dimanche 26 octobre 2014

Il n’est pas encore minuit. Cie XY.

Une bonne portée (22 acrobates), nous a emportés pendant une heure à la MC 2. 
La compagnie qui  a enrichi le langage des « portés » appartient au pays des oiseaux.
Les filles ne sont pas les seules à s’envoyer en l’air, costauds et rebondissants se portent les uns les autres, et tous voltigent. Ils volent et sont réceptionnés parfois la tête en bas, ils font naitre les applaudissements en cascade et les cris d’admiration mêlés à l’appréhension.
L’affiche annonçait du cirque et eux qui ont fait un tabac à la biennale de la danse de Lyon ont dansé bien plus que dans certains spectacles de danse proposés parfois par ici.
L’arthritique spectateur que  je suis est  encore plus cloué par tant de force qui jamais ne parait forcée, par tant de fluidité, d’exactitude, de virtuosité, d’énergie, de rythme, de facilité.
Ils prouvent avec grâce et enthousiasme leur devise : « tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ».
C’est qu’ils montent des colonnes humaines sans cesse et pour moi elles sont encore plus belles dans leur chute que dans leur édification, plus impressionnantes quand une réception est un peu incertaine, qu’on se demande si ce n’est pas fait exprès. Elles s’écroulent et se reconstruisent. Les parades sont une part essentielle du spectacle où les artistes se tiennent fort pour mieux voler.  et eux se hisseraient vers les étoiles.
Les lumières et la force du groupe m’ont fait penser à l’affiche du film "1900 " de Bertolucci par Pellizza da Volpedo,
Il y a bien eu de fausses bagarres en introduction pour s’échauffer en attaquant dans l’humour qui a été bien saisi par les enfants nombreux à cette représentation. Tout se termine dans les rires et  le Lindy Hop du Harlem des années 20 qui swingue allègrement.

samedi 25 octobre 2014

Tours et détours de la vilaine fille. Mario Vargas Llosa.

Romanesque. Si au début j’ai trouvé les pérégrinations de la belle femme trop systématiquement situées « in the place to be »  de la seconde moitié du siècle précédent :  Lima, Cuba, London (« Swinging »), Paris ( quartier Saint Germain), Tokyo( avec Yakusa), Madrid (« Movida »), je me suis pris au jeu de l’éternel retour de la passion et goûté la conclusion terrible, celle où s’épuisent les passions.
« Si soudain nous sentons que nous mourons et nous demandons quelle trace nous laisserons de notre passage dans ce chenil ? La réponse honnête serait : aucune, nous n’avons rien fait si ce n’est parler pour d’autres. Que signifie, sinon, avoir traduit des milliers de mots dont nous ne nous rappelons aucun, car aucun ne méritait qu’on s’en souvienne ? »
Du léger, et du grave, il faut bien plus de 400 pages pour que le sage traducteur un si « bon garçon » amoureux de Paris et d’une fuyante « vilaine fille » comme on les aime dans les romans, assèche ses rêves :
« Il m'avait suffit de la voir pour reconnaître que, tout en sachant pertinemment que toute relation avec la vilaine fille était vouée à l'échec, la seule chose que je désirais vraiment dans la vie, avec cette passion que d'autres mettent à courir après la fortune, la gloire, le succès ou le pouvoir, c'était de l'avoir elle, avec tous ses mensonges, ses caprices, son égoïsme et ses disparitions. »
………  Ci-dessus, il s’agit d’une photo d’une photo de Lucien Clergue et dessous on ne le présente plus, et merci Joelle pour ce dessin:

vendredi 24 octobre 2014

Le temps presse.

