vendredi 7 mai 2021

Mettre les petits blablas dans les grands.

A traquer les paradoxes, j’en suis à les confondre avec des contradictions, 
fustigeant ceux qui voient le négatif en toutes choses, tout en peignant moi-même tout en noir.
Je trouve bien faibles certains chroniqueurs et leur conformisme tout en me remplissant la panse de leur prose. Leurs arguments se dupliquent: si les écolos sont critiqués ce ne n’est pas à cause de leurs prises de position, mais parce qu’ils dérangent ! Alors il faut croire à la puissance de LRM, parce qu’est ce qu’ils prennent les promoteurs de la « start up nation » !
A la manière des stratèges des claviers anonymes des bords de touches, les intentions prêtées sont toujours perverses et les mesures à visées électoralistes ; y aura-t-il encore des enfants à qui on aurait parlé du sens de l’intérêt général?
La violence des échanges entre victimes effraie et fait monter l’envie d’en découdre, alors que les moqueries envers les « bisounours » n’empêchent pas d’euphémiser, de raboter, de polir, d’astiquer, quand quelques caricatures feraient tant de bien.
Je fuis les clusters entre personnes d’opinions proches mais j’ai fermé quelques robinets dégueulant leur haine à longueur de journée. 
Je suis positionné contre la « cancel culture » (culture de la dénonciation) mais j’aimerais les entendre un peu moins. 
Les « islamo-gauchistes » ainsi caractérisés crient au maccartisme, mais cataloguent à droite ceux qu’ils estiment «islamophobes» et feraient bien tomber quelques têtes dans le son. Symboliquement bien entendu, quoique le second degré ne soit plus guère à la mode.
Les frontières se renforcent ; depuis combien de temps Finkielkraut n’a pas eu accès aux colonnes du « Monde » ?
Quand je n’ose relire mes « musiques antérieures », je me console avec Montaigne: 
« L’obstination et ardeur d’opinion est la plus sûre preuve de bêtise.
Est-il rien certain, résolu, dédaigneux, contemplatif, grave, sérieux comme l’âne ? » 
J’adore les bourricots.
Alors que l’irrationnel gagne la société, ou peut être à cause de cela, tout se rationalise : les algorithmes donnent la cadence tandis que procédures et protocoles ralentissent nos vies.
Le principe de précaution enkyste l’irresponsabilité et les pédagogues disparaissent sous les tutos. Le jargon bureaucratique donne des illusions d’ordonnancement alors que ce qui tient les individus ce serait bien la discipline que l’on se commande dans la construction de soi, non ?
Ce besoin d’ordre essentiellement à destination des autres que ressentent tant de nos concitoyens, surtout après de nouveaux crimes contre ceux qui nous protègent, est récupéré par les amants du désordre sur les ronds points. Ils n’hésitaient pas à parler de « dictature sanitaire » alors qu’ils ne verraient pas d’un mauvais œil quelques généraux en retraite mettre la main sur le pouvoir. Mais trêve de cinoche, pas de pétoche : la république tiendra face à la pétition du jour.
Je viens de rechercher autour du mot « anomie » que je regrette de ne pas avoir connu plus tôt, tant il me semble caractériser avec justesse l’époque : 
« L'anomie est aussi l'état d'une société ou d'un groupe sans règles, sans structures, sans organisation naturelle ou légale. L'anomie signifie alors désordre social et chaos. »  
Des cagoulés se réclamant des gilets jaunes, « identifiés » black blocs ont attaqué violemment la CGT et les ont qualifié de « traitres ». Ceux-ci ne voyaient  pourtant guère d’inconvénients quand les chouchoux de l’extrême gauche cassaient le long de leurs manifs. Ils ont accusé la préfecture de police. 
Alexandre Sanguinetti à propos de Jacques Chirac.

jeudi 6 mai 2021

Frédéric Dard ou la vie privée de San Antonio. François Rivière.

