samedi 7 septembre 2019

Un été avec Paul Valéry. Régis Debray.

La légèreté imprègne ce petit livre autant que l’honnêteté ne masquant pas les aspects discutables d’un intellectuel qui eut son heure de gloire (1871-1945) 
« Les grands hommes sont ceux dont les fautes ne comptent pas ». Paul Valéry (PV)
Cette remise au jour par Régis Debray (RD) est utile, et emmène au-delà de la biographie bien écrite du poète et analyste, dont « il dégèle la statue ».
L’auteur du cimetière marin est né à Sète
«  La grande bleue : plus qu’une mer, une culture et un tempérament. Une maîtresse à penser, mais aussi à sentir et à sourire, de soi-même et des autres. Une sorte de savoir vivre légué aux riverains par les millénaires. Un art de ruser avec le malheur, pour se sortir d’un mauvais pas, sans monter aux extrêmes. Un goût de la parole, qui ne se fie pas trop aux grands mots, Europe, Liberté, justice, progrès, qui chantent plus qu’ils ne parlent mais qui, à force de penser pour nous, nous empêchent de penser par nous-mêmes. Une façon d’éviter dans la bagarre l’outrance et l’hystérie, en terminant sur une pirouette ou une bonne blague ; une manière aussi d’interroger les évidences, qui évite de prendre des vessies pour des lanternes. Disons : une civilisation. »
Les citations sont tentantes parmi les 173 pages alertes, dynamiques :
«  Les peintres sont pour les écrivains des os de seiche  sur quoi s‘aiguiser le bec. » (RD)
L’académicien était modeste :
« Tantôt je pense, tantôt je suis » (PV)
Et le monde bien présomptueux :
« Un homme compétent est un homme qui se trompe suivant les règles » (PV)
«  Le droit est l’intermède des forces » (PV)
Si Valéry avait vu dans les Etats-Unis un foyer « d’énergie et de brutalité » son biographe radio diffusé qui n’a toujours pas le droit d’atterrir au pays de Trump relève que l’imagination et la confiance ont traversé l’Atlantique, alors qu’ « esprit critique et scepticisme sont restés à demeure, lesquels n’ont jamais suffi à faire une civilisation sûre de ses fondements et de son avenir. »
Nous sommes dans les préoccupations du jour et même si nous sommes avertis quant aux aléas du crible commis par le temps qui passe où ce qui était retenu dans les années 40 n’est plus forcément au goût du jour, cette petite série de livres est aussi agréable qu’utile.

vendredi 6 septembre 2019

Rentrée 19.

Le pessimisme ambiant va jusqu’à ternir les plus belles images d’enfants s’engageant sur le chemin de l’école. Les promesses qui y sont associées, vantées à chaque rentrée me semblent désormais éventées.
http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/09/rentree.html
« Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne.
Quatre-vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne
Ne sont jamais allés à l'école une fois,
Et ne savent pas lire, et signent d'une croix.
C'est dans cette ombre-là qu'ils ont trouvé le crime.
L'ignorance est la nuit qui commence l'abîme.
Où rampe la raison, l'honnêteté périt. »
Victor Hugo
Hugo parlait d’enseignement au XIX° siècle. Au XXI°, les micros se prosternent quand Greta Thunberg demande aux étudiants de faire grève alors que la terre redevient plate pour certains. L'insistance à propos de la planète en train de brûler peut participer d’un arasement  des bonnes volontés, des volontés, des espoirs.
Lorsqu’un enfant parait, les fées demandent: quelle sera son empreinte carbone ?
Et au temps de l’orientation, peu de doigts pourront se lever pour répondre à la question: qui voudrait devenir ingénieur ?
Nos conversations toujours recommencées ajouteront une catégorie professionnelle à la liste de ceux qui ne souhaitent pas travailler dans l’éducation, dans la santé, ni  devenir pompier ou hôtesse de l’air. Intermittent du spectacle ou prescripteur sur You Tube est bien plus désirable. Mais, à mes yeux, toute réponse en termes de rémunérations ne fait que participer à la crise de nos valeurs.
Le travail est déconsidéré. C’était aussi le lieu de la rencontre des autres.
La précarité naguère vécue comme un inconvénient devient quasiment un objectif de vie. Même si cette capacité d’adaptation des populations est encourageante tout comme la lucidité des plus jeunes, hors micro, quant à leurs futures retraites.
Lorsque le passé remâche la colonisation, et que le présent sombre dans la dérision, le futur peut-il être désirable ?
Quand prononcer le mot « homme » devient un objet de contestation, la dénomination « papa » ne sera-t-elle admise que lorsqu’un bébé exprimera une négativité de bon aloi : « pas pas » ? 
La figure de l’homme, du mâle, devient incertaine, mais les plus brutaux ne renonceront pas, malgré des campagnes mettant à jour des conduites inadmissibles. Lorsque l’on voit la multiplication des pancartes homophobes dans les stades depuis qu’elles sont prohibées, on peut douter de l’efficacité des intentions, les meilleures. Les féminicides n’ont pas diminué depuis que le mot est devenu courant.
La réunion d’un peuple ne dépasse guère le temps d’un après match, alors que la légitimité des élus est sans cesse remise en cause. Le « nous » devient impossible à conjuguer quand «  moi moi » prétend avoir raison, seul.
L’ère du soupçon se revêt de plus en plus de ténébreuses couleurs. Le rejet de toute autorité, surligné parfois en jaune fluo, mine la confiance à la base de notre assemblage républicain.
L’école considérée comme un guichet à consommateurs-électeurs a oublié son rôle de « matrice de la nation » comme disait Robert Redeker dans Marianne.
Et pourquoi pas, tant qu’on y est, « père de la nation » ? Les épigones des moustachus emblématiques de Djougachvili dit Staline ou les fils de Pétain, s’y verraient.
Les institutions ont résisté mais subissent tellement d’ébranlements violents tandis que sont sapées ses fondations que la tranquillité devient un luxe, une parenthèse ; ne serait ce pas depuis que le mot « instituteur » ( celui qui institue) est devenu obsolète ?
« Les institutions sont la garantie du gouvernement d'un peuple libre contre la corruption des mœurs, et la garantie du peuple et du citoyen contre la corruption du gouvernement. »
Saint-Just
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Image découpée dans "Le Point"


