lundi 21 décembre 2009

La fille la plus heureuse du monde

Long métrage roumain autour du tournage d’un spot publicitaire avec une adolescente dont les parents lui extorquent une signature pour céder la voiture qu’elle vient de gagner. Original pour traiter un sujet souvent abordé à Cannes cette année : les rapports conflictuels des parents et de leurs enfants avec l’argent et le chantage affectif comme pauvre relation. Le véhicule à moteur tient une haute place dans nos sociétés. Les images répétitives d’une satiété désabusée ajoutent une couche à l’absurde toujours bien débusqué dans ce pays.

dimanche 20 décembre 2009

La nuit de l’iguane

Tennessee Williams a secoué le puritanisme de la société américaine dans les années soixante. Mais dire, dans les termes d’aujourd’hui, que lors de cette nuit où l’iguane seul s’en sort bien, qu’un prêtre pédophile ne respecte pas le cahier des charges de l’agence de voyage qui l’a embauché et tient en otages le groupe de touristes, cela ne constitue pas une base favorable pour créer de l’empathie. Et même si c’est Tcheky Karyo à qui Lavaudant a confié le rôle, cette tragédie ne nous touche pas intimement. A cette occasion, je viens de lire que la tragédie suit son cours fatal alors que dans la comédie les personnages connaissent des accidents. Certes nous sommes contents de voir revenir Jo Lavaudant dans la région avec ses décors : cette fois des agaves géantes resteront dans nos mémoires mais ce climat tropical est trop sec, les acteurs manquent de sueur sous les bras, les confidences ne s’accommodent pas forcément d’un grand plateau. Nous sommes plus appelés à la réflexion existentielle qu’à partager les affres de destins qui se cherchent avec cet homme qui aime être perdu, une femme qui assure, une qui s’est épuisée, une autre qui est une esquisse traversant le plateau en courant… mais dans ce dernier cas c’est du Galotta.

samedi 19 décembre 2009

« Les frites de mamie sans aller voir mamie »

Trouver un slogan, un titre, être attentif au public, le convaincre; j’apprécie la publicité dans ces activités là et je me délecte de ses trouvailles. Mais l’originalité se fait de plus en plus rare à mes yeux blasés. Je trouve même que le royaume de la créativité auto proclamée est bien conformiste et leurs campagnes tombent dans l’indifférence. Même si je ne dédaigne pas l’humour vache à la tronçonneuse pour Orangina par exemple, j’ai été estomaqué par la dernière de Findus :
« les frites de mamie sans aller voir mamie ».
Bien sûr toujours le cliché de l’authenticité lié à un passé fictif, mais dans le réel, il est recommandé de se défaire de tout lien affectif avec ces mains ridées qui vous pincent les joues. La solitude de la ménagère de plus de 50 ans.
En même temps, à la radio, un enfant prescripteur demande à sa mère de changer ses assiettes ringardes où grand-mère morte a mangé. Les arts de la table: « Du passé faisons table rase »
Les boules de neige d’Orange en pleine rue tropicale pour vanter un éternel Noël me font froid dans le cou ; et les hordes hystériques qui photographient compulsivement me confortent, à l’inverse, dans mon plaisir de cadrages soignés et rares.
La planète se réchauffe et les même agences vont tartiner du "durable" à vous en dégouter. Ces marchands participent à user les mots, et dire que ces camelots sont les conseillers des princes, nous laisse pantois devant cette course à la deshumanisation, où l’humour tourne à la méchanceté et la poésie finit à la déchetterie.

vendredi 18 décembre 2009

Soupe froide

Charles Masson l’auteur de cette BD chez Casterman est médecin. Nous sommes glacés par cette histoire graphique d’une centaine de page au format d’une nouvelle qui vous marquera.
Un homme en pyjama s’enfuit sous la neige de la maison de convalescence où il finit sa vie de clochard, pour n’avoir pas supporté qu’on lui serve une soupe froide. Il a sa dignité, il fera preuve d’une endurance désespérée dans cette ultime sortie. Son monument sera cette œuvre poignante au dessin nerveux parfaitement accordé à la colère de ce praticien du social qui nous fait partager le destin d’un SIP( Sans Intérêt Particulier), notre frère crucifié.

jeudi 17 décembre 2009

Galeries du quartier Saint Laurent

A la recherche d’artistes que je ne connais pas, renseigné par «le petit bulletin», je suis allé faire un tour du côté du quartier Saint Laurent, qui m’a paru bien morne, en ce samedi après midi, avec ses appartements murés et ses nouveaux immeubles vite vieillis. Les galeries qui exposent des artistes sont raccord avec cette impression morose.
« La galerie Xavier Jouvin » présente une exposition collective pluridisciplinaire et il semble qu’il y ait eu un commissaire pour cette dizaine d’œuvres dont le titre « petit manichéisme » est plus justifié par le côté exigu que par la lutte grandiose des ténèbres et de la lumière ; quelques petits gags et des rouleaux genre tapisserie avec des arabesques au fusain attirent un peu le regard.
Je n’entre pas dans la galerie « l’étranger », les tableaux érotiques annoncés n’ont pas plus de sensualité qu’un papier d’emballage des années 60.
Et c’est seulement à la fin de ce petit tour, dans « la galerie Alter art » que nous nous sommes montrés attentifs aux peintures et collages de Gilbert Claudot qui se tiennent avec leurs couleurs harmonieuses et des rythmes recherchés.

mercredi 16 décembre 2009

J 13 : Hoi An, My Son

Papaye, mangues, mangoustans, fruits de la passion, nous attendent au petit déjeuner.
Nous pouvons ainsi aborder dans de bonnes dispositions la visite du sanctuaire du royaume Champa à My Son. Royaume disparu. Après trente cinq kilomètres par des petites routes, dans un paysage moins uniformisé par les rizières, nous quittons la voiture pour emprunter à pied une mince route dallée. Bruit des cigales, chants d’oiseaux, nous pouvons imaginer le site au moment de sa découverte par le français Parmentier, en croisant des sentiers de terre qui s’enfoncent dans la jungle. Apparaît un ensemble de tours de briques avec des dallages de tommettes qui ont conservé une couleur rouge inaltérée alors que les briques modernes noircissent et verdissent. Le secret n’a toujours pas été élucidé. Quelques unes abritent yoni et lingams ou servent de musée, d’autres vides aujourd’hui recevaient les offrandes. Notre guide Jane les appelle les cuisines. Nous observons et constatons l’épaisseur des murs de briques, les piliers et les linteaux de grès, la finesse des sculptures. Des zones sont fermées à la visite car des Italiens y poursuivent des fouilles, et arrivons aux premiers groupes découverts et dégagés par les français, extrêmement endommagés par les bombardements américains. Le site fut occupé par les résistants Viêt-Cong, et bombardé copieusement par les B52. On peut voir encore des cratères, des édifices ébranlés, écroulés ou recouverts de terre. D’ailleurs dans une tour musée sont exposés deux énormes obus retrouvés sur place. Nous finissons le circuit par un chemin coupant à travers la forêt et regagnons la voiture.Au retour vers Hoi An, nous devons stopper car un enterrement occupe toute la chaussée. Le maître des cérémonies, aux habits colorés, officie devant le cercueil enfermé dans une boîte colorée posée sur des bambous supportée par des hommes, un cortège de porte-drapeaux le devance avec un joueur de gros tambour, un joueur de gong et l’homme chargé de semer les billets votifs et les feuilles symbolisant l’or et l’argent. Bondissant hors de la voiture, nous nous mêlons à la foule et suivons le cortège dans le cimetière. Les enfants gambadent, les habitants nous indiquent les lieux et nous désignent du doigt la veuve éplorée. Trois jeunes habillés de blanc portent le portrait du défunt, de l’encens, une bougie, tandis que le géomancien procède au rituel. La communauté villageoise enterre un ouvrier de 45 ans, tailleur de pierres, mort accidentellement dans une carrière.
Durant le trajet, Jane nous raconte les enterrements de ses parents ou celui des gens de la campagne, comment le corps est gardé plusieurs jours à la maison dans son cercueil de bois épais lesté avec du sable et du thé afin de contenir les « liquides ». Le corps doit être enseveli dans le village natal. Pour son père mort loin de Hué, à Saigon, il fut incinéré, les os récupérés. Son frère lui refusa le droit d’en conserver un, car il craignait que le père revienne hanter la famille ; petit rire de petite fille de Jane la benjamine.
« Le guide du Routard » nous conseille le restau, « le café des amis » décoré avec des images de Brassens ; au son de chansons de Trenet ou Piaf, nous mangeons sans tout finir, un menu pour trois sur une terrasse qui surplombe le bac. Chaleur : c’est "l’heure des français et des chiens". Nous rentrons à l’hôtel par les rues commerçantes et entrons dans un magasin de confection au hasard. Nous choisissons des tissus, coton ou soie, la coupe. Mes femmes cèdent à la tentation, une chemise en coton rayé, une rouge et une chinoise noire et jaune. 200 000 D pour une chemise d’homme, 250 000 pour un top en soie pour fille et à nos mesures : tout sera prêt ce soir à 19h30. Nous admirons, dans une boutique proche, des photos en noir et blanc ou en couleurs, et l’auteur nous montre ses dernières réalisations inspirées par les chapeaux coniques des pêcheuses. Nous faisons l’acquisition d‘une boite à deux tiroirs en marbre puis nous rentrons profiter de l’hôtel et de son jardin. Nous sirotons un jus de mangue ou de citron en regardant les mines émerveillées des nouveaux arrivants à l’Hôtel. Ce soir, les boutiquiers brûlent des feuilles votives dans des cuves métalliques en face de leur magasin ; certains ont dressé des autels sur le pas de la porte avec offrandes et encens à côté de bouquets de fleurs ou de bonbons. Les vêtements récupérés, nous traversons la rivière dans le but de nous rassasier dans notre restau d’hier, le « Thanh Phuong » mais la place réservée au balcon ne l’a pas été et il nous a fallu longtemps avant de voir arriver le premier plat. Nos renoncements à la bière ne tiennent pas longtemps.

