samedi 20 juin 2009

En attendant Godot.

La notoriété de cette pièce de 1953 n’est pas usée. Son dispositif élémentaire et souvent repris m’avait fait penser que je l’avais déjà vue, pourtant dernièrement à la MC2, j’avais l’impression de la découvrir dans cette mise en scène de Bernard Levy avec Gilles Arbona, l’acteur de théâtre que je connais le mieux. C’est notre voisin.
Beau décor dépouillé, langage simple, acteurs évidents, situations claires, pour nous entraîner dans la complexité face à la relativité de l’amitié, à l’absurdité de la vie, à nos compassions manipulables. Le temps, l’ennui, le désespoir.
« Elles accouchent à cheval sur une tombe, le jour brille un instant, puis c’est la nuit à nouveau. En avant ! » Je n’ai pas ri, bien qu’il y ait des clowneries, et j’ai trouvé le texte poétique.
« Fous moi la paix avec tes paysages ! Parle moi du sous-sol »

Nous y sommes invités.

Ados addicts aux écrans.

Quelques mots retenus après la conférence donnée au collège Barnave par Régis Miramond, psychothérapeute au CHS de Saint Egrève.
Il y a 10 écrans en moyenne par foyer en France téléphones compris bien sûr ;
1 million d’usagers de jeux vidéo sur 28 millions atteindraient le trop plein,
les jeux en ligne étant les plus addictogènes, à en perdre le manger et le sommeil.
A l’heure où l’on introduit avec succès la Wii dans les maisons de retraite, c’est bien sûr l’excès qui est problématique, et peut sidérer ceux qui n’ont pas pris garde assez tôt aux signes avant-coureurs qui sont ceux de toute dépendance :
perte d’attention, isolement, baisse de motivation, urgence de l’immédiateté.
La parole des parents est la solution pour aller contre l’addiction, une réponse à un sentiment de l’inacceptable dont le seuil de tolérance a baissé considérablement.
Retrouver le sens du mot provocation (provocare : appeler), aider à faire la différence entre l’envie fugitive et impérieuse et le désir qui est une recherche à l’intérieur de soi, ne pas hésiter à s’opposer, oser dire ses doûtes mais poser la loi, ne pas fuir les problèmes.
Quand 15% des élèves de seconde doivent prendre des remèdes pour supporter leur scolarité, nous sommes devant un phénomène d’une société qui ne veut plus connaître de contrainte, où l’argent remplace la loi. L’enfant aime s’occuper de ses parents mais ceux-ci doivent assumer leur rôle de parents, au moment ou l’avenir doit se préciser, il faut que les histoires familiales soient dites. Dans la conduite automobile on doit anticiper, saisir tous les éléments d’un champ mouvant, les habitudes prises devant l’écran d’une vidéo qui rétrécit le champ de vision sont pénalisantes comme dans la vie qui ne se résume pas à des comportements mais requiert de la profondeur, la prise en compte d’éléments mouvants. Pour que les conduites de dépendance ne s’ancrent pas trop tôt, quelques précautions :
pas de télé avant trois ans, pas d’internet avant 6 ans, que l’ordinateur soit au centre de la maison et pas plus d’une heure devant l’écran.
Pour compléter lors d’un échange dans Libération concernant la crise des valeurs, ces mots de Catherine Dolto :« Les valeurs du commerce ont remplacé les valeurs d’humanité. Désormais, seul importe ce qui est mesurable par des machines. On a oublié que la pensée se construit à travers l’expérience. Einstein disait : « l’expérience apporte la connaissance, tout le reste n’est qu’information ». Le virtuel a éparpillé les gens et les a sortis de leur corporalité, de leur affectivité…L’humain s’il ne reçoit pas de sécurité affective, se construit dans la peur. »

