vendredi 4 septembre 2020

Froussards de la République.

J’ose ce jeu de mot approximatif afin de revenir à l’expression de Péguy : « Les hussards noirs de la république» qui désignait les instituteurs. L’expression recouverte de poussière vise à souligner le contraste avec les déclarations en fin de vacances d’un syndicat demandant à ce que « le retour des élèves soit décalé de quelques jours pour que les professeurs puissent se préparer ». C’est faire bien peu de cas de l’intelligence collective des personnels, alors que ceux-ci dans leur ensemble ont fait au mieux pendant la crise Covid. Avec de telles déclarations conjuguées à celles d’une FCPE dans les mêmes tonalités, l’image du service public en est ternie comme avec la grève envisagée à la SNCF alors que tous azimuts pleuvent les milliards; les applaudissements envers ceux qui avaient occupé des postes en « première ligne » lors du pic de la pandémie s’éloignent.  
La rentrée, qui fut, pour l’instit que je fus, le moment de toutes les promesses serait devenue le rendez-vous de toutes les peurs et des calculs politiciens, alors que des petites filles en 2020 envisagent encore de mettre leurs plus beaux atours pour retrouver copines et fournitures neuves, étalonnant à ce moment là leur avancée vers un monde qu’elles ont envie de mieux comprendre. http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/09/rentree.html  
Les enfants ont vraisemblablement prouvé au moment de leur présence en classe en fin d’année scolaire précédente, que la meilleure façon d’éloigner les angoisses était d’affronter le réel, devenant des adeptes des gestes barrière. 
Reste - une paille - à aller à contre courant de ceux qui font de l’appréhension une profession et des inquiétudes, une habitude : inégalités grandissantes, clusters à venir, cours de récréation sévèrement genrées, et point médian inclusif, je m’en voudrais par ailleurs d’être trop clair…
La démagogie baigne tellement notre monde que j’éprouve le besoin de préciser que la valorisation de l’état d’enfance n’implique pas forcément quelque renoncement à l’éducation.
Quand même les mots font peur, « ensauvagement », le déni de réalité s’aggrave. 
Il faut user de vigilance et de persévérance, montrer patte blanche, pour que la mauvaise foi adulte ne vienne trop peser sur ceux qui doivent grandir dans un contexte où il faut s’adapter sans cesse.
Quelques exemples auraient pu faire sourire à une époque, mais je suis inquiet de celui qui écrit sur Facebook que le périmètre où le port du masque est obligatoire à Grenoble serait dessiné en fonction de… la place du consulat d’Algérie, sans être contredit, alors que d’autres en sont à déclarer sans vergogne que la liberté consiste à ne pas porter de masque…
Tout le monde se réclame du « bon sens », soulignant ainsi sa disparition dans les espaces de débats, entre ceux qui demandent plus de consignes et ceux qui regrettent leur précision. Des escouades d’avocats sont là pour démasquer les présumés coupables, débitant par là, à la circulaire, toute responsabilité. Bien que les bonnets d’âne n’aient plus cours depuis des générations, les distributeurs sont à l’affut pour les décerner à tous ceux qui regretteraient le magistère des professeurs. 
L’autorité des « dottore » et des « professore » s’est évanouie depuis que le moindre « pékin » se prend pour l’empereur de Chine avec de surcroit le plus puissant des maîtres du monde s’exprimant comme le plus filou des garnements. 
Pour être pétochard depuis le pensionnat, je n’en apprécie pas moins les mots pour combattre la couardise que je crois déceler chez tant de politiques et que dément  Roosevelt, en 1933 : 

jeudi 3 septembre 2020

lmages d’été 2020 : Grenoble, Le Pin.

