jeudi 3 juin 2021

Morandi au Musée de Grenoble.

On se fabrique peut être des hasards, mais l’exposition visible jusqu’au 4 juillet 21 de « l’ermite de Bologne » est tout indiquée pour une première sortie au musée après un confinement. « Autoportrait ».
Dans l’atelier de 9 m2  où il vivait, dont le photographe Paolo Monti rend les couleurs fidèles à ce qu’on avait retenu de ses fameuses natures mortes, le professeur de gravure mettait en scène ses bouteilles aux couleurs crémeuses, rêveuses.
« Nature morte ».
Un livret est proposé aux enfants afin qu’ils disposent des stickers à la manière de l’artiste. 
Celui-ci prenait du temps pour rechercher une harmonie des formes et des couleurs. 
Cette patience pour aller à la rencontre du mystère situé au-delà de nos perceptions immédiates est elle-même étonnante. 
Il trempait certains objets dans la peinture avant de les représenter ou les laissait se couvrir de poussière.
En ce mois de juin, le confiné libéré peut comprendre mieux la constance de Giorgio Morandi, sa « quête obstinée et solitaire de la vérité en peinture ».
« Certains peuvent voyager à travers le monde et ne rien en voir. Pour parvenir à sa compréhension, il est nécessaire de ne pas trop en voir, mais de bien regarder ce que l’on voit » disait-il.
Une « Nature morte métaphysique » s’accorde aux énigmatiques paysages proches du réel de l’école de « la peinture métaphysique » de Chirico qui disait
« Morandi regarde avec l’œil de l’homme qui croit et le squelette intime de ces choses mortes pour nous, parce qu’immobiles, lui apparaît dans son aspect le plus consolant : dans son aspect éternel. »
Surtout pendant la seconde guerre mondiale, réfugié à la campagne, il va produire de nombreux paysages.
Il avait admiré Cézanne. « Cour de la rue Fondazza » 1954
Alors que le printemps exulte dehors, ses « fleurs » pas loin de celles de Chardin reflètent certes une vie simple signifiant « notre impermanence et notre vulnérabilité », mais je préfère l’éclat du jardin des copains.
Par contre ses
gravures fines , moins connues que ses tableaux aux couleurs délicates, vont à l’essentiel des lumières et des formes.
« Natura morta a grandi segni » 1931
Ses aquarelles épurées et ses dessins légers sont allusifs. « Nature morte » 1959.
« Ses modestes et sublimes aquarelles sont des oiseaux de plein ciel évoluant à ras du sol avec leur poids terrestre et leur grâce ailée. » Jean Leymarie.
Prolongeant l’exposition temporaire, le Musée de Grenoble a regroupé ses tableaux de nos voisins transalpins : «  Italia moderna » constitue une révision utile pour se remettre en route avec l’art du XX° siècle.
Dès 1923, « La femme au col blanc » de Modigliani fut acquise par André Farcy.
Bien entendu «  le Futurisme » est en bonne place :  
« Synthèse plastique des mouvements d’une femme » de Russolo 
et « la Pittura metafisica » de Chirico: « Le couple »
ou « Les oignons de Socrate » de Filippo de Pisis
.
Les amoureux du progrès dans les années 30 sont allés chercher un nouveau souffle  dans les airs : Enrico Prampoli: «Scaphandrier des nuages»
Je me souvenais du  «Café » de Magnelli à l’effervescente terrasse 
et des reliefs de Castellani « Superficie blanche » où le tableau devient lui-même le sujet.
Ces abstractions annonçaient l’ « Arte povera »
avec le souvenir de la découverte de Penone  
et la surprise de « L’indifférent » de Paolini exploitant une photocopie de Watteau pour une célébration du bi-centenaire de l’assemblée de Vizille.
Plus familière, la nouvelle figuration avec Crémonini  sous «  Le soleil à carreaux » nous emmène vers des ambiances balnéaires quoiqu’un brin littéraires. Parfait pour réactiver nos envies d’Italie.

