mardi 19 septembre 2017

A boire et à manger. Guillaume Long.

Cette fois je ne suis pas retombé dans un trou de ma mémoire, comme lorsque je relis un livre déjà lu : ce titre avait déjà été utilisé dans un album lu précédemment mais paru après, sans que soit précisé de quel tome il s’agit. C’est que celui là est le premier de la série qui porte aussi le titre du blog que j’ai mis en lien à droite de cette page :
et c’est toujours le même plaisir. 
Cette fois Budapest et Venise sont les villes visitées pour les restaurants et les préparations personnelles inspirées par les produits locaux trouvés sur les marchés ou les supermarchés ; le pétillant dessinateur n’est pas sectaire. « Primesautier » dit de lui François Régis Gaudry dans la préface, animateur de l’émission  de radio «  On va déguster ».
L’humour et la pédagogie rendent les préparations appétissantes qu’elles soient simples ou plus sophistiqués. L’honnêteté conduit le lyonnais à faire part de ses enthousiasmes aussi bien que de ses déceptions avec ce qu’il convient d’exagération indispensable à toute conversation de tout français à table et qui cause de « bouffe » bien entendu.
Cette fois son amoureuse lui a offert un moulin à ail et si ça lui convient tant, ce n’est pas un hasard. Il rend hommage à son pépé et nous avons l’impression de faire partie de la famille. C’est bien là autour des saladiers, des gâteaux au chocolat, des cafés, des pignons fussent-ils d’une amertume persistante que s’épanchent les saveurs de la vie, s’écrivent les romans personnels.
Il adore manger les cerises sur l’arbre et l’odeur du poulet à la rôtissoire, comme tout le monde.  
Il peut suggérer de travailler l’ail des ours ou le radis noir, mais il est plus probable que seront repris sa pastèque féta, ou ses aubergines au four. Ses plats s’accordent avec les saisons et ses listes des produits de base qui doivent figurer dans nos placards et des ustensiles indispensables dans une cuisine, une planche avec toutes les sortes de tomates, font que cette BD peut être offerte à des débutant(e)s mais réjouira les plus avertis qui se rassureront de retrouver des recettes familières et des trucs pratiques qui font que la préparation du repas est un fête : pour fariner ses filets de poisson sans en mettre partout : les mettre dans un sac plastique.

lundi 18 septembre 2017

Barbara. Mathieu Amalric.

Barbara garde son mystère après ce film foutraque, qui joue avec la lumière noire de la chanson française quand elle bouleversait les foules sentimentales.
Jeanne Balibar, dont  l’artificialité s’est ici estompée, était toute désignée pour tenir le rôle.
Elle ressemble tellement à Monique Andrée Serf dont le véritable nom n’est même pas évoqué dans ce qui n’est surtout pas un biopic - ce serait tellement « ringard » - ni une mise en clip de chansons trop sublimes.
Un prétexte plutôt pour faire jouer une ex, jouer avec les décors, les degrés, la mémoire, les récits, les archives, le cinéma : film dans le film très années 60.
Quelques admirateurs sont mollement sollicités autour des pérégrinations d’une légende qui donna des lettres à nos émotions adolescentes.
Nous apprenons à cette occasion la dinguerie, la folie douce de celle qui apporta de la profondeur à nos sentiments, de la pudeur à nos douleurs, de l’ampleur à nos vies.
« Le printemps s'est enfui depuis longtemps déjà,
Craquent les feuilles mortes, brûlent les feux de bois...
A voir Paris si beau en cette fin d'automne,
Soudain je m'alanguis, je rêve, je frissonne... »

dimanche 17 septembre 2017

Nicht schlafen. Alain Platel.