La vie de l’écrivain auteur de 250 romans vendus à 200 millions d'exemplaires, fut aussi un roman. Son biographe passionné sait prendre un léger recul pour décrire ses très nombreuses productions, sans entamer son admiration, tout en portant à notre connaissance bien des aspects de la vie de celui qui est enterré à Saint Chef (Isère). 
« Quoi qu’il en dise, Frédéric n’a pas attendu le mort de Joséphine (sa mère) pour s’abandonner à l’évocation morose des jours anciens. Il n’a jamais cessé d’alimenter son œuvre de ces remugles  qui conditionnent le malheur chronique des héros de ses livres et jusqu’à la part de la psychologie du commissaire San Antonio lui-même. Le célibat de ce personnage outrageusement misogyne, la présence insolite de Félicie ne sont pas dus aux hasards d’une fiction qui se voudrait coûte que coûte peu ordinaire. Ils sont l’exacte volonté d’être en proie au remord permanent d’avoir trahi son enfance… » 
L’ « écrivain forain » auteur emblématique des éditions du Fleuve Noir avait une  puissance de travail extraordinaire. 
«  En février 1951, il se rend à Lyon pour la première de « Mort d’une comédienne », une pièce en un acte qu’il a confiée aux Théâtriers. Il rend visite à Clément Jacquier et à sa femme qui possèdent dans les environs une belle propriété. Jacquier vient de créer une nouvelle collection, « La loupe ». Frédéric promet de lui fournir trois nouveaux romans. Il les signera de trois pseudonymes différents, Maxell Beeting pour « On demande un cadavre », Verne Goody pour « Vingt-huit minutes d’angoisse » et Cornel Milk pour « Le tueur aux gants blancs ». » 
Il en est alors au début de sa carrière de journaliste,  romancier, scénariste, adaptateur pour le théâtre, le Grand Guignol, le cinéma, objet de colloques et de pastiches.
Il fallait bien 320 pages.

mercredi 5 mai 2021

Arras

Après avoir rendu les clés à notre hôte airBNB,
nous roulons  vers Arras distante d’à peine 16 km de Lens.
C’est la patrie de Robespierre et de Guy Mollet qui en fut le maire en 1945. 
« Avec l’ami Bidasse,
On n’se quitte jamais,
Attendu qu’on est,
Tous deux natifs d’Arras
Chef-lieu du Pas-d’Calais ».
 
Nous arrivons vers 10 h et parvenons sans difficulté à garer la voiture près de la jolie maison des « poids publics » pour la modique somme de 2 € 20 les 5 heures (zone verte).
Nous sommes très proches des fameuses places que nous apercevons par une rue perpendiculaire.

Pour trouver l’Office du tourisme  nous traversons la place minérale, magnifique. 
Comme Lens, Arras a subit des bombardements importants mais la ville fut plus vite reconstruite, car contrairement à sa voisine, l’urbanisme fut réinstauré à l’identique.
La place principale, place des héros, est bordée de maisons tunnels à deux étages et la largeur de chacune se mesure à deux fenêtres, pas plus, en façade.
De style baroque nordique avec pignons à consoles, elles se serrent les unes contre les autres,  au- dessus d’arcades bien protégées du soleil ou des intempéries.
L’unité est renforcée par les matériaux communs, pierres, ardoises et briques.
Aucune enseigne ne défigure la place, elles sont discrètes et camouflées sous les arches, ce qui explique pourquoi nous tournons un bon moment autour de l’office du tourisme avant d'en trouver l’entrée, nichée au rez-de-chaussée du Beffroi.
Comme nous l’avons déjà éprouvé, la personne qui nous accueille se montre d’une grande efficacité. Nous retenons un horaire pour accéder en haut du monument, car l’espace et l’ascenseur sont limités en nombre de personnes en raison de la COVID.
Un autre employé nous fournit en attendant un itinéraire fléché complété par un livret, il nous suffit de suivre le marquage  de pastilles numérotées métalliques au sol.
L’itinéraire nous mène d’abord en l’église Saint Jean Baptiste à l’opposé du Beffroi de l’autre côté de la place.
Elle doit sa notoriété à la présence de « la descente de croix » de Rubens, dont les explications placardées sur un pilier nous aident à mieux regarder et comprendre l’œuvre.
Puis nous nous rapprochons des maisons de la rue de la taillerie, la maison des trois rois, la maison du drap, 
et plus loin, la plus ancienne d’Arras ( XV°), la maison des trois luppars ( léopards). Dans le temps, les maisons ne portaient pas de numéro pour les identifier, l’usage voulait qu’elles soient désignées par des noms.
Nous poursuivons vers le Mont de Piété puis passons devant la Cathédrale de style baroque,
dressée en haut d’un escalier qui vise à impressionner l’humble pèlerin en route vers Saint Jacques de Compostelle.
Notre cheminement nous dirige  vers l’hôtel de Guise derrière sa lourde porte, laissant deviner une disposition identique aux hôtels particuliers parisiens du XVII° et XVIII°siècles.
Enfin nous terminons le circuit par les bâtiments de l’Abbaye transformés en médiathèque / bibliothèque. Il est juste l’heure de retourner au beffroi.
Là, un jeune homme nous prend en main et nous guide vers le sous-sol pour prendre l’ascenseur. Nous patientons, au milieu des vestiges d’un magasin de serrurier avec ses  soufflets et ses outils conservés en l’état, à la place qu’il occupait. Lorsque les précédents touristes redescendent, nous montons seuls dans la cabine pendant 50 mètres puis il nous faut gravir un escalier métallique en colimaçon, à déconseiller aux gens sujets au vertige, pour atteindre l’étage de l’horloge.
Et là,  nous sommes les rois du monde ! Seuls à dominer la ville à 360°, entre ciel et terre !
Nous utilisons les tables d’orientation bien faites et resituons avec plaisir les monuments vus d’en bas lors de notre promenade.
Nous respectons le temps qui nous a été imparti (10 minutes vite passées) sachant que d’autres attendent leur tour
.
Nous interrompons nos visites pour déjeuner place des héros, aux « trois fûts »  où nous mangeons local : moules frites  pour moi, Guy tente  un potjevleesch.
C’est une terrine constituée de plusieurs viandes, lapin, poulet et porc et cuite dans un pot. Une bonne bière fraiche s’accorde à merveille à cette nourriture copieuse suivie par une glace et un café. Face à nous, en décor pendant notre repas, nous profitons pleinement de la vue sur le beffroi qui abrite l’hôtel de ville.
Nous manquons de temps pour le visiter, nous n’aurons pu qu’apercevoir ce matin deux immenses marionnettes destinées au carnaval. Nous renonçons  aussi au détour par les Boves, ces carrières de pierre creusées sous la ville et utilisées comme abri pendant la seconde guerre mondiale.


