jeudi 27 janvier 2022

Botticelli. Fabrice Conan.

Sous le regard scrutateur du Florentin dont l’ « Autoportrait » figure dans « l’adoration des mages », le conférencier devant les amis du musée de Grenoble présente un des maîtres de la Renaissance. En ce moment, le musée Jacquemart-André à Paris expose quelques unes de ses œuvres jusqu’au 27 janvier en le désignant comme « designer » sans doute parce qu’il a reçu une formation d’orfèvre. Le terme est anachronique, au même titre  que celui auquel nous aurions échappé : « Un peintre féministe ».
Sandro Botticelli né en 1445 Alessandro di Mariano di Vanni Filipepi entre  à vingt ans dans l’atelier de Filippo Lippi aux vierges pleines de grâce, « La Lippina ». Il avait enlevé une religieuse enceinte de ses œuvres, lors d’une procession.
Dans « La Vierge à l'Enfant soutenu par un ange sous une guirlande » un des premiers tableaux de l’élève Botticelli qui influencera à son tour Filippino Lippi le fils de son maître, la vierge n’a pas le monopole de la monstration. Les traits sont encore byzantins, mais le déséquilibre amené par l’ange apporte une certaine spontanéité à cette œuvre destinée à des dévotions privées.
Les représentations de la mère de Jésus sont nombreuses : « La Vierge à l'Enfant avec deux anges » au voile léger, aux carnations suaves, ouvre l’espace du réel devant un paysage idéal où figurent des cyprès, symboles de résurrection.
Les commandes affluent et un assistant réalise saint Jean-Baptiste dans « La Vierge et l'Enfant avec le jeune saint Jean-Baptiste ».
« La vierge du petit palais »
porte la robe au bleu canonique dont l’éclat rapproche du spectateur, l’architecture illustre l’expression : « Marie, porte du ciel ».
« La Madone de l'Eucharistie » avec épis et raisins offerts par un ange adolescent couronné de myrte, signe de beauté (Vénus), et aussi d’humilité, de fertilité, associe les splendeurs terrestres aux épisodes divins. Le travail à «  la tempera » offre des tonalités assourdies, une ambiance plus feutrée, humaniste.
L
e Tribunal de Commerce de Florence lui commande un panneau: « La force » pour l’intégrer dans une série d’allégories.
« Portrait d'homme avec médaille de Cosme l'ancien »
, il s’agit sans doute de son frère peint dans le style flamand, il tient le médaillon gravé en relief.
Pour la chapelle du pape Sixte IV, il réalise de grands panneaux dont « Les Épreuves de Moïse ».
La servante qui accompagne sa patronne, certes un peu songeuse, porte la tête d’un vieillard  « Retour de Judith à Béthulie »
alors que celle-ci vient de la séparer du corps du jeune Holopherne « La Découverte du cadavre d'Holopherne ».
« L'Adoration des mages » s’intitule aussi « L'Adoration Médicis » puisque la cour est là autour de la puissante famille. Elle vient rendre hommage à l’enfant Dieu surplombant la foule animée aux visages qui ne sont plus alignés (isocéphalie).
La vierge a les traits de Simonetta Vespucci morte à 23 ans, huit ans auparavant, dont la beauté est celle de la Renaissance : elle figure également une des trois grâces du 
«  Printemps » sous une si légère toile de Reims. 
Au centre de « La Naissance de Vénus »  venue de la mer, poussée par le souffle de Zéphyr et de sa compagne Aura, elle est pudique et l’atmosphère légère. La divinité du printemps lui apporte un voile bien inutile.
Le « Portrait de jeune femme » a l’éclat d’une icône.
Dans « Vénus et Mars » destiné à un coffre de mariage, les cercles néo platoniciens, parmi lesquels il travaillait, savaient lire la signification de la moindre guêpe qui vole autour de la tête du dieu de la guerre bien endormi malgré des faunes facétieux, allusion à la famille Vespucci aussi bien qu’aux piqures de l’amour.
Aux buchers des vanités allumés par « Savonarole », il apporte certaines de ses œuvres après en avoir renié d’autres.
« La Calomnie d'Apelle »
, un peintre de la Grèce antique, fourmille de références mais les interprétations divergent. Le roi Midas et ses oreilles d'âne est conseillé par Ignorance et Suspicion, Lividité en noir tient une torche devant la belle Calomnie coiffée par Perfide et Tromperie, elle a attrapé la jeunesse par les cheveux. Vérité a tourné ses yeux vers le ciel.
Plutôt que « La Nativité mystique » qui revient aux codes médiévaux,
« La Madone du Magnificat »
rayonne encore.
 Botticelli meurt en 1510 à 65 ans, il ne peint plus depuis des années.

mercredi 26 janvier 2022

Eguisheim.