Mes contemporains me chiffonnent quand ils ne se tiennent pas à l’heure :
les écrans s’affichent à la minute près, mais à moins le quart, toujours personne au rendez-vous de la demie.
Cette désinvolture très partagée ignore les impératifs des autres. Nous ne sommes loin du temps de la diligence.
Des communes ont été amenées à infliger des amendes à des parents qui systématiquement ne récupéraient pas leurs enfants à l’heure.
Alors tropisme familier pour ma bafouille du jour : je ne peux m’empêcher de relier cette nonchalance essoufflée, à peine excusée, au problème des rythmes scolaires.
Leur réforme a aggravé la fatigue des enfants quand elle visait à la réduire, alors quand les élèves sont plus fatigués le lundi matin, ce sont les loisirs qu’il conviendrait de revoir.
Les nouvelles dispositions donnent le pouvoir aux communes, elles mettent en évidence la perte de pouvoir de l’école : ce n’est plus elle qui structure le temps. Elle ne contredit plus les enfants rois issus de dynasties que nous avons élevées dans la méfiance de l’institution/  institutrice et la toute puissance des émois et du moi.
Au moment de se placer en pôle emploi position, à bac donné plus quelques années cadeaux, comment accepter de choisir de se poser face à de jeunes arrogants?
Pénurie de profs et ce n’est pas qu’une affaire de salaire, l’arbre de transmission est brisé et les câbles pètent.
On ne parle que d’échecs, subséquemment il est question de supprimer toute note, pendant que les évaluations redoublent d’intensité.
Toujours est-il que les contrariés, les décrocheurs se multiplient.
Tous ne se « sauvent » pas en Irak, mais les brigades internationales d’aujourd’hui ne tirent pas pour un monde meilleur, en se suicidant, les aspirants visent le paradis.
Tous ne traduisent pas leurs ressentiments en allant vers l’extrême droite, mais ils barbouillent nos fenêtres, foutent en l’air le peu d’innocence qui nous restait.
Avoir chanté : «  mais on est chez nous » dans un Bourgoin-Grenoble et se retrouver devant une affiche du FN qui dit pareil : alors là ce n’est plus du jeu !
J’en étais à ces réflexions harassées quand je trouve dans Libération de samedi 18 octobre, un entretien avec Alex Williams et Nick Srnicek qui viennent d’écrire un manifeste… « accélérationiste » qui s’appuie sur les technologies pour « reconquérir le futur, délaissé par la gauche nostalgique ». Un petit extrait
« Rafraîchir la modernité consisterait à reprendre possession des idéaux de l’universalisme, du progrès, de l’humanisme, de la raison et l’émancipation. Cela signifierait combattre la conception néolibérale limitée de la liberté et admettre que la liberté doit inclure une dimension positive, constructive et pas seulement une protection négative contre l’Etat. Et reconnaître la valeur du raisonnement collectif (qui doit être opposé à tous points de vue aux images classiques de la raison). » Vive la jeunesse.
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La photo en noir et blanc est de Chema Madoz qui a illustré d’autres articles de ce blog : http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/09/rencontres-photographiques-arles-2014.html

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Dans le Canard de cette semaine :

jeudi 23 octobre 2014

Le 111 à Le Pin.

Un de mes copains de jeunesse m’a informé que dans notre village de Le Pin se tenait une exposition, accompagnant son invitation d’une photographie qui m’a saisi, tant l’installation présentée paraissait  convenir parfaitement au lieu.
Effectivement sur place, le tissage aux allures de macramé, connoté MJC années 70,  dégageait toute sa poésie aux fragrances d’antan. Les toiles d’araignées de Sonia Serano, ludiques et colorées sur fond de tapisseries années 50 et les fleurs découpées d’Emmanuelle Radziner occupent une chambre donnant sur les champs jusqu’au 25 octobre au 111 de la route du Chassigneux dans l’ancienne maison Rivat, celle du charpentier.
A Paris ils ont le 114, à Le Pin c’est le 111.
Cette maison remarquable avec ses deux étages, fut une des dernières à être construite en pisé en 1920. Vous y serez bien reçus par Maurice Jayet http://mauricejayet.free.fr/index.php?option=com_content&view=category&layout=blog&id=6&Itemid=19  qui a installé son atelier dans lequel ses dernières toiles en noir et blanc évoquent abstraitement Léo Ferré de manière fort lyrique.
D’autres artistes locaux y ont déposé leurs œuvres : Joël Gorlier qui allie pierre et lames de fer, Marjo Van Der Lee aux personnages de terre rêveurs. Maler, lui,  évoque d’autres espaces mais à situer les propositions dans leur contexte, le soleil d’un bord de mer aurait mieux convenu que les lumières comptées -donc de prix- de mes  terres froides natales. Florence Escaich-Paquien, arthérapeute,
 et Monique Navizet à retrouver aussi à Virieu, apportent leurs couleurs élégantes.

mercredi 22 octobre 2014

Iran 2014. J4. Yazd au matin.

