mardi 18 novembre 2008

Le Bernin


Il faut bien du professionnalisme aux conférenciers qui officient pour les amis du Musée de Grenoble, car leurs diapositives désuètes ne sont pas à la hauteur des chefs d’œuvre qu’ils doivent nous faire découvrir. Pourtant les extravagances, les contorsions des statues du Bernin se prêteraient bien à un exposé expressif. Nous avons revu des Fiat 500 garées au bord de la Barcaccia sur la place d’Espagne à Rome… mais pas seulement. L’exposé clair mettait en lumière le passage de la sagesse aux incertitudes après le concile de Trente qui dura 18 ans : l’homme a quitté le centre de l’Univers et ses vérités intangibles. L’architecte adoptera l’ellipse et l’ovale. Les sculptures sont moins sages, moins statiques, les visages plus expressifs. La vérité de la représentation est dans le mouvement. C’est le baroque et sa théâtralité, ses volutes, sa sensualité. L’exemple développé de la statue de Saint Thérèse D’avilla visitée par un ange sardonique laisse place à des interprétations pas forcément mystiques. Son superbe David s’apprêtant à un coup décisif n’a plus la sérénité de la renaissance, mais son énergie est séduisante. Au service de sept papes, on doit à Bernini le baldaquin tortillé et le dessin de la colonnade de la place Saint-Pierre.
Père de onze enfants, il s’essaya au théâtre et fut un peintre aux autoportraits remarquables.

lundi 17 novembre 2008

Stella


Film autobiographique de Sylvie Verheyde. L’école finalement peut avoir du bon : je ne peux que souscrire à cette morale édifiante. La reconstitution des années 70 connaît quelques anachronismes particulièrement dans le langage. Le juke-box fonctionne beaucoup dans un café plein de vie, mais ce procédé qui abuse des musiques populaires est un peu facile. La voix off de l’enfant qui s’efface heureusement en cours de route, n’est pas authentique à mes oreilles. C’est toujours ce travers irritant de vouloir faire porter à l’enfant un regard distancié sur la société adulte avec une parole qui dirait la vérité alors que cette petite fille est fragile et bien peu extravertie. Le merchandising du RC Lens n’avait pas atteint les cours de récréation de l’époque, mais les épisodes en terre Chti sont émouvants, comme beaucoup de scènes entre enfants ; leur amitié, les premiers baisers maladroits sont finement saisis. Les adultes bien interprétés sont tous tragiques. Il est heureux que le législateur ait tenu éloigné les débits de boisson des lieux d’enseignement.

dimanche 16 novembre 2008

La terre des paysans


Pourquoi ces banalités recopiées dans le livre de photos accompagnées de textes de Depardon me touchent au plus profond ?
« - Vous vous êtes mariés à quel âge ?
Marcel Chalaye : - Oh ! M’en rappelle plus !!
Germaine Chalaye : - Il s’en rappelle plus !
Marcel Chalaye : - M’en rappelle pas…
Germaine Chalaye :- Il s’en rappelle plus… »

J’en ris, et je m’arrête, ce pauvre dialogue dans un livre de plus du bourlingueur bourguignon, résonne dans ma mémoire plus que de raison. Quand je lis ces autres mots précieux, car je sais aussi leur rareté : « rien me faisait un souci ; il fallait faire les foins, bon… pourvu qu’il pleuve pas, pourvu que si, pourvu que ça, et ça ronge », je sens que mes racines paysannes ne sont pas qu’une métaphore. Ces fibres me tiennent et vibrent. J’en ai eu honte comme Depardon et je suis tranquille aujourd’hui. Les photos des paysages des collines de hauts plateaux rendent tangibles la rudesse des conditions, cinq hommes s’abritent de la neige dans une bétaillère ; ces portraits toujours beaux et pas seulement graphiques, la chaleur du poêle, la folie du chien à sa chaîne, les biscuits sur la toile cirée, les solitudes et des solidités de rocs. Et comme dans son film « la vie moderne » le chant désespéré, sublime, de la fin d’un monde. Une vie se résume : « j’ai fait un peu de tout et un peu beaucoup de choses ».

samedi 15 novembre 2008

Masocialiste.