Le titre se traduit par « Ne pas dormir ». Les spectateurs n'ont pas besoin de l'injonction, saisis par la performance d’une troupe composée de huit hommes de toutes origines et une femme qui impressionnent par leur souplesse, leur force et leur souffrance.
La musique est de Mahler, celui de « Mort à Venise », dont la gravité est entrecoupée par des chants africains et des extraits d’une cantate de Bach exécutée en direct a cappella  par des artistes complets. Le metteur en scène, ancien orthopédagogue, pourra user de ses talents de thérapeute à l'égard de ses ouailles brutalisées, étonnants d’intensité, qui peuvent être marqués par une heure quarante de spectacle.
Même si la proximité du spectacle d’Anna Thérésa de Keersmaeker qui m’avait transporté est en faveur de la grande dame,
je suis toujours admiratif du travail de précision des danseurs bien accordés et de leurs prouesses physiques.
Cependant la bagarre initiale où ils se déchirent les habits dure trop à mon goût et quand plus tard des acteurs sont malmenés par les autres, il peut naître un certain embarras tant la représentation de la douleur est crue.
La séquence christique est réaliste jusqu’au malaise, les corps, semblables parfois à des écorchés, sont à vif sous les coups et les pincements. Les citations de tableaux du Caravage ou du "Radeau de la Méduse"  mettent  pourtant à distance un premier degré  trop violent.
Quelques notations parodiques viennent brouiller par ailleurs un message qui  voudrait rapprocher le chaos à venir au début du XX° siècle avec la situation présente.
Les séquences d’ensemble sont réussies quand elles démarrent par surprise et entrent en harmonie alors que trépignements et claques rythment les évolutions énergiques. Mais la présence des cadavres de trois chevaux naturalisés sur fond de toile de sac trouée m’a parue essentiellement décorative comme parfois la musique.

samedi 16 septembre 2017

Chronique d’une fin de règne. Patrick Rambaud.

Au-delà des péripéties d’une comédie du monde ancien contées par un auteur que j’apprécie  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/05/labsent-patrick-rambaud.html , ces 200 pages remettent en mémoire nos années récentes dont l’accumulation de déraisons nous a mithridatisés.
Nous avons droit d’emblée à un portrait de notre société se fragmentant sous l’uniformité :
«  Le style des centres commerciaux avait mangé le monde et personne ne semblait s’échapper de leurs coursives et de leurs escalators qui tiraient les foules anonymes vers les boutiques, des mangeoires, des trains. »
Des anecdotes oubliées ne sont pas inutiles à revisiter :
 « Ce monarque saoudien arriva un jour de son pays de sable, de limousines et de têtes coupées, afin de profiter avec sa maisonnée de sa luxueuse villa de Vallauris, au bord de l’eau ; ce fut la résidence de Rita Hayworth rebaptisée Château Aurore».
Le sentier pédestre autour de cette maison fut interdit un moment. 
Avec le ton rappelant «  l’album de la Comtesse » des années gauliennes dans le « Canard », la chronique est toujours savoureuse quand tentait de sévir à nouveau Nicolas le Flambardl'Eclaté, l'Engourdi, l'Oublieux, le Vaseux, auquel l’auteur de « La bataille » a consacré six ouvrages. 
François Le-Souple, L'hésitant, Le triste… parait plus pâle dans un contexte plus lourd.
Le livre se clôt sur sa déclaration de non candidature et l’on aurait bien continué avec cette belle langue que défend et sert à merveille l’académicien Goncourt, alors que : 
« Le Donald fut élu à la Maison Blanche malgré ses mauvaises manières, ses injures, sa vulgarité et ses énormes mensonges, mais la vérité semblait ne plus servir à rien »

vendredi 15 septembre 2017

A quoi bon ?

