La Conservatrice du musée de Grenoble est venue présenter
l’œuvre de Rubens aux amis du musée : « Saint Grégoire pape, entouré de
saints et de saintes, vénérant l’image miraculeuse de la vierge à l’enfant,
dite de Santa Maria in Vallicella ».
Pour contenir tant d’intentions, il faut bien toute la
surface monumentale de la toile
de 4,77 m sur 2,88 m autour de laquelle se
construira le musée de la place de Verdun ; une telle taille sera
également prise en compte dans le bâtiment de la place de Lavalette.
Alors que Le Caravage aurait pu prétendre honorer la
commande des Oratoriens en janvier 1606, c’est Rubens resté en Italie pendant 8
ans et connaissant bien le trésorier du pape, qui emporte le marché pour 300 ducats.
Destiné au maître-autel de la Chiesa Nuova de Rome, cet
exemplaire ne reste pas accroché longtemps. Est-ce un refus des commanditaires car le saint ressemblerait
trop à Philippe Néri pas encore « en odeur de sainteté », ou le véto
de Rubens mécontent de la lumière inondant le tableau, atténuant les effets des
étoffes somptueuses ? Rubens louait lui-même : « la qualité exquise du coloris, la
finesse des têtes et des étoffes reproduites d’après nature »
De nombreuses ébauches ont été proposées précédant l’œuvre
gigantesque : quelques putti ont disparu ainsi que les palmes autour de
Domitille dont le visage désormais proche de « Lucretia » de Véronèse, a été
modifié.
Un cahier des charges précis demandait de mettre en évidence
La Vierge figurant déjà là sur une fresque miraculeuse qui saignait depuis
qu’elle avait été frappée par un hérétique. Celle-ci réapparait les jours de
fête derrière le médaillon à clapet en cuivre dans la partie supérieure du
tableau que Rubens a peint sur ardoise pour remplacer la toile prévue. Synthétisant
deux images miraculeuses parmi tous ces putti, elle repoussait la peste dans
une scène « qui illustre
parfaitement l'esprit de la Contre-réforme triomphante ».
La conférencière ne détaillera pas l’esthétique des diagonales, des courbes et
contre-courbes annonçant le style baroque, avec ses escaliers au premier plan
invitant à entrer dans le paysage dont l’architecture « symbolise la fin des croyances païennes au profit de la religion
chrétienne victorieuse ».Grégoire Ier, Grégoire le Grand, pape de la fin du VI° siècle est surmonté de la colombe d’inspiration divine mais ne porte pas la tiare habituelle révélée par des radiographies récentes.
Il est entouré de Saint Maurice, en militaire romain ayant
refusé de persécuter les chrétiens associé à Saint Papien. Sa silhouette est inspirée
du Corrège parmi d’autres influences vénitiennes.
Sainte Domitille qui leur fait face est présentée comme un
exemple de mépris des richesses du monde, pas vraiment édifiante cette fois
dans cette robe luxueuse, avec sa coiffure très XVII° flamand. Ses complices
Saint Achille et Saint Nérée, eux aussi enrôlés dans l’armée romaine, finirent
martyrs. Parmi les nombreuses retouches, ses bras et son épaule ont été
découverts après la présentation du tableau aux moines.
Pierre Paul Rubens est vraiment européen : né en
Allemagne où sa famille calviniste avait fui, il parle l’espagnol, le flamand,
l’italien, l’espagnol, le latin, le français ; redevenu catholique il
joue un rôle diplomatique éminent. Il
a travaillé pour Marie de Médicis, Philippe IV d’Espagne, Charles 1er
d’Angleterre. Installé à Anvers, son grand atelier qui a produit 1400 œuvres avait
besoin de nombreux collaborateurs dont Van Dyck, Snijders ou Jordaens…
Après avoir essayé de laisser ce tableau à son mécène Vincent
De Gonzague duc de Mantoue, il va le rapatrier à Anvers pour la chapelle
funéraire consacrée à sa mère qui venait de décéder et que rejoindra sa
première femme : c’est que cette peinture lui tient à cœur.
Elle y reste jusqu'au XVIII° siècle quand les armées révolutionnaires
amènent le tableau en France. L'œuvre volée découpée en plusieurs morceaux
puis reconstituée, rejoindra le Dauphiné en chariot en 1811 avec
Champaigne et Véronèse.
Au bout de ces transports de multiples restaurations et
rentoilages ont été nécessaires. Depuis 1935, dans son cadre flashy, marque du
musée grenoblois, elle n’a pas repris la route, même pour un prêt.