jeudi 1 décembre 2016

Beffrois et maisons de ville en Flandres au XV° siècle. Daniel Soulié.

Le conférencier a promené les amis du musée de Grenoble à travers les riches territoires de Belgique et de Hollande en leur âge d’or, au moment où ces terres rassemblées sous les ducs de Bourgogne changeaient de pôle de gravité, déménageant de Dijon à Bruxelles.
Lovée dans le creux du Rhin, entre les puissants voisins du Saint Empire Romain Germanique, de France, et du royaume d’Angleterre, l’économie au cœur de l’Europe y est florissante.
A la croisée des antiques voies commerciales, vont et viennent les marchandises des pays scandinaves et méditerranéens. Les marchands de la ligue hanséatique, ayant négocié depuis longtemps leur installation à Bruges, vendent là leurs produits arrivant depuis Novgorod, la porte orientale. Les grands banquiers italiens s’installent dans ces villes qui ont acquis une autonomie grâce à laquelle des républiques urbaines s’épanouissent au sein d’un environnement pourtant valorisé par la peinture flamande.
En arrière plan de la « Grande crucifixion »  peinte par Van der Weyden, une cité protégée rejoint le thème biblique des enceintes effondrées au moment de la mort du Christ. Les fonds d’or moyenâgeux ont laissé place aux paysages. Cette Jérusalem terrestre apparaît, imitée des cités flamandes avec quelques touches orientalisées (1435). Bruxelles qui aurait pu l’inspirer est alors un centre des industries du luxe : verres, céramiques, tapisseries...
Dans son « Saint Luc dessinant le portrait de la Madone » VDW se représente lui-même et le spectateur surplombe un canal témoignant d’une industrialisation du paysage à son début.
La ville de Middelburg est sans doute représentée dans le « Retable de la Nativité de Bladelin » du nom du commanditaire en prière. Une résidence noble précède des bâtiments variés en brique ou pierre car le bois provenant de Finlande était rare.
Le paysage, en arrière-plan de l’ « Adoration des Rois Mages » retable du même VDW appartenant à l’église Sainte Colombe de Cologne, représente Arques à gauche, Rennes-les-Bains "en face", Couiza et Rennes-le-Château en "haut", l'église d'Alet à droite. Nous voilà bien informés par cette recherche complémentaire qui souligne simplement que les images des cités flamandes sont passées de l’évocation à la transcription. Le chaume est pour les faubourgs, l’ardoise couvre les maisons intra muros.
Robert Campin peint Joseph, célèbre menuisier, travaillant dans un atelier dont la façade de bois surplombe une place aux entrepôts à demi enterrés, sur un des panneaux du « Triptyque de Merode ».
Pas mieux que Wikipédia pour décrire le paysage derrière La Vierge du chancelier Rolin ou Vierge d'Autun, par Van Eyck «  paysage visible dans le fond dans l'axe de fuite, comporte tous les détails de la vie terrestre, activités, architecture, cité et pont sur un fleuve - probablement la cité de Liège » et ses bâtiments religieux.
Tant d’agrandissements ne peuvent rendre compte de la précision de Pétrus Christus et sa  « Vierge à l’Enfant avec sainte Barbe et Jan Vos » où dans un carré de 15X15 cm figure en détails, une ville bien vivante.
Les Halles aux draps d'Ypres, un des plus grands bâtiments civils gothiques, ont été reconstruites après avoir été rasées pendant la première guerre mondiale, elles témoignent d’un passé prestigieux quand la cité était l’une des plus peuplées d’Europe, avant que ses canaux s’envasent, précipitant son déclin.
Les tours de La cathédrale de Tournai allient styles roman et gothique. Elles luttent avec la tour de guet, le beffroi, qui domine, comme il est d’usage, la place du marché.
La place financière majeure que fut Bruges, s’est endormie à l’époque de la Renaissance, ensablée elle aussi. Ce qui a permis à « La Venise du Nord » de conserver de pittoresques demeures.
L’hôpital Saint Jean, qui servit de modèle aux hospices de Beaune, accueille le musée  Mèmling dans la ville figurant comme une pépinière de peintres « primitifs ». Les murs du béguinage dont l’institution fut dissoute par l’administration révolutionnaire française sont toujours debout et des religieuses y sont revenues.
Le quai aux herbes de Gand et ses divers murs à pignons est photogénique
comme  la Grand-Place d'Arras qui témoigne de l’ampleur des marchés.
« Ay Marieke Marieke je t'aimais tant
Entre les tours de Bruges et Gand
Ay Marieke Marieke il y a longtemps»

mercredi 30 novembre 2016

Equateur J 5. Pas de train train d’Otavalo à Salinas (suite).

