samedi 21 janvier 2017

Les poissons ne ferment pas les yeux. Erri De Luca.

Enchanté. Parler de l’enfance, de son enfance est un exercice difficile et c’est un domaine où je suis particulièrement chatouilleux : les occasions sont légion de jouer au plus malin ou de faire grincer les cordes des violons.
Ici, c’est bien l’adulte qui écrit avec une sensibilité qui rend complètement crédible sa sincérité.
« Ce bout d'un été d'il y a cinquante ans, vu à travers la focale de la distance, s'agrandit.
On découvre des horizons aussi dans un microscope, pas seulement du haut d'une montagne »  
Au bord de la mer du côté de Naples, le père parti en Amérique et le corps comme une enveloppe qui ne demande qu’à grandir, c’est le moment des découvertes, quand les mots enchantent le monde dont il aime les levers de soleil et les couchers :
 « Aujourd’hui, je cherche le coucher du soleil dans toutes les îles où je me rends.
Je vais à l’Ouest à l’heure où il se vide dans la mer.
Aujourd’hui, je racle l’assiette de l’horizon jusqu’à la dernière lumière »
Les dilemmes de l’enfance qui constitueront l’adulte sont traités d’une façon originale, poétique, authentique, réaliste.
La justice, le travail, les animaux, la jalousie, la violence, la fillette et sa robe blanche, les mots croisés, les livres, le cinéma, maman, les odeurs de la cuisine, la liberté, partir ou rester, le Sud et le Nord : 139 pages pour se délecter de croire comme Brel : 
« Faut dire qu'elle était brune.
Tant la dune était blonde.
Et tenant l'autre et l'une.
Moi je tenais le monde »
Et puis l’été finit.

2 commentaires:

  1. "Qui sommes-nous face à l'indicible, fut-il hurlé".
    Vraiment excellent, Guy.
    Là, tu poses le problème principal : pourquoi... tenir dur comme fer à hurler l'indicible ? Que devient l'indicible quand on le hurle ?
    Je suis tiraillée d'après ta critique : la condamnation de l'intellectuel comme un nanti qui n'a pas un VRAI rapport avec le monde parce qu'il n'a pas la vie d'un bagnard/pauvre/exclu, etc etc, me semble de mauvaise foi (toujours l'idéalisation des pauvres) et remet en marche la très vieille balançoire sur laquelle nous versons, tantôt du côté d'une chair outrageante et outragée, tantôt du côté d'un esprit... dématérialisé et désincarné, dans un parallélisme que l'Occident a déjà beaucoup exploité.
    Je n'aime pas... les artistes ? qui me crient à la figure que l'art et la beauté sont morts. Pour moi... ce sont des démagogues. Et il y en a beaucoup qui sévissent aujourd'hui. Quand le démagogue bat le pavé, l'art s'éloigne.
    Merci pour ta critique très mesurée.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce commentaire était destiné à 2666 du jour d'après.

      Supprimer