dimanche 15 janvier 2017

Vertiges. Nasser Djemaï.

Ce soir là au petit théâtre de la MC 2, je pensais simplement me tenir au courant de la nouvelle production d’un natif du coin tout en essayant de mieux comprendre les dilemmes des familles immigrées comme avec les « chibanis », il y a déjà un moment :
Cette fois le metteur en scène va bien au-delà de l’enquête sociale, voire du pittoresque pour présenter un spectacle abouti, évoquant avec précision des drames particuliers tout en allant vers l’universel, suscitant les rires, les sourires, l’émotion, la réflexion.
Le constat est pessimiste concernant les replis en banlieue, mais une empathie avec chaque personnage offre une palette aux couleurs diverses où la violence n’éteint pas la tendresse.
Le poids des corbeilles de linge, les risques d’une cigarette, des médicaments plein les sacs plastique, Carrefour comme lieu de promenade, les fuites d’eau, marquent le poids du quotidien, alors la poésie pousse les murs.
La mise en scène limpide ménage des surprises et la légèreté n’empêche pas une mise à nu rondement menée des systèmes familiaux.
Les frères rivalisent, père et fils se cherchent, les couples se défont, des libertés se tentent,   toutefois l’apaisement serait mérité.
Cris et silences, ordre et bordel, les arbres, les nuages, la mort, le téléphone et les jouets mécaniques, la peur et la sagesse, Dieu, les femmes, les princesses…
Enumérer pour dire la richesse et redire que rien n’est étranger : avec le temps les distances se sont installées, les retours sont difficiles entre silences et cris qui balisent le chemin de la réconciliation.
« On a tous dans l' cœur des vacances à Saint-Malo
Et des parents en maillot qui dansent chez Luis Mariano «
Mes vieux non plus n’y sont jamais allés en Bretagne, pourtant « on a tous dans l’ cœur ».
La force des images, des musiques, du théâtre.
Ce rendez-vous avec le Saintmartinier (habitant de Saint martin le Vinoux) m’a tellement  ravi que je ne suis même pas sûr que certaines longueurs finales n’aient pas contribué à mon plaisir.

samedi 14 janvier 2017

Sur le Tour de France. Antoine Blondin.

La formule « In vélo véritas », je l’ai trouvée dans un commentaire concernant l’œuvre du suiveur de 27 éditions du Tour de France qui fut connu pour son goût de la petite reine, du calembour rafraîchissant et des produits de la vigne.
Un style épatant apporte, au creux de l’hiver, les bruits de juillet et de l’enfance, quand il y avait de l’espace pour rêver des champions et des paysages de France.
Un grand écrivain http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/11/certificats-detudes-antoine-blondin.html qui écrit pour être lu sur le zinc :
« Et les mille cinq cents personnages qui vivent ces trois semaines d’aventure s’émerveillent, à chaque fois, qu’une manifestation sportive annexe aussi spontanément à sa cause les trésors du patrimoine culturel et les offrandes de la nature, leur confère de nouvelles couleurs - ces couleurs cyclistes, si j’ose m’exprimer ainsi, qui se fanent douloureusement au vent de la course pour renaître plus pimpantes, le lendemain matin. »
Anquetil, Poulidor, Merckx, Bobet … «  les circonstances se prêtaient à la célébration, non du culte de la personnalité, mais de la personnalité de l’occulte ». Il aime les petits.
Et c’est comme ça tout le long des 150 pages, avec de bons mots autorisant des envolées lyriques, des tendresses envers les faiblesses des accros aux substances illicites qui existaient avant qu’on ne parle plus que de "produits".
C’était un autre temps :
« De Bordeaux à Bayonne, je me suis étonné d’être dans cette caravane qui décoiffe les filles, soulève les soutanes, pétrifie les gendarmes, transforme les palaces en salles de rédaction, plutôt que parmi ces gamins confondus par l’admiration et chapeautés par Nescafé. Je peux le dire, mon seul regret est de ne pas m’être vu passer. »

vendredi 13 janvier 2017

Biodégradables ?