Florilège de quelques avis d’intellectuels recueillis dans un seul article du « Monde ».
"Le PS est en panne d'idées parce qu'il est en panne d'une compréhension du monde", estime Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France et animateur de La République des idées. "Ce n'est pas la société qui est indifférente, au contraire. En revanche le lien s'est rompu entre le monde des idées et la gauche. A droite, Nicolas Sarkozy a su redonner un langage et une culture politique à son camp, il a métabolisé vingt ans de réflexions sur le nouveau capitalisme et ses effets sur la société. La gauche n'a pas fait la traduction progressiste de cette évolution."
Marcel Gauchet, historien, philosophe et rédacteur en chef de la revue Le Débat : "Nous sommes dans un moment de creux historique très grave. Le gauche conserve des positions très fortes sur le plan des valeurs de notre société, mais elle a perdu la main sur la perspective de l'avenir ; elle est devenue un parti complètement défensif contre les méfaits d'un monde dont elle a perdu le secret. Elle est donc le parti des perdants"
Yann Moullier-Boutang, économiste et directeur de la revue de gauche critique et culturelle Multitudes: "Il n'y a pas de politique intellectuelle au PS, pas de débat créatif. Le contenu même du mot socialisme est d'un flou total. La conséquence est évidente : faute d'un affrontement sur les idées, on assiste à un affrontement hystérique sur les personnes."
Gilles Finchelstein, un proche de Dominique Strauss-Kahn, est directeur général de la Fondation Jean-Jaurès, dont la mission est d'être le lieu de la rénovation de la pensée socialiste. "Traditionnellement, quand le PS perdait une élection, il en tirait la conclusion qu'il n'avait pas été assez à gauche. Après la défaite de 2007, il a lui-même considéré qu'il avait perdu parce qu'il s'était éloigné du réel. Et parce sa vision du monde, ses mots et ses concepts parlaient davantage aux socialistes qu'au pays."
Laurent Bouvet, professeur de sciences politiques et rédacteur en chef de la Revue socialiste à la fin des années 1990, estime pour sa part que le PS "a perdu ce qui faisait sa force dans les années 1970 : une efficacité électorale construite sur une compréhension de la société française. Il ne s'en sortira pas sans un réinvestissement du champ doctrinal".
A la recherche d’un sigle tel que CARESSES (Convergence des Alternatives et Résistances Ecologistes et Socialistes pour des Sociétés Equitables et Solidaires) celui-ci est préempté par les partisans de Besancenot (Le Nouvel Observateur)

vendredi 14 novembre 2008

Yvonne Besset


Elle apparaîtra sous ce nom gravé sur une pierre tombale.
Pour nous, elle reste « Mamiche » parce que sa fille l’a mêlée à son cercle d’amis. Son mari instituteur-secrétaire de mairie était un de ces « hussards noirs de la République ». Elle qui aimait tellement les mots et en jouait avec tant de précision, elle aurait pu me suggérer une féminisation de l’expression, aujourd’hui désuète et pourtant… Je viens de retrouver dans un de ses cahiers à l’écriture si bien formée,les paroles d’une chanson qu’elle fit sûrement chanter à ses garçons de la laïque - les filles étaient promises aux religieuses de l’école privée :
« Noël vient de passer
Que vous a- t-il laissé ?
Un beau pantin agitant ses sonnettes
Et un Pierrot chantant pour sa Pierrette
La la la…
Juste une auto que l’on roulait en rêve
Une auto vraie avec des pneus qui crèvent.
Rro Rro Rro »

Pour dire les années de bonheur où ces instituteurs trouvaient le soleil après des mois de« Burle » dans les faubourgs de Cannes. Tous ceux qui ont profité de leur balcon donnant sur la Côte d’Azur doivent aux parents de Dany et grands-parents de Laurence, une part de lumière et de sourire.

jeudi 13 novembre 2008

Moineau dans le brouillard


« Le brouillard a tout mis
Dans son sac de coton ;
Le brouillard a tout pris
Autour de ma maison.
Plus de fleurs au jardin,
Plus d'arbres dans l'allée ;
La serre du voisin
Semble s'être envolée.
Et je ne sais vraiment
Où peut s'être posé
Le moineau que j’entends
Si tristement crier. »

