dimanche 4 mai 2025

Dieppe. Mers-les-Bains

Nous quittons Rouen pour Dieppe et décidons de flâner  en nous autorisant un petit détour  pour le café qui nous mène à MONTVILLE. Nous n’avions pas de raison particulière de choisir cette étape si ce n’est l’annonce sur la route d’un musée des sapeurs-pompiers.
Nous nous étonnons devant l’église des inscriptions liberté égalité fraternité appliquées au-dessus des 3 verrières en ogive et de la présence en exergue de république française sur le beffroi peu élevé. Pourtant l’église est bien un lieu de culte et garde sa fonction religieuse. Mais au XIX°siècle, la commune  finança  en partie l’agrandissement de l’édifice, de ce fait, le maire de l’époque considéra le lieu sacré comme un lieu public. En face, le bar où nous sirotons notre café connait une belle animation, fréquenté par des locaux venus en nombre plus pour tenter leur chance aux jeux et au PMU que pour consommer. Et en même temps ils échangent  des propos en habitués qui se retrouvent.
Nous reprenons notre voyage, traversons Clères, Grugny, le val-de-Scie par de petites routes de campagne désertes moins plates que ce que nous pensions, tracées entre collinettes et quelques restes de bocages .
De beaux bâtis s’insèrent en accord dans le paysage, nous repérons deux maisons coiffées de chaume.

Nous approchons de Tourville sur Arque à la recherche du château de Miromesnil. C’est là que naquît Guy de Maupassant qui y vécut jusqu’à l’âge de trois ans. Actuellement la demeure située en pleine nature et entourée d’un parc  abrite un gîte de luxe. Elle propose des suites, environ 330 € la nuitée pour quatre personnes mais ne semble pas prise d’assaut par les amateurs.
Un jeune homme s’avance à notre rencontre pour nous renseigner. Ce joli château style Louis XIII avec ses briques rouges et son vaste parc bien entretenu n’est ouvert à la visite, obligatoirement guidée, qu’à 14h30 (trop tard pour nous),  par contre cet horaire ne concerne pas  le potager et le jardin (8€). Nous y renonçons cependant.
Nous reprenons la route pour Dieppe. Le GPS nous guide  à proximité du centre-ville dans un quartier populaire guère soigné, rue de la cité de Limes à côté de l’austère école Michelet mais dans laquelle  nous trouvons sans problème et sans parcmètre à poser la voiture.
A pied nous descendons vers le pont Colbert. Il est actuellement en réfection alors  nous empruntons  une passerelle piétonnière  provisoire pour accéder au cœur de la ville.
Un énorme marché envahit  la grande rue, rendant difficile la circulation des clients et passants, sous le soleil éclatant et une température fraiche idéale. Nous remontons la voie sans nous décourager car, confiants dans le routard nous cherchons à atteindre le restaurant « Divernet » (138 grande Rue) .
Il s’est installé à l’étage d’une pâtisserie/traiteur, peu visible de l’extérieur. Autrefois au XIX°, l’établissement s’appelait brasserie Grish, du temps où Oscar Wilde en exil  le fréquentait.
La décoration intérieure  de ce petit  espace vite bondé a conservé un style art déco sobre et sympa, il règne cependant une ambiance fonctionnelle sans tralala.
Nous commandons pour l’un une palette de bœuf sauce Neuchâtel et légumes divers, pour l’autre un wok de crevettes, plus bien sûr dessert et café. Nos voisins de table engagent la conversation, ils habitent le coin et nous conseillent un petit détour à Mers les bains qu’ils apprécient tout particulièrement. Nous prenons congé et lorsque nous débarquons dans la rue, les marchands ont  remballé leurs marchandises. 
Il en reste quelques-uns qui  à l’ombre de l’église Saint Jacques concluent
leurs dernières affaires.
Nous jetons un coup d’œil  à l’intérieur  de l’édifice religieux, dont le mauvais état a nécessité la pose de filets sous les voûtes des travées afin de récupérer les gravats décrochés des parties supérieures.
Vite fait, nous découvrons une chapelle consacrée à l’enfant Christ de Prague, et une autre abritant une mise au tombeau en statuaire colorée, dans un mélange gothique renaissance en pierre crayeuse rongée.
Sur le chemin en direction de la voiture, nous empruntons un pont mobile que nous n’avions pas vu à notre arrivée puis notre véhicule à moteur nous trimbale vers Mers les bains non prévu dans notre périple mais bien vendu par nos voisins de table.