mardi 15 décembre 2009

Ma grand-mère Philomène. 2° partie

Ma grand-mère s’appelait Philomène, elle est morte à 45 ans, elle était née un 20 décembre.
Son fils, un fils d’assassin, a épousé ma mère, Augustine, née un 20 décembre. Ils ont eu un premier enfant, une fille. Son nom est le mien, je suis cette petite fille d’un assassin envoyé au bagne à Saint Laurent du Maroni, décédé en 1944.
Il était menuisier, souffleur de verre. Il avait été allemand, puis français selon les oscillations de l’histoire de l’Alsace. IL est devenu alcoolique sur le front de Russie. Les pioupioux, on les dopait à la vinasse des deux côtés de la boucherie. Je suis la petite fille d’une jeune mère de onze enfants que son époux a privé de mots et de vie. Direct, d’une balle tirée direct à bout portant devant trois de leurs enfants.
Je suis la fille de Charles, celui qui n’a pu sauver sa mère, celui qui a scellé sa mémoire, croyait-il, celui qui m’a langée de secrets, m’a nourrie de vide, m’a aimée de désespoir.
Je suis cette enfant-là se mirant dans le chagrin fou d’un père privé de mots. Je suis née un 20 décembre, solstice d’hiver.
Et arrive toujours le moment. Le choix. Enquêter ou dépérir.
J’ai choisi de vivre. J’ai pris le train pour Strasbourg au printemps.
Je n’ai pas vu Strasbourg. Pendant deux jours munie d’un crayon et de papier j’ai lu les archives, j’ai promené les yeux dans des témoignages du passé, les témoignages de Français parlant allemand, rapport d’autopsie que je n’ai pas eu la force de lire jusqu’au bout.
Philomène, ma grand-mère inconnue. Je n’ai connu de son apparence que ce qu’en a écrit le médecin légiste. Le cadavre de ma grand-mère dans les yeux d’un technicien de l’autopsie.
Je n’ai pas vu ses yeux vivants, entendu sa voix et ses rires. Elle ne m’a pas prise sur ses genoux. A Strasbourg j’ai lu sans répit. Le ventre tordu d’effroi et de pitié.
Maie Treize

lundi 14 décembre 2009

La merditude des choses

Le titre peut faire hésiter et puis finalement quand les bras vous en tombent, devant l’absurdité de la vie, c’est bien ce qui vient au bord des lèvres, comme une nausée.
« Affreux, sales et méchants » chez les Chtis. Bien sûr dans ce film de Félix Van Groeningen, il y a une franche folie flamande poussée par des torrents de bière, mais aussi une chaleur humaine, animale, violente et tendre. Encore une famille des plus fermement déjantée, où les enfants sont abandonnés par les parents qui ne veulent pas grandir. Une fois de plus c’est la grand-mère qui assure. De l’humour certes noir, mais tout est noir. Quelle sera la transmission ? Désespéré, violent, mais à voir, où les genres se mélangent pour expérimenter jusqu’où va la représentation d’une civilisation suicidaire.

dimanche 13 décembre 2009

Vincent Delerm

Celui qui égrène avec finesse nos petites mythologies de ces années Cosmopolitan a vérifié ses connivences avec son public l’autre soir à la MC2. Il y a sept ans il était à Saint Marie d’En bas et « Kouchner était alors à gauche, et on ne pensait pas avoir pire comme président »…
J’apprécie toujours autant sa poésie du quotidien où la pluie dégouline désormais sur le Club Mickey et non plus devant une masure au toit de chaume de Verhaeren . Ses amours les plus belles sont celles qu’il n’a pas embrassées. Le grand théâtre a connu des sonorisations plus veloutées, mais souvent le jeune homme n’avait que quelques mots à susurrer, la salle complétait. Patrick Bruel n’était pas loin. L’atmosphère des bords de Seine, Deauville, le cinéma de Truffaut, n’avait pas besoin de mises en scènes si explicites pour laisser échapper ses parfums nostalgiques. Ses enchainements plein d’humour étaient bienvenus pour entremêler légèreté et mélancolie comme dans cette chanson« la vipère du Gabon » où alternent habilement les annonces graves et les propos anodins:
« A l'entrée du zoo
Tu sais j'attends des jumeaux
J'espère qu'y aura des éléphants
Et ta mère elle est au courant
Ca c'est des genres de wapitis
Pour l'instant je lui ai encore rien dit
Et devant la cage des gibbons
Ah bon
Ils doivent être planqués dans un coin
Et Mathieu lui il le vit bien
Putain j'ai horreur des vautours
Au début il était pas pour
C'est pas un vautour c'est un condor des Cévennes
Même si il se casse je les garde quand même
Oui enfin c'est quand même un petit peu pareil les vautours les faucons …»

samedi 12 décembre 2009

Faut-il déglobaliser ?

Pascal Lamy directeur de l’OMC et Jean Marie Harribey d’ATTAC étaient parmi les invités les plus emblématiques du forum de Libé. Confrontation courtoise mais ferme d’un responsable éminent de la globalisation dont l’acuité du regard peut apporter des éléments à sa famille, la gauche, et d’un économiste également pointu et pédagogue, engagé dans une contestation radicale du désordre du monde. Il demande que l’OMC passe sous le contrôle des nations unies pour échapper aux lobbies capitalistes.
Je rentre tout tremblant dans cette cathédrale où de tels sujets sont posés, en essayant de ne pas trop jouer au perroquet qui n’en garde pas moins sa cervelle d’oiseau. Mais je sais aussi qu’il y a des lieux, des moments, pas forcément des églises, où se posent les questions de notre place dans l’univers.
La crise actuelle accélère la prise de conscience de la finitude du monde : depuis la misère endurée par les multitudes qui ont un accès difficile à l’eau jusqu’aux maux créés par marchandisation de la santé, de l’éducation en passant par les effets néfastes de la déconnection des salaires et de la production. Les gouvernements ont tendance à se dédouaner sur l’OMC, à choisir des stratégies de repli sur soi.
« La globalisation est un système efficace et injuste. » P Lamy
« Il faut mettre des bornes, car, si ce processus se poursuit, ça va être mortel pour les sociétés. » JM Harribey

vendredi 11 décembre 2009

L’homme est un grand faisan sur terre

« Il bâille. Son haleine sent l’alcool. Dans le village, les coqs chantent. Ils ont encore la nuit dans le gosier » Oui, il y a quelques images réussies dans ce livre d’Herta Müller prix Nobel de désespoir. Le rythme de ses phrases courtes sujet/verbe/complément lassant, ajoute de l’agacement à la neurasthénie de ce roman heureusement de 124 pages. Pas d’autre issue pour le meunier à la farine humide que d’essayer de fuir ce pays de feuilles mortes ( la Roumanie) où les chouettes souhaitent la mort, et les pommiers dévorent leurs pommes. Pour sortir de ce fantastique poisseux, se précipiter sur « Rire et chansons » quitte à tomber sur du mauvais goût mais au moins vous saurez pourquoi ils n’ont pas obtenu le Nobel de littérature.

jeudi 10 décembre 2009

Hammershoi

Voilà un nom qui a échappé à la trappe de ma traitre mémoire. Après l’avoir découvert à Orsay il y a10 ans, je n’ai cessé de penser au peintre danois dès que je voyais une femme de dos, une porte ouvrant sur un couloir, des couleurs sourdes, tant sa patte est caractéristique. Dans ses toiles , le temps s’arrête, la paix s’installe, le vide incite à la mélancolie. Ses paysages horizontaux sont déserts, la rigueur de ses compositions me rassure et le flou de sa touche éloigne les anecdotes. Ce peintre du XIX° influencé par les Hollandais du XVII° est pleinement notre contemporain ; quand un rare rayon de soleil blanc pénètre par les fenêtres, il prend tout son prix, une femme s’en approche et ouvre un livre.