vendredi 19 juin 2009

Livre de chroniques IV

J’ai connu Antonio Lobo Antunes par une de ses pièces de théâtre « Le cul de Judas » dont j'avais lu le livre qui l'avait inspirée par la suite, tellement son récit de la guerre en Angola est puissant. Ce recueil de chroniques variées de plus de 300 pages vibre de la même intensité et si les blessures de guerre reviennent encore, il sait bien faire palpiter son écriture à la description des lieux les plus humbles, des hommes et des femmes. Un rythme qui va chercher la précision, le mot juste, les formules réussies : « y a-t-il une vie avant la mort ? », « il devrait pleuvoir des larmes quand on a le cœur trop lourd », « c’est là où la femme a connu un amour heureux que se trouve son pays natal »… Je les déguste sur trois pages, le temps d’un voyage en sympathie ou je me dépêche vers d’autres surprises, d’autres enchantements d’écriture. Il faudrait tout citer, alors autant le lire. En général, la posture de l’écrivain se regardant écrire peut se révéler pompante, autant les recherches d’Antunes mêlant l’humour et la profondeur, jouant avec le temps nous le rendent familier, fraternel.

jeudi 18 juin 2009

Bruno Moyen

En allant faire un tour dans le quartier Championnet, de grandes photographies du quartier prises par Bruno Moyen attirent le regard. Présentées sur des totems ou à la devanture de magasins, l’effet de mise en abîme joue, mais pas seulement, le format et le style du photographe grenoblois distinguent ses productions. Récemment place Victor Hugo étaient accrochés des portraits de grenoblois portant un cadre, une façon d’avoir une idée générale de la ville et de quelques habitants en particulier. Là c’est un quartier qui peut se regarder au fil des heures : celle où maman conduit les enfants à l’école ou les commerçants s’apprêtent... Passé par New York et Pékin, Bruno Moyen revient dans ses rues.
http://www.brunomoyen.com/Home.html