mercredi 2 juin 2021

Amiens. Beauvais

Nous ne pouvons quitter Amiens 
sans un détour par le cirque Jules Verne
C’est le seul cirque construit en dur existant, de forme bien évidemment circulaire avec une coupole et une curieuse colonne qui part du fronton arrière.
Un buffet et un restaurant sont intégrés dans le bâtiment avec des baies vitrées dans une structure  métallique art déco, mais nous n’apercevrons  l’intérieur qu’à travers les rideaux  car tout est fermé à cette heure.
Nous prenons la direction de BEAUVAIS par l’autoroute, traversant un parc d’éoliennes. 
A l’arrivée, en plein centre, toutes les places de parking devant la cathédrale Saint Pierre sont disponibles. 
Nous pénétrons dans une ville où nous ne croisons aucun être humain hormis un mendiant devant l’église.
Tous les commerces sont fermés à l’exception d’un bar bien placé où nous nous réfugions à cause du froid  face à un café et un croissant, en attendant l’ouverture de l’Office du tourisme juste à côté de la cathédrale.
 
Saint Pierre se distingue des autres cathédrales visitées par sa façade en pierre blanche plus économe en statues ou « images » minérales et ne comporte qu’un seul portail.
Lorsque nous franchissons le seuil, nous découvrons un bâtiment ramassé sur lui-même.
Dernière œuvre ogivale construite, elle est l’aboutissement d’un style visant toujours plus haut, éclairée par des fenêtres longilignes  qui enchâssent les vitraux
L’absence de nef s’explique par les aléas de l’époque, épidémie de peste, guerre de cent ans, donc manque de fonds, et effondrement de l’édifice dû à une recherche de hauteur excessive.
Car la volonté de construire la voûte la plus haute du monde au-dessus du chœur à 48 mètres n’a pas été sans conséquence sur le reste.
Pour pallier la fragilité de l’édifice, des tiges et barres de métal maintiennent  l’écartement  des pinacles et autres éléments architecturaux. Dans le même but, de grosses poutrelles de bois étayent  les piliers quand elles ne sont pas enfoncées du sol jusqu’aux chapiteaux. 
Combien de temps ce dispositif sera-t-il suffisant ?
Dans un coin, l’édifice héberge une horloge astronomique du XIX°siècle cachée derrière un rideau aux yeux de visiteurs. 
Il est possible de la voir  en s’acquittant d’un  droit d’entrée destiné à l’entretien et au fonctionnement de ses automates qui se meuvent lentement durant une demi- heure.
Il a recueilli aussi un très beau retable en bois doré du XV°siècle sur la Passion du Christ en provenance d’une église effondrée.
L’histoire de la ville s’inscrit dans une chapelle dédiée à Jeanne Hachette, une héroïne locale. Une immense peinture illustre son acte courageux : lors du siège de Beauvais par les Bourguignons, le Roi Louis XI tarde à envoyer les renforts ;
alors les femmes menées par Jeanne, se lancent dans la bataille armées de haches et assurent la protection des reliques de sainte Angadrême.
Ce n’est pas la seule Jeanne présente dans les lieux : la pucelle de Domrémy est aussi honorée dans une autre chapelle.
Nous quittons l’église pour le Palais épiscopal voisin. Il fut marqué par la révolte des Beauvaisiens provoquée par des taxes. Les mécontents déboulèrent dans la résidence de l’évêque, tuèrent ses gardes et burent son bon vin.
La justice royale les condamna à rembourser les dégâts causés, tandis que l’évêque fit édifier deux tours et des remparts afin de mieux se protéger. Puis un palais Renaissance et des jardins furent  ajoutés à l’intérieur de l’enceinte.
Aujourd’hui, une aile abrite le musée de l’Oise où des collections de peintures sont réparties dans de petites salles en nombre relativement modeste;
elles exposent Buffet,
 Maurice Denis
Tamara De Lempicka  
Philippe Rousseau
En ressortant, nous contournons la cathédrale pour aller voir une petite maison paysanne typique de l’Oise, transportée et transplantée à cet endroit pour montrer le style d’habitat qui entourait Saint Pierre.
Nous n’investiguerons pas plus à Beauvais, étape plus ou moins impromptue sur notre trajet.