Les graffitis vont bien aux grottes préhistoriques et aux friches industrielles mais lorsqu’ils prolifèrent à l’entrée de notre ville dont les édiles aiment tant le street art, ils lui donnent un aspect peu accueillant, un air de défaite, et participent au stress hard.
Le mot « liberté » tant de fois graphé sur de nombreux volets ne concerne sûrement pas celui qui reçoit cette signature, fut-elle assortie d’un point d’interrogation.
Le genre fin de civilisation surligné de couleurs vives donné par de vibrionnants lettrages apposés en tous lieux, contrarie les proclamations d’une agglomération « apaisée ». Et les imaginaires s'étiolent, M. Piolle, devant les stéréotypes bombés.  
L’individu tonitruant ne fait pas qu’animer la ville, en fixant un signe illisible à tous ceux qui ne sont pas de chez lui ; il se soumet à l’ordre des égos démesurés.
Pour un Banksy inventif interrogeant le monde artistique et son marché, combien de vains  vaniteux aux jets incrustés dans la pierre ?
Pour avoir jadis tant aimé jouer de la brosse et de la colle à tapisser sur les murs de la ville, ou du pochoir dans les passages souterrains : « Le monde change, changeons l’école », je  sais l’illusion de la puissance. Mais quand ma jeunesse a décampé, j’ai changé de camp.
« Le monde a changé, où est l’école ? »
Les posters d’une chambre d’adolescent peuvent évoluer, alors quand des subventions généreuses pérennisent des images grand format, très grand format, la volonté de laisser une trace vite démodée, a tendance à sentir le pâté dont la date de péremption est indéterminée.
Certes la recherche de consensus n’est plus de mise chez les amis de « Nuit debout » dont Frédéric Lordon, un de leurs maîtres disait :
«  Nous ne sommes pas amis avec tout le monde et nous n’apportons pas la paix »
La véhémence de leurs protestations se situait à la hauteur de leur impuissance à convaincre au-delà des convaincus d’avance.
Qui a analysé l’extinction aussi brutale que son émergence de ces forums printaniers où le folklore a submergé la pertinence de sincérités nouvelles ?
Mais que les donneurs de leçons municipaux qui s’en voudraient de représenter tous les Grenoblois ne s’étonnent pas de susciter des oppositions véhémentes qu’ils alimentent de leurs maladresses et arrogance, de leur amateurisme aggravé d’une propension aux manœuvres politiciennes alors qu’ils ont émergé sous le maquillage d’un renouvellement des pratiques politiques.
Quand sur les grilles de la piscine Jean Bron est écrit en gros qu’il est nécessaire de se coordonner contre le SIDA, à qui ce message peut-il s’adresser ? Ce dazibao datant de l’agit prop’ maoïste n’est ni propre ni beau.
Nous sommes loin de l’art dont Malraux  disait :
«  L’oeuvre surgit dans son temps et de son temps, mais elle devient oeuvre d’art par ce qui lui échappe. »
et de la politique :
La préoccupation de l’image a dévoré toute réflexion politique et les verbiages les plus délirants voudraient habiller les rois nus aux bagages vides.
……………..
 Le dessin du « Canard » de cette semaine: 

jeudi 12 janvier 2017

Construire en métal au XIX° siècle. Benoît Dusart.