mercredi 17 juin 2009

Sciences. Faire classe # 34

Histoire, géographie, sciences forment le triptyque de la dernière heure d’une journée de classe.
Ces disciplines jadis qualifiées d’éveil requièrent un dispositif similaire :
quatre pages A4 par thème avec des emplacements pour croquis mis au propre iront dans le classeur. Le carnet de croquis est souvent sollicité sur le vif. Ainsi que des séquences vidéo ou animations sur internet.
L’écolier d’un XXIème siècle, risque d’imaginer que l’air est composé uniquement d’ozone et de gaz carbonique, son corps le lieu menacé par le S.I.D.A. ou l’obésité : de quoi être stressé !
Alors il faut aller à la rencontre des éléments primordiaux : la terre, l’eau, le feu, l’air, le corps. Le temps, l’espace : la leçon des choses, les sciences naturelles.
Les oreilles pour le récit, les yeux pour les paysages, les mains pour la vérification des rouages.
« …ils écrivent des libelles, ou de prétendues sommes scientifiques, où ils mettent en question tout et le reste. Rien de ce qu’on pensait n’est plus vrai, à les entendre ; on a changé tout ça. Voilà que dans des verres d’eau nageraient de toutes petites bestioles qu’on ne voyait pas autrefois ; et il paraît que la syphilis est une maladie tout ce qui a de plus normale et non un châtiment de Dieu… »
P. Süskind
Les sciences constituent les piliers du temple de la raison et dans chaque école le seul saint admis s’appelle Thomas qui demandait à voir pour croire. Il ne s’agit pas de gonfler des biscotos d’un athéisme primitif parodiant d’autres fondamentalismes. Les mystères fabuleux qui ordonnent le ballet des planètes ou les alchimies fascinantes du corps éloignent de tout dogmatisme.
Dans les années soixante, je regardais le magazine « Sciences et vie » avec respect, il reflétait une croyance optimiste en l’avenir : l’eau arrivait dans les cuisines et une maman de rêve souriait de toutes ses dents de papier glacé ; ère du spoutnik. Les grands ensembles participaient au progrès repoussant les bidonvilles vers Rio à portée de Concorde. La science peut séduire aujourd’hui dans sa version « Sciences et vie junior » avec une présentation agréable qui met de la simplicité dans un domaine où la complexité nous rend souvent perplexe.
Le concept de « la main à la pâte » s’est installé alors que main et pâte sont mal vues, à l’heure des précautions par principe où les ingrédients risquent la péremption et les doigts sans gant, une désinfection draconienne. La démarche méritoire des émules de Charpak reprend le tâtonnement expérimental des pionniers Freinet. La médiatisation a été efficace mais l’ambition a paru à beaucoup difficile à atteindre. Les mises en place s’avèrent parfois trop lourdes et guider les élèves d’une façon suffisamment subtile et efficace exige une technique certaine. Quelles expériences doit-on inventer pour répondre aux questionnements ? A ne pouvoir imiter les plus passionnés, on risque de ne rien accomplir du tout. Pour permettre aux enfants de ne pas s’enferrer dans des bricolages vains, j’ai passé beaucoup de temps à batailler autour d’une aiguille ; et que je la frotte en tous sens contre un aimant, mais celle-ci refusait de donner le nord : il fallait la frotter dans un seul sens. Euréka, mais que de temps passé !
Dans les livres émouvants des années cinquante aux illustrations claires, des idées d’expériences abondent et les méthodes actives sont tout à fait recommandées autour de la conjugaison des verbes : agir, réfléchir, conclure, retenir. Pourquoi ce dernier mot fleure un peu la brocante ? Quel régal pour les élèves de manier, triturer, essayer, construire! Les manuels, les sites foisonnent. L’émission « c’est pas sorcier » avec son côté bricolo rapproche le spectateur de l’expérimentateur et procure des idées de manipulations. Les temps nous conduisent à la propreté, à l’asepsie, mais il vaut mieux que l’expérience se déroule en classe au risque de laisser une odeur persistante de bois après distillation qui enrichira la mémoire. Les cris d’effroi un peu surjoués, poussés quand il s’agit d’extraire le cristallin de l’œil d’un bœuf, se mêlent de curiosité. Réserver à l’abattoir un œil pour chaque élève comme avant que la vache ne fut folle relève du parcours du combattant, mais l’effet reste garanti. Les expérimentations réalisées pour tous les élèves demeuraient plus aquatiques avec leur lot de bouteilles en plastique pour construire des clepsydres de fortune. Un biceps de baudruche gonflé à la paille levait un avant bras plus efficacement qu’un bol d’E. P.O. Une machine à vapeur en maquette siffle et fume, elle fonctionne à l’alcool solidifié et permet de comprendre bien des mécanismes produisant de l’énergie. Un bouchon en pomme de terre au bout d’un tube a sauté après la vaporisation d’un peu d’eau qu’il contenait. Situation : qu’est ce qui va se passer ? Pourquoi ? Confrontations. La vapeur pousse dans le piston, mais la naïveté sera le ressort, la curiosité la turbine, l’étonnement le moteur.
Je me souviens de bouteilles en plastique lestées diversement qui « pesaient le vent », chez un de mes maîtres.
Les enfants n’ont plus l’occasion de voir dépouiller un lapin ou la saillie d’une vache. Canal + y pourvoit en saillies, mais les plus belles images de synthèse ne vaudront pas le plaisir de ramasser ses propres radis dans son carré de potager scolaire. Souvent les élèves ont été bien sensibilisés avec des élevages, des plantations les années précédentes, ils ont profité de séjours en classes vertes à construire des moulins à eau, à cuire des tartes avec leurs cueillettes. Ils poursuivent ces activités attractives en C.M. : montages électriques qui éclairent par exemple des boîtes à chaussures décorées pendant les temps d’arts plastiques.
Lego offre des ressources infinies pour la technologie et c’est encore meilleur depuis que cette marque ne connaît plus la même faveur chez les marchands et leurs victimes.

mardi 16 juin 2009

On n’est pas sérieux, quand on a septante ans

On n’est plus sérieux, quand on a septante ans
Un beau matin, on se lève, on n’a pas dormi
On dit adieu les rêves, on salue ses envies
On regarde au miroir ses rides de vieil enfant.