mercredi 9 décembre 2009

J12 : Hué, Danang, Ho Ian

Nous partons pour la visite de deux mausolées. Nous commençons par celui de l’empereur Tu Duc. Il s’agit plus d’un palais que d’un grand tombeau. L’empereur poète le dessina lui-même avec une recherche d’harmonie. Un certain romantisme émane du canal qui serpente, envahi par les lotus et alimenté par la rivière des parfums. La montagne n’est pas bien loin, pour l’équilibre de la nature. C’est le palais de « la modestie » nom donné par le bien peu modeste Tu Duc suite à une insurrection du peuple due au travail forcené pour construire l'édifice entrainant beaucoup de morts. Cour d’honneur avec cheval, éléphant et soldats, appartements pour le roi, pour le harem, présence d’un théâtre, pavillon du repos au bord de l’eau avec embarcadère. Nous longeons le canal pour atteindre le tombeau, élevé dans la pinède pour que le défunt puisse entendre le bruit du vent dans les arbres. A l’arrière du bâtiment est dressé un autel dédié aux concubines stériles afin que leurs âmes n’errent pas, puisque privées de descendance. L’autobiographie de l’empereur est gravée sur une stèle devant son tombeau. Craignant vengeance et pillages, il ne reposerait pas dans son tombeau, mais dans un endroit tenu secret. Le personnel chargé de l’y conduire venait du Nord et sur le chemin du retour, le bateau coula.
Le deuxième mausolée celui de l’empereur Minh Mang se situe un peu plus loin à 11km de Hué. Pour y accéder nous empruntons une allée équipée de barbelés d’un côté afin d’empêcher les enfants de mendier. D’autres mausolées sont ruinés mais l’un d’eux subsiste en béton sur les hauteurs comme les cimetières situés sur les collines pour échapper aux inondations.
La route qui mène au col des nuages est tellement pentue que des étals proposent des cales en bois. Nous sommes presque seuls, car les véhicules préfèrent emprunter la voie avec tunnel. Nous avons une jolie vue sur la péninsule de Lang Co, village de pêcheurs de coquillages qui une fois broyés fourniront de la chaux et sur une longue langue de sable clair face à la mer de Chine. Ce col constituait un passage stratégique à toutes les époques ; des vestiges de fortins chinois et des bunkers français et américains en témoignent. C’est la frontière entre le Nord et le Sud. A Danang, après un restaurant au prix inhabituellement élevé, nous visitons le musée Champa, placé dans une jolie maison coloniale construite par l’école française d’extrême orient au début du siècle. La civilisation cham aujourd’hui disparue adopta la religion hindouiste et son panthéon encombré de dieux. Le musée abrite des sculptures trouvées sur le site de Mison en particulier, s’échelonnant du 7° au 14° siècle. Quelques photos d’époque prises sur le terrain des fouilles montrent les conditions de découverte parmi une végétation luxuriante. Nous tournons autour des yonis /lingams symboles sexués féminins et masculins, les Shiva, les nandus, Hanuman, Garuda, les Râma Sita et Râvana, les musiciens et danseuses en bas reliefs et grès. Puis c’est la route vers Hoi An. Des camps militaires américains, il ne reste qu’un grand terrain plat avec la plage où les GI se délassaient, quelques abris à hélicoptères sont conservés pour la mémoire de ce lieu stratégique. Le bord de mer se transforme aujourd’hui, avec des complexes touristiques immenses et pas moins de six golfs prévus. La plage n’appartient plus au peuple, les vivants et les morts sont expropriés avec transferts des cimetières.
Qui a gagné la guerre ?
Les monuments aux morts et cimetières militaires pour les soldats du Nord jalonnent les routes.
Nous pénétrons dans Hoi An sous la pluie. Le « Hô An hôtel », superbe maison dans le style colonial, nous éblouit avec un jardin au centre des bâtiments en U. Des petits pots de riz en herbe sont disposés sur les tables. Nous sommes accueillis avec un verre de citronnade, des petits gâteaux au soja et des nougatines. Fleurs d’ibiscus et pétales de roses décorent les chambres petites mais luxueuses et raffinées. « Lonely Planet » annonce l’établissement comme prix moyen, que penser des prix plus élevés ?
Sans guide nous partons découvrir la ville. L’habitat ressemble à celui de la Chine et ses maisons avec des boutiques en bas et un étage moins important servant d’entrepôt ou d’appartement. La température est délicieuse après la pluie. Nous suivons vaguement le plan donné par l’hôtel, traversons un marché, protégé par des bâches. La rue suit la rivière et mène jusqu’à l’adorable pont japonais couvert. Il est intact, c’est le lieu privilégié pour les photos. Nous nous promenons un moment avant de terminer au restau « Thanh Phong » où nous nous régalons de white rose (ravioli enroulé dans une feuille de riz frite) et de spécialités locales. Ambiance de soir d’été, de vacances sucrées, avec les lanternes colorées, les gamins qui vendent des sifflets en forme d’animaux, un jeu de loto avec musique sous un banian. Douce nuit.

mardi 8 décembre 2009

L’effroi et la pitié(Première partie)

Depuis quinze ans elle remettait cette expédition. A quoi bon aller enquêter sur le passé de ses ancêtres, qu’est-ce que cela changerait aux destins particuliers, à l’Histoire.
Laisse les morts enterrer les morts, laisse les archives en paix, va de l’avant, amuse-toi. Les vivants seuls sont importants, le présent. L’ici et maintenant… Foutaises de psy !
Elle s’en racontait de bien bonnes pour ne pas bouger ; elle dorlotait ses insomnies, ses crises d’asthme, ses accès de gastrite. Jusqu’à ce que ça pète, jusqu’au bord du terrain miné.
Vos ulcères sont inguérissables… On doit y aller voir… C’est peut-être un lymphome… C’est quoi ?... Rassurez-vous un lymphome c’est curatif (lapsus du médecin, lapsus parfait comme toujours), je veux dire curable… Rougissements, balbutiements.
On l’opère, on lui retire cet épaississement de l’estomac, ce bouclier de chair qui empêche que l’organe ne crève. Cette résistance à être percée qu’elle a. On la tuyaute, on examine ses tissus, on la ravigote…
La Faculté se dit penaude : il n’y a pas de lymphome, régime, petit estomac à chouchouter, régime, estomac d’enfant de huit ans, régime, quatre repas par jour, vous en avez pour deux ans à vous remettre, régime, pas de, pas de, pas de. Pas.
Elle a su, quelqu’un lui a dit ce que son corps savait depuis toujours, quelqu’un lui a dit enfin et peu importe qui le lui a dit :
"tu as raison, ce n’était pas un accident : le pépé a tué la mémé."
Bouches privées de mots, de cela personne n’était coupable, surtout pas coupable la bouche de son père scellée par l’horreur. Un cœur de treize ans écrabouillé.
Elle a connu chose faite, épreuve traversée, enquête achevée, la violence de sa joie de vivre.
Elle a compris la bouche infirme du père. Violence infligée à la parole qui se tarit.
Haine, peur, désespoir. Non, ces mots sont trop usés, ils sont les oripeaux de la littérature. Régime de la honte, fabrique du secret, sève mortelle pour les générations à venir.
Il a treize ans : devant ses yeux, le père tire une balle de revolver dans la bouche de la mère. Elle dit : Jésus Marie, s’écroule cramponnée à la dernière des onze, la petite de deux ans qu’elle portait sur le bras.
Marie Treize

lundi 7 décembre 2009

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe et que vous n’avez jamais osé demander.

Il ne fait pas bon vieillir parfois : ce monument d’humour de Woody Allen a perdu tout son arôme.
Les histoires de ceinture de chasteté dont il manque la clef est aussi daté que « le Hérisson » journal dit d’humour de ces années 70.
Et nous avons depuis tellement vu de parodies d’émissions de télévision que la séquence de ce genre tombe à plat. Un moustachu qui se déguise en femme c’est d’une lourdeur!Sans parler du berger et sa brebis, d’un sein gigantesque, ou de la séquence italienne…
Surnage celle du pauvre spermatozoïde très « Odyssée de l’espace », qui ne veut pas entreprendre le grand voyage; la tour de contrôle sablera le champagne une fois que l’armada à long flagelle a sauté dans l’inconnu, mais il faut revenir au boulot car le patron est vigoureux !

dimanche 6 décembre 2009

Prévert blues

Les mots du poète le plus populaire devaient bien se marier avec le jazz dans les sonorités nostalgiques, les fraternités jubilatoires. Bonne occasion de réviser le clopeur et même si ses lanternes magiques, ses orgues de barbarie ont pris quelque poussière, ses coups de gueule enrubannés d’humour, ses rythmes évidents peuvent encore nous toucher.
Etranges étrangers
Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
hommes de pays loin
cobayes des colonies
doux petits musiciens
soleils adolescents de la porte d'Italie
Boumians de la porte de Saint-Ouen
Apatrides d'Aubervilliers
brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied
au beau milieu des rues
Tunisiens de Grenelle
embauchés débauchés
manoeuvres désoeuvrés
Polaks du Marais du Temple des Rosiers
Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
pêcheurs des Baléares ou du cap Finistère
rescapés de Franco
et déportés de France et de Navarre
pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
la liberté des autres
Esclaves noirs de Fréjus
tiraillés et parqués
au bord d'une petite mer
où peu vous vous baignez
Esclaves noirs de Fréjus
qui évoquent chaque soir
dans les locaux disciplinaires
avec une vieille boite de cigares
et quelques bouts de fil de fer
tous les échos de vos villages
tous les oiseaux de vos forêts
et ne venez dans la capitale
que pour fêter au pas cadencé
la prise de la Bastille le quatorze juillet
Enfants du Sénégal
départriés expatriés et naturalisés
Enfants indochinois
jongleurs aux innocents couteaux
qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
de jolis dragons d'or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
qui dormez aujourd'hui de retour au pays
le visage dans la terre
et des hommes incendiaires labourant vos rizières
On vous a renvoyé
la monnaie de vos papiers dorés
on vous a retourné
vos petits couteaux dans le dos
Étranges étrangers
Vous êtes de la ville
vous êtes de sa vie
même si mal en vivez
même si vous en mourez .

