mardi 14 décembre 2021

RIP*. Gaet’s Monier Petit.

Quelques citations permettent de se reposer entre quelques cadavres autour desquels volent des insectes que le personnage principal étudie pour les besoins de ses enquêtes. 
«  La vie ne se résume pas à avoir de bonnes cartes en main ; parfois, c’est savoir bien jouer avec un mauvais jeu. » Jack London.
Comme l’indique ce volume 3 d’une série qui doit en comporter 6, Ahmed a tendance à se trouver «  au bon endroit au mauvais moment ». 
Vendues comme glauques ces 110 pages nous plongent effectivement dans un univers bien sombre voire tellement malsain que le sourire peut être une échappatoire, sinon quelque musea domestica viendra tourner autour du contenu de votre estomac qui aurait pu se vider par la haut devant tant de macchabées à la putréfaction avancée.
 
* Le latin « resquiescat in pace » croise l’anglais «rest in peace » : « repose en paix » quoi et en abrégé !

lundi 13 décembre 2021

Tre piani. Nanni Moretti.

Ce film est une adaptation d’un roman de Eshkol Nevo se déroulant à Tel Aviv transposé à Rome. Nous retrouvons l’Italie du cinéma avec un de ses représentants des plus célèbres qui a vieilli avec nous et nous parle si bien de transmission, de responsabilité. 
Il ne se donne pas le beau rôle dans ce film à propos de trois familles sur trois étages d’un même immeuble, en trois périodes, à cinq ans d’intervalle.
Le juge interprété par le réalisateur est tellement à la recherche de l’intégrité qu’il s’est enfermé dans une attitude trop rigide avec son fils. Les autres hommes ne sont pas plus en réussite avec leurs enfants, soit par leur absence soit par une présence envahissante. 
L’un d’eux influencé sans doute par les faits divers contemporains et le babil adjacent va se pourrir la vie et celle de ses proches en imaginant chez le papi à qui il confie sa fille, un pervers sexuel.
Le métier de parents n’est pas facile et parmi les destins compliqués des adultes, si les femmes semblent plus solides, les enfants, et c’est rare, n’ont pas un rôle secondaire. 
Bien que les « happy end » de ce film choral nécessitent quelques raccourcis scénaristiques parfois artificiels, nous aimons nous faire raconter des histoires d'amour, pour alléger culpabilités et mauvaises consciences convoquées pendant deux heures où sont aperçus également démence sénile et hérédité, voire escroqueries et migrants.

dimanche 12 décembre 2021

The personal element/azoth. Alonzo king.

Comme nous n’en sommes pas encore réduits à n’apprécier que des produits (culturels) en circuit court, la compagnie venue d’Outre-Atlantique avec une réputation flatteuse semblait attractive. D’autant plus que ça fait un bail que nous n’avons pas vu de chaussons sur le plateau de la MC2. L’ambition affichée devait réunir tradition et modernité, mais ce propos commence à dater entre rafraichissement, dépoussiérage qui finissent par évacuer toute émotion.
J’ai eu l’impression, avec des postures impeccables des belles danseuses, de voir projetées des lettres enluminées lors de la première partie mais jamais réunies en mots. Les hommes en sont réduits à un rôle de porteur sur une musique qui plaque ses notes dont toute mélodie est évitée. La deuxième partie est aussi bien éclairée et cette fois les gestes isolés se rejoignent mais bien tard quand le saxo apporte un peu de chaleur. De beaux tableaux, des gestes inédits, des positions inusitées mais trop parcimonieuses ponctuent un ensemble  longtemps discordant dans un décor sobre mettant en valeur des corps épanouis mais qui n’entrainent pas.
 

samedi 11 décembre 2021

La vie derrière soi. Antoine Compagnon.