Le GPS nous conduit sur les hauteurs de la ville mitoyenne du Tréport, près de l’église Saint Martin et par chance, nous tombons de justesse sur un emplacement libre de stationnement , dans une rue en pente.

Nous descendons à pied sur un petit chemin contournant à droite la petite église et aboutissons sur la rue du front de mer rendue piétonne pour la durée de l’été.

Des falaises encadrent  et délimitent la grève longue de 4.5km .
Sur la plage de galets, des quartiers de cabines blanches obstruent la vue sur la mer. Quant au large trottoir, servant  habituellement de  promenade, il accueille un marché des artisans.
Mais le plus attrayant reste l’autre côté de la rue, avec son alignement de maisons hautes et élégantes dans un style art nouveau.
Le chemin de fer construit en 1872 a rendu les villégiatures accessibles aux parisiens aisés;
elles rivalisent  de couleurs, de hauteurs, s’éloignent des maisons à pan de bois,
osent des toitures  folles, se parent de volutes, de boiseries en arrondi,
de balcons avec des ferronneries, de bow windows, de céramiques.
Chacune porte un nom,  RIP (il faut oser !)  

"Villa Hellena", magnifique, rue Boucher de Perthes ,

souvent des prénoms de femmes : "Yvonnette", "Colette"..,
la villa "La fée des mers" marque l’entrée de la promenade, attribuée à tort semble-t-il à G. Eiffel.
Les couleurs pimpantes et fraiches chantent sous la lumière du soleil et le bleu du ciel,
nous prenons plaisir à nous attarder dans les rues transversales sans souffrir de la chaleur car le thermomètre affiche 24 °, la canicule pour les locaux.

samedi 3 mai 2025

Mammifères II. Pierre Mérot.

Un premier volume d’il y a vingt ans avait quelque saveur. 
Mais au bout des 217 pages de celui là, l’écrivain fatigué gâche le travail : 
« Un livre éteint, sans les éclats ni la violence de la jeunesse. » 
Cette livraison du sexagénaire qui se confie à son urologue, à son cardiologue, ne gambade plus beaucoup et ne saute plus guère, quand le « Bukowski de Montmartre » alpague le néophyte en faisant référence à plusieurs reprises à Montaigne du « sauts et gambades ».
Il se repent : 
« … il était bien obligé d’enfiler son masque d’oncle, cruel et ordurier, de faire taire sa charité, son cœur réel, son humanité, on le payait pour ça, la méchanceté, le cynisme, l’horrible drôlerie, la drôlerie expéditive, simplifiante, facile. Etait-il drôle, l’oncle ? Il en doutait. » 
Il fume, se fait sucer, boit quelques bières, va à l’enterrement de Daisy sa maman, avec Riri, Fifi et Loulou et à l’EHPAD voir Donald son papa. L’enfance est partie, et les gros mots ne choquent plus grand monde. La critique du « Monde » indulgente en arrive à lui pardonner ses mollassons  coups de patte envers le politiquement correct. Le professeur toujours en congé, change d’appartement, car les prix sont élevés à Paris, ha bon, heureusement il y a Tinder. 
« Tantôt songeuse comme Raphaël, tantôt passionnée comme un Delacroix, parfois directe comme un trait de Matisse, je recherche mon partenaire d’inspiration pour aller au-delà de l’esquisse et explorer tout en nuances la palette de la vie ».

vendredi 2 mai 2025

Dottore.

