Je n’aurais pas acheté ce livre composé de 40 lettres
demandées à des « personnalités » après la mort de Samuel Paty, pour
éviter l’impression de m’attarder dans un mausolée.
Mais jamais vraiment sorti d’ « Entre les murs »
des écoles,
il fallait bien qu’on m’offrit ces 156 pages.
Bien entendu les contributeurs souvent artistes ou écrivains
ont privilégié les souvenirs de profs de français, il aurait été intéressant
d’avoir des témoignages de médecins, de caissières, de chauffeurs de taxi… :
« La plus belle
chose que vous m'ayez apprise, c'est de mettre des points d'interrogation au
bout de mes certitudes. »
Le premier texte d’Abd Al Malik m’a pris à contrepied par
rapport à quelques impressions critiques à l’écoute de certaines de ses
interventions empesées.
« Mon professeur
de lettres, de latin, de français et de culture religieuse au lycée (en seconde
et terminale) - qui allait m'apprendre, par le moyen de ces différents
disciplines, que notre humanité n'était pas exclusivement fondée sur la notion
de liberté, mais bien sur aussi l'entrave, la limitation, le refus volontaire
d'agir comme bon nous semble, de se laisser porter par ses envies, ses
obsessions ou ses pulsions. »
Dans le genre bonne surprise, j’ai apprécié également la
poésie de Cali et confirmé mes faveurs à l’égard de Jul, drôle et
profond :
« Il serait de mauvaise manière d’élire parmi les profs croisés
tout au long de l’enfance une ou deux figures d’exception qui éclipseraient par
leur esprit et leur charme le travail constant d’une nuée d’enseignants :
en vérité chacun d’entre eux a tissé la trame du vêtement qui nous drape
aujourd’hui. »
La diversité des approches, relevant toutes de la
reconnaissance chaleureuse, de Christiane Taubira à Marc Levy, rend la lecture agréable.
Il n’y a qu’Albert Algoud qui sous couvert d’originalité est
hors sujet : le prof remarquable, c’est lui ! Même s’il est vrai pour
tant d’autres contributeurs, qu’il était
inévitable de parler de soi, quand la principale qualité d’un prof est de vous
révéler à vous-même.
« C'est là le
plus grand don des professeurs, transmettre le savoir pour ouvrir les esprits,
faire naître des désirs, et une farouche envie de vivre. »
Un fanatique a décapité un prof et certains l'ont oublié bien vite.