mardi 4 mai 2021

Wanted Lucky Luke. Matthieu Bonhomme.

L’album recommandé par « Le Monde » vient cinq ans après celui qui osa envisager le drame pour l’indestructible personnage
Cette série qui s‘amorce ne reste pas dans l’ombre du cow-boy prompt à dégainer. 
Il rencontre cette fois trois belles : une rousse, une blonde, une brune, habiles de la gâchette.
Les crotales, les Apaches, les chariots et les canyons sont là, ainsi que le fils de Phil Defer voire un cousin d’une famille familière du solitaire plus solitaire que jamais.
Il ne s’agit pas d’une parodie de l’original ni d’une suite de la série prestigieuse. 
Tout en comprenant les clins d’œil aux amateurs familiers de l’accro à la cigarette passé au brin d’herbe, avec des dessins fidèles au genre western, nous sommes amenés à des questionnements, bien entendu sur la place des femmes, sans lourdeur démonstrative qui viendrait amenuiser le plaisir d’un scénario bien construit.   
Les retournements ne manquent pas, le récit commençant par la fin habituelle et le justicier retrouvant sa tête mise à prix,  amènent des péripéties originales. 
La ville fantôme traversée d’herbes virevoltantes va renaître grâce au chemin de fer, un cabaret va ouvrir. Nous sommes rassurés ; l’église est toujours au centre du village et l’Ouest toujours à l’Ouest.

lundi 3 mai 2021

Niagara. Henry Hathaway.

En 1953 on s’émerveillait de la couleur en scope et de la rouge robe de Marilyn, mais le noir de cette catégorie de production s’est effacé avec le temps.
Ce film a le charme kitch d’un vieux Paris Match à feuilleter sans prendre le temps de le relire : la psychologie très sommaire des personnages disparaît derrière les vrombissements et les éclaboussures du site exceptionnel « des eaux tonitruantes »à la frontière des EU et du Canada.
La belle ne se démaquille jamais et garde en toutes circonstances sa démarche exagérément chaloupée, son mari trompé bien que taciturne se confie d’emblée à une voisine d’hôtel en voyage de noces, dont le mari à l’éternel sourire agace autant que son ridicule patron.
Quelques plans sont magnifiques et l’on peut distinguer les scènes tournées en studio accentuant certains artifices du scénario qui réserve quand même des surprises avec un dénouement préparé par une tension croissante.

dimanche 2 mai 2021

Amour/chien fou. Arthur H.

