J'avais envisagé de commencer mon article hebdomadaire à prétention
politique d’une façon primesautière après la décision du conseil municipal de
Grenoble d’adopter l’écriture inclusive dans ses documents officiels, bien
qu’après le suicide d’un jeune homme paraissent bien vains tant de débats. Mais
je le fais quand même, suivant un principe répandu désormais :
avertir « c’est pas pour m’immiscer » juste avant de défoncer
(symboliquement) les portes de la maison.
Ah les hommes bons ! Et que de femmes bonnes (bonnes
femmes n’est guère plus flatteur) qui mettent des « e » partout dans leurs écrits pour affirmer, que l’homme
est l’égal de la femme !
Plutôt que de nous brouiller la lecture avec des points
inclusifs, les mêmes, auraient pu se montrer plus hésitants, mettre un peu
de « heu », faire preuve de vigilance, par exemple autour du mot
« laïcité ».
A force de mettre sous le tapis - à prière - les problèmes posés par l’islamisme qui tue à
la préfecture de police de Paris comme au Mali, les poisons de la division
s’instillent dans les tissus les plus imperméables de la société.
La nation française, longtemps éloignée de la notion de « communauté »,
est travaillée depuis un moment par des modèles, venus des campus américains qui
collent des assignations religieuses,
de genre, de race par dessus les écarts sociaux, les différences géographiques, les
divergences politiques, les nuances culturelles.
Le terme « citoyen » a été usé, les individus
réduits à l’état de clients. La FCPE après l’UNEF jadis des môles contre
le pouvoir des religieux sont devenus des mous en mettant le voile en
couverture de leurs tracts, car la laïcité serait « une survivance
coloniale » et les Lumières du XVIII° seraient bien trop blanches. Il n’y a
pas que Zemmour qui racise !
« Si le mal, à sa
manière, existe, Dieu en est la première victime. » Maurice Zundel.
La vieille expression qui met des pailles dans l’œil du
voisin alors qu’une poutre est fichée dans le nôtre est toujours valable :
la peur n’est pas que pour les autres et les mômes ne sont plus seuls à être
abrutis par les écrans. Nous décrochons dans nos relations.
Au-delà d’une affaire d’effectifs, peut-on pointer un problème quand une
aide dans un EHPAD regarde son téléphone plutôt que la mémé qui lui est confiée?
Et c’est ainsi que le patient devient un numéro, le délinquant une statistique,
le malade un symptôme, le client une vache à lait, la vache un code barre et
l’état, dont on ne veut pas, un recours à tous nos abandons de responsabilité.
Pourtant dans notre pays si beau, des vieilles arrivent à être bien
soignées, des mômes dorlotés, des poteries bien tournées, des spectacles
réussis.
Mais il faut s’accrocher : après la semaine des
professeurs des écoles qui se suicident, ce fut celle des agriculteurs. « Agribashing »
passera de mode après que « Pas de vague » ne dise plus rien à
personne, laissant sous les préaux et dans les prés, des désarmés.es.
Il est même étonnant, que les « pagus avinés» n’utilisent pas le fusil-toujours-accroché-à-côté-du-calendrier-des-postes
contre leurs agresseurs. Ils pourraient jouer de la confusion animal/homme qui
anime ceux qui militent pour le bien-être animal plutôt que pour le bien-être
des travailleurs de la terre. Qu'ils mettent une cagoule et la bienveillance viendra à eux.
Un étudiant qui s’immole à Lyon, rendant
jusqu’à l’UE responsable de son geste, nous contraint à ne pas penser. Mais
violence contre violence faut-il en appeler à l’image d’une Africaine portant
sur sa tête des litres d’une eau douteuse pour relativiser des conditions
jugées indignes ?
A l’heure des brouillages, des collages intempestifs,
des bombages et des déchirages de livres (celui de Hollande dans le cadre de
l’Université), de l’anti parlementarisme qui s’incruste, pépé prend peur,
encore !
Alors pour se cacher dignement et éviter de s’appesantir,
piocher dans la malle des citations un proverbe bambara:
« L’enfant aime
la liberté, il en est la première victime. »
.......
Dans le "Courrier international" de cette semaine ce dessin de Vasco Gargalo, Portugal