L’enfant roi a été oublié dans les décisions concernant les rythmes scolaires.
Un  paradoxe de plus à relever pour déplorer ou relativiser, parce qu’en furetant un peu, qui n’a pas ses contradictions ?
Par exemple : je signale présentement mes articles sur "Facebook", que je suis toujours prêt à incriminer.
Pourtant depuis l’ancien monde où je me prélasse, je continue à profiter de la hiérarchisation des informations qui transparaît encore dans quelques journaux en papier. Cette hygiène me semble nécessaire quand sur nos écrans, de charmants chatons se trouvent mêlés, « sans transition », à la ritournelle des protestations, des détestations, entre une belle photo choppée et une image « gore », trompe-l’œil, tatouages et nouvelles du temps qui passe.
Je m’étais mis à lister les comportements auxquels il va falloir que je me conforme, pour éviter de rabâcher en vain chaque semaine : « selfies ça suffit ! » ou regretter le temps des trains avec des voyageurs les yeux dans un livre plutôt que dans leurs phones.
Désormais pour un tapexto, il n’est plus nécessaire de s’asseoir. J’ai vu de mes propres yeux jaloux, il y a quelques temps, une dame au volant, mordant dans son sandwich, en train de téléphoner.
Quand pour manger, une chaise n’est plus nécessaire, alors pour écrire à quoi bon ?
Et d’ailleurs écrire, à quoi bon ?
Et lire ?
Je viens de me plonger dans « Courrier International » sur les motivations des djihadistes : articles très intéressants, comme l’entretien avec Panky Mishra « un penseur de la mondialisation » qui trouve que l’Allemagne s’est forgée en se démarquant de l’Occident, elle qui s’était constituée en appelant à la « guerre sainte » contre Napoléon, porteur d’universalisme.
De ces pertinentes pensées quel est le sort ?
Quant à mes mots emballés dans de vieillottes tournures tarabiscotées, ils refroidiront bien vite dans quelque Data Center (bi) polaire.
En ce moment les Rohingyas sont exposés sur la margelle du puits de l’oubli, mais que pouvons nous dire du monde, au monde, quand les maîtres du monde sont tellement hallucinants ?
Lorsque la litanie des attentats n’est interrompue que par des désastres climatiques, ne peut-on tout confondre dans une tragique fatalité ?
Ces malheurs ne seront pas effleurés par quelques commentaires concernant le réchauffement de la planète ou le constat d’une hausse des attentats au Pakistan depuis que les drones américains ont ciblé quelques leaders radicaux.
Tant de villes à bas là bas et Kim Jong-un /Donald Trump, bombent le torse plus que jamais.
Tant de fenêtres brisées, de poutres maîtresses rompues ; nos rêves d’un monde meilleur en deviennent ridicules.
Si les conditions économiques se sont améliorées pour des millions d’individus, ces progrès rendent plus impatients encore les exilés politiques, les déportés climatiques, les excommuniés…
Alors que sous nos climats plus tempérés, certains aiment rejouer les guerres de décolonisation à coup de copié /collé sur les réseaux sociaux, comme d’autres se refont pour la 36° fois le front populaire en sortant sur les boulevards tambours et jeux de mots qui ne chôment pas, eux.
« L'administration, c'est mesquin, petit, tracassier. Le gouvernement, c'est pénible, difficile, délicat. La guerre, voyez-vous, c'est horrible, mais la paix, la paix, il faut bien le dire, c'est assommant. »
De Gaulle.
…………….
Illustrations copiées dans « Courrier international », « Le Canard enchaîné » et « Marianne ».


  

jeudi 14 septembre 2017

Victor Brauner. André Paléologue.