Le titre était vendeur, le sous titre fin : «  Fins de la littérature » et les intitulés de chapitre prometteurs : « Le chant du cygne », « Les jeux sont faits », « Gagner la sortie » pour qui verrait arriver l’hospice sous de paisibles auspices.
J’avais apprécié le professeur au collège de France
mais ces formats courts m’avaient mieux convenu que ces 380 pages que j’ai trouvées répétitives, alourdies d’intégrité universitaire où tout est référencé et vraiment pointu. 
«  Friedrich Gundolf( pseudonyme de Friedrich Gundelfinger) ami de Curtius et de Kantorowicz, le plus proche disciple de Stephan George et le meilleur critique littéraire du premier XX° siècle en Allemagne, dont le Goethe de 1916 reste un ouvrage de référence, insistait, dans un compte-rendu d’une traduction et d’un recueil d’aphorismes d’Emerson en 1908, sur la communion mystique entre les individus prônée par Emerson et exaltée dans le George-Kreis, la petite secte des disciples de Stephan George. » 
Je préfère aux commentaires sur les commentateurs, une citation de Baudelaire :
« Je vis un pauvre saltimbanque, voûté, caduc, décrépit, une ruine d’homme, adossé contre un des poteaux de sa cahute […] il ne riait pas, il ne gesticulait pas, il ne criait pas ; il ne chantait aucune chanson, ni gaie, ni lamentable, il n’implorait pas. Il était muet et immobile. Il avait renoncé, il avait abdiqué. Sa destinée était faite. » 
Voire un rappel des quatre âges pythagoriciens : 
«  le sang, l’air et le printemps étaient liés à l’enfance ; la bile jaune, le feu et l’été allaient avec l’adolescence ; la mélancolie, ou bile noire, la terre et l’automne caractérisaient la maturité ; enfin, le flegme, l’eau et l’hiver appartenaient à la vieillesse… » 
Des reproductions de tableaux sont regroupées au centre du livre avec Rembrandt  où « la mort habite la vie ». Gide, Poussin, Proust accompagnent ces méditations sur la fin voulant croire au pouvoir infini du cercle dans le domaine des arts.  
« … refusant l’alternative de la mélancolie et de l’espérance, je me suis rabattu sur un libelle fataliste, emprunté à Châteaubriant, à l’avertissement de « La vie de Rancé », œuvre ultime qui accompagna cette recherche comme un livre d’heures. Modèle de style tardif ou de sublime sénile… » 
Dans le genre crépusculaire, « Après la littérature » de Finkielkrault est plus stimulant. 

vendredi 10 décembre 2021

Zadig. N°12

Quand j’ai reçu ma belle revue trimestrielle titrée «  Quand l’écologie (nous) gagne » je me suis dit : « encore ! » tant le sujet est omniprésent et que les écologistes m’indisposent, d’autant plus que Cécile Duflot la plus brute de décoffrage de chez les verts s’y exprimait.
Mais l’approche comme toujours riche et variée de la publication dirigée par Eric Fottorino 
m’a fait surmonter mes à priori défavorables.
C’est qu’en dehors de la jamais contente Marie Desplechin, les témoignages sont positifs tels
- cet élu de Puy-Saint-André dans les Hautes Alpes, village qui produit plus d’électricité qu’il n’en consomme: « On ne peut pas mobiliser la population sur la perspective de la catastrophe, il faut un horizon. »
- la municipalité de Tours qui développe le vélo et l’implantation de potagers,
- la ville de Strasbourg qui redécouvre ses voies navigables pour les livraisons,
- une filière qui se met en place pour transformer les couches des bébés en compost,
- ceux qui se battent contre la prolifération des sargasses, aux abords des Caraïbes,
- une militante qui agit dans le champ économique pour des investissements plus vertueux,
- une juriste et un écrivain qui veulent doter le fleuve Loire d’un statut juridique de personne morale. «  Je n’ai peut être jamais vu une personne morale déjeuner, en revanche je l’ai souvent vu payer l’addition »
- les bûcherons d’Abrakadabois qui prennent soin de la forêt de l’ancienne ZAD de Notre Dame des Landes,
- des familles qui prennent en charge leur propre merde pour fertiliser leur jardin,
- les entrepreneurs de la Bio vallée à côté de Crest où la Drôme a retrouvé son eau claire.
J’en arrive à approuver Cécile Duflot :  
« J’ai fait la paix avec cette idée de contrainte : l’être humain en a besoin et il est d’ailleurs inventif lorsqu’il y est confronté. » 
Les  cartes de le Bras sont toujours aussi instructives en replaçant les faits dans une perspective historique : la forêt occupe aujourd’hui en France une surface deux fois plus importante que sous la Révolution. D’autres infographies sont éclairantes et parfois surprenantes «  l’empreinte carbone moyenne d’un français a diminué entre 2010 (11,5t) et 2019 (9,9t).
Le reporter spécialiste de l’immersion dans un milieu, passe ses jours chez un paysan Bio. 
Et le témoignage d’Hélène Frachon concernant le Médiator n’est pas éloigné du thème de l’écologie,
pas plus que l’article concernant « les multinationales si peu imposées ».  
La conversation avec Simone Schwarz-Bart réunissant l’histoire d’un juif et d’une antillaise est intéressante.
Le style des écrivains dans ces 190 pages aiguise l’appétit, nous repose des éructations des réseaux sociaux et nous donne l’impression d’aller plus précisément au cœur du monde :
- entre la Slovénie et Paris avec Brina Svit,
- dans le Cantal avec Marie Hélène Lafon,
- en observant une lumineuse famille recomposée avec Luc Chomarat,
- ou à Descartes le village d’enfance de Laurent Mauvignier,
- quand la littérature révèle les ambitions qui mène de la province et Paris par David Djaïz.
Il y a des photos, aussi les dessins de Mathieu Sapin et une affaire policière non élucidée. 

