vendredi 28 juin 2019

Le Postillon. Eté 2019.

La une ne ment pas : il y a du Piolle avec « ses coups bas » et du Carignon  avec «  ses techniques de drague ». Pour abuser des jeux de mots faciles, je n’en serai pas moins intraitable à propos d'un des leurs : « Retour vers le grand foutoir » dans l’air dérisoire du temps où la gratuité s'ajoute à l’outrance. La photo de la dernière page offre cependant un point de vue original sur la ville : fanfare, terrasse encadrée de tags, les trois tours, la montagne.
Comme les rédacteurs anonymes distribuent régulièrement des leçons tous azimuts, ils souffriront bien quelques critiques.
S’ils aiment pointer les connivences entre Aurélien Barrau le médiatique astro physicien et Piolle par journalistes complaisants interposés, Le Postillon est vraiment très aimable avec un des deux dissidents de la majorité municipale, Guy Tuscher, lors d'un entretien complaisant.
Les articles les plus intéressants à mes yeux portent sur le commerce du shit à Mistral par Snapchat : incroyable !
Et l’obstiné Gaspard qui s’échine à sortir des tonnes de détritus pêchés dans le Drac et l’Isère : électro ménager et matériels volés, plastiques, vêtements…  un distributeur de boissons. Il veut alerter les élus mais ceux-ci ne se bougent  guère : «  la réalisation d’un projet de valorisation écologique qui se traduira par un nouvel espace naturel métropolitain permettra de garantir durablement l’entretien du site ». La langue de bois est toujours le cœur de cible du journal satirique local, cette fois c’est celle de la Métro : coulée!
Les techniques d’immersion des reporters sont toujours fructueuses, cette fois un passage chez les témoins de Jéhovah vaut son pesant de prêches et de versets. L’interview d' un militaire est éclairant sur les évolutions d’un métier qui n’est plus un engagement définitif pour beaucoup. Compte tenu du tempérament contestataire qui a porté les dits journalistes vers les gilets jaunes- « où tu iras, gilet  »- leur rencontre avec des responsables de la CGT éloigne des caricatures et de la sanctification des « jonquilles » comme ça se dit par ailleurs chez les chasseurs alpins.
La lecture des rapports sociaux à EDF avec la grille France Télécom est peut être plus discutable car la version des dirigeants n’apparaît qu’à travers des avis de syndicalistes et le compte rendu d’une rencontre au World Trade center concernant l’Intelligence Artificielle ne risquait pas d’être nuancé quand l’association « Pièces et main d’œuvre » tient la main des rédacteurs dès qu’il est question de technologie : mise en pièces et manœuvres.
Leurs remarques concernant l’IVG à Grenoble pinaillent sur des détails alors que pseudo mis à part : « Brice Touquette », l’enquête sur les parcs grenoblois est amusante. 
……
En matière de politique quelques noms, quelques sons, par décennies :

Années 50
Le grand Charles
Années 60
Ho Chi min
Années 70
Che Guevara
Années 80
Coluche
Années 90
Chevènement
Années 2000
Chichi
Années 2010
Tchats

jeudi 27 juin 2019

Marcel Duchamp. Eric Mathieu.

