Le public des amis du musée de Grenoble est plus familier des pinceaux en poils de martre que des bombes aérosol; le mérite pédagogique des organisateurs du cycle de conférences qui nous ont menés des cavernes préhistoriques aux tags n’en est que plus grand.
Après Diego Rivera, Michel Ange, Pompéi et la grotte
Chauvet, il était question de notre contemporain, l’énigmatique Banksy, le pape
du street art, qui garde son identité bien cachée alors que ses œuvres
s’étalent à l’extérieur en nécessitant désormais pour certaines une protection
en plexiglas … pour éviter des tags rageurs ?
Ses interventions drôles, imprévisibles sont reconnues
désormais dans le monde de l’art et le film « Faites le mur »
qui suivait la conférence traitait, avec humour bien sûr, de ce passage de
la subversion à la reconnaissance avec son
cortège de dollars.
« J’admire la manière dont le capitalisme trouve une place même à ses
ennemis. »
Il ne se présente pas à ses expositions où il fait venir des
porte-paroles.
« Le monde de
l'art est la plus grande farce qui existe. C'est une maison de retraite pour
les nantis, les prétentieux et les faibles. Et l'art moderne est une
escroquerie – jamais autant de gens n'ont utilisé autant de ressources et de
temps pour en dire si peu. L'avantage c'est que c'est sans doute le secteur
d'activité au monde dans lequel il est le plus facile d'entrer sans aucun
talent et de se faire de l'argent. »
Avec ses pochoirs où il joue avec le blanc et le noir, la
troisième zone étant couleur muraille, ses œuvres très accessibles devenues des
icones s’exposent en posters et cartes postales à l’ambigüité savoureuse, aux
accents moqueurs décapants.
Un bobby bombe:
« god saves the Quee… »: the Queen? The Queer ? (le
bizarre ? l’homo ?).
La peinture est un sport de combat : deux policiers
s’embrassent, un bouquet est lancé comme un cocktail Molotov, Mona Lisa tient
un lance roquettes, une femme de ménage pousse la poussière sous le mur qu’elle
soulève, une panthère sort de sa cage en code barre, un singe fait exploser un
régime de bananes, au bout d’une interminable ligne blanche un policier renifle,
quand « les américains travaillent au dessus de nos têtes » c’est l’armée de Bush en hélicoptère, une poule
regarde, contrariée, deux œufs dans une poêle….
Il intervient dans des manifestations avec des pancartes
fortes, installe fugitivement des panneaux
sur des plans d’eau londoniens ou de faux ailerons de requins, il détourne
des injonctions municipales qui interdisent les jeux de balles.
Ses rats découpent des trottoirs, rentrent dans leur trou en
smoking, ils mettent en garde contre une société radioactive. Des policiers
fouillant une petite fille avec son nounours représentent cette folie
sécuritaire qui envahit nos têtes. Ses billets où l’effigie de Lady Di remplace celle d’Elisabeth
ont été acceptés dans des bars lors du carnaval de Notting Hill et leur valeur
aujourd’hui dépasse de loin la somme indiquée sur ce qui ne peut être qualifié
de fausse monnaie.
Il intervient sur le mur des murs, celui qui mesure 700 km
en Palestine ; il met en images des
rêves d’enfants avec une échelle démesurée, un cheval géant, une trouée vers de
plages paradisiaques, et pour une fois c’est une petite fille qui contrôle des
soldats.
Au Mali, sur les murs de banco, un zèbre attend que ses
rayures sèchent après lavage.
Il colle de faux tableaux dans des galeries avec des trompe l’œil comme ce noble XVIII° taguant, cet employé qui efface une fresque
préhistorique ou bien des paysages bucoliques envahis de caméras de
surveillance.
Le muséum de Londres ne va pas enlever ses installations
sauvages, elle les confisque à son avantage : bien joué !