Maurice Carème
Et dire que le moineau lui-même a quasiment disparu en Angleterre et en Belgique,
sa population en France est en déclin, faute d’insectes semble-t-il. A Paris il boude les quartiers chics car il y a moins de trous pour nicher, et moins de déchets pour se nourrir.

mercredi 12 novembre 2008

Education civique - Faire classe # 8


Education civique - nous évite de dire éducation tout court - avec ses airs de chez madame De Rothschild. Au carrefour affectif de l’éducatif et de l’instructif, la civique recueille bien des demandes de la société. Pourtant, notre école victime en ce moment d’attaques sans précédent est bien mollement défendue. Le service public est déconstruit mais l’appel mécanique à la résolution de trop de problèmes est quand même dirigé vers lui. Les enfants, nos clients comme disait Illitch : entre trente sept sollicitations médiatiques ils forment un auditoire au bord de la cellule psychologique où se côtoient les abandonnés de 16h 30 à une extrémité avec les autres branchés sur GPS en mode couveuse ; de cette diversité il faut bien essayer de soigner les uns par les autres. Bien sûr, nombreux sont les enfants qui montent dans des trains à l’heure et qui sont élevés avec justesse mais ils sont ignorés. Ceux qui ne se font pas oublier se débattent parfois sous un amour maladroit et collant ou sont victimes des démissions d’adultes jamais devenus tels ; ils sont à convaincre, comme ceux qui sont corsetés dans des rigidités d’un autre age.
Nous sommes dans le cataplasme transversal, dans le credo bavard du « vivre ensemble ». Jadis l’air d’un temps excluait toute réprimande, et se montrait tellement compassionnel, que nous pouvions imaginer ce type d’appréciation à vous faire tomber les bras : « utilise le cutter exclusivement pour couper du carton, a su dire « merci » et « bonjour » : sera admis au brevet ». Maintenant on rase les RASED ; les cutters, jeunots, servent pour abréger le temps des pénitenciers.
Au temps où j’exerçais, sous la rubrique civique, j’ai accueilli l’infirmière autour de la maltraitance et j’ai pu vérifier le syndrome du livre de médecine qui donne toutes les maladies à ses lecteurs. A la suite de son intervention, des enfants avaient dénoncé des parents indignes qui n’autorisaient pas leur fille de 9 ans à aller toute seule à Carrefour !
Et la nouvelle psychologue qui venait faire la pub pour son bureau des complaisances du lundi se dispensait du suivi des cas nécessiteux.
Difficultés d’animer une matière austère qui a tout à gagner avec des voix diverses : une avocate, monsieur le maire... Jusqu’aux C.R.S. de la prévention routière qui étaient les bienvenus avec leur circuit avec petits vélos. Sinon au gré des échéances électorales : la fonction présidentielle, les régionales voire les cantonales apportaient de l’air du dehors à un enseignement qui abordait le racisme, les droits de l’homme et de l’enfant, à quoi sert l’argent ? Et la « Sécu » ? Bruno Heitz et ses planches humoristiques peuvent servir d’appui pour maintes leçons. C’était un temps où l’inspecteur nous accordait sa confiance et pensait que nos petites entreprises valaient mieux que de grands discours.
Dans la plage horaire dévolue à cette matière je casais les rendez-vous avec les élèves du C.M. 2 qui venaient d’entrer en sixième : discussions riches, joviales où les anciens primaires venaient montrer qu’ils avaient grandi. L’occasion jamais déçue de mesurer aussi leur attachement à l’école ; le suivi, la liaison C.M.2/ sixième à hauteur d’enfants. Des moments de convivialité qui dispensaient de dispositifs lourds et disproportionnés afin de dédramatiser le collège. Les chercheurs n’auront pas à gloser sur la nécessité des rites de passage. Un peu de stress mobilise.
Pendant ce temps il faut préparer les conseils d’élèves de l’école et du conseil municipal d’enfants pour aborder la notion de mandat et du retour vers les mandants. La démocratie quoi !
« Il a été décidé qu'on reparlerait, dès les petites classes, d'éducation civique, d'honnêteté, de courage, de refus du racisme et d'amour de la République. Il est dommage que l'école ne soit fréquentée que par les enfants. » A. Frossard