En réaction – décidément - à des avis sommaires parus sur
Facebook après la mort d’Edmond Maire, je reviens sur quelques années de
militantisme, pour aller au-delà des
R.I.P. convenus, et m’insurger contre les habituels trolls, desquels il ne faut
pas attendre un quelconque délai de décence.
Histoire aussi de marcher contre l’air du temps : Hervé
Hamon, l’écrivain, non le fugace ministre, relevait que Libé avait consacré 6 lignes à l’ancien secrétaire
de la CFDT alors que Pierre Bergé avait bénéficié de 6 pages ; j’avais eu le
même choc pour le laconisme du journal, qui fut emblématique, à la mort de Léo
Ferré.
Dans les années 70, depuis les Terres Froides du Dauphiné, aux
collines s’inventant du soleil (« Summerhill »), mon enfance venait de changer de
camp : le potache se trouvait en face d’élèves.
L’école m’avait fait monter sur une estrade que nous nous
sommes empressés de démonter. Il en était de même de tant d’institutions remises en
cause : ainsi le tutélaire Syndicat
des instituteurs avait excité d’emblée nos fibres contestataires.
La CFDT dont le Syndicat Général de l’Education Nationale jouxtait
les communaux, la chimie, les métaux… était hospitalière. Quand Lip donnait
alors du corps aux rêves d’autogestion, la forge de la « deuxième gauche »
tenait le haut de l’affiche.
Le corporatisme nous semblait le péché majeur, attentatoire
à la fraternité, même si nous avions appris que quelques cotisations exploitant
des motivations singulières ne signifiait pas forcément adhésion aux valeurs
d’une gauche prophétique.
Dans les salles enfumées des Bourses du Travail, nous étions
fervents, cathos ou gauchos, qui s’essayaient à faire vivre une démocratie ne
devant surtout pas reproduire les mœurs rigides et magouillardes de nos
compères stals ou trotsks.
« On a beau
fouiller les quatre horizons
Rien n'est plus
poétique que l'autogestion » Font&Val
Des suites de la
déconfessionnalisation à l’autogestion, des comités de soldats aux cabinets
ministériels, la négociation était désormais la pierre angulaire du progrès
social : ces années furent passionnantes. Solidarnosc.
En privilégiant le contrat sur la loi, les protestataires auraient
suivi une filiation protestante d’une « gauche américaine ». En tous
cas dans la diversité syndicale, l’apport de la CFDT a été fondamental :
en « donnant plus à ceux qui ont moins », c’est sur notre partition
que ce sont installées les ZEP.
La recherche de nouvelles pratiques où se rejoignaient
pédagogie et politique, syndicalisme, était affaire de praticiens. Mais les
perroquets ministériels et la perruche ont eu raison de ma foi. A être mis à
toutes les sauces, tant de mots ont perdu toute leur sève :
« projets » et « citoyens » sont épuisés. Parce que nous ne
supportions plus la remise en cause de l’indépendance syndicale par le PS, j’accompagnais
une poignée de dissidents, mais quand la FEN eut éclatée, elle aussi, chacun
revint dans sa chapelle ou plutôt dans un placard de la sacristie : le PAS
(Pour une alternative Syndicale) fut une impasse. Je quittais l’active.
Les élèves d’autrefois n’avaient pas la parole, ils eurent
bien besoin de textes libres et de « Bibliothèque du Travail » ;
devenus « enfants roi », ils n’ont pas trouvé grand monde en face.
Dans les monuments républicains, où portes et Windows ont
été ouverts en même temps, les courants d’air ont vidé les greniers de toute
mémoire : le présent épisode en est l’illustration.
Je me suis « recentré » en suivant ma centrale, derrière
les sinuosités d’un Rocard enseveli il y a peu sous les hommages. Pour les
obsèques de son compagnon en intelligence et en courage, Edmond Maire a prononcé
son dernier discours.
Son fils Jacques vient d’être élu député de la République En
Marche.
Merci, Guy, même si je ne comprends pas tout...
RépondreSupprimerJe relève que Pierre Bergé a eu droit à six pages dans Libé, et Léo Ferré, et Edmond Maire, quelques lignes...
C'est sûr, c'est en comparant qu'on apprend à penser...