jeudi 18 octobre 2018

Albert Marquet (1875/1947). Gilbert Croué.

Les conférences des amis du musée de Grenoble permettent de mieux apprécier des artistes dont les œuvres nous plaisaient certes, mais sans plus. Ainsi fut fait avec Marquet. "Intérieur à Hesnes".
Ce soir, sous l’intitulé : «  L’eau et les rêves », nous sommes allés vers les ombres et les lumières que nous révèle un peintre, attachant et singulier qui est allé bien au-delà des berges de la Seine.
« Bord de Marne, paysage à La Varenne-Saint-Hilaire » C’est le matin tôt, à l’heure des pêcheurs. Efficacité, calme, plaisir : les éléments sont posés  avec des référents de dimension qui donnent l’illusion de la profondeur, les touches sont sensibles, la composition rigoureuse.
Lors de « L’inondation à Paris » en 1910, dans la ville noire de suie, la boue se transforme en une coulée d’or.
« Le lac Léman vu de Montreux » est ouvert vers le rêve, et simple comme l’homme qui ne fournit pas aux journalistes de biographie scandaleuse.
Depuis une enfance girondine passée au ras des bateaux, il cultive une passion des voyages. Il  a corrigé sur le tard une mauvaise vue qui n’avait pas arrangé sa nature timide. Sa mère  a quitté Bordeaux pour ouvrir une mercerie à Paris et offrir des études de dessins à son fils handicapé par un pied bot. « Madame Marquet et son chat »
Elève de Gustave Moreau, il est resté fidèle à ses premiers amis : Manguin, Matisse, Camoin, dont le « Portrait d'Albert Marquet » est très cézannien.
« Le nu fauve »  fougueux et sauvage, sur fond fourmillant, évoque le pointilliste Signac et pour les couleurs, les nabis, Vuillard, Valotton, tout aussi taiseux que lui.
Au Grand palais en 1905, parmi plus de 1500 œuvres, sont regroupés dans la salle 7 les tableaux qui ont amené Loubet le président de la République à refuser d'inaugurer le Salon car il est prévenu de la présence d'œuvres « inacceptables » : le douanier Rousseau, Matisse, Manguin, Derain, Vlaminck, Marquet, Camoin. Au centre de la salle, un petit buste en marbre d'Albert Marque, parmi tant de couleurs pures, fait écrire  au critique d’art Vauxcelles : c’est «  Donatello chez les fauves ».
Le mot sera repris.
Marquet oscille entre ses amitiés rugissantes et un rendu proche du réalisme.
Alors que « Les roches rouges à Agay » appellent des tons puissants,
« Le port de Saint Tropez »  à la composition rythmée, ne dénature pas le sujet.
A la fois moderne et classique, il se tient à distance de ses confrères plus radicaux, plus expressionnistes.
Ses paysages urbains souvent en plongée, toujours avec de l’eau, privilégient les gris, les bleutés, les brumes, « Quai Saint-Michel avec fumée ».
A partir de 1907, il va vendre régulièrement ses tableaux dont les formats conviennent au chevalet et à tous les appartements, jusqu’à Moscou, Berlin puis aux Etats-Unis. Il  a vécu correctement de son travail. Sa mère qui lui avait consacré tout son temps et son énergie meurt en 1908.
Il entreprend des voyages «  Naples et le Vésuve le matin ».
Yvonne, un de ses modèles, devient sa compagne. « Les bas rouges ».
Visible au musée de Grenoble, le « Pont Saint Michel » : 
de petits points rouges y équilibrent les verts.
Il est retourné régulièrement en Afrique du Nord. « La citadelle de Tanger » 
mais dit à Matisse : « Je ne serai jamais un orientaliste ».
« La terrasse à l’Estaque »
« Mon opinion sur la peinture, c'est ma peinture »
Il revient vers Arcachon, un des lieux de son enfance, « Le Pyla ».
Le Musée des Beaux-Arts de  Bordeaux compte un grand nombre de ses toiles.
En 1923, il épouse Marcelle Martinet qu’il avait rencontrée en Algérie, elle a organisé la suite de sa carrière. « Le port d’Alger ». Il s’y réfugie en 1940, refusant d’exposer à Paris, lorsqu’on lui a demandé  un certificat de « non-appartenance à la race juive », il dédaigne tous les honneurs à la Libération et adhère au parti communiste en 1945. 
« Contre-jour »
Lui qui louait de préférence ses appartements au deuxième étage avec vue, achète une maison à la Frette au bord de la Seine. « Printemps sur La Seine à la Frette »
« Le store rayé » célèbre la lumière et sa passion de peindre.
« Le Pont Neuf à Paris, la nuit » ajoute l’eau du ciel à celle qui est toujours présente dans ses ports, ses quais, fluide sous les lumières changeantes.
« Sète, le canal de Beaucaire » ouvre l’espace. L’ombre de la nuit reste aux persiennes, alors que la lumière se lève de l’autre côté d’une composition où la dualité saute aux yeux.
« Son art est d’une remarquable continuité. Il abandonne rapidement les audaces timides de sa période fauve, pour n’en conserver qu’un goût pour une certaine simplification des formes.
Par son sens de la mesure qui s’exprime tant dans ses compositions que la délicatesse de l’atmosphère de ses œuvres, il s’inscrit dans la lignée des grands paysagistes français. »
Jean Cassou.

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