A la Galerie du Vent des Cimes jusqu’à fin août Emmanuelle Lemetais exposait ses tableaux aux vives couleurs lui permettant de rebaptiser Notre Dame de Paris, Belle Dame.
 Même si le maquillage est appuyé, Grenoble, Toulouse, Paris en sont toutes pop.
Le musée de Grenoble s’est recentré sur les artistes de la ville au XIX°siècle, 
et si nous retournons faire un tour sur les berges de l’Isère ou du Drac, la peinture de montagne nous emmène loin, au-delà de Paris, de l’Italie, ou des bords du Gange. 
Des tableaux vertigineux sont aussi proposés au Musée Dauphinois dans son exposition qui durera jusqu’en juin 2021, concernant les refuges de haute montagne, passés de la cabane de berger aux hôtels d’altitude. Les dispositifs muséographiques toujours inventifs de l’institution http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/09/musees-dauphinois-et-de-leveche-au-mois.html   
contrastent avec un environnement négligé affichant encore à l’entrée des expositions qui n’ont plus lieu et des informations web incomplètes.
Si Eric Alibert et ses calligraphies Alpines au Musée de l’Ancien Evêché  jusqu’au 15 novembre fait inévitablement penser aux « paysages de montagne et d’eau » de la tradition chinoise, ses chamois, ses oiseaux en mouvement sont magnifiques. Ce lieu nous ravit toujourshttp://blog-de-guy.blogspot.com/2019/10/le-loup-jean-marc-rochette.html.

Au moment de la parution de cet article, Marjo Van Der Lee parmi d’autres céramistes, ne sera plus à la Grange dîmière au Pin, mais se retrouve sur le web, alors que nous ne manquerons pas de revenir chez les Chartreux de la Sylve Bénite.


mercredi 2 septembre 2020

Un tour en France.

Le mercredi sur ce blog, en quelque sorte "au rendez-vous des voyageurs", j’ajouterai cette année d'abord quelques récits de promenade de proximité avant une chronique d’un périple qui nous a mené jusqu’à Lens avec étapes à Vézelay, Reims, Amiens, Chartres, Bourges, Clermont-Ferrand...
Pèlerins de circonstance, nous avons aimé ces villes, marquées pour moi, aux couleurs des clubs de football qui ont conservé le plus longtemps le respect des valeurs populaires avec les « sang et or » de Bollaert ou « les verts » puisque nous avons logé d’abord à Saint Etienne, et que nous sommes passés pas loin d’Auxerre, la bourgade qui connut une gloire de ballon rond inattendue. Kopa figure sur la porte de la boutique du stade de Reims comme ses dribles dans les images persistantes de mon enfance.
Chemin faisant par les routes secondaires, nous avons pris un peu la mesure de notre pays dont nous n’avions qu’un reflet à la dimension de notre téléphone ou de notre télévision.
Nous avons aimé ses musées, des lieux où se conserve l’art brut et confirmé notre imperméabilité à des propositions artistiques furieusement froides et contemporaines.
Nous avons apprécié quelques auberges de campagne et comparé les travaux colossaux qui ont permis de loger et de faire circuler les franciliens d'aujourd'hui, aux cathédrales impressionnantes que nous venions de visiter.
Après les forêts du Morvan, les paysages grandioses modelés par l’homme en Beauce et en Champagne, pour produire pain quotidien et vin de fêtes, gardent une mémoire des morts de la guerre de 14/18  que nous n’imaginions pas aussi présente.
Des innovations devenues familières, Airbnb, GPS et numérisation photographique, ont accru le confort de notre condition, en nous permettant, tout en conjuguant géographie et histoire, de nous étonner, d’apprendre, de nous rendre plus forts, pour ne pas nous laisser éroder pas tous les oiseux de mauvaise augure.
Les murs sont plutôt moins souillés que par chez nous, mais des petits ronds verts dispersés ça et là, s’ils sont moins fréquents que les piqures de moustiques estivales, font douter des pouvoirs de l’éducation, puisqu’ils sont l’œuvre de complotistes, anti-5G, anti-vaccin, anti-Europe, anti-Etat et niant l’existence du coronavirus. 
Pas des lumières, mais ils se font voir et confirment que décidément je n’aime pas le fluo. Je préfère les vers luisants devenus si rares les soirs d’été, tout en continuant à me tenir auprès des feux de camp allumés par les encyclopédistes qui avaient valorisé les bâtisseurs de tant de joyaux, pour les siècles des siècles.  
"Midi, Roi des étés, épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d'argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L'air flamboie et brûle sans haleine ;
La Terre est assoupie en sa robe de feu."
Leconte de Lisle

 

mardi 1 septembre 2020

La revue dessinée. n°28. Eté 2020.