Surréaliste, juif, roumain, dadaïste : termes à disposer dans des ordres variés depuis différents dictionnaires, comme si les peintres de l’école de Paris avaient besoin d’être nationalisés.
Le conférencier devant les amis du musée commença ainsi le récit de la vie extraordinaire de l’artiste qui mérite d’être connu et l’œuvre appréciée.
Victor Brauner est né en 1903 dans les Carpates où s’implantèrent dès le Moyen-Âge des communautés juives,  dans une famille dont les qualités de médium du père étaient reconnues.
Il voyage très tôt, en Allemagne, terre expressionniste, et en Autriche, avant de revenir, citoyen à part entière dans le grande Roumanie.
Avec ses collègues de l’école des beaux arts, au soleil au bord de la Mer Noire, ils vont se frotter d’un peu d’orientalisme dans des lieux qui ont connu 700 ans d’occupation ottomane. « Village »
Il rompt avec l’académisme, se lance après des essais cubistes, dont la mode était passée depuis 10 ans, dans une expérience Dada, matinée de constructivisme autour de la revue  éphémère 75 HP.
De sa rencontre avec des poètes vont naître des mises en page invitant à regarder autrement : la « pictopoésie ». « La mythologie de Victor »
En 1925, il va à Paris, où les roumains promis à la célébrité sont nombreux : Cioran, Ionesco, Istrati, Tzara… et rencontre aussi son compatriote Brancusi, qui n’est pas resté chez Rodin car « rien ne pousse sous les grands arbres ».
Le maître sculptait le sommeil, lui  a exprimé le rêve. « Muse endormie ». 
Il découvre la peinture métaphysique de Chirico et les appareils photo de Man Ray. Son portrait du poète « Benjamin Fondane » ouvre une série récurrente avec l’œil comme motif.
Son « auto portrait » peint sept ans avant la perte de son œil, constitue une troublante prémonition. Cette peinture demandée par André Breton, tout juste revenu de chez Freud, marque son entrée chez les surréalistes. La rencontre par l’intermédiaire d’Yves Tanguy était inévitable pour celui qui au fil de ses rencontres cherchait par la peinture à installer des métaphores.
Lors de son second séjour à Paris, après un aller retour vers l’Est, le deuxième manifeste surréaliste invite à investir une autre réalité et à s’impliquer dans la vie sociale.
« L'Étrange Cas de Monsieur K » s’inspire du roi Ubu de Jarry ; nous sommes en 1934.
La même année, il peint  un « portrait d’Hitler ».
Il revient à Bucarest alors sous le régime fasciste dit de « La garde de fer » et entre clandestinement au parti communiste.
Staline et Hitler s’étant alliés, il revient en France où il occupera l’atelier du douanier Rousseau
« La rencontre du 2 bis rue Perrel »

Son seul œil restant ne lui permet plus de voir les perspectives. Il va chercher dans l’au-delà, dans la magie de la kabbale. « La Mandragore »  dont la parole peut détruire,  guérit la vue.
Réfugié à la villa Bel Air à Marseille (1940) en compagnie de  Duchamp, Ernst, Chagall, dans l’attente d’un visa pour l’Amérique qu’il n’obtiendra pas, il offre une aquarelle à une infirmière qui l’a soigné : « Souvenir de la chambre n°4 »
René Char le cache. Ils travailleront ensemble. « Le poète renaît char éveille l`homme »

Il travaille à la cire et au brou de noix. Le « Triomphe du doute » marque sa rupture avec les surréalistes par solidarité avec Mata qui vient d’en être exclu. 
Il avait réalisé le « Loup-Table » pour sa dernière exposition avec le groupe tenu par le marchand de tableaux, André Breton.
Si « Congloméros » renoue avec les jeux de mots de la jeunesse, la souffrance est là et les mystères.
« L’aéroplapla » de la série Mythologies et la Fête des Mères au musée de l'Abbaye Sainte-Croix aux Sables d’ Olonne est nettement plus ludique.
Celui qui comprend le langage des oiseaux est le maître du monde : « La promenade de l’oiseau » est au musée de Grenoble.
Une fois son frère libéré du goulag après douze ans de détention, il vivra  plus paisiblement avec la reconnaissance de son travail, un succès aux Etats-Unis grâce au galeriste Iolas qui sait mettre en valeur les aspects magiques et les emprunts aux cultures vernaculaires de ses productions.
La promesse de représenter la France à la biennale de Venise qui était une reconnaissance de son apport dans l’histoire de l’art, n’a pu s’accomplir, il meurt à 62 ans.
« Si l'homme parfois ne fermait pas souverainement les yeux, il finirait par ne plus voir ce qui vaut d'être regardé ». René Char.
Ionesco prononça son éloge funèbre : « Il était l’intelligence même, l’humour même, la tendresse même, avec la même difficulté d’exister que nous-mêmes »

mercredi 13 septembre 2017

Venise en une semaine #1. Vers le ghetto.