Mais ce soir là, à la MC2, moi qui suis plutôt amateur de mots et que pour la musique je m’applique, j’ai parfois regretté de me distraire du jazz en suivant les gestes de l’acteur. J’ai jubilé à certains traits : « …bleu, blanc, rouge : j’entends glas, glas, glas » et bien des mots inlassablement revisités recèlent toujours des trésors,mais j’ai déploré la perte de mon cœur adolescent en trouvant redondant et un peu patronage quand l’acteur peint, découpe et affiche de grands cœurs rouges sur scène. J’ai préféré les balayages du batteur, les souffles du saxo, les trépidations de la contrebasse, les inventions de la guitare, les embardées et la solidité du quartet emmené par Texier.

samedi 5 décembre 2009

Face à la crise, quelles alternatives ?

Au forum de Libé en septembre:
J.F. Kahn amateur de paradoxes, il en abuse parfois, mais bon pédagogue nous secoue aussi. Même s'il invoqua la révolution et se retrouva au MODEM: tant de bruit…
Baverez son interlocuteur qu’il a beaucoup moqué tout au long du débat, à la fin de l’envoi, le touche; beau prince sans rire.
L’opposition de l’auguste et du clown blanc était peut être légèrement surjouée, mais à relire mes notes je ne sais plus qui a pu recommander de remettre de la morale dans l’économie ? Quant à « corriger le capitalisme naturel par le culturel, discipliner celui-ci » qui ne serait pas d’accord aujourd’hui. ?
L’économiste reconnaît que « la crise n’est pas financière mais économique et qu’il est déraisonnable d’occulter les risques engendrés par la mobilisation de la politique économique pour les banques et les dettes publiques ».
Le journaliste, pourtant dans un registre qui m’est bien plus familier, me paraît un peu trop lyrique, en proclamant que « l’homme doit être la nouvelle centralité et non plus l’état ou l’argent. » Et alors ?

vendredi 4 décembre 2009

Des hommes. Laurent Mauvignier

Parmi les styles, il y a l’écrit, le parlé; dans ce livre comme une voix intérieure vous prend dans ses spirales. La lecture n’est pas facile mais peu importe l’identité du narrateur pour approcher de la vérité de ces paysans échoués à garder des cuves d’essence en Algérie et qui sont revenus.
« C’est le moment où l’on regarde le drapeau dans le ciel bleu, le moment où l’on essaie de se faire croire qu’on est là pour quelque chose comme des idées, un idéal, une grandeur quelconque, un projet de civilisation comme l’explique l’une des brochures qu’il a reçues en arrivant »
Ce n’est pas la brochure du bien et du mal : la boue de l’Ardèche et le ciel blanchâtre de l’Algérie pèsent comme le temps.
Les silences à se casser les dents durent des décennies, des vies entières.
Sous l’accumulation des mots banals, nous nous approchons d’une réalité familière :
« C’est plutôt qu’après le séjour au club Bled, oui, c’est ça, toujours de quoi rire, déjà ça, la rigolade, qu’on y aille, il avait osé ne pas revenir et n’en faire qu’à sa tête de mule et aujourd’hui voilà où on en est_ »
Je me repens d’avoir pensé du haut de mon surplomb de petit instit’ que la littérature française était mal en point, Mauvignier est une hirondelle. Autant qu’après le drame du Heysel, le livre qu’il avait écrit, « Dans la foule », m’avait paru essentiel ; avec ce dernier ouvrage il va bien au-delà des traumatismes d’une guerre et pose pour chacun ce qui oriente un destin, ce qui compose notre difficile humanité.
« Je vois bien le paysage, tout blanc, enfin blanc d’un blanc grisâtre et fade comme du pain rassis, sans forme, avec des pavillons noyés dans le ciel épais et mou, et dessus les champs, les bois durs comme du marbre… »
Il dit bien les pierres, les maisons, les hommes.
Quand « La littérature présente le monde ».

jeudi 3 décembre 2009

Jean le Gac

Si « l'art narratif se situe au cœur même de l'activité humaine : là où le groupe se constitue une mémoire », Jean Le Gac est un représentant caractéristique de ce mouvement artistique , « l’art narratif » qui compte Fromanger, Cueco, Pignon Ernest ... Il est vraiment à sa place depuis 1992 au musée de la mer à Sainte Marguerite, une des îles de Lérins, au large de Cannes.
Sur cette île charmante aux grandes allées d’eucalyptus, aux criques familiales, les bâtiments militaires perdent de leur rudesse avec les pensionnaires des centres de loisirs, affairés à des ateliers de théâtre, de peinture, à des parties de basket. Dans des cellules du fort royal, l’artiste peintre a accroché ses immenses toiles rappelant qu’une partie de la suite d’Abdel Kader fut enfermée là, et le masque de fer. Par les ouvertures dans les murailles à l’épaisseur impressionnante, cinq rangées de barreaux laissent cependant passer une lumière suffisante pour les chevaux vigoureux, les femmes rêvées, de l’artiste qui s’est mis dans la peau des reclus. Nous repartons avec des images fortes d’une méditerranée qui sous son bleu immuable recouvre des pierres de souffrance.