jeudi 5 septembre 2019

Eté 19. Beaux arts.

L’art contemporain peut agacer par ses bavardages, mais il a changé notre regard.
La beauté que ses doctes commissaires aiment fuir se révèle malgré eux
dans un carton entre-ouvert,
une gravure chinée offrant quelques heures surannées à notre éternité,
un monument face au ciel dans le ventre duquel les passants ont envie de se poser...
La saison dernière les cimaises à Grenoble ont connu la diversité
et sont revenues à l’Egypte
Depuis nous sommes allés au musée dauphinois et avons respiré un petit air du Japon à l’honneur en ce moment par chez nous.
http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/09/musees-dauphinois-et-de-leveche-au-mois.html
Au centre du graphisme d’Echirolles, les affiches polonaises m’avaient semblé plus originales que les animaux qui avaient inspiré des publicités du XIX° siècle à nos jours, thème de l'expo suivante.
Obey (Shepard Fairey) était à sa place à l’Ancien musée de peinture : la star huppée m’a parue bien raide et conformiste entre ces murs qui jadis avaient accueilli une modernité plus audacieuse.
Rochette à la plume et au pinceau, sur toile ou papier, nous approche des sommets avec ses BD, ses acryliques au Musée de l'Ancien Évêché. 
A Sète, Le Musée International des Arts Modestes peut décevoir les plus fervents, alors qu’une galerie voisine, 
Le réservoir offrait de l’ampleur, de la diversité, de l’originalité, sur le même quai.
Au Musée Paul Valéry,  dans la ville de Brassens, Marquet a mis les lumières de Méditerranée à notre portée.
Niki de Saint Phalle à La Malmaison m’a semblé quelque peu confinée dans ce lieu sur la Croisette alors que je l’avais vue en Italie dans une amplitude époustouflante où sa créativité éclatait
Ses jouets englués dans le plâtre ont été tellement repris. Ses couleurs éclatantes en arriveraient à devenir fades
sous les coups de quelques vagues imitateurs revu par Koons tel David David aperçu à Antibes, tellement verni verni, bling et bling.
Dans la résidence des artistes le « Suquet des Art(iste)s » installée dans l’ancienne morgue, les nus aux allures maladives de l’univers énigmatique de Nazanin Pouyandeh n’ont rien d’érotique.
Les collections d’art premier du Musée de La Castre sur les hauteurs du Suquet, où logeaient jadis les pêcheurs de Cannes, ne font que renforcer mon goût des paradoxes quand  l'ancestral se révèle le plus moderne. C’est là que j’ai trouvé le plus d’inventivité, de fantaisie à travers masques du Tibet, sculptures d’Océanie, instruments de musique de partout… Des photographies  de l’exposition temporaire « Héros et esprits de Nouvelle-Guinée » mettent en valeur des costumes étonnants, une humanité vibrante.

mercredi 4 septembre 2019

Sète une fois encore.