jeudi 9 décembre 2021

Michel Ange. L’extase et l’agonie. Jean Serroy.

Premier film du cycle 2021 « Peintres au cinéma » devant les Amis du musée de Grenoble, avec ce long film (2h 1/4) de Carol Reed nous contant les quatre ans nécessaires pour que le plafond de la Sixtine soit donné au monde en 1512. 
Le pape Jules II avait compris d’où venait le souffle de son protégé Michelangelo Buonarroti avec lequel le conflit avait pourtant été permanent.
Carol Reed, le réalisateur britannique du film, influencé par l’expressionnisme allemand, en particulier dans son chef d’œuvre « Le troisième homme », est associé cette fois à l’auteur américain Irving Stone spécialiste des biographies.
Une des problématiques avec son employeur, la Fox, alors empêtrée dans le titanesque « Cléopâtre » qui prendra autant d’années pour être réalisé que La Sixtine, peut se lire dans la séquence où artiste et commanditaire débattent.
Qui aura le « final cut » : le réalisateur ou le producteur ?  Ce sera le réalisateur. De Laurentis producteur associé à cette entreprise en avait l’habitude. Il fera tourner le film à Cinécittà.
Le film aux couleurs de péplum où la pourpre cardinalice serpente joliment dans les campagnes est documenté.
Par contre, une liaison de l’artiste avec la Contessina de Médicis est romancée pour éviter de révéler au public de 1965, l’homosexualité de celui qui peignait les femmes avec des corps d’hommes.
Rex Harrisson, l’anglais, n’a pas voulu porter la barbe comme le pape qu’il interprète
alors que Charlton Heston, le pur yankee, s’était fait greffer une lamelle d’acier dans le nez pour mieux ressembler à Michel Ange.
Pour l’anecdote, lors de son interprétation dans « Les dix commandements » il avait gardé sa montre au poignet au moment où il brandissait les tables de la Loi.
Les scènes d’intérieur pontificales, de taverne où l’on se « débarrasse du vin aigre » alternent avec des scènes de bataille menées par le pape.
Celui-ci devait asseoir son impérium contre les troupes françaises et pour s’affirmer face aux puissances locales : Bologne, Florence…Michel Ange a vécu 89 ans.
Génie ombrageux, il a effectivement quitté le chantier d’un pontife mauvais payeur, plusieurs fois.
Il est revenu réaliser trente ans plus tard « Le jugement dernier » après avoir peint 500 m2  et 350 personnages, « l’histoire de l’humanité » sur « Le ciel de la Sixtine », couché sur le dos, épuisé, en haut d’échafaudages inédits.
Le film traduit bien l’affrontement avec la matière d'un artiste avant tout sculpteur, entre l’architecte Bramante  reconstructeur de Saint Pierre et le doux Raphaël qui a travaillé avec lui.
En introduction, un documentaire présente l’œuvre sculptée du Florentin à « l’inachèvement délibéré ». 
Peints « a fresco », ses puissants personnages en mouvement influenceront le style baroque, les enchevêtrements des corps charmeront les maniéristes.
Juste avant un intermède musical alors tandis que l’artiste voit le soleil se lever, « la bouche d’ombre » d’Hugo peut être convoquée, comme « Le Voyageur contemplant une mer de nuages » de Caspar David Friedrich, icône du romantisme.
Le pragmatisme d’Hollywood n’hésite pas à parler d’argent, mais il est vrai que même dans les questions théologiques l’argent n’est pas absent avec le scandale des indulgences, une des causes de l’apparition du protestantisme. Elles ont financé des merveilles. Les débats entre anciens et modernes revêtent  toujours les mêmes oripeaux : l’homme nu à sa naissance est-il innocent ? Ceux qui ont connu le péché originel et les souffrances du crucifié ont-ils dépassé la pureté grecque ?
Pour compléter ce double voyage dans le temps où le kitch des années 60 convient aux flamboyances « Renaissance », nous voilà avec une recommandation nouvelle pour le film de  Kontchalowski de 2019 qui commence quand finit celui là : « Il peccato » « Le Péché ». 