mercredi 2 décembre 2009

J11 : Hué, le dimanche

Le train a visiblement du retard. Le responsable du service du wagon nous rapporte nos tickets et vient nous avertir de l’arrivée vers 1h30.
Notre contact Djanne (Jeanne ou Jane s’écrit en fait Trang et se prononce Djeanne)se signale avec son panonceau où sont écrits nos noms. Elle nous présente déjà la ville dans un français plus difficile que celui de Manh : Hué est la capitale culturelle du pays. Elle nous amène à l’ « Orchid Hôtel » Chu Van Ann Street. Chambre grand luxe avec ordinateur, mini chaine stéréo, TV écran plat, belle décoration et salle de bains toute neuve, petite attention délicate : des pétales de rose égaient des draps blancs immaculés.
Vite au lit pour poursuivre notre sommeil interrompu jusqu’à 8h30 du matin. Nous déjeunons sur place dans une petite salle : œuf, charcuterie, fruits, yaourts, nems avant d’affronter le soleil et découvrir la ville sans la présence du guide. Nous choisissons de « badalusser » du côté de l’hôtel, le long de la Le Loï, bordée de maisons coloniales françaises. Les deux fondations d’art contemporain signalées par Le Routard, Le Ba Dang art foundation et la fondation d’art contemporain Biem Phung Thi (1Phan Boi Chan) ont leurs portes closes pour cause de repos dominical. Par contre nous entrons librement dans le collège Quoc Hoc, l’une des premières écoles française du pays édifiée en 1896 et qui accueillit en son temps Ho Chi Minh et Giap. Dans un parc ombragé, vers le fond, s’élèvent des bâtiments rouge sombre, certains réservés aux salles de classe, d’autres aux dortoirs, cantine, sanitaires, au sport. Il y a même une piscine. Des équipements sportifs extérieurs manquent d’entretien. Bâtiment scolaire troisième république qui donne l’impression d’un lycée Champollion avec plus de végétation. Quelques jeunes visitent l’endroit et s’y photographient dans « la cour d’honneur » pas loin de la statue d’Ho Chi Minh. La ville de Hué est paisible sous ses arbres, provinciale; c’est dimanche dans l’ancienne colonie. Sur les grandes et larges avenues, la circulation est tranquille, pas de horde de scooters au coude à coude. De plus les feux de signalisations semblent beaucoup mieux respectés qu’à Hanoï.
Jeanne nous récupère à 13h 30 et nous partons en voiture climatisée à la conquête de la citadelle. Nous entrons par la porte du Sud et bien que bâtie à partir de la cité interdite de Pékin, c’est tout à fait particulier. L’ensemble date du début du XIX° siècle et servit jusqu’à 1945 quand Bao Daï abdiqua. Nous passons donc une première enceinte en voiture et nous stoppons devant « le cavalier du roi » sorte de fortification à la Vauban où flotte le drapeau Vietnamien, hissé la première fois lors de la terrible offensive du Têt en 1968. Nous franchissons à pied la deuxième enceinte, par la porte du midi et pénétrons dans la cité impériale : un grand portique allie bronze et émail. Il donne accès à deux grands bassins symétriques, pullulant de carpes rouges avides de nourriture, bien qu’alimentées régulièrement. Nous voyons le palais du trône, le pavillon de lecture, le théâtre royal, le palais de la reine mère, le temple du culte des empereurs N’Guyen, la cité interdite bien endommagée, le bassin royal, les galeries couvertes qui font penser aux cloitres de chez nous. L’UNESCO finance cet ensemble classé au patrimoine mondial qui a subi beaucoup de dégâts pendant les guerres. Il règne encore une impression d’abandon, d’herbes folles, de ruines et de mystères pleins de charmes. Murs et portiques, dragons et décorations sont agrémentés d’incrustations en tessons de porcelaine, qui scintillent au soleil. Le rouge fané des bâtiments, le jaune impérial des tuiles convexes et concaves (Ying et Yang) ou le vert des toits qui abritaient les mandarins, le bois sombre et brillant des galeries, les décorations colorées des portes, les grandes urnes en bronze, la verdure et la végétation ; tout est photogénique. On pense parfois au Facteur Cheval (cf. Le Routard). Lorsque nous sortons après une visite en pleine chaleur mais dans le calme, nous croisons des groupes nombreux qui s’élancent pour la visite. Quel bonheur de se jeter goulument sur l’eau fraîche sortie de la glacière par notre chauffeur ! Il nous dépose à 4 km à la pagode de la dame céleste.Après quelques marches, nous passons devant une tour à sept étages qui symbolisent les sept réincarnations du Bouddha Il y a des statues de cette dame avec un enfant ressemblant à une vierge à l’enfant. C’est alors que nous proviennent les échos de début de la prière des moines, nous nous précipitons, enregistreur au poing. Les moinillons, souvent des orphelins, rasés mais conservant une longue mèche de cheveux, ont du mal à chanter grave et juste, mais n’hésitent pas à donner de la voix même l’on peut avoir l’impression qu’ils « font les andouilles ». Nous admirons le joli jardin de bonzaïs derrière le temple, le stupa, la petite forêt de filaos. Au-delà de l’enceinte nous pouvons apercevoir un immense cimetière.
Nous rentrons en bateau orné de dragons à la proue. Remontant la rivière des parfums, nous passons sous le pont Clémenceau de style Eiffel. Des baigneurs nagent avec des bouées et les enfants s’amusent avec un pneu près de la berge. C’est agréable avec la lumière déclinante de la fin d’après midi, malgré les tentatives vaines de la dame du bateau de nous vendre des souvenirs et de nous mettre en avant sa petite fille à photographier.
Nous rentrons tout doucement à l’hôtel. La dernière sortie à 6h45 nous mène à un restau du Routard, tout à côté de l’hôtel (31 Chu Van Ann) le Ong Tao. Il est un peu difficile à trouver car en étage, De grandes tablées bruyantes mangent sous des néons, au milieu de ventilateurs monstrueux et actifs. Nous trouvons une table libre dans une pièce séparée par des portes coulissantes vitrées derrière lesquelles un groupe d’hommes d’un âge (70, 80 ans) accompagnés de 3 ou 4 femmes, trinquent à la bière ou à l’alcool où trempe un serpent. Nous faisons confiance au jeune serveur et mangeons comme des rois, des nems aux légumes, à la viande, du bœuf roulotté dans des feuilles, des nouilles aux légumes, et du riz, du thé avec œuf et crevettes, arrosé de la bière de Hué : total : 168 000 D (moins de 8€) Nos compagnons s’égaient de plus en plus. Un couple mixte Vietnamien/Française engage la conversation. Après cette révision de l’Asie en ses pagodes et palais, nous prenons plaisir à la douche et à la climatisation.

mardi 1 décembre 2009

Chambres noires

Les miroirs sont des maraudeurs. Des canailles. D’ignobles menteurs. Ils ne créent ni ne retiennent. Je te prends et je te jette. Amnésiques. Alors on a inventé les appareils photo. Au début ils magouillaient avec la lumière dans leurs chambres noires, leur camera à soufflet.
L’attente du cliché développé créait le suspens. Ah ! Fais voir les photos ! Ah, Oh ! Ce que ! Et là ? Lui ? Elle ? Ah ! Quand même ! Après. Encore. Mouais… A table !
Alors est venu le génie qui dit zéro et compte jusqu’à un. De géniaux débiles ont inventé les « numériques ». Nous voici revenus aux miroirs, ces indépassables virtuoses de l’instantané. Et toutes ces machines, ces clés USB, ces imprimantes, ces scanners. Le temple du Moi multiplie ses saints.
Pourtant, nous ne sommes pas quittes en dépit de la manipulation effrénée de nos idoles sur papier glacé. Ils demeurent, ces réduits confinés que nous baladons toute notre vie. Fardeaux si légers que beaucoup leur dénient toute existence… Jusqu’au jour, jusqu’à l’heure de la stupeur. Alors vole en éclats, notre petite boîte noire, l’autre côté du miroir. Notre vie nous éblouit d’une lumière si insoutenable qu’elle nous fait mourir. Nous périssons de nous voir sans l’aide des miroirs. Peut-être qu’alors, certains découvrent un dieu fait à leur image, suprême création de leur intarissable besoin de consolation. La vie nous rattrape et nous fige dans la mort avant d’aller se reproduire plus loin. Reste l’insensible plaque des pierres tombales.
Qu’as-tu fait de ta vie ? De profundis. La vie t’a eu et… bien profond !
Il nous arrive, alors que nous poursuivons nos chemins aléatoires dans le magnifique terrain miné qu’est notre vie, de mettre le pied à quelques millimètres d’un engin explosif. Nous nous arrêtons au bord de l’anéantissement, pétrifiés par le regard de la Méduse. Nous ne dansons plus alors, insouciants que nous étions, dans les près et les bois. Nous mesurons nos pas, nous regardons nos montres, nous supputons les dénivelés, nous faisons le point, adossés à de vieux arbres. Nous avons vieilli… Féconde constatation ! Combien de kilomètres parcourus ! Nous soupirons. A quelle distance sommes-nous du but ? Nous sommes si fatigués ! Alors l’arbre nous fait la leçon. Nous nous asseyons sous ses frondaisons, pour l’écouter : « Il n’y a pas de but, sinon celui de croître, de faire souche et puis de disparaître. Contents. » Les arbres, même auprès des lacs et des rivières ne se mirent point, s’admirent encore moins. Ils sont trop occupés à édifier les colonnes du ciel. A proclamer l’extravagante pugnacité de la vie.

Clémence Psyché

lundi 30 novembre 2009

Vincere

Ah parce que Mussolini avait une femme ?
Salutaire remise au jour d’une histoire de fous.
Une tragédie où la belle passionnée, foudroyée par le culot du tribun socialiste à ses débuts, sera broyée comme leur fils lors de la montée vers le pouvoir de celui qui électrise les foules.
Nous pouvons être effarés encore aujourd’hui quand la comédie prend le dessus avec Berlu chez les nymphettes.
Beau film et belle occasion de ne pas voir qu’une reconstitution historique avec ce destin tragique en appât où des grilles ne peuvent délimiter les frontières de la déraison. Les images d’archives, celles de la société, se mêlent parfaitement à la terrible histoire intime.

dimanche 29 novembre 2009

Sous le volcan

D’après « Under the volcano » du britannique Malcolm Lowry, se déroulant au Mexique, joué en Néerlandais sur titré.
Faut-il tellement goûter la déchéance alcoolique, les histoires d’amour finissantes, pour prendre son billet pour un tel spectacle ?
Il suffit d’apprécier le théâtre qui sert un texte déchirant et poétique, l’accompagnant de belles images indisciplinées avec un système innovant n’effaçant pas le texte sous le clinquant. Le sur titrage bien synchronisé n’est pas gênant et nous rappelle qu’il s’agit de littérature avant tout. La musique de cette langue, servie par des voix chaudes, ajoute une dimension universelle à ces vies déchirées qui nous parlent de l’ennui sans ennuyer, de l’amour comme un chariot vers l’enfer, de la mort.

samedi 28 novembre 2009

Le sport peut-il former des citoyens ?