Départ de Grenoble à 6 h 30, arrivée à Sète vers 10 h après un café à Mornas sur l'aire d’autoroute très fréquentée.
Le village est dominé par une falaise d’où catholiques puis protestants ont été alternativement précipités sur des pertuisanes (lances tranchantes) pendant les guerres de religion.
C’est bien en nombre de fois : cinq qu’à Cette (ancienne orthographe), je reviens.
Le parking est gratuit, proche du centre. Nous nous sentons loin des prétentions grenobloises matérialisées par un amas de bois baptisé « observatoire du temps présent » sur l’esplanade du chef lieu de l’Isère qui vise à ce que tout étranger comptant plus de deux roues ne puisse se poser. 
Ici, la ville est sillonnée de canaux traversés par des ponts mobiles où les bateaux posent pour moi, seul estivant muni d’un appareil photo, alors que les possesseurs de mobiles font florès.
Nous retournons d’emblée au MIAM (Musée International des Arts Modestes) qui est pour nous un lieu essentiel de l’identité de la ville populaire dont le nom des rues Marx Dormoy ou Gabriel Péri, communistes, nous disent bien où nous sommes.
Si la poussière de l’exposition permanente peut avoir un charme mélancolique, les œuvres temporaires rappellent plus les tics de l’art contemporain que les émotions de l’art brut de jadis, ses inventions, sa minutie artisanale.
Des soldats de carton ont les visages d’artistes connus de la profession tels Rothko ou Pollock, l’effigie de Freddy Mercury au milieu de fleurs métalliques s’agite au vent d’un ventilateur, des tableaux reproduisent en puzzle Georges de La Tour ou Jean-François Millet, un pantalon est  suspendu, une mèche rose est accrochée au mur.
Di Rosa le fondateur était plus profus. 
Par contre la galerie «  Le réservoir » à proximité répond à son ambition de diversité autant dans les styles qu’avec les prix proposés.
De grands espaces clairs mettent en évidence parmi 3000 œuvres des cinquante dernières années, le Monkey Bird Crew, venu du street art ou Clara Castagné qui invente de nouvelles géographies et des anatomies originales : re-créations réussies.

mardi 3 septembre 2019

La revue dessinée. Eté 2019.

A lire les titres : « Paris perdant » concernant les jeux olympiques ou « les travailleurs de l’amer » pour les pêcheurs du Guilvinec, se vérifierait la propension systématiquement critique de la revue trimestrielle en tous domaines.
Entre le tremplin de Saint Nizier qui n’a servi que le temps d’un saut à ski et l’accélération des travaux  à venir pour le grand Paris, les objections envers les Jeux qui auront lieu en 2024 en France paraissent marginales.
Quant à l’amélioration des stocks de poissons en Atlantique Nord, cela tranche avec le pessimisme habituel, comme lors d’un autre reportage quand sont mentionnés des efforts importants consacrés à la préservation des animaux menacés.
L’écriture inclusive alourdit la révélation de l’usage de bêtabloquants par des musiciens de musique classique, où même l’usage du « on », neutre par définition, apparait ici « genré.e ».
Le dessin du récit de la rencontre de paysans et d’étudiants après 68 est maladroit et le récit sans relief, sauf que ce sont les porteurs de la parole révolutionnaire qui vont surtout apprendre l’ingratitude du travail aux champs.
La chronique où un dessinateur découvre un sport est toujours divertissante bien que jouant un peu toujours sur les mêmes ressorts drolatiques : cette fois «  le cross-fit ».
L’historique de l’abolition de la peine de mort est bien menée et la description de la politique pénitentiaire sérieusement documentée. 
La postérité sujette à contestation du docteur Syms père de la gynécologie est intéressante, et le rappel des aléas pour que soit reconnu le football féminin d’actualité.

lundi 2 septembre 2019

Toys story 4. Josh Cooley.