Au pays des ingénieurs en doudoune, des étudiants de l’école d’architecture étaient venus assister parmi les amis du musée de Grenoble, au face à face des architectes de la pierre et des ingénieurs du métal avant qu’advienne le béton armé. L’annonce de la conférence était illustrée par Les arcs métalliques de la bibliothèque Saint Geneviève de 1851.
Après l’époque révolutionnaire, le métier d’architecte a connu une crise morale et financière avec le tarissement des commandes de l’aristocratie et de l’église, l’apparition de nouveaux matériaux et une crise artistique : les palais ressemblent trop aux écoles et aux hospices pour les classiques lauréats du prix de Rome au mitan du XXI° siècle.
Les derniers soubresauts d’une architecture vitruvienne figurent dans le livre de Charles-François Viel « De l'impuissance des mathématiques pour assurer la solidité des bâtiments… » Vitruve avait dédié dix livres à Auguste dans les années 30 av JC traitant : «  de la construction en général, mais aussi des matériaux, des ordres d'architecture, de la décoration, ainsi que de l'hydraulique, des instruments de mesures, des  machines, des aqueducs, des palais et autres bâtiments publics et privés : thermes, ports... » Un monde minéral.
Le temps n’est pas immobile : un nommé Rondelet incorpore des éléments métalliques pour consolider l’ambitieuse église Saint Geneviève devenue le Panthéon.
Baltard  séduisit le public et Verlaine  vit : «  La dentelle de Vulcain », dans les volumes des pavillons qui ont abrité les halles dont la démolition en 1972 entraîna bien des protestations. Celui là avait changé d’option après que sa première construction en pierre baptisée « fort des halles » ne fut pas du goût de l’empereur N 3 ni d’Haussmann.
La fondation Pinault ouvrira en 2018 à l’emplacement de la bourse de commerce qui servit de halle aux grains. Sa coupole majestueuse en bois ayant brûlé, elle fut remplacée par une voûte métallique.
Après les ingénieurs des ponts et les polytechniciens dont les écoles ont été créées au siècle précédent, les nouveaux centraliens font avancer la connaissance des propriétés des matériaux : l’acier combine la souplesse du fer en traction et les qualités de la fonte en compression.
La passerelle métallique des Arts qui conduit à l’académie des Beaux arts semble un pied de nez à l’institution qui pensait que seule la pierre convenait aux ponts.
  Tout comme en Savoie, Le pont de la Caille entre ses entrées néo médiévales consacre un style « Troubadour ».
Les premiers ponts suspendus ont connu des problèmes d’oxydation et d’oscillation, voire avec  les vibrations nées sous le pas cadencé des soldats sur le pont de la Basse Chaîne à Angers qui coûtèrent la vie à 270 hommes.
Les chemins de fer aménagent le territoire, les gares conservent des façades majestueuses en pierre et les toits métalliques à l’intérieur sont audacieux comme celle de la gare du nord à Paris dont une première version a été remontée à Lille.
Alors que l’acoustique est déplorable dans les enceintes où domine le métal, bien que le saxophone fût présenté pour la première fois au jardin d’hiver des plantes des Champs Elysées,  
des enregistrements sont effectués à Notre dame du travail qui  récupéra des matériaux issus des expositions universelles.
Le « Grand Palais des Beaux-Arts » « Monument consacré par la République à la gloire de l’art français », en 1900 avait pris la place du  « Palais de l'industrie » de 1885.
1889 fut l’année de la tour Eiffel dont le concepteur au regard d’acier, entrepreneur, visionnaire chef d’entreprise réalisa entre autres le viaduc de Garabit.
Le dialogue entre briques et charpente métallique est convaincant dans nos grenobloises halles Sainte Claire,
grandiose au magasin du Bon marché à Paris.  
La structure métallique en façade du moulin de l’usine des chocolats  Menier à Noisiel au bord de la Marne, semble un tapis persan.
Le casino aux allures mauresques de la jetée de Nice vit sa tripaille en ferraille fondue par Vichy.
Ainsi ces temps industrieux offraient de vastes bibliothèques éclairées, les muséums proposaient la Grande Galerie de l'Évolution,
le jardin des plantes des serres plantureuses,
un observatoire à Nice par Charles Garnier, celui de l’Opéra,
 une des entrées de métro de Guimard telle un papillon à la Bastille, édicule aujourd’hui disparu où le verre faisait souvent bon ménage avec le métal travaillé comme végétal.