Je ne reviendrai pas sur les photographes qui gravitent autour de Rama Yade et font ressortir d’autant plus la vacuité des propos de la belle dame.
Arnaud Mourot ancien lutteur, président de sport sans frontière, sur la scène du forum de Libé en septembre, avait bien plus à apporter au débat, même s’il était plaisant de rappeler le dessin représentant De Gaulle en survêtement après les J.O. de Rome :
« Dans ce pays, il faut que je fasse tout moi-même ».
Nous sommes loin des anglo-saxons chez qui l’excellence sportive vaut l’excellence scolaire, mais dans notre pays avec 16 millions de licenciés, 250 000 associations, le sport est un phénomène qui traverse l’économie, la culture, la santé, l’éducation.
Le jeu permet pour les plus fragiles de se projeter vers l’avenir, il apprend les règles : à transférer dans le projet éducatif.
Même si le sport est la « bagatelle de la vie », le foot « divin et diabolique » selon Marguerite D. à Michel P., c’est bien l’approche pédagogique qui sera déterminante pour faire du sport soit « l’école de la vie » soit « servir les causes les moins nobles, ou conduire aux comportements les moins citoyens ».
Dans nos sociétés au présent incertain, la lutte permet d’aller au-delà de soi même, même si les outils sont quelque peu émoussés.
Les lendemains de victoire, dans la nostalgie du « tous ensemble », comment échapper à la solitude ?
C’était un samedi à Lyon, la tristesse d’un GF 38 fainéant, des supporters insupportables et les pathétiques appels à la rénovation de mon parti usé : les images du sport et de la politique se percutent.
Qui peut réunir deux fois par mois 60 000 personnes de toutes conditions ?

vendredi 27 novembre 2009

Le bibendum céleste.

Le titre de cette bande dessinée résume bien le propos de Nicolas de Crécy que je découvre par le numéro 3 d’une série, métaphysique, drôle et superbement dessinée. Une imagination foisonnante, une originalité déroutante, avec le souvenir d’expressionnistes allemands qui a laissé quelque noirceur dans les cases.
Bebel, Belzebuth se défend :
« Evidemment que je suis présomptueux, grosse tarte. Et j’ai plein d’autres défauts…c’est avec des gens comme vous que les forces du mal deviennent politiquely correct ! »
Plusieurs personnages sont habités par d’autres. Et les emboitements en tous genres ne manquent pas. L’une de ces créatures « messie moderne d’une ère nouvelle, se résume à un volume de vide écroué dans du gras ».
Le père Nobel de l’amour connaît une faiblesse et demande qu’on lui injecte :
« du jeune, du vrai.Entreprenant et optimiste, cheveux dans le vent et bouche ouverte !, ça va donner un coup de fouet à mon économie ! Je veux ressembler à une publicité »
Des chiens nous en apprennent par ailleurs sur l’origine de l’homme et accessoirement sur l’origine des matériaux de construction de ces villes poétiques menaçant ruine. Peu importe que le scénario soit parfois obscur, les trouvailles sont à chaque coin. Du grand art qui dit bien notre temps.

jeudi 26 novembre 2009

Claude Blanc Brude

L’Espace Boureille, retapé par ses amis pour l’occasion, était plein à craquer pour le vernissage de la dernière expo de Claude Blanc Brude. Je le connais un peu puisque je participe à un de ses ateliers qu’il anime au sein de l’association ADCA dont il est le moteur, le mocoeur.
Sa peinture est comme le personnage ; franche, directe sans exclure l’habileté.
Je m’attendais à voir plus de sujets à croupes généreuses et beaux seins, tant il entretient avec verve un entourage féminin à qui il sait si bien dire leurs charmes. J’en suis à m’étonner de sa palette janséniste dans les tons que j’apprécie d’ailleurs, alors que dans son rôle de maître il affectionne les expressions vivement colorées. Je comprends qu’il nous ait vanté Pignon Ernest Pignon Ernest en voyant la qualité de son dessin efficace mais laissant toujours des transparences, de l’espace, au spectateur pour prolonger son plaisir. J’apprécie aussi ses cadrages originaux sans être abracadabrantesques.
Exposition ouverte jusqu’au 29 novembre 2009
de 14h 30 à 18h 30,
2 rue Commandant Rozan, quartier de l’aigle
à l’angle de Jean Jaurès et des grands Boulevards.

mercredi 25 novembre 2009

J 10 : vers Hué

Nous sortons faire des emplettes de jambon, salami, « Vache qui rit » et eau pour notre voyage de douze heures vers le centre du pays. Dans la boutique à côté nous ne résistons pas à deux affiches de propagande à l’ancienne sur papier de riz, marchandées à 200 000D (8€). Nous déambulons une dernière fois dans le quartier en arrêt devant une maison dans laquelle se déroule une cérémonie funéraire où les personnes en deuil portent un bandeau blanc au front. Après les dernières recommandations de notre guide du Nord nous échangeons nos adresses mail et nous nous séparons. Le train s’ébranle à 12h 25, il s’arrêtera fréquemment. Nous vérifions les premiers mots de Manh quand il nous avait accueillis : le pays est essentiellement agricole, avec des rizières à perte de vue, à peine interrompues par quelques parcelles de maïs. Autres images répétées: un homme accompagnant sa vache, des élevages de canards. La platitude cède la place à un paysage plus vallonné. En fin d’après midi, le ciel s’obscurcit sévèrement pour libérer une pluie abondante et l’ambiance peut évoquer un jour de Toussaint d’autant plus qu’on ne peut régler la climatisation refroidissante à l’excès. Nous nous jetons d’emblée sur les cacahuètes et le pop corn accompagnés de bière, auxquels nous ajoutons une partie du pique-nique prévu pour ce soir. Nous avons vu que la compagnie de chemins de fer assure la restauration et nous testons ses services vers 18h 30 avec trois repas de riz, poulet ou saucisse. Si bien qu’à 19h, le soir tombé, nous succombons au roulis berceur du train. Réveil programmé à 0h 30.
"Les trois perfections sont, nous dit-on,
la cuisine chinoise, les maisons françaises et les filles de Hué"

mardi 24 novembre 2009

Extravagante pugnacité de l’être.

Au-dessus du miroir aux alouettes qu’est mon P.C. j’ai affiché la phrase signée Valéry Paul :
« L’espérance est la résistance de l’être devant les prévisions de son esprit ».
Voilà une pensée qui me nourrit.
Quand je me suis rendue au service de réanimation à l’hôpital Nord, je me suis perdue sans coup férir entre les niveaux, les services. J’ai tourné de vestibules en coursives. Oubliée en un vaisseau fantôme, je ne parvenais plus à lire les écriteaux. Aveugle, je demande ma route à d’autres égarés parlant vite et bas, me désignant des directions que cassent d’imprévisibles bifurcations. Dans ce Château, je n’étais pas prête pour autant à reprendre le chemin de la sortie puisque ce chemin de toute façon je l’avais perdu aussi. Par ces tunnels, ces couloirs insensibles je devais rejoindre l’armée des soignants, des blessés. Trouver la chambre d’Y. accidenté en Chartreuse. Sans carte, sans cailloux blancs, sans fil providentiel, à un moment j’ai appelé : « Il y a quelqu’un ? »
Je tendais l’oreille mais n’entendais que des aboiements, des grincements de poulies, des chuintements, des échos de fonds de ravins ! Et puis un barbu, poussant un chariot de bonbonnes m’a dit : « Au fond à droite… » avant de disparaître dans un autre labyrinthe. Au fond à droite nul Cerbère, juste l’équipe de déminage en blouses vertes.
Enfile cette blouse, ce bonnet, lave-toi les mains, tu peux pisser avant si tu en as besoin… J’en avais besoin. Pas plus de deux personnes à la fois dans la salle de réa. Quand Jo va sortir, nous pourrons entrer. Jo est sorti et nous sommes entrées dans un sombre sapin de Noël. Chambre noire et dans ce noir les yeux clignotants d’une dizaine de robots, leurs âmes à nu sur des moniteurs opalescents. Ce bruit de soufflerie, régulier, trop régulier pour être humain. Ce tube dans une bouche, paille géante pour aspirer l’air. La bouche meurtrie de Y. Sous le drap le corps figé de Y. Une machine fait le boulot pour qu’il respire, le vieux copain. De part et d’autre du lit nous tenons ses mains. Il ne peut parler, nous nous regardons.
Les larmes viennent, les larmes viennent quand il n’y a pas d’autre recours. Les larmes chassent les images, les larmes sont réelles. Les larmes sont bonnes. Pleurer nous abreuve. « Le ciel, son soleil et ses étoiles sont pour toi, vieux frère, tu les retrouveras bientôt. » Y. approuve avec ses mains qu’il serre dans les nôtres. De temps en temps nous tentons des interprétations qu’il valide ou invalide à coups de paupières. Conversation lente, lenteur de ce qui s’élabore dans la vie en péril quand elle s’obstine à vivre.
A. essuie les larmes de son mari. J’assiste à une transfusion d’amour entre ces deux là.
Les miroirs et notre peur de mourir, volent en éclats. Terrain déminé.
Clémence Psyché

lundi 23 novembre 2009

Irène d’Alain Cavalier

Film clivant. Celle, avec qui je partage l’ordinateur et quelques places de cinéma, était vraiment contrariée de ce déballage impudique et geignard.
Moi, j’ai bien aimé la recherche de l’aimée disparue, ce petit tour hésitant dans la mémoire, sincère et émouvant.Nous sommes bien fragiles et dérisoires avec nos appareils à produire des images, pour une quête impossible comme si la vie, la vérité pouvaient durer. J’aime croire que les objets sont dociles parfois, qu’ils entrent dans le cadre, mais les mots « refroidissent » et l’écran à la fin est noir. Il ne peut en être autrement au bout de ce film singulier qui va bien au-delà des catégories habituelles pour éprouver notre honnêteté et notre capacité à aborder la nouveauté.