En couverture de la revue trimestrielle d'actualité en BD, le funambule cravate au vent pourrait signifier la légèreté mais il vient de perdre son chapeau au dessus d’un paysage industriel peu gracieux.
Pendant 200 pages les reportages désespérants succèdent aux récits apocalyptiques que ne peuvent sauver quelques mièvres prophéties... de collapsologues.
Bien que l’importance de la justice soit mise en évidence tant pour lutter contre l’impunité de Bachar Al-Hassad que dans le domaine sportif où l’omerta régnant autour de la pédophilie est mise à mal,  peu de bonnes nouvelles apparaissent dans ce numéro élaboré pendant le confinement.
Les tribunaux d’arbitrage qui règlent des litiges entre compagnies privées et états ont une  influence telle que le pouvoir de nos démocraties devient bien relatif. Cet amenuisement du rôle de l’état est visible aussi avec les sociétés autoroutières mises « sur la route de la fortune ». Et même lorsqu’en Californie la culture de cannabis est légale, les hors la loi prospèrent.
Les pages consacrées à l’effondrement au pays des survivalistes sont pour le moins anxiogènes avec de surcroit au pôle Nord le sol qui se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde et se dérobe sous les pieds des tribus autochtones. Mais les pétroliers divisent leur temps de trajet par deux.
Ce n’est même pas avec les pages à propos du football qu’on pourra se distraire ; il est plutôt question de fraude fiscale à partir de football leaks
En regardant le passé et comment l’instruction est devenue obligatoire, aurions nous un petit temps pour souffler comme avec le rappel de l’échec du coup d’étatà propos d’une tournée de Bob Dylan. de 81 en Espagne? Car même pour le moment musical où le dessinateur met en scène sa ferveur, un collègue journaliste lui révèle tout ce qui est « chiqué » dans le film de Scorsese, « Rolling Thunder Revue ». Et même le plus courant des verbes français: « aller », dans la rubrique «  la sémantique c’est élastique », ne semble pas si simple.


lundi 31 août 2020

Un fils. Mehdi M. Barsaoui.


Nous étions partis pour voir un autre film et nous ne savions rien de celui là - tant mieux - car la divulgation du cœur du scénario lui aurait fait perdre de son intensité. Les dilemmes qui se présentent à un père et à une mère sont capitaux, cependant ce qui aurait pu être un lourd mélo est crédible, bien que certaines situations fassent dire: « c’est incroyable ! » Le drame familial s’inscrit habilement dans une réalité sociale palpitante. 

Pour un retour en salle de cinéma c’était parfait :

- un format familier qui devenait rare (1h1/2),
- avec découverte d’excellents acteurs Sami Bouhajila et Najla Ben Abdallah qui mélangent arabe et français dans la même phrase,
- rappel de la vitalité du cinéma tunisien :
- occasion de remonter à un film qui nous avait marqué
- et vers des auteurs cités  par des commentateurs  
- Asghar Farhadi
- Nuri Bilge Ceylan,

dimanche 28 juin 2020

Le siècle du populisme. Pierre Rosanvallon.