L’historien de l’art devant les amis du musée de Grenoble s’est attaché à mieux nous faire connaître Marcel Duchamp (MD) l’artiste provocateur qui fut plus qu’un « génial bricoleur ». « L’homme le plus intelligent du siècle » comme le qualifiait Breton a été connu très tôt aux Etats-Unis d’Amérique dont il a pris la nationalité. « Five-way portrait of Marcel Duchamp », 1917.
Né en 1887 à « Blainville », dont il a peint un « paysage » à la façon de Monet, il ne persiste pas dans cette manière qui « attire l’œil » depuis près de 30 ans.
Il s’essaye au dessin d’humour : la « Femme Cocher » laisse tourner le compteur pendant qu’elle complète sa prestation à l’hôtel.
Influencé par Henri Poincaré, le physicien, mathématicien, philosophe, qui considère que l’objectivité est conditionnée par le regard, MD commentera peu ses tableaux préférant écouter l’interprétation des spectateurs mais affirmera toujours son appétit de nouveauté. Le portrait qu’il fit du « docteur Dumouchel »  a du Matisse en lui.
Son chétif ami se retrouve dans « Le paradis » face à la « Japonaise », modèle réputée, dans une synthèse de la modernité, quand les nabis portent la leçon de l’art déco et du symbolisme.
« Le Printemps » donné à sa chère sœur à l’occasion de son mariage, évoque Adam et Eve qui pécheraient en se mariant. Si le cercle et le triangle appellent des interprétations, il aimait démentir les dons d’ « alchimiste » qu’on lui prêtait.
Sa première représentation de machine fut un « moulin à café » pour la cuisine de son frère.
Sous l’autorité de la mère, « Sonate avec les trois sœurs », l’ordre cubiste règne. 
Le « Nu descendant un escalier n°2 » ne  convenant pas à ses confrères du groupe de Puteaux, auquel appartenait son frère Raymond Duchamp-Villon, sera exposé en 1913 à New York, plutôt qu’au Salon des indépendants. Ce tableau inspiré des travaux de Marey ressemblait trop, d’après les gardiens de l’esthétique cubiste, aux futuristes qui appréciaient comme lui les lignes des hélices du progrès, en ce début de XX° siècle.
Le joueur émérite d’échecs saisit la matière grise en peignant « Portrait de joueurs d'échecs » 
et le mouvement comme dans « Le Roi et la Reine entourés de Nus vites », mécanique qui ne doit rien à personne.
Il invente de nouvelles mesures : «  Les stoppages étalon », selon que la ficelle d’un mètre est tombée d’une hauteur d’un mètre, il fixe sa forme sur une nouvelle règle.
« Les neuf moules mâlics », en forme de coquillages, vidés de leur substance, proviennent d’un catalogue d’uniformes. 
Il a apprécié le philosophe anarchiste Max Stirner et la pièce expérimentale « Impressions d'Afrique » de Raymond Roussel vue avec ses amis Apollinaire et Picabia. Elle inspirera au bout de huit ans de maturation : « Le Grand Verre » nommé aussi  « La Mariée mise à nu par ses célibataires, même » où se retrouvent les moules mâlics et autre « Broyeuse de chocolat ».  Dans ces mécaniques évoquant l’amour, le hasard est déterminant. L’alchimie et le symbolisme ont beau être convoqués, le langage trouve ses limites. Art conceptuel.
Avec Marcel Duchamp, nous pouvons nous passer de l’émotion. L’idée est plus importante que le sujet. 
L’acte est radical avec la « Roue de bicyclette » sur un tabouret, art cinétique, 
et plus encore avec « le porte-bouteilles » qui devient sculpture lorsqu’il figure dans un lieu d’exposition et pourrait même se passer de signature comme celle de « Mr Mutt » fabricant de sanitaires pour la fameuse « Fontaine » qui n’avait pas été acceptée par le jury dont MD faisait lui même partie.
Stieglitz, le compagnon d’O’Keefe http://blog-de-guy.blogspot.com/2016/01/la-modernite-photographique-au-temps-de.html, photographie le « ready made » devant  « The warriors » un tableau habituel dans un musée. 
L’humour qui doit à Dada est très présent. Il a choisi la description d’«  A bruit secret » pour le collectionneur  Walter Arensberg qui a mis un objet inconnu dans la pelote. 
La pelle à neige c’est « En prévision du bras cassé »
et « Underwood »  évoque ses moments avec Betty Wood.
Les sucres de « Pourquoi ne pas éternuer Rrose Sélavy ? » sont en marbre, le mou est devenu dur, le léger lourd et l’os de seiche est en érection (Eros est la vie), Rrose Sélavy est aussi une des signatures de l’artiste qui aime se travestir. Body art.
« LHOOQ » détourne une carte postale de la Joconde qui peut ainsi séduire les femmes, après s’être « prostituée » avec tant d’hommes.
Il ne manque pas de rassembler des reproductions de ses propres œuvres dans « La Boîte-en-valise » et le plus étonnant pour moi c’est qu’après avoir chamboulé bien des définitions dans le domaine de l’art, il a continué à peindre en secret pendant 20 ans.
Révélée après sa mort en 1969, l’installation « Étant donnés : 1° la chute d'eau 2° le gaz d'éclairage… »  appelle le voyeurisme derrière ses portes en bois.
Elle avait demandé un patient travail dont un aspect rappelle Dürer  « Le dessinateur de la femme couchée »
Sur sa tombe à Rouen est inscrit : « D'ailleurs, c'est toujours les autres qui meurent. »

mercredi 26 juin 2019

Piranhas. Claudio Giovannesi.