dimanche 22 novembre 2009

La fabbrica

Pourquoi, quand il est question de représentation de la classe ouvrière, faut-il que les artistes empruntent la voie du conte ? Celui qui sert les hauts- fourneaux serait-il devenu aussi mythique que le bûcheron à son Poucet ? Est-il condamné à faire de la figuration en fond d’écran pour président en tournée en province ?
Bref, pour cette création d’Ascanio Celestini, il y avait des éclairages de théâtre, des dispositifs scéniques, des voix héritières de Giovanna Marini, toujours perçantes et crues, mais de dialogue : point.
La légende des trois âges de la classe ouvrière quand les ouvriers étaient des géants, des aristos et aujourd’hui des estropiés paraît quelque peu statique sur une heure quarante. Le spectacle m’a semblé dévoré par son sujet comme les installations aujourd’hui démontées, où comme pour Assunta, les secrets seraient –ils tellement indicibles ? Les métaphores laborieuses ne nous éclairent pas et la tonalité vaguement nostalgique ne prend pas plus.
La lettre qui sert de fil conducteur aux trois générations de Fausto est encore à écrire pour que les chants à la gloire de l’espoir socialiste ne sonnent pas dérisoires à ce point... mais ce n’est pas que l’ affaire de metteur en scène Charles Tordjman.

samedi 21 novembre 2009

Titi et Titine

Au delà du jeu de sons, rapprocher le capitaine de l’équipe de France de foot et la secrétaire nationale du PS, sera familier aux habitués des cliquetis échappés des machines à informer.
Ce que je sais du parti auquel j’ai adhéré, il n’y a guère, me désole. Les querelles du haut se dupliquent en bas où l’esprit de cour vaut pour esprit de corps, où flatter des conservatismes n’apaise même pas les détresses idéologiques. La place est libre pour ceux qui ont su surfer sur le vague Dany en répondant au besoin de renouvellement de la politique, tout en portant des questions urgentes. A Dijon, bien des commentateurs ont regretté que les problèmes d’éducation qui devaient être traités disparaissent, mais ils ne nous ont pas plus éclairés sur ceux ci. Est-ce que ce sera la dernière péripétie d’une querelle pathétique ? Fra-ter-ni-té.
Mais je vais éviter de continuer à appeler par un diminutif la maire de Lille qui est là à son niveau de compétence comme madame Royal à la région, la familiarité factice des bloggeurs à laquelle je succombe trop volontiers contribue à l’affaissement du niveau des débats politiques.
Mais au moment où je m’apprête à être plus sage, le commentaire d’un blagueur me contraint à moins de révérence : « Alors sur la tricherie d’Henry, Madame Aubry de la fédération du Nord n’a pas de commentaire ? »
En foot, la passion populaire était algérienne ; le terme ne s’applique plus à la politique, mais pas non plus cette fois à l’équipe de France. Les préposés au micro de TF1, pour des raisons économiques, sont restés muets devant le scandale du but qualificatif. Et Thierry Henry, jadis l’élégant accélérateur de nos émotions a entaché pour longtemps sa réputation.
Le diminutif « Titi » ne convient plus non plus, maintenant que « mon Basilou » est lui en tôle. Gros Minet n’en finit pas de perdre l’innocence.
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Dans le Libé titré : « La France au Mondial : c’est pas le pied ». Jacques Attali interviewé dit « Passionnante époque ! Si des ethnologues du XXII° siècle se penchent un jour sur notre temps, ils seront surpris de constater que les gens les mieux payés alors étaient les footballeurs et les traders, les gens du spectacle et de l’assurance, et que certains pouvaient exercer des métiers en pleine gloire, tout en étant parfaitement immoraux ».
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Dans Le Canard Enchaîné : Citation extraite des nouvelles brèves de comptoir de Jean Marie Gourio : « Sarkozy, c’est du beaujolais nouveau, t’as qu’une journée avant le vinaigre. »

vendredi 20 novembre 2009

Le désespoir du peintre, Arthur Bernard

Livre acheté pour son titre qui dit la condition familière de tous ceux qui essaient de traduire une réalité, et aussi du nom d’une fleur forcément décevante avec une telle appellation.
Il y aurait aussi « repentir » qui est riche appliqué à la peinture, et le style du romancier s’applique ici à l’incertitude, à cette recherche tremblée de l’ineffable. Au début de ma lecture j’ai trouvé le parti pris de faire vivre des tableaux, original, puis j’ai avancé par devoir, extérieur aux péripéties d’un récit qui s’apparente à un exercice de style. Sa lecture des tableaux est intéressante : pénétrer dans le regard d’une femme pensive peut nous amener à mieux voyager dans les musées ou avec le métro emprunté par des madones. La précision de la description d’une Madeleine en extase change nos regards. Mais il aurait suffi d’une nouvelle ; l’exercice m’a paru artificiel sur 246 pages aux éditions Champ Vallon.

jeudi 19 novembre 2009

Fernand Léger

Quand dans l’arrière pays cannois, je déplie le cadeau de quelques jours dans l’azur de la côte, je suis au musée Fernand Léger à Biot et c’est l’été qui ne finit pas.
L’été des congés payés de 36, où l’homme indestructible chevauche sa bicyclette en bonne compagnie; il croit au progrès.
L’été des unes de l’Huma Dimanche, où sur ses échafaudages le monde se construit ; il sera rationnel.
C’est toujours satisfaisant quand au-delà d’œuvres reconnaissables entre toutes, en découvrant des œuvres antérieures, se dévoile plus complètement un artiste.
Les commentaires simples et éclairants de ce musée nous font comprendre l’urgence des dessins d’avant guerre, comme tracés à la fenêtre des trains lancés vers le cataclysme.
Pour user et abuser de gros plans en photographie, je me suis régalé au choix du thème « fragments » : « le discontinu, l’abrégé, le fractionné caractérisent à ses yeux la vie moderne ».
Nous sommes passés à l’heure d’hiver et l’humanité ne s’endimanche plus guère.

mercredi 18 novembre 2009

J9 : retour sur Hanoï

Je me lève avant la sonnerie du réveil pour surprendre le soleil qui se pointe, puis me recouche pour le petit déjeuner à 7h30. Le bateau rattaché à la jonque comme un petit rémora à un gros poisson, nous accueille à nouveau et nous nous dirigeons vers une grotte que nous ne pouvons pas traverser complètement avec notre embarcation trop haute de plafond et une marée trop importante. L’eau a pris une couleur émeraude d’une évidence nous avons rarement l’occasion de voir. A côté de la grotte Cam Vao, des hommes en bateau repêchent des déchets à l’épuisette. Nous assistons au levage de l’ancre, intrigués par les cris soudains des mariniers pour rythmer le mouvement et cadencer leurs efforts. La croisière repart. Dans la salle de restaurant, les employés ont installé des souvenirs sur les tables, perles de la baie, nappes… Dehors changement continu de couleurs et de lumières, passage de pluie au soleil. C’est le temps des quatre saisons. Nous contemplons le paysage depuis les passerelles, de la terrasse ou de la salle de restau, au rythme alangui du moteur. Arrivés devant « le pont de Saint Marcellin » c'est-à-dire à l’embarcadère d’Along, vers les 11h du matin, le personnel nous sert un brunch, enfin plutôt un déjeuner copieux qui comprend des frites, des crevettes sautées, du poisson, des calamars, du bœuf à l’ananas, du riz blanc, des légumes émincés blancs et des fruits du dragon. En supplément, nous nous autorisons un café à l’arôme de chocolat. Pendant ce temps nous ne voyons plus le pont effacé dans la brume ; la pluie sous l’effet du vent tombe presque à l’horizontale. Un beau petit grain juste au moment de quitter la jonque. Dernier caprice de la mousson en baie d’Along qui nous retient encore un peu avant le départ. Au retour sur la terre ferme, notre chauffeur est là, sur le quai, il saisit rapidement les bagages que nous n’avons quasiment pas porté depuis longtemps.
Nous roulons vers Hanoï, abandonnons les paysages en pain de sucre, avec des cabanes de pêcheurs hautes sur pattes. Nous renouons avec les grandes étendues de rizières et les usines de briques et de tuiles reconnaissables à leurs hautes cheminées. Le minibus envoie des gerbes d’eau sur les bas côtés, les scooters en sont copieusement douchés. Les trombes d’eau ne sont pas encore écoulées. Manh a programmé deux arrêts d’abord dans une usine de céramique. La terre kaolin et l’argile mixés sont déversés dans des moules, puis les articles démoulés à la sortie d’immenses fours sont peints et émaillés par de charmantes jeunes filles qui blaguent avec notre guide. Dans la boutique attenante, nous choisissons des porte-couteaux en forme de poissons et un petit vide-poches tels que ceux qu’on a vus travaillés par les jeunes filles. Nous visitons ensuite un centre artisanal pour handicapés et jeunes défavorisés. Nous pouvons y voir différents ateliers : broderies, laques sur bambous, sculptures, couture, bijoux où travaillent un grand nombre d’apprentis avec une concentration et une efficacité sans défaut. Les brodeuses surtout nous impressionnent, réalisant des tableaux avec de tous petits points lancés, en tenant leur ouvrage et leur modèle à l’envers, tissu tendu sur des métiers ou des tambours. Les garçons s’attellent aussi à l’exercice. Le centre dispose d’un restaurant et d’une boutique sous le même toit sans délimitation cloisonnée. Nous participons à soutenir cette association et bien que plus cher qu’ailleurs nous achetons une nappe blanche brodée en blanc à la main, 6 couverts pour 40€ et une statuette en terre naïve et sympathique.
Les embouteillages d’Hanoï et la circulation nous éberluent encore. A l’hôtel Hong Ngoc nous retrouvons notre chambre 406, la réception y a déposé des ramboutans à notre intention, cadeau de fidélité.
Après un peu d’Internet et un peu de lessive, nous cherchons en vain un Bia Hoï, petit bar où l’on sert de la bière pression. Nous renonçons et nous nous dirigeons vers le glacier Fanny où nous sommes moins emballés que la première fois bien que nous ne laissions rien de nos twin tangerine ni d’une banana Hanoï. Les gourmandises serviront de dîner et un verre d’eau facilitera le passage de la Malarone. Retour chez nous, clim à donf !