mercredi 8 décembre 2021

Mulhouse #1

Il est temps d’aller récupérer les clés de notre Airb&b à Mulhouse. Elles nous attendent dans un boitier près du digicode d’un immeuble à quelques rues de l’appartement qui nous est destiné au bord du canal.
En l’absence de notre hôte, ce sont les voisins qui  nous dépannent pour identifier le studio sans nom et le mode d’emploi  des portes extérieures. Ils nous indiquent la direction du centre-ville, à 15 minutes environ à pied de la résidence, vraiment bien placée.
Bien sûr, nous visitons l’office du tourisme. Une jeune fille efficace nous fournit trois circuits possibles : sentier du vieux Mulhouse, sentier du 19° et le moins convaincant car assez pauvre en nombre de fresques référencées, le street art à Mulhouse.
Lorsque nous sortons, nous pourrions presque parler de street art devant les arbres habillés de toiles d’araignée et de fleurs tricotées par les mémés de la commune, visibles aussi à d’autres emplacements du centre.
Nous nous attablons à un bar sous d’immenses parasols rouges face au temple Saint Etienne  place de la Réunion, pas loin de la rue mercière et de l’hôtel de ville.
Puisque nous sommes au cœur de la ville historique, nous choisissons  le parcours « sentier du vieux Mulhouse ». Incontournable, nous admirons l’ancien hôtel de ville de style Renaissance rhénane décrit par Montaigne en son temps comme « un palais magnifique et  tout doré ». Le bâtiment affiche sur  un fond rouge des peintures et ornements de la couleur du soleil,  quant à la façade principale, elle offre un accès à l’intérieur grâce à deux escaliers  se rejoignant sur un petit perron surmontant une porte voutée. Aujourd’hui, le musée historique s’y est installé.
D’autres maisons sur la place attirent elles aussi  l’attention : la maison Mieg ou encore la maison des tailleurs reconnaissables à ses emblèmes et ciseaux en peinture murale sur  la façade.
Tout près, le nom de Guillaume Tell apparait pour désigner une rue, une place, son effigie sculptée  décore l’angle d’une maison.
Nous déambulons dans les vieilles rues surpris par les églises qui ressemblent à des temples et des temples comme Saint Etienne par exemple, dont la forme s’apparente aux églises…
Nous apprécions particulièrement  la rue des franciscains, son historique cour des Chaînes abritant l’université populaire ;
en face des fresques en trompe-l’œil célèbrent des personnages locaux  dominant la petite terrasse déserte d’un commerce.
Après consultation du routard pour notre repas de ce soir, nous nous acheminons vers la rue de la liberté mais trouvant porte close devant le restaurant recommandé « A la maison » nous nous installons « A la cant’in » juste à côté.
Un courtois serveur d'origine africaine nous souhaite la bienvenue en Alsace. Nous lui commandons  des assiettes italiennes servies dans des sortes de grandes boîtes de camembert proposées en taille L ou XL. La L aurait pu suffire pour deux.
Le retour de bonne heure à  pied au Air B & B ne nous prend pas plus de 10 minutes.