Pour répondre à toute profession s'estimant dévalorisée, il n'est question que de revalorisation salariale.
En ces temps où la dette appelle la diète, la seule revendication des moyens me semble une ambition bien moyenne.
Le terme « vocation » a disparu du lexique quand il s’agit seulement de trouver un job.
Dans un monde pas très rigolo, les caricatures mettent de la couleur dans les conversations et les blagues divertissent mais difficile de doser, de causer. Des cas particuliers excessifs alimentent les conversations et il  est devenu bien difficile de ne pas généraliser.
Tous les prêtres ne sont pas tous pédophiles, et  tous les instits ne laissent  pas s’éterniser les récréations.Tous les médecins ne sont pas devenus remplaçants pour éviter le burn out, bien que certains cherchent de préférence le stress en aile volante plutôt que les urgences.
Il y a des moments où le sens commun demanderait un peu plus de sens du collectif. 
Quand il n’y avait pas besoin de cours d’éducation civique, l’« intérêt » particulier était accompagné de « général ».
Parmi tous les médecins auprès desquels les clients patientent, a-t-on vu des idées pour atténuer la crise de l’offre de soins dans notre pays vieillissant dans une Europe qui connait les mêmes problèmes? Sans parler de l’Afrique, où les déserts ne sont pas que médicaux, à qui l’on prend médecins consentants, footballeurs de talent, prêtres, livreurs de repas et accompagnantes de nos vieux jours.
Le nombre de praticiens augmente, pourtant il est plus difficile d'en dénicher un que partager  le secret d'un coin à champignons. Par contre ils sont réactifs: pour leurs revendications pas d’arrêt de travail de complaisance.
Leurs longues études ont été financées par l’argent public et leurs rétributions sont remboursées par la sécurité sociale. Les professions privées sont payées par la manne publique. La société pourrait attendre quelque service de leur part, sans dépassement d’honoraire. 
Les instits sont nommés dans le Nord Isère et les profs dans le Nord, quand les postes se font rares autour de la promenade des Anglais. Pourquoi un dermato n’irait pas faire un peu de tourisme dans la Haute Loire, ça le sortirait des routines botoxées ?
Une régulation dans l’installation des médecins serait fidèle au serment d‘Hippocrate:
« J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité. » 
Les évolutions sociétales privilégient les comportements égoïstes mais ceux-ci ne peuvent pas indéfiniment prendre le pas sur les besoins collectifs surtout quand les libéraux attendent tout des autres, de l’état. 
Jadis sacerdoce, dottore avait du prestige et constituait avec professore l’élite de la nation ; leur pouvoir se décline désormais en groupes de pressions, en lobby, les mandarins, les maîtres sont descendus des estrades.
Tout le monde s’accorde à diagnostiquer une santé mal en point, mais toute prescription est rejetée, ne faudrait-il pas que le corps médical se mette au régime quand l’homéopathie a échoué ?
Les chinois et leurs proverbes pourraient nous aider :  
« A force d’être malade on finit par devenir un bon médecin. »

jeudi 1 mai 2025

Banksy à Echirolles.

Echirolles a gagné depuis trente ans une certaine notoriété avec "le mois du graphisme".
Mais l’annonce de l’accueil de l’artiste le plus connu du siècle dans la commune de la banlieue sud de Grenoble avait de quoi surprendre : la salle des fêtes de la rue du 8 mai 1945 n’est pas le Grand Palais. Cette présence en ce lieu est cependant cohérente avec les engagements du natif de Bristol. 
Le gymnase où sont exposées les œuvres sur des piles de palettes se remarque avec le monde fou qui patiente devant ses portes, comparable aux foules de la foire des Rameaux à l’autre extrémité de l’agglomération.Tant de conservateurs progressistes d’institutions muséales, de commissaires d’exposition d’art contemporain aux salles vides, aimeraient attirer autant de monde.
Le Dauphiné Libéré annonçait 5 000 visiteurs lors du week-end de Pâques, 39 000 à la fin.
Par contre je ne suis pas d’accord avec l’appréciation du quotidien régional quant au côté « décalé » de l’artiste anglais que je trouve très consensuel : 
la guerre, la pollution, la consommation : « c’est pas bien », 
alors que l’innocence de l’enfance est si belle. 
D’où le succès.
Ne goûtant guère le catéchisme de ceux qui méprisent celui des églises catholiques, alors que j’entendais un grand-père, mon semblable, faire la leçon à un enfant, je me suis dispensé de trop sous-titrer les emblématiques peintures au pochoir que voyait mon petit fils.
Comme avec certains dessins de presse qui feraient passer Plantu pour un dessinateur énigmatique, le premier degré est de rigueur, la compréhension immédiate conformément aux rythmes endiablés d’aujourd’hui aux cœurs en bandoulière.
Le second degré, les nuances, n’ont plus cour parmi les mœurs tapageuses d’aujourd’hui.
Le sujet n’est pas de savoir quelle est la part des œuvres originales parmi les 280 affiches, vinyles, artefacts, reproductions, travaux de disciples, rassemblés par le comédien « Béru », François Berardino, lors de leur 14° étape.
Comme avec Duchamp je préfère l’original plus subtil, à ses épigones, quand il évoque la guerre en Ukraine
et ses jeux avec des tableaux anciens quand des chariots de super marché ont envahi des paysages de Monet
ou que de toxiques barils arrivent sur une plage de Vettriano. 
L’anonymat  a amplifié la notoriété du plus célèbre des Streets artistes.
Il a posé quelques questions essentielles au monde de l’art en déchiquetant une de ses productions lors d’une vente.
« La petite fille au ballon » devenue son œuvre la plus chère enrichit une collection personnelle de paradoxes déjà bien fournie. Le prix astronomique de ses productions payé par de riches capitalistes sert aussi à de bonnes causes, et les dons recueillis lors de ces expositions gratuites vont à des associations.