mardi 17 novembre 2009

Les miroirs étaient trop hauts

Les miroirs étaient trop hauts dans notre logement étroit, ou alors, ma joie de vivre était si forte qu’elle se passait de sa représentation.
Autrefois je contemplais mon image pour me voir belle, pour le croire, pour enfin aujourd’hui ne plus m’en préoccuper après en avoir douté. Je me dis que je suis enfin libérée de cette hallucination servie sur le plateau vertical des miroirs.
Quand un homme de ma génération me dit, mi figue mi raisin : « Tu es encore consommable… », je réponds que je ne suis plus une oie blanche et qu’il n’a pas l’air non plus d’un pigeon. Nous rigolons, nous nous faisons la bise. C’est moins fatigant que de trampoliner dans un plumard et plus sûr pour nos ostéoporoses ! Bien entendu, ces messieurs sur le retour (on devrait plutôt dire en avance sur le peloton) audacieux en paroles ne sont pas toujours très doués dans l’art de séduire.
Tandis qu’en catastrophe le Don Juan évoque les images de ses dulcinées d’antan afin de ravigoter son ustensile, elle, en attente paresseuse de l’événement improbable finit par ouvrir sa flore (à défaut d’autre chose) et de s’écrier :
- Botrychium Lunaria ! Je savais que j’en trouverais dans ce coin ! Regarde, n’est-elle pas mignonne cette minuscule fougère rescapée du Tertiaire ? Deux centimètres au plus…
- Ce n’est pas beaucoup en effet, commente-t-il, en se refalzarisant. Faudrait que je la photographie en macro ta… Tu as dit ?
Charmante sexualité des seniors !
Les miroirs étaient placés trop haut dans le logement étroit de mon enfance. Je trottais plus bas que ces nids aux alouettes, préoccupée de ce que je trouvais par terre. Si les vieillards regardent par prédilection le ciel en dépit de leurs arthroses cervicales, les petits enfants, depuis si peu de temps sur terre et encore tout étonnés de l’aventure, examinent le sol, l’apprivoisent à pas branlants cette chose qui les tient et parfois les bascule.
Clémence Psyché

lundi 16 novembre 2009

Le ruban blanc.

Un grand film, celui de la beauté du diable.
Contrairement à ce que je craignais : une démonstration sans nuance sur les origines du mal ; notre liberté de spectateur est totale, avec des nuances voire des contradictions portées par des images superbes, et des acteurs inoubliables, qu’ils expriment la dignité ou la perversité. Les portes restent fermées sur bien des secrets, mais ces deux heures et demie nous marquent. Je n’ai pu m’empêcher de penser au film « 1900 » puisqu’il s’agit aussi de la chronique d’une communauté paysanne et j’ai mesuré tout ce qui séparait ce film du Nord noir et blanc, miroir de notre siècle cruel, de celui de Bertolucci odorant, coloré, porté par l’énergie de la lutte pour un monde meilleur : les années 70 sont mortes. Les enfants, nombreux derrière les volets clos savent les noirceurs du monde, et il n’y pas que les coups de verge assénés qui sont violents. Les moments de paix ne durent pas, les rares fêtes finissent mal et s’il y a bien un enfant encore innocent, il n’entame pas la sévérité paternelle. L’instituteur qui tient le fil du récit, a renoncé à son métier. Un film pour aujourd’hui.

dimanche 15 novembre 2009

Objet mystérieux

Un ami a trouvé chez un tonton bricoleur ces douze pièces en deux tailles différentes.Une inscription "marque déposée" est gravée sur chaque barrette dentelée.
Si un lecteur de ce blog connait leur usage, et qu'il nous le fasse savoir, nous serons contents de lever ce petit mystère.

L’homme à (la) tête de chou

Marilou la shampouineuse disparue sous la neige carbonique aurait pu être ravie de cette œuvre consacrée à ses charmes par Gainsbourg (1976) Bashung(2008), et Galotta qui vient d’y rajouter sa touche, touche. D’un zip de Lewis nous basculons vers Caroll Lewis, l’humour nous chope par la braguette; la musique, les petits pas narguent la mort. Mes amis se sont lassés des manières du grenoblois, je lui suis resté fidèle. Je me régale de retrouver ses codes et de déguster ses trouvailles. La troupe de 14 danseurs a pris de l’ampleur, avec une énergie nouvelle qui fait se croiser la liberté singulière de chaque danseur avec des envolées, tous ensemble, au quart de poil. Des tableaux de toute beauté, 1h10 à retenir son souffle. Danser avec le slip aux chevilles et dire la violence, la vitalité primale, le désespoir. Courir. Fort.

samedi 14 novembre 2009

Le sénat ce rempart !

Tout ce qui peut contrarier l’énervé qui fait honte à notre identité républicaine, a du bon. Mais où en sommes nous rendus, si l’archaïque et somnolent sénat reste notre dernier rempart pour gérer un pays plus démocratiquement ?
Quelques propositions de réforme des collectivités locales les plus distrayantes sont données en pâture aux médias qui alimenteront ainsi les boites à blagues. Les plaques minéralogiques occuperont les alentours des machines à café et rien ne changera.
Nous avons voté le non cumul des mandats au P.S. en contrariant nos cumulards.
Pendant ce temps ceux qui cumulent un poste ministériel et la responsabilité d’un exécutif local ne lâchent rien.
Il conviendrait en outre de dénoncer l’empilement des rôles qui échappent à tout contrôle.
Mais que peut dire le journaliste qui fait des ménages au politique qui accumule les sièges, les présidences ?
Les instances se sont multipliées avec leurs réseaux, et là se fortifient les féodalités ; le pouvoir des technocrates s’exerce à plein. La présidentialisation n’est pas l’apanage de l’Elysée avec sa loi du secret implacable pour les éloignés des cabinets qui eux gouvernent pour de vrai.
L’affaire scandaleuse de Jean Sarkozy à l’EPAD n’était pas qu’un problème de fils à papa mais aussi celui de l’EPAD et de telles structures!
Nous sommes loin des fièvres participatives qui nous reprirent le temps d’une campagne et s’il faut bien connaître ces cuisines issues des mécanismes représentatifs, reste-t-il des espaces où la sollicitation de la parole du citoyen ne soit pas un leurre ?

vendredi 13 novembre 2009

L’immeuble d’en face. 2

J’ai repensé à des gravures du XIX° siècle où l’époque pouvait se résumer à l’écorché d’un immeuble; la vie se montrait à chaque étage avec sa famille bourgeoise et son artiste sous les combles. L’album de BD de Vanyda révèle avec virtuosité notre époque, façon manga avec une mise en page variée et une narration habile : la mère célibataire, le jeune couple et celui qui a un gros chien... La façade est tombée, mais les solitudes s’installent derrière les ordinateurs, ou les bavardages, mais des moments de tendresse arrivent comme ça sans en avoir l’air.
- Et toi Claire tu as commandé quoi au papa Noël ?
- Hum, tu sais, j’ai pas encore eu trop le temps d’y réfléchir en fait!
- Moi, je voulais trop de choses. Maman m’a dit qu’il fallait partager avec tous les autres enfants.
- Et alors finalement y avait quoi dans ta lettre ?
- Alors j’ai commandé une baguette magique, un chien en peluche, et aussi du maquillage avec des paillettes…