Il y a belle lurette qu’on ne va plus voir de dessins animés, mais du cinéma d’animation.
Neuf ans après l’épisode précédent de cette « histoire de jouets », les objets ont  plus que jamais une âme. Les enfants grandissent, abandonnent leurs joujoux, en préfèrent d’autres, mais ceux-ci prennent conscience à leur tour du temps qui passe et s’adaptent.
La séquence d’ouverture sous une pluie qui nous éclabousse de réalisme magnifié donne le ton du film où l’humour, des notations justes et originales ne masquent pas une mélancolie pourtant jamais surlignée. Une œuvre tout en finesse où les spectateurs de tous âges auront du plaisir et matière à réfléchir sur la liberté, la loyauté, l’écoute des autres, les choix à assumer pour avancer dans la vie… L’apparition d’une fourchette destinée à la poubelle en tant que favorite parmi tant de choses en manque de reconnaissance est déterminante comme le motard québécois qui avait déçu son petit propriétaire car il n’était pas conforme à la publicité.      
Les sourires de Woody le cowboy qu’une bergère de faïence ne laisse pas indifférent, valent l’expression de bien des artistes se prenant pour des prophètes.

dimanche 1 septembre 2019

Le Grand Bornand 2019.

Avant la rentrée, le rendez-vous au festival international de spectacles jeune public intitulé «  Au bonheur des mômes, le festival le plus tendre de l’été » est devenu rituel pour mes deux accompagnateurs de 6 et 8 ans, l’ainée en étant à sa 6° participation.
Un petit tour de poneys ou les délices du toboggan à la piscine permettent de se reposer de toutes les sollicitations diverses qui attirent des dizaines de milliers de familles dans la belle station de Haute Savoie: argile tournée auprès d’une potière ou partie acharnée de hockey sur table… Nous croisons des dodos, des oies en fanfare, un dragon et des amateurs de musique pop sur échasses, Bébé Charli qui n’en finit pas d’en « remettre une couche » entrainant une petite troupe derrière son landau motorisé : «  nous voulons des bonbons ! »
La programmation toujours remarquable ne fait pas oublier leur esprit critique à certains adultes quand la démagogie des interventions d’un directeur du festival très investi mais quelque peu pathétique est trop manifeste :
«  Alors les enfants, les parents n’ont pas été trop pénibles hier au soir ? »
voire prend une tonalité crépusculaire lorsqu’est reprise à l’envie la formule d’Alphonse Allais: « Pourquoi prendre la vie au sérieux puisque de toute façon nous n’en sortirons pas vivants ? »
Les clowns présents dans un tiers des 95 spectacles présentés n’ont justement pas besoin de sur-titrage pour exprimer le tragique de la condition humaine. Il vaut mieux rire quand les corps empêtrés, sont en prise désormais à tant de branchements énigmatiques.
Le nez rouge de Nicolas Ferré a noirci suite à ses tentatives pour faire décoller son Frigo. Ses relations avec un public comblé courent sur un fil subtil générateur d’émotions. La surprise était d’autant plus belle, que nous nous ne sommes pas attardés au Tricot de Denise qui était à notre programme : le présentateur étant bien peu investi dans le partage des secrets d’une grand-mère à travers des objets présentés aux flancs d’une caravane.
La compagnie des « Nouveaux nez » était présente et madame Françoise a beau être seule en scène, son énergie, qualité de tant de ses confrères, est communicative : la maîtresse d’école joue sur les mots et enchaîne les explications drôles et poétiques depuis l’origine des bébés jusqu’aux caractéristiques des planètes : L’Alpha bête.
Klonk et Lelonk, le petit et le grand, dissemblables sont inséparables.
Ils se sont produits au Forum toujours bondé où un autre matin les jonglages d’apprentis circassiens de l’association Oval nous ont embarqués aux sons de Santiano. Une autre fois nous y avons aperçu une main nue au dessus d’un castelet improbable : c’était Guignol qui prenait des vacances à la montagne sans ses habits.
Gogol et Max font entrer L’humour in concert : le plus sérieux des concertistes peut se révéler le plus dingue des acrobates et son partenaire ingérable le plus virtuose des musiciens.
La musique permet de surmonter Les bruits du noir quand elle les transfigure.
Sacré silence bien entendu joue des sons et du goût de la répétition familière aux enfants, des écrans venant poétiquement habiller les mots en écho lors des apprentissages.
En maitrisant merveilleusement de si fragiles bulles de savon, Clinc ! est fidèle à ses intentions, pourtant ambitieuses, de traduire «  le changement qui se produit chez les gens lorsqu’ils cessent de voir la vie avec pessimisme, lorsqu’ils décident de contempler la beauté qui les entoure et de commencer à prendre les autres en compte au lieu de vivre isolés. »
A partir d’argile, l’univers plus intime de Soon évoque la séparation d’avec les parents.
Que les contes proviennent de tous les continents dans  La lettre perdue de tonton Léo ou rythmant une visite de La maison du patrimoine, ils sont à la base de notre mémoire, un vecteur de notre relation au vivant, au spectacle vivant, à mon semblable, mon petit frère, ma grande sœur.