mercredi 30 avril 2025

Une maison de poupée. Henrik Ibsen, Ynvild Aspeli, Paola Rizza.

L’utilisation de marionnettes convient parfaitement au thème de la pièce où se mesure la distance entre l’artifice et l’authenticité.
Une femme fait en secret un faux en écriture pour financer un voyage pour son mari malade. Pour emprunter de l’argent, il fallait l’accord du mari. D’où la mise à jour des sentiments, des colères; une vie paisible va se défaire.  
En France il a fallu attendre 1965 pour que les femmes puissent signer un chèque sans l’autorisation du mari.
Dans cet aperçu d’un moment de vie bourgeoise au XIX° siècle, traité finement, avec par exemple ce mot de tendresse : « mon alouette » qui en se matérialisant par un masque, souligne les faux semblants de la vie de couple.
L’artiste joue tous les rôles, imite toutes les voix, manipule les personnages à taille humaine avec virtuosité. Un interlocuteur existe quand on s’adresse à lui.
Par le jeu des lumières et des costumes, malgré d’angoissantes araignées, la narratrice se distingue de l’actrice en route vers une émancipation coûteuse, aux enjeux toujours d’actualité.  

mardi 29 avril 2025

Le gigot du dimanche. Pelaez-Espé.

La nostalgie ajoute de la saveur au plat traditionnel généreusement aillé.
L’avidité surjouée de la famille visant les Louis d’or de la vieille qui reçoit chez elle toutes les générations fait partie du plaisir d’une lecture facile aux personnages caricaturaux où ne manque ni la malice, ni la tendresse. Une comédie.
Ah la politique après l’élection de Mitterrand, les préjugés de l’époque qu’on regarde de haut cinquante ans plus tard, le rugby le dimanche à Gaillac, les tromperies et les réconciliations, des surprises, les blessures et la vie qui va … Macarel !  
« Ça doit être ça, la vieillesse... 
Un vieux piano qui se désaccorde lentement, 
mais dont personne ne remarque les fausses notes... »

lundi 28 avril 2025

A bicyclette. Mathias Mlekuz.

Un père et son ami en vélo, en train, en charrette, effectuent un parcours de deuil à la rencontre de l’amie du fils suicidé.
Les deux hommes mettent de temps en temps un nez rouge, imitant le jeune homme clown de profession, et sur ses traces s’arrêtent aux étapes où le disparu s'était arrêté, de La Rochelle à Istanbul.
Les moments de représentation clownesques sont les meilleurs quand l’exagération exalte la pudeur. Par contre d’autres moments qui m'ont paru trop appuyés peuvent créer de l’embarras.
Il est difficile de critiquer une telle entreprise documentaire, sincère, où larmes et rires se bousculent. Les improvisations excusent la banalité de réflexions sur l’amitié, le deuil et il n’est pas sûr comme le dit un des acteurs qu’au moment du dernier souffle on trouve le bon mot.
Les paysages sont beaux, les critiques souvent émus, mais je n’ai pu oublier de me poser la question de conditions de tournage qui forcément apportent une part d’artifice.