Après un café Senseo mis à notre disposition par L. dans le AirB&B, nous partons toute la journée explorer la route des vins.
Nous commençons par Eguisheim,
récompensé du titre de plus beau village de France, nous en verrons d’ailleurs d’autres ainsi gratifié dans notre périple.
L’aménagement des ruelles de la vieille bourgade dépend entièrement d’anciens remparts et épouse leur forme en rond avec au centre la place du Château.
De belles maisons à colombages bien fleuries se serrent les unes contre les autres, ne laissant que peu de place à la voirie.
Ici encore, les enseignes attirent l’œil, que ce soit pour signaler des magasins de bretzels ou les nombreuses et coquettes caves viticoles.
Les deux  monuments historiques s’élèvent  au cœur de la cité :
- la chapelle de Léon IX commémore  le pape voyageur, natif d’Eguisheim vers 1002.  Construite en 1894 à côté du château, à l’emplacement de l’ancien donjon, elle adopte le style néo roman mais les couleurs récentes n’ont pas pris la patine du temps passé. 
A l'intérieur, sur la voûte, ont été peints par Martin des médaillons dans le style du 11ème siècle. Ils représentent sept scènes de la vie de Saint-Léon, alors que les vitraux de celle-ci datant de 1895, symbolisent les Saints d'Alsace dont un grand nombre sont issus de la famille des Comtes d'Eguisheim.
- Nous ne visiterons pas le château, surtout intéressant de l’extérieur selon le routard.
Par contre, nous accordons plus d’importance à l’Eglise des Vierges d’Eguisheim  appâtés par le prospectus de l’Office du tourisme.
A l’intérieur sur le côté droit en entrant, une magnifique et rare vierge ouvrante du 14° siècle  niche derrière une vitre de protection. Mise en valeur sous un tympan  et encadrée par des colonnettes, elle est posée à l’emplacement  du trumeau d’un portail. Elle  est affublée d’une porte au niveau de l’abdomen, qui une fois ouverte laisse apparaitre un ange tenant un cierge peint sur deux vantaux  et une gloire surmontée d’une hostie au centre. La vierge, se montre souriante mais assez inexpressive derrière une apparence et des traits naïfs. Dans le  tympan au-dessus d’elle, le Christ  Pantocrator règne entouré de Pierre muni de sa clé et de Paul.
Il domine une rangée de femmes, les vierges folles et les vierges sages. Les vierges folles  se situent  à droite de l’œuvre mais en fait  à gauche du Christ. Elles pointent leurs lampes vers le bas alors que Dieu, qui est la Lumière, siège en haut, et discutent  deux à deux dans une attitude dissipée. 
Tout autrement se comportent les vierges sages, à gauche (droite du Christ),  figées dans une attitude unique sans distinction aucune, bénies par un Christ abrité sous une tour. Heureusement pour nous, après l’office, nous avons pu bénéficier d’un peu d’éclairage et d’aide de la part d’une paroissienne, bien utiles pour la découverte de ces représentations inhabituelles ! Nous quittons l’église sans trop explorer le reste, en passe de fermeture. Nous ne verrons pas non plus les cours dîmières inaccessibles aujourd’hui.
A notre arrivée à Eguisheim vers 10h  nous avons été surpris du peu de touristes présents et bien que vers 11h, ils commencent à affluer, rien de comparable à Saint Paul de Vence ne s’est produit, contrairement aux informations délivrées par les guides ou les autochtones. 
Tant mieux pour nous !
Nous croisons encore moins de visiteurs à Rouffach certes moins léché que le village précédent. Les maisons protègent leurs pierres jaunes sous des crépis qui leur confèrent une apparence plus anodine.
Pourtant quelques bâtisses, souvent à redents, attestent d’un passé prospère et le petit fascicule de l’ODT nous permet de les repérer, d’en savoir un peu plus.
Au centre, de la place de la république se dresse l’église Notre Dame de l’Assomption, de style gothique et en grès jaune. Un concert pour piano se prépare, des notes s’échappent et transpercent les murs. Nous ne nous expliquons cependant pas bien la présence de 2 harmoniums installés, l’un devant l’ODT et l’autre en déco près de la cathédrale. Sous la protection de l’église, plusieurs édifices civils remontent à la Renaissance, placées à peu de distance les unes des autres.
Dans cet ensemble, se trouvent l’ancienne halle aux blés, reconvertie aujourd’hui en musée, l’ancien hôtel de ville remanié à différentes époques, l’ancienne maison de l’œuvre Notre Dame abritant l’atelier des tailleurs de pierres.
Plus vieille encore, la colonge ou exploitation agricole de l’abbaye d’Eschau montre une architecture très défensive, son seul décor provient de ses fenêtres gothiques préservées. Il subsiste aussi une tour des fortifications qui servit de prison et porte le nom de Tour des sorcières. En ce qui concerne l’habitat, des oriels garnissent des façades, une ancienne  synagogue du XIII°siècle fut désacralisée pour accueillir des logements.
Quant à la fontaine saint Urbain,  les statuettes qui la décorent  racontent  la vengeance des vignerons contre le saint :  après de mauvaises vendanges ils précipitèrent  son effigie dans le bassin.