dimanche 17 novembre 2013

Juliette. Nour.

J'aime la chanteuse,  sa voix, ses choix, sa présence sur scène, son humour, son énergie.
Son dernier CD qui porte son nom : « Nour » comme Noureddine signifie « lumière » : celle qui la rassurait quand  petite, elle avait peur dans le noir et qu’elle choisira d’éteindre elle-même quand sa vie vacillera.
La gravité de cette belle chanson  tranche avec quelques potaches propositions voire une pochade telles « Légendes », « Les doigts dans le nez » qui pourrait avoir des parentés avec Pierre Perret.  De même « Jean Marie de Kervadec » de François Morel  parodie des chants de marins : il faut « monter à la misaine » et « virer au guindeau » alors  qu’il s’agit seulement d’aller au Super U qui ne rime pas seulement avec jambon cru.
Et je m'amuse à voir du le Forestier dans « Le petit musée » nostalgique, des rythmes de Laviliers en plus drôle dans « Belle et rebelle » plutôt que « moche moche et remoche »,  des accents d’Anne Sylvestre avec « Une petite robe noire » à propos des violences dont sont victimes les femmes. 
« La veuve noire » qui n’arrive pas à occire son mari malgré ses nombreuses tentatives est marrante.
« Le diable dans la bouteille » a été beaucoup entendue et a perdu ainsi un peu de sa saveur comme ces pubs qui vous surprennent la première fois et vous lassent quand on ne voit plus qu’elles.
Mais celle où Juliette est elle telle qu’elle me plait, s’intitule « L’éternel féminin », une bossa endiablée, au service d’un texte drôle sur un sujet essentiel :
« Regardez qui est là qui attise les flammes
Régnant sur les Enfers, le Diable est une femme !
Rien d'étonnant à ça ! Des brunes jusqu'aux blondes
Par elles sont advenus tous les malheurs du monde !
Le Diable est une femme et vous vous en doutiez :
La place d'une femme n'est elle pas au foyer ? »

samedi 16 novembre 2013

Une matière inflammable. Marc Weitzmann.


J’avais retenu ce livre parmi 500  proposés à la rentrée, parce qu’il mettait l’actualité politique en fond de création littéraire: essai de roman, fiction et frictions contemporaines .
Il est question de DSK  sans un détail crapoteux de plus dans une affaire qui n’en a pas manqué mais le scandale est replacé dans une durée qui apporte quelques éclairages intéressants. Dans la palette des rapports humains assez impitoyables en général, les relations amoureuses sont disséquées d’une façon originale.
Le narrateur Frank Schreiber essaye de se détacher de son milieu pour mieux le décrire, c’est mordant, habile, mais désenchanté à ce point, c’est épuisant.
«  …et si ce livre a quoi que ce soit de politique, selon moi, c’est dans l’analyse sous jacente des raisons de cet impasse en chacun de nous - dans l’analyse de nos conflits d’intérêt intimes… »
Il  décrit l’évolution de Patrick Zimmermann un économiste venu de l’OCI (trotsk’) :
 « Au prochain siècle le futur se déversera dans le présent à une vitesse inégalée »
Il passera par le PS jusqu’à devenir conseiller du directeur du FMI,
« tu te fais un ami là-bas en ce moment, tu te garantis deux ennemis. ».
L’arriviste finit seul. 
« Ce militant qui a truqué ses convictions et qui se lamente sur la fin de l’honnêteté, qui dénonce le mensonge – à force de s’être menti à lui-même… »
Le milieu juif parisien est décrit avec un détachement qui est la marque de fabrique de ces 365 pages sans empathie :
 « Tu ethnicises  la problématique du parvenu si chère au roman français, tu en fais le nœud  d’une hystérie masculine scindée entre la quête d’une virilité indépendante et la soumission au désir d’en être »

vendredi 15 novembre 2013

Extrême droite hors les murs.