« Le Club des cinq » prend le contrôle d’un quartier à Naples.
J’use de ce ton badin pour décrire un dramatique engrenage menant au crime car les émotions sont rares en comparaison à d’autres films ou livres traitant de la mafia.
Difficile de passer après le livre « Romanzo criminale »
ou le film Gomorra cité par beaucoup de critiques, puisqu’inspiré par le même auteur, Saviano, sous une protection policière que Salvini menace de lui retirer.
L’ascendant d’un assassin gentillet sur une bande de bras cassés ne peut pas tenir qu’à sa belle gueule qui fait tomber une jeunette à l’étrange beauté. Mais ce premier amour ne s’enflamme pas aussi spectaculairement que la voiture d’un rival.
Les références cette fois peuvent aller vers « Shéhérazade », bien plus authentique et trépidant, http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/09/sheherazade-jean-bernard-marlin.html .
Une durée moins étirée aurait fait gagner du rythme. Certaines scènes réussies, le mariage, alternent avec des scènes assez invraisemblables comme le moment de gloire du « baby gang » en boite de nuit où  ces « Piranhas » ont beau avoir des cervelles de poisson rouge, ils ne peuvent se mettre à dos tout ce que la ville compte de maffieux par ailleurs trop facilement « mis à l’amende ».
…………..
Dans la série recension par  décennies
Les équipes de foot :

Années 50
Années 60
Années 70
Années 80
Années 90
Années 2000
Années 2010
Reims
Saint Etienne
Nantes
Bordeaux
OM
OL
PSG

Mes voyages :

Années 50
Années 60
Années 70
Années 80
Années 90
Années 2000
Années 2010
Lyon
Sainte Marie de la mer
Cameroun
Paris
Mali
Bretagne
Ethiopie

mardi 25 juin 2019

Les marins perdus. Clément Belin.

Adapté d’un roman de Jean Claude Izzo, les 84 planches aux couleurs rouille comme un bateau abandonné en bout de quai à Marseille content les heures mornes de trois marins qui reviennent à bord entre quelques tours en ville.
Le grec recherche un ancien amour, le libanais largué par sa femme sombre dans l’alcool, le turc se fourvoie avec une fille à matelot.
Le romantisme portuaire de rigueur est érodé par la violence, les silences de ces âmes en peine.
Le dessinateur est un ancien marin. Son style original rend bien la rudesse des situations, la pudeur encalminée des hommes, évoque avec cohérence un milieu pas forcément familier.
« Tu vois dans l’antiquité, il y avait déjà des cartes sommaires on les appelait périodes de la terre ».

lundi 24 juin 2019

68, mon père et les clous. Samuel Bigiaoui.

Les films sur la fin des paysans n’ont pas manqué et ils étaient poignants.
Cette fois il est question d’un magasin de bricolage du quartier latin qui va fermer.
Le fils filme son père collant à l’envers l’affichette « liquidation » sur sa vitrine, ce geste en dit plus que bien des larmes de clients ou d’employés parfois un peu complaisamment sollicitées, alors que la trajectoire du propriétaire du magasin passé de la  branche armée de la Gauche Prolétarienne au commerce des étagères, serrures, colles et vis, ne se dévoile que très difficilement. Un plan cinématographique est criant quand il s’attarde sur les pinceaux et autres tubulures pendant qu’un de ses anciens camarades situationniste, forcément plus bavard que l’ancien maoïste donne quelques éléments explicatifs.
Les publications sur 68 ont été abondantes surtout l’année de énième anniversaire
Mais ce film n’apporte pas d’éclairage particulier; pourtant c’est sympa de faire un film pour son papa, dont les silences sont plus éloquents que les quelques maigres confidences extirpées. Accroché à sa calculette qui ne lui a pas servi à éviter la fermeture, submergé par les papiers, il est émouvant dans sa réserve (sic).
Les quincailleries et plus encore les drogueries étaient des lieux poétiques, sans parler des marchands de couleurs rencontrés seulement dans les livres. Aujourd’hui si vous demandez à des mômes ce qu’est une droguerie, ils auront plus tendance à envisager le négoce du haschich plutôt que celui  des vernis, ou un deal d’héroïne d’avantage que l’emplette d’une scie égoïne. C’est quoi une épicerie ?
………………
Au cinéma avec des années en paquet de 10
Années 50
Quand passent les cigognes. Kalatozov
Années 60
A bout de souffle. Godard
Années 70
Orange mécanique. Kubrick
Années 80
Les ailes du désir. Wenders
Années 90
Titanic. Cameron
Années 2000
Amélie Poulain. Jeunet
Années 2010
Toy story. Unkrich