L’historien sociologue http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/09/notre-histoire-intellectuelle-et.html  apporte une nouvelle fois des éléments passionnants aux débats qui constituent l’âme même de la démocratie, visant à sortir du « cimetière de critiques et de mise en garde impuissantes à modifier le cours des choses. »
Son sens de la pédagogie nous aide à nous dépêtrer de "notions de caoutchouc", tel Le Peuple (99% versus 1% de riches) : « Le  reconnaître dans la diversité de ses conditions et de ses attentes, l’arracher à son enfermement dans des images pieuses ou des incantations creuses. »
Il ne regarde pas de haut les émotions (sentiment d’être méprisé, complotisme, dégagisme)  
« La masse tient sa cohésion du pouvoir de l’Eros » Freud
Pour le vocabulaire, ne pas s’éloigner de son portable: une « aporie » étant une « difficulté logique insoluble ». Le professeur au collège de France, qui vient souvent à la Librairie du Square, nous aide justement à les dominer quelque peu, ces apories, dont l’une d’elle rappelle les équivoques de la démocratie représentative.
Si j’ai eu des difficultés à suivre quelques développements, j’apprécie sa rigueur méthodologique et sa modestie quand il se dispense de discuter du protectionnisme, car il « ne maîtrise pas assez le domaine économique » : rare.
Par contre sont bien claires:
- l’opposition de la « démocratie d’acclamation » à « la démocratie discutante »
- et la notion de « peuple-principe » qui valorise le travail des cours constitutionnelles.
Napoléon III tient une place importante dans la partie historique du livre:
«  Je considère le peuple comme propriétaire et les gouvernements quels qu’ils soient comme des fermiers. » 
Plutôt que de creuser toujours au même endroit là où la sociologie examine les catégories, il suggère de s’intéresser aux parcours des individus alors que le  « capitalisme d’organisation » est passé au « capitalisme d’innovation ».
L’ancien cédétiste ébranle mon assurance critique vis-à-vis des référendums :
« Dénoncer le risque référendaire n’est dans tous ces cas qu’une façon euphémisée d’afficher son scepticisme démocratique. » 
Il reconnaît la force des populistes à capter les émotions même si le refus systématique éloigne toute capacité à proposer : « la colère lie la violence et le flou, la radicalité et l’impuissance. »
Il ne jette pas l’anathème sur une idéologie qui gagne de considérables parts de marché, pas plus qu’il ne se prosterne devant une bannière, même si les masses protestataires n’ont pas forcément « l’intelligence de leurs indignations ». Il propose des « dispositifs permanents de consultation, d’information, de reddition des comptes », d’avoir l’œil et pas seulement donner de la voix.
Il met en évidence les insuffisances de la démocratie dans laquelle le citoyen serait réduit à l’électeur, nourrissant des idéologies dont il distingue les origines géographiques (Amérique latine, pays de l’Est européen) différenciant gauche et droite mais analysant leurs points communs.   
La démocratie, écrit-il, « est par nature expérimentale. Elle reste à ce titre le meilleur instrument pour permettre aux sociétés d’apprendre à vivre dans le changement perpétuel. »
………
Je vais laisser refroidir le clavier en juillet août.
Bel été à mes lectrices et à mes lecteurs fidèles.

samedi 27 juin 2020

Des oiseaux sans ailes. Louis De Bernières.

« L'homme est un oiseau sans ailes, et un oiseau est un homme sans chagrin. »
J’aurai pu émettre le même avis que je portais sur son précédent roman, « La mandoline du capitaine Corelli »
avec peut être plus de tragédie mais toujours autant de musique, de poésie solaire, dans une écriture limpide. Une citation de Kyriasopoulos en exergue est des plus fortes :
« Elle léchait la boîte de conserve ouverte pendant des heures entières sans s’apercevoir qu’elle buvait son propre sang. »
La fresque au début du XX° siècle s'étalant sur 730 pages nous restitue finement le destin des habitants d’une parcelle de cailloux où vivaient grecs parlant turc et turcs dans un empire ottoman vers sa fin alors que naissait la Turquie de Mustapha Kemal.
 « Sous son auvent, Iskander le potier travaillait à son tour, et il le salua en levant une main couverte de glaise. Le chardonneret de Léonidas gazouillait dans sa cage près de la porte du maître d’école. Ali la neige menait son âne les flancs humides et luisant de glace fondue. »
Ces heures paisibles ne dureront pas, les vengeances rivalisant de cruauté, sur fond de caprices du destin et d’absurdité des guerres.
«… un peuple qui est la victime d'une époque devient l'agresseur une génération plus tard, et que les nations nouvellement libérées ont aussitôt recours aux moyens de leurs anciens oppresseurs. »
L’auteur alterne les récits palpitants de la vie de gens modestes, violents, beaux, laids, injustes, dignes, courageux, fous, et la vie romanesque du père de la Turquie moderne parmi les aléas d’une l’histoire mal connue.
 « Ismet Pacha est un des principaux négociateurs, et comme il est en partie sourd, il fait comme s’il n’entendait rien de déplaisant ou d’embarrassant. »