La journée commence par la visite de la mosquée du vendredi où nous nous rendons à pied sous une température déjà élevée. Nous prenons la mesure de la hauteur de deux minarets élancés construit l’un par un maître architecte, et l’autre par son élève qui a mieux réussi.
Une lourde chaîne représentant la forme d’une balance de la justice pend sous la porte d’entrée, symbole d’asile pour les non-musulmans ayant besoin d’une protection. Une fois cette porte franchie, un chaudron fixé par trois chaînes s’agite au gré du vent de façon ininterrompue. Le revêtement des murs extérieurs ou intérieurs est composé de mosaïque de faïences et non de carreaux de faïence : chaque motif du dessin est découpé en tesselles et incrusté dans un mortier.
D’ailleurs l’artisan chargé de la restauration nous propose de le regarder travailler. Dans les deux salles de prières d’été et d’hiver, corans et pierres de prières sont laissés à la disposition des fidèles.
Haleh nous conduit ensuite vers la place Mir Chaqmaq que nous avons aperçue du mini bus, richement éclairée lors de notre arrivée hier. Un édifice qui pourrait se confondre avec une mosquée s’élève sur trois étages à arcades avec deux minarets. Mais il n’y a pas de salle de culte à l’arrière, seulement des magasins.
Devant, une étrange structure en bois posée sur des rondins afin de faciliter son portage, symbolise le cercueil en forme de « palmier » de l’imam Hussein. Lors de cérémonies importantes pour les chiites, il est recouvert de tissus noirs, d’oriflammes et d’épées.
Nous trouvons un peu de fraîcheur dès que nous nous engouffrons dans le bazar couvert puis nous visitons le musée de l’eau, installé dans une superbe maison marchande. A partir de quelques ustensiles et outils, nous pouvons nous rendre compte de l’enjeu que constitue l’eau dans cette ville née d’une oasis avec des maquettes montrant les canalisations souterraines ( qanâts), des citernes et un système de pompage par pédalage actionné par le gardien.
Ces canalisations souterraines emmenaient l’eau sur des centaines de kilomètres.
« Le problème de l’eau existant depuis toujours en Iran, les Iraniens furent dès les premiers temps de leur histoire conscients de l’absolue nécessité qu’il y avait pour eux à équitablement partager les ressources existantes. Pour certains archéologues, ce fut même cette nécessité qui poussa les premières communautés en Iran à se doter d’un ordre spécial qui permit très tôt la formation d’une société ordonnée et puissante, qui se transforma rapidement en empire. Le rôle des mirâbs, "les maîtres des eaux" ou les préposés au partage des eaux, était d’une remarquable portée il y a à peine une cinquantaine d’années. »
La maison est jolie avec des stucs délicats et un bassin avec poissons et tortues qui fait face à une loggia décorée de stucs propice à accueillir les divans de nos rêves orientaux.
Nous revenons sur nos pas pour acheter des gâteaux, réputés pour leur qualité, appréciés de quelques politiques célèbres.
Plusieurs « tours du vent » (bagdir) s’élèvent au dessus des maisons basses, elles captent le vent et souvent couplées à une citerne, rafraichissent les habitations.

D’après les notes de Michèle Chassigneux

mardi 21 octobre 2014

L’arabe du futur. Riad Sattouf.

A  travers les souvenirs de sa petite enfance, un des auteurs de BD  parmi les plus réputés, nous instruit sur la jaune Libye et la rouge Syrie au cours de 150 pages sous titrées « Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-84).
Si la France est décrite sous des couleurs bleutées tout n’est pas rose et la chaleureuse voisine de la grand-mère bretonne n’avait alors pas l’électricité.
La famille Sattouf voyage beaucoup en suivant le père qui croit à la révolution verte de Kadhafi et retourne du côté de Homs où il est né au temps de Hafez el-Assad.
Au-delà des absurdités des dictatures, la violence des enfants à l’égard du blond Riad est le produit de sociétés où règne une bigoterie qui ne fera que s’amplifier, où les femmes rongent les os que les hommes ont laissés.
Cette violence se retrouve aujourd’hui dans les observations crues livrée chaque semaine dans Charlie http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/12/la-vie-secrete-des-jeunes-riad-sattouf.html.
La plaisante autobiographie à travers le regard naïf d’un enfant laisse de la place à une observation d’une époque où se rêvait encore un progrès humain même maladroit voire franchement dévoyé. Ce récit où il est aussi question de petites voitures sur le carrelage, de chantiers inachevés, de propagande, nous offre un angle original pour comprendre l’histoire dans ces contrées chaudes de la planète et une efficace galerie de portraits aux lignes claires et aux odeurs soulignées.

lundi 20 octobre 2014

Bande de filles. Céline Sciamma.

Film intéressant mais désespérant : les filles adoptent les codes les plus détestables des machos : bagarres, intimidations, conformisme. Les parents ont disparu, les bandes sont monocolores, la violence  explose à chaque instant, y compris entre « amies ».  Même lors d’une récréation, le temps d’une danse, ou dans les éclats de rires casseurs. L’école ne peut plus rien. Elles cherchent à s’éloigner d’un asservissement familial réel avec un grand frère odieux, à ne pas confondre avec la mère qui travaille et fait de son mieux. Les jeunes qui dans l’hystérie, veulent échapper à leur condition,  à cet univers, vont vers une  autre aliénation aux allures d’une émancipation dérisoire et sans avenir.
Les critiques ont bien aimé la musique et ces actrices jeunettes sur la Croisette le temps d’un festival les changent de l’éternelle nostalgie qui affiche encore Sophia Loren.
Combien de ces béats papas parisiens (intra-muros), qui s’extasient sur l’énergie du film, souhaiteraient un tel destin pour leurs filles ?