’Église
catholique romaine qui décapite l’hérésie luthérienne représentée par
Holopherne ».
L’icône féministe a peint des princes d’Italie et d’Europe
et d’autres figures féminines fortes, « Cléopâtre » ou « Betsabée ».