mercredi 11 janvier 2017

Equateur J 9 #2. Vers Misahualli et l'Amazonie

Bientôt nous abandonnons la montagne pour des paysages différents, la route plus plate se trace entre des tertres qui bouchent l’horizon. Les bâtisses en béton inachevées laissent la place à des baraques en bois.  Nous remarquons des essences d’arbres et fleurs inconnues. A un arrêt dans une station service, une colonie de fourmis nous signale notre entrée en Amazonie : chacune d’elle transporte un morceau de feuille en une procession impressionnante. Nous traversons des villages aux noms évocateurs : Shell, Los Américos. Il doit y avoir du pétrole dans la région (première richesse de l’Equateur). La route est très praticable. Notre guide nous répète que les chinois ont équipé le pays, l’endettant pour 55 ans, en exploitant aussi ses richesses.
Vers 17h 10 nous atteignons Misahualli et très rapidement nous embarquons dans une pinasse à moteur, nos bagages transvasés du minibus au bateau par deux solides gaillards. Pendant ce temps nous remarquons des religieuses habillées de blanc et noir sur la plage où se baignent les enfants. Juan notre guide local et ses fils embarquent avec nous, il parle français avec efficacité. Nous enfilons des gilets de sauvetage et c’est parti. Le port de Misahualli est situé à la rencontre de deux rivières  la Misahualli et le Napo.
Nous remontons le Napo sur une vingtaine de kilomètres en ½ h, le temps est beau, la rivière grosse de pluies récentes ondule de remous. Au loin, des pêcheurs ont lancé leurs filets.
Juan, pince sans rire, nous demande de ne pas mettre les mains dans l’eau à cause des piranhas.
Luttant contre le courant, nous accostons sur la rive, devant un escalier. Vite, des jeunes se présentent pour décharger nos bagages et les monter aux lodges « Sacha Sisa » qui surplombent le Napo.
  Nous occupons la première maison en bois sur pilotis, trois chambres bien équipées  d’un lit avec moustiquaire, d’une douche et d’un WC.
Nos comparses logent plus haut à côté de la maison bar/restau et « salon » de repos avec hamacs abrité par un toit.
Après le coucher du soleil, Juan nous fait un topo sur l’usage du lodge et le programme de demain, répond à nos questions. Il nous explique l’Amazonie et les trois niveaux différents d’altitude, le palu ne sévissant qu’au dernier vers le Pérou. La langue parlée est le Quichoa qui varie en fonction des communautés qu’il compare finement aux nuances entre français, québécois ou belge.
Nous nous offrons un cocktail : « sex in the jungle » composé de fruits de la passion, rhum, crème, cannelle, canne à sucre, citron, ou vodka. Au menu du soir : poisson ou poulet, riz, manioc frit, haricots verts, carottes en bâtonnets et concombre après une soupe un peu gluante au concombre et manioc. Nous rentrons nous coucher après avoir quitté nos chaussures, coutume à respecter chaque fois que nous rentrons dans une maison d’habitation pour maintenir une propreté irréprochable.

mardi 10 janvier 2017

L’humour à l’hôpital. New Yorker.

Les carabins ne manquent pas d’humour, mais il n’est pas du même ordre que celui du magazine aux traits légers,  the « New Yorker », tellement anglo saxon.
300 dessins  ont été choisis par Jean-Loup Chiflet qui vont de la maternité aux soins palliatifs, du médecin de famille aux psys, bien entendu, et des salles d'attente aux blocs opératoires, mais pas seulement à l’hôpital…
La mort n’est jamais loin :
« Il n’y a qu’à moi que ça arrive »
L’absurde peut ricaner.
Si certaines blagues sont datées, elles ont leur charme, et les allusions au prix de la santé aux Etats unis nous réconfortent sur notre état à nous, bien que les abus des spécialistes puissent malheureusement nous parler.
Et c'est tout à fait d’actualité quand un patient se trouve face à son médecin:
« J’avoue que j’ai eu un diagnostic très différent sur medecin.com »
Alors autant en sourire, comme cette dame si contente d’avoir reçu un mot de son dentiste pour son anniversaire. La solitude. 

lundi 9 janvier 2017

Ma rosa. Brillante Mendoza.

Une fiction aux allures de documentaire pour dénoncer la corruption de la police aux Philippines. 
L’auteur de « Taklub », 
accompagne, la caméra à l’épaule, le temps d’une nuit poisseuse, des parents retenus au poste pour trafic de drogue. 
Ils ont été dénoncés et dénoncent à leur tour leur dealer, mais ce n’est pas suffisant. 
Leurs enfants seront contraints de trouver l’argent pour la rançon demandée en vue de la libération de la « mère- courage » et du père lui-même drogué. 
Les dettes s’accumulent, le compte n’est jamais bon, même si les moyens employés pour épaissir la liasse sont coûteux : abaissement devant une tante rétive, vente de quelques biens misérables, prostitution, et toujours la violence qui transpire. 
La drogue est stockée dans des bocaux à bonbons.