Sous des musiques «  électro-disco-rock-chaotiques » comme A.H. les décrit lui même, deux C.D. rapprochent « Dr. Jekyll et Mr. Hyde » plus proches que ne le laisse entendre le projet.
En « Brigade légère » le fils du grand Jacques Higelin montre un sens de la famille certain, parmi frère et sœurs : 
« Allez mon père
Ta grande voix
Résonne encore »
Il développe pour sa maman : « La boxeuse amoureuse ».
Il voyage « Sous les étoiles à Montréal ». 
« Musique hypnotique et le thé trop chaud
Princesse mexicaine au sourire de Mona Lisa » 
et « I lost my name » in a « Tokyo kiss ».
Sa voix portée sur la nostalgie convient bien aux racontages que j’apprécie davantage en version CD intime que sur scène,
contrairement à d’autres spectacles, par exemple avec Bartabas sur un écran de télévision où la puissance de ses cérémonies en présentiel s'est affadie. 
« Lily Dale symphonie » :  
« Oh Lily, where are you been ? » 
Il ne faut pas avoir peur de « La dame du lac » 
«  De ses maléfices inefficaces
Ses sortilèges s’effacent ».
Les innovations discrètes du fond sonore conviennent bien à la rêverie dans « Inversion mélancolique », lorsque « je ferme les paupières » dans « Moonlove fantaisie » ou au moment d’aborder «  Le passage » : 
«  Plus léger que la neige
Tu n’emportes qu’un sourire ».
 Le familier de « Nosferatu » : 
« Je suis l’ennemi
Nuits infinies »
rencontre une « Assassine de la nuit » qui doit avoir quelques atouts :  
« Je te sphinx, tu me félines
Je te démon, tu me divines ». 
Le « Carnaval chaotique » ou « Moon love déesse »  sont un peu trop démonstratifs à mon goût mis en condition cette fois par des ambiances plus feutrées. 
Comme loin de moi plane le « Super héros de l’instant Zéro ».
« Il-Elle » dit bien : 
« Elle est beau
Il est belle » 
Et au pays des rouges cœurs, les images de la dernière chanson renouvellent les couleurs quand la musique s’assoupit :
« L’amour est un chien fou
Qui court sur l’autoroute
L’amour est un loup doux
Hurlant sa lune blanche »

samedi 1 mai 2021

La sexualité. San Antonio.

Quelle jubilation de retrouver un San A de 1971 ! Dans ces années là, le lycéen que je fus, après avoir préféré le natif de Saint Chef (Dard Frédéric) à celui du chef lieu du département (Beyle Henri dit Stendhal), en avait pourtant déjà épuisé les charmes que Dubout ou Sam avaient mis en valeur dans leurs dessins.
Mais faire reluire les souvenirs embellit l’âge mur. 
« Le temps m’est venu d’avoir le temps. J’ai trop tellement fait la fine bouche avec lui ! Trop minaudé, trop… temporisé. Il m’intimidait, le monstre, me blasait. Par quel bout l’attraper ? Comment faire couler la rampe sous la main sans se brûler la paume ? »
L'intitulé est sans surprise, alors que l’auteur disparu en 2001 avait été créatif à ce titre : de « Remets ton slip, gondolier » à « Bosphore et fais reluire » parmi 180 appellations contrôlées au Fleuve Noir. L’invitation de la quatrième de couverture mêlant le gras et le grave était appétissante : 
« Et puisque notre destin commun est de finir dans un trou, fasse le ciel qu’il ait du poil autour ! »
Je croyais me dépayser, revenir à des années truculentes, alors qu’il est question d’une épidémie … d’impuissance qui s’abat sur les puissants de l’Europe : Mac Heuflask,  Van Danlesvoyl, Von Dârtischau ou le signor Qualebellacoda. 
« Fiasco général chez les glands de ce monde ! Sonnerie aux molles pour Popaul, Nestor et les autres ! » 
Le commissaire mandaté par le Z.O.B. (Zoological Operation for Beatitude) va résoudre  les problèmes avec l’aide de Béru et de sa gravosse.
Si je regrette les excès du politiquement correct, les appréciations concernant les homosexuels m’ont parues datées, mais on ne peut pas dire qu’il fasse de la « grossophobie » pour tâter des critères de la police des polices (de caractère).
Je me suis un peu lassé avant d’arriver à la 345 ° page, ayant pourtant retrouvé sa fluviatile plume, ses adresses originales au lecteur, voire comment se tirer de situations très compromises. Si son inventivité langagière atteint des sommets dans l’énumération des positions amoureuses et bien que « L'lâche censeur pourlèche à faux » date de « Béru Béru », il y a ici de quoi renouveler le stock.