Il fait frais ce matin lorsque l’on quitte la maison à 7h 30.
Un TER tout neuf avec une seule personne dans le wagon et deux cyclistes dans le suivant, démarre à l’heure à 8h 37 pour Chambéry et arrive à 9h 33.
Il ne faut pas traîner pour attraper le TGV Paris/Milan de 9h 44, bondé et moins rutilant que le TER. Des ados en route vers Rimini s’expriment assez fort mais respectent les baisses de volume exigées régulièrement par une adulte accompagnatrice, ce qui nous permet de lire jusqu’à Turin atteint vers 12h 24.
Là nous débarquons dans une gare moderne sous une grande voûte transparente qui diffuse une brume régulant agréablement la température. Par contre, pas une salle d’attente, pas un siège pour patienter. Nous nous installons sur des marches et pique-niquons loin des foules.
Nous nous offrons notre premier café, âpre, amer, un café italien quoi ! Guy tarde à le porter à notre table, occupé à aider trois compatriotes en difficulté dans leurs commandes mal comprises par l’employée.
Notre dernier train en direction de Trieste arrive à l’heure, à 14 h 15, nos places retenues sont en vis-à-vis et nous sommes au large. Entre lecture et sommes nous n’observons pas beaucoup le paysage par ailleurs souvent caché par des murs anti-bruit. Nous passons Brescia, Vérone, Vicence, Padoue, avec quelques arrêts appréciés par nos voisines fumeuses.
Ponctuellement, le train entre en gare à 17h 26 heure prévue à Venezia Mestre. La gare est immense, très fréquentée. Nous acquérons 2 billets à une machine  automatique pour la gare de Venezia San Lucia pour la modique somme de 1,25 €  par personne.
Toutes ces précisions concernant les horaires soulignent notre satisfaction de voir s’améliorer la ponctualité des trains italiens, en particulier, que nous avions connue plus aléatoire.
Enfin à 18h 11, nous voilà sur le quai de la « Sérénissime », au milieu du flot des touristes plongeant presque dans le Grand Canal à la sortie de la station.
Premières « palina » : poteau pour l’amarrage des gondoles.
On y est ! La lumière de fin d’après-midi participe à l’image de carte postale qui nous saute aux yeux.
Il ne nous faut pas longtemps grâce au cartoville pour rejoindre l’emplacement idéal de notre logeuse chez Béatrice Cavagnis, Ca Bernardino Calle Rielo n°420.
Après les présentations, elle nous conduit à notre studio situé le long du canal du Cannaregio au n°505. Il ressemble à l’extérieur à une échoppe ancienne avec ses deux fenêtres et sa porte surmontée d’une marquise.
Tout en longueur, bénéficiant de peu de lumière si l’on tient les rideaux fermés pour éviter les regards indiscrets des passants à proximité, il possède tout le nécessaire : du fer à repasser aux prises anti-moustiques. Béatrice nous donne les explications d’usage en italien, la langue qui nous enchante toujours. Nous ne devons pas boire ni manger dans la rue. Elle nous laisse en compagnie d’une petite bouteille de mousseux en signe de bienvenue.
Dans la lumière rougeoyante très cinématographique de la fin de journée, nous faisons nos premiers pas sans bagage le long du canal en direction du Ponte dei tre archi, puis bifurquons vers le ghetto juif qui abrite toujours une population de 300 personnes environ dont les hommes barbus, habillés de blanc et noir avec leurs papillotes sont reconnaissables où qu’ils se trouvent dans le monde.  
Nos pas nous mènent au « campo dei Mori » qui doit son nom à une famille de marchands originaire de Morée (région de Grèce) dont  la statue  à hauteur d’homme d’un des fils est affublée d’un nez en fer. Cette effigie d’Antonio Rioba a été considérée à l’instar d’autres personnages ayant accédé au rang de légende, comme un support de parole (porte-parole), critique de la République.
Très souvent sur les placettes, on voit de petits puits en pierre blanche.
Sur l’un d’eux, paresse un matou dédaigneux.
A la recherche d’un restaurant nous allons de quai en quai, de ruelles en ruelles, de photos en photos et quand tout paraît labyrinthique : nous constatons que « tous les chemins mènent à Rome ». Toutes les terrasses sont pleines, nous rentrons dans la nommée « Tintoret », le peintre avait habité dans les parages.
On dit ici: « Fondamenta » della misericordia, plutôt que quai. Nous partageons nos premières pâtes : spaghetti à l’encre de sèche et aux fruits de mer.
Nous flânons dans l’air doux chargé de quelques odeurs marines, il est temps de nous coucher.