dimanche 23 juin 2019

Manset dans les bacs en 2019.

Dodeliné par les litanies du chanteur dont la production est inversement proportionnelle aux  rares apparitions de son image, j’en suis à découvrir deux CD à l’emballage élémentaire dans la forme comme au fond, alors que je croyais plutôt bien le connaître.
Les inédits de 1972 sont d’un autre temps.
« Nous prendrons les chemins de France
Qui mènent autour
Du pied des tours
Et de l’étang
Où je t’attends »
Il chante en  latin : « Cupidum imperii caesare »
« Peut-être demain verrons nous
Nos enfants levés
Le glaive sur nous
De Caesar »
Et Jeanne
« Quand elle revint chez les siens,
Les gens l'attendaient sur le port,
Buvant le vin des musiciens,
Entourés d'hommes et de chiens »
Il n’hésite pas sur les images grandioses :
« Un jour l’homme est venu sur terre
Couronné d’ombre et de lumière »
Les mélodies planantes, les mélopées enveloppantes endorment les mots de ses poèmes à découvrir à chaque audition.
Dans une autre pochette plus charnue, Le langage oublié de 2004 est prophétique.
« Demain il fera nuit
je l'ai lu dans un livre
et les enfants iront
de porte en porte, de ville en ville
et les rats s'enfuiront
de porte en porte, de ville en ville »
Désespéré et grandiose, au risque de frôler le kitch.
« A quoi sert de pleurer
Sur ce qui n’est plus
Boucles adorées
Sucre fondu »
 Ses paroles bonnes à graver m’enchantent :
« On voit la fin du dernier monde connu
La fin du dernier monde qu’on eût
La fin du dernier monde possible
L’hônnette homme devient la cible »
Totalement, absolument de ce temps dont la mémoire tamise les lumières brûlantes :
« En ce jardin maudit du XXIème siècle
Où les enfants mauvais jouent sous les branches
A quelques faux moineaux jetant de fausses miettes
Cependant qu’on leur dit que c’est dimanche »

samedi 22 juin 2019

Les neiges du Kilimandjaro. Ernest Hemingway.

Chacune de ces douze nouvelles est un concentré d’humanité, de vitalité, de littérature.
Efficace, profond, « the » écrivain va à l’essentiel : les femmes, les lions, les taureaux, la force et la faiblesse, l’ennui. La mort peut venir d’une égratignure, l’amour sur des planches de sapin dures et pleines d’échardes.
Fort comme les alcools qui s’éclusent à tour de bras au coin du feu pendant trois jours de tourmente, dans un campement en Afrique, un vendredi avec des collègues légionnaires romains à Jérusalem…
Du Michigan, à Paris, à Madrid nous sommes d’emblée dans l’essentiel des solitudes, des défaites, des courages, des destins cabossés où même l’insignifiance peut être relevée avec malice en une mise en scène très contemporaine lors d’un hommage à la Suisse.
J’ai retenu comme d’autres lecteurs ce fragment qui laisse ouvert toutes les portes à l’imagination :
« Et là, devant eux, tout ce qu'il pouvait voir, vaste comme le monde, immense, haut et incroyablement blanc dans le soleil, c'était le sommet carré du Kilimandjaro. Et alors il comprit que c'était là qu'il allait. »
Pendant 188 pages j’ai eu l’impression d’assister à un meeting d’athlétisme où dans chaque discipline, des beautés fulgurantes battent tous les records. Un sommet !