On enfile un vieux short, des baskets rose bonbon
On nettoie la bécane, on regonfle les pneus
La selle est un peu molle, propice aux abandons
Le chemin a des parfums mouillés dans les creux

Voilà qu’on aperçoit une casquette bleue
Des yeux rieurs, une barbiche claire, c’est Léon.
Septante ans, poète et vainqueur du Marathon
De New York, Paris ; on l’avait perdu des yeux

Premier mai ! Septante ans ! « - On se laisse griser »
La sève printanière, plus forte que vos artères
Est un alcool capiteux qui vous fait tanguer
- Bonjour ! – Salut ! Ce jour exauce mes prières !

On met un pied à terre, on fait des regards doux
On s’essuie la nuque, on boit à son bidon
Vous aimez pédaler sur la digue, dit Léon
On opine, on lui offre un caramel mou.

Sur la berge de l’Isère tremblent les peupliers
Les neuves hirondelles chassent les moustiques
De nos sacoches kaki, on sort nos pique-nique
Pour lui pain et fromage, pour soi du lait caillé

L’ombre est fraîche, il vous couvre de son K-Way
« Quand on a septante ans, mieux vaut être prudent ! »
Ses yeux brillent comme lacs ; on n’ose dire ouais !
On s’endort pour de vrai dans un décor charmant.

On rêve du temps jadis, on était si sérieux
L’amour unique pour toujours mettait le feu
A chaque heure. On était plein et le monde vide.
A septante ans le monde est plein et le cœur vide.

Léon rampe vers vous, à la bouche une violette
Il dit votre nom les bras pliés sous la tête
Sa main touche la vôtre, il chante un vieil air
« La belle si tu voulais… », on ne fait pas la fière.

On murmure : « nous dormirions ensemble, lonla »
Il poursuit, tremblant : « dans un petit pré carré »
On s’entête : « sous les lilas et les résédas »
On trouve sur les fougères une couche pour s’aimer

On revient chaque soir au chemin des amants
On récite Rimbaud, on chante du Ferré
Le cœur est plein, le monde aussi, chère liberté
On se fout d’être sérieux quand on a septante ans.

Marité
Rappel de l'original:
ON N'EST PAS SERIEUX QUAND ON A DIX-SEPT ANS
On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans
Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
On va sous les tilleuls verts de la promenade.
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits, - la ville n'est pas loin, -
A des parfums de vigne et des parfums de bière...
Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon
D'azur sombre, encadré d'une petite branche,
Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche...
Nuit de juin ! Dix-sept ans ! On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête...
On divague, on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête...
Le coeur fou robinsonne à travers les romans,
Lorsque, dans la clarté d'une pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l'ombre du faux-col effrayant de son père...
Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte, et d'un mouvement vif...
Sur vos lèvres alors meurent les cavatines...
Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août.
Vous êtes amoureux. Vos sonnets la font rire.
Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût.
Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire !...
Ce soir-là,... vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade...
On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans
Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.

Arthur Rimbaud

lundi 15 juin 2009

Home

La terre est belle, le film, vu au cinéma, est beau et ce n’est pas un inconvénient !
Qui peut être contre une occasion de s’émerveiller, de s’émouvoir, de réfléchir ?
Les musiques new âge me rebutent mais ce sont ceux qui regrettent l’impact de ces images sur les votes aux européennes qui m’atterrent.
Les abus de la pêche et de l’agriculture intensives, la déforestation, le réchauffement climatique, la raréfaction des sources d’énergie fossiles ne sont pas des problèmes secondaires ! Le seul tracas, c’est que cette prise de conscience s’opère aussi tard : le Club de Rome dans les années 70 avait pointé bien de ces sujets de préoccupation. Le texte du film est pédagogique sans mièvrerie, effectivement nous sommes des fourmis sur cette planète, le point de vue loin d'être européocentré est fécond : nous n’avons plus le luxe de gloser pour savoir si Besson et Bernard Arnaud n’ont pas dénaturé le message, si de dire « home » c’est s’approprier indûment la nature. Il faut revoir nos modèles de développement.