La Pen menace de poursuivre ceux qui la situent à l’extrême droite.
C'est elle qui est très suivie, sur un créneau encombré: les idées, les comportements issus du ventre nauséabond plus que jamais fécond, envahissent la société et nos têtes bien au-delà des siglés de la flamme archaïque. Sous des masques ou des bonnets aux couleurs trompeuses.
Quelques arrangements électoraux misérables ou des insultes proférées par des enfants mal élevés sont des symptômes, le mal vient de loin et ne concerne pas qu’un hexagone. Le rejet de l’autre est un trait très répandu dans tant de tribus.  Mais je sais les effets dévastateurs du cri « au loup » devenu inaudible car trop utilisé, exemptant en outre le lanceur d’alerte de tout examen.
La problématique de l’étranger occupe toute conversation et face à la complexité, les réponses brutales et simplistes sont en première ligne. L’impuissance face aux interdépendances croissantes se compense dans l’érection de frontières symboliques, du périmètre le plus intime jusqu’aux marches de l’Europe en passant par son jardin. Jusqu’au vocabulaire qu’il convient de restreindre pour flatter l’électeur en s’abstenant de toute nuance, de toute réflexion allant au-delà du réflexe : première marche lâche vers l’aveuglement.
L’intellectuel est méprisé et quand les mots permettant le recul sont bannis, comment répondre après Badiou : « De quoi Sarkozy est le nom ? » : « De quoi le FN est le nom ? »
Un candidat aux élections municipales opposant à la municipalité sortante de Saint Egrève a tenu quelques propos méprisants à l’égard de la culture. Je n’ai pas dit «  candidat de gauche » car celui-ci se garde en ces temps de toute référence de cet ordre, portant ses priorités sur la « sanctuarisation » du parc de Fiancey, mais guère sur la préservation de quelque valeur soc’. Comme tout ce qui est excessif est insignifiant, je rapprocherai  ses propos désinvoltes de la réaction de « Notre frivole monarque » de jadis : « ah l’écologie, ça commence à bien faire » plutôt que de  Goebbels sortant son pistolet quand il entendait le mot culture.
Manque de vision, pêche aux voix près des bouches d’égout, petit bras et pistolet à  eau.
Sur ces démissions de toute exigence, sur ces paresses, sur l’impossibilité d’envisager la nouveauté, la démagogie joue de ses fards.
La confusion règne : qui a-t-il de commun entre les porteurs de bonnets rouges pendus aux arbres par les troupes de Louis XIV parce que des manants s’opposaient aux impôts destinés à Versailles et les objecteurs d’impôt républicain ? Les écolos sont infoutus de défendre l’écotaxe , Moscovici a repris le mot « ras le bol fiscal » et bien peu font valoir la solidarité permise par l’impôt dont la réforme est « partie à la réforme » comme on dit de chevaux retirés des champs de course.
Face à ces consternants constats, je veux croire le sociologue Jean Viard dans Libé :
« Il faut dire que les métropoles sont le cœur du monde qui nait car c’est là que nos liens collaboratifs, numériques croisent nos liens charnels, concrets - densifiant rencontre et créativité. Comme dans les grandes firmes. Mais il faut dire aussi que les lieux de la qualité de la vie, le Sud ; les bonnes écoles, les petites villes, la proximité solidaire, la créativité culturelle dynamisent ce modèle de création de richesse. »
Mais il sait bien : 
« L’immense péri urbain que nous avons construit autour de nos villes glisse vers le FN ; les régions du vivre et travailler au pays des années 70 s’enflamment ; les riches refusent l’impôt ; les moins riches aimeraient comprendre ce qu’ils vont payer. La gauche parle d’égalité mais ne comprend pas l’individu, la droite glisse vers l’identité sans penser la mondialisation. »
Et en politique : « on y cherche des places plus que des espérances, des adversaires plus que des partenaires »
Vieux pays qui se la joue jeune en flattant le fugace, le facile, avec des vieux démissionnaires, excepté de leurs mandats qui s’accumulent.
……
Le Canard n’offrant cette semaine que de l’attendu, ce dessin décalé du « Point » conviendra pour accompagner cette semaine en politique.


jeudi 14 novembre 2013

César au musée Cantini.


Gratuit le dimanche matin, le musée installé dans l’hôtel particulier légué à la ville par le marbrier Jules Cantini propose en permanence quelques belles toiles de  Derain, Camoin, Dufy, Gleizes, Léger, Brauner, Ernst, Miró, Picasso, Bacon…
Et jusqu’en janvier 2014, César, le ferrailleur se retrouve chez le marbrier avec ses objets compressés et ses expansions.
"Le marbre de Carrare était trop cher, la vieille ferraille traînait partout. 
Je suis devenu sculpteur parce que j'étais pauvre !"
 
