« Lorsqu'on
vient d'entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui. »
La formule de Guitry s’applique à Avignon pour les rues qui
paraissent plus que jamais comme des scènes à la sortie des salles de
spectacles, à Cannes où le cinéma peut durer au-delà des projections.
A Arles, où c’était la féria, dans la ville minérale, chaque
brin d’herbe prend la pose,
bien que les 50 expositions pour les 50 ans des
rencontres ne se soucient plus guère de joliesse comme il convient désormais à
toute manifestation artistique contemporaine.
Même si en deux jours, nous n’avons pas tout vu, nous nous
sommes étourdis d’images, baladant sans
vergogne un appareil photographique qui
dans cette cité ne parait pas encore totalement incongru.
Avec « Les vivants, les morts et ceux qui sont
en mer », nous
avons eu le temps de partager
le monde d’Evangelia
Kranioti, du Liban à Rio. Quand les
humains font commerce, ils sont beaux, forts, pathétiques, amoureux.
Moins poseuse que Pixi Liao
qui se met en scène pour décrire les
relations amoureuses « modernes ».
Moins triste qu’une tchèque ou une allemande de
l’Est qui s’étourdissaient de nuit et d’alcool quand il y avait encore le
rideau de fer.
Plus contemporaine qu’Helen Levitt
prestigieuse photographe des rues de New-York dans les années 30 dont l’humour
attendrit la rudesse de conditions sociales qui n’en sont plus à leur
dévoilement.
Une autre exposition « Unretouched women » va
chercher dans les strip-teases forains et les stéréotypes du quotidien, de quoi
documenter le féminisme dans les années 70, quand même Marilyn n’apparaissait
pas à son avantage.
Moins cérébrale que Valérie Belin dont on
se demande traditionnellement s’il s’agit de photographies peintes ou de
peintures photographiées comme Laure Tibergen qui refait du Rothko.
Ouka Leele qui rendait bien compte de
la fantaisie de la Movida était plus éclatante.
Les productions de l’art brut s’édifient souvent en
volume, quand elles forment des collages, des collections, les tirages qui
entrent dans la catégorie photo/brut, touchent aussi à l’estomac.
La traversée d’un demi-siècle de l’institution
arlésienne appelait les souvenirs du père Lucien Clergue qui
avait dès le début déjà traité bien des sujets avec enfants, corps nus et
oiseaux morts. Les photos en noir et blanc nous reposent, elles « font
plus photo » bien que les images du passé ont dans cette édition submergé
celles d’un présent qui a du mal à se
dire.
La rétrospective de « Variété » revue belge,
qui fut d’avant-garde, pâtit de ses formats se prêtant plus à être feuilletés
qu’à une mise en vitrine. Il en est de même pour les clichés de Germaine Krull sur le
bateau qui emmenait Breton,
Levi-Strauss, de Marseille à Rio, en 1941.
Masques
à gaz et machines à laver répertoriés autrefois par le CNRS nous paraissent
poétiques à présent.
L’évocation de
« La
zone » qui s’était établie sur les fortifications à la fin du XIX°
siècle autour de Paris s’acclimate parfaitement dans des pièces délabrées du site
La Croisière,
comme à la Maison des peintres, les intérieurs des maisons
britanniques de toutes classes sociales,
« Home
sweet home ».
A côté de la gare, de jeunes artistes étaient en compétition,
mais je retiens le travail de Kurt Tong qui était exposé à côté. Alors que tout artiste se pose la question de son
efficacité sociale, la mise à jour de la vie singulière de celle qui l’a élevé,
littéralement hors champ pratiquement toute sa vie, prend tout l’espace. Elle
était passée par le « rituel du peigne » marquant son indépendance
vis-à-vis de sa famille et des hommes en se coiffant d’une longue natte et
revêtant un costume clair, jeune fille à vie.
En plein air, parmi une végétation sauvage,
Mario Del Curto est lui aussi
parfaitement à sa place pour présenter les relations de l’homme à la nature
depuis
les premiers pommiers qu’il situe au Kazakhstan jusqu’aux
cimetières et autres jardins urbains qui persistent.
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Supplément: Vue aérienne d'un élevage au Texas