L’autodidacte né dans le quartier de la Belle de Mai dont les voitures compressées furent l’emblème, a multiplié les matériaux avec le polyuréthane aux coulées figées, a posé dans les villes des pouces réjouissants d’un humanisme bon enfant.
Ses interrogations autour de la société de consommation ont une connotation années 60, quand l’art s’adressait à tout le monde.  
«Ce sont mes mains qui font travailler ma tête »

Beaucoup copié, le « nouveau réaliste » immédiatement identifiable, César Baldaccini a cherché inlassablement pendant 77 ans, il est décédé en 1998.

mercredi 13 novembre 2013

Christian Prost.


On ne se voyait plus qu’aux enterrements de nos anciens coéquipiers, mais la brutalité de ta mort ne nous a pas permis de nous réunir cette fois.
Comme tu  fréquentais les chemins numériques, je livre aux mémoires des machines quelques mots pour retenir la sidération de tes amis, notre peine.
J’en suis resté à ton magasin de vidéos, prolongement de nos années ferventes où nous partagions cinéma, BD, et football. Simone me dit le rock.
Tu aurais été content : ce dimanche l’OL a encore gagné le derby et moi je trouve que c’est injuste, et bien sûr dérisoire, comme la nouvelle de ta disparition qui a couru sur nos réseaux.
Si jeune, pour l’éternité.
Décidément novembre s’obscurcit de trop de nuages de crématoriums.
Une rafale une seule
D'horizon à horizon
Et ainsi sur toute la terre
Pour balayer la poussière
Les myriades de feuilles mortes
Pour dépouiller tous les arbres
Pour dévaster les cultures
Pour abattre les oiseaux
Pour éparpiller les vagues
Pour détruire les fumées
Pour rompre l'équilibre
Du soleil le plus chaud 
Eluard
Anne la lyonnaise nous a dit :
«  Il avait échangé le village du Pin contre celui de Saint Jean, et le café de la cathédrale remplaçait celui de la place. Nous y avons bu un verre à sa santé comme pour tout enterrement qui se respecte. »

mardi 12 novembre 2013

Henriette. Dupuis et Berberian.



Cette fois la petite ronde se trouve avec ses copines au bord d’une table pour la faire tourner et convoquer d'éventuels esprits.
Ce quatrième tome de la série est intitulé : « Esprit es tu là ? »
Bien sûr qu’il est là, léger, élégant, à chaque page de cet ouvrage de 10 ans d’âge des auteurs de « Monsieur Jean ».
Les  verdâtres esprits invoqués envoient Ptykkro et Pykrat pour impressionner ces demoiselles mais ils succombent aux délices du Mac Daube.
Les adolescentes sont très nunuches, les parents très lourds ; Henriette fait  un petit pas de côté : bienveillante et pas dupe.
Il faut ça pour s’endormir tranquillement et renvoyer dans les ténèbres tous ceux qui, penchés sur son lit, se demandent si elle ne devrait  pas quand même surveiller son poids :
« Allez discuter plus loin ! »

lundi 11 novembre 2013

Les jours heureux. Gilles Perret.



Le  livre présentant le programme du Conseil National de la Résistance qui a donné naissance à la sécurité sociale, aux retraites par répartition, aux comités d’entreprises... portait déjà le nom poétique d’une pièce de théâtre de 1938 : « Les jours heureux » avec François Perrier.
Il est dans l’ordre des choses qu’un film en 2013 apporte un éclairage sur un moment historique évoqué abondamment au cours de l’élection présidentielle aussi bien par ceux qui se présentent comme les héritiers du CNR que par ses liquidateurs.
Cette référence dans l’audace sociale, qui fit consensus à l’époque, reste menacée par le libéralisme sans vergogne. Le réalisateur savoyard fait parler les anciens résistants Hessel, Aubrac, juste avant qu’ils ne disparaissent et quelques politiques dont Bayrou qui n’en sort pas à son avantage quand il s’énerve puisqu’il est question de réglementer la finance débridée.
Le montage classique est efficace et comique quand  le mot CNR est prononcé comme un mantra qui n’ébouriffe même pas Copé.
Malgré la volonté de l’auteur de « Mémoires d’ouvriers » de lier ces riches heures à l’actualité, les enjeux actuels ne sont pas vraiment approfondis. Restent les paroles fortes des anciens mais la relève ne parait pas aussi rutilante.
Le film s’ouvre sur un vétéran qui va vers un lieu de mémoire ; derrière les vitres rayées du TER, le paysage en est griffé.