Les paysages deviennent plus sauvages avec des cactus et des plantes grasses, des canyons et des ravines. Le petit train s’engouffre à petite vitesse dans 1, 2 puis 3 tunnels. Et alors que nous admirions une cascade, debout dans la travée pour mieux voir ou photographier, nous sommes projetés et tous sens et bien secoués.
Non ! La loco a déraillé ! Heureusement qu’elle ne s’est pas couchée, juste délogée de ses rails et personne n’a été blessé.
Le personnel nous demande de sortir et marcher le long de la voie jusqu’à la gare de Hoja Blanca (1840m) qui en fait n’est pas si loin que ça. Nous attendons dans cette petite gare nouvelle et moderne, harcelés par de tout petits insectes (moustiques ?) en très grand nombre, que trois bus de la compagnie ferroviaire nous secourent. Ils arrivent au bout d’1/2 h , ¾ d’heure et dans une organisation calme et méthodique nous embarquons suivant la composition des wagons.
Il est tard quand nous descendons à la dernière étape : Salinas où nous attendent Edgar notre guide et notre chauffeur à la porte du restaurant, soulagés de nous récupérer. Nous mangeons une soupe aux haricots et maïs, une côtelette de porc garnie de légumes al dente : carottes brocolis et une pomme de terre mauve.
Les activités post méridiennes ne sont pas à la hauteur des précédentes.
Le musée  consacré au sel de terre sur les lieux d’une exploitation depuis longtemps abandonnée n’est pas palpitant. Ce sel sans l’iode des sels marins était celui des pauvres, et de surcroît vendu plus cher.
Pourtant  comme nous avons pu le lire sur le site http://www.vueetbox.com/files/media_file_137.pdf 
« Ce sel brun, cultivé par de nombreuses générations d’afro équatoriens, servait de monnaie d’échange avec les villages voisins: un kilo de sel équivalait à un kilo d’or »
Puis nous assistons à un petit spectacle de danse de la communauté noire descendante des esclaves travaillant dans les haciendas, majoritaire dans cette région (environ 70%). Des jeunes filles habillées de la même façon et portant un petit panier sur la tête proposent trois danses en plein air. C’est plutôt amateur, sans prétention, répétitif mais bref.
Nous sautons dans notre minibus pour rejoindre nos foyers au milieu de la circulation parfois dense en profitant des lumières de fin d’après midi.
Retour par Otavalo, Cotacahi, Santa Barbara.
Ce soir nous mangeons ave Maria et Ernesto qui repart travailler demain à Quito à 3h avec le bus de la communauté, Karen et sa sœur Huaïta et un ami des filles, Daniel. La fille aînée passe en tenue de footballeuse avec ses deux petits mais ne partage pas le repas avec nous et reste un moment dans la pièce privée.
C’est encore une bonne soirée d’échanges autour d’un bon repas : soupe à la courgette, poulet avec des galettes de purée à la plancha, radis macérés dans du citron et persil, petits légumes finement hachés et tout au long du repas pop corn et maïs grillé à volonté. Pour boire jus d’anone avec ou sans sucre. A la fin du repas Karen apporte à chacun, à la demande de sa mère, un des chocolats qu’elle a reçus pour son anniversaire pour nous remercier du petit cadeau qu’on lui a fait. Avant d’aller se coucher on se fait tous la bise. Demain nous ne verrons pas Ernesto ni Huaïta qui retourne à l’Université.

mardi 29 novembre 2016

Black dog. Loustal Götting.

Les falaises de la côte ouest des Etats Unis sont dangereuses et les piscines pas toujours sûres, les climatiseurs tombent en panne et les grosses voitures ont besoin de se  refaire la culasse.
La blonde est fatale, le loser vraiment perdant, le chien noir.
Un polar noir efficace, si limpide que la lecture de cette BD aux images agréables est bouclée en peu de temps.
80 pages d’un  dessinateur dont j’apprécie les encres qui appellent en fond quelques morceaux de jazz.

lundi 28 novembre 2016

Louise en hiver. Jean-François Laguionie.

Le cinéma d’animation décidément nous procure de belles émotions avec une diversité de moyens qui peut étonner les cinéphiles les plus endurcis.
Nous avions vu « Le tableau » du réalisateur
Cette fois les pastels et le grain du papier apparent rendent magnifiquement les lumières de l’océan, une musique discrète accompagne délicatement la solitude d’une vieille dame qui se retrouve hors saison dans une station balnéaire vidée de ses vacanciers.
Il est question de solitude, du vieillissement, quand l’enfance revient, sans tabou ni trompette, avec une économie de mots  naturelle, comme sont comptés les pas d’une force tranquille, avec  lucidité, douceur, lenteur.
Une spectatrice à la sortie du  cinéma Le Méliès disait : « mélancolique, pas nostalgique », mais aussi tendre, beau, poétique, contemplatif, limpide.

dimanche 27 novembre 2016

La volupté de l’honneur. Luigi Pirandello. Marie-José Malis.

J’avais été averti par des amis qui n’étaient pas allés jusqu’au bout de la pièce de 3h 30 : alors quand après une heure de route pour accéder à la MC2, j’ai vérifié ce qui m’avait été annoncé: « les acteurs mettent deux plombes à prononcer leurs phrases »,
je me suis dit que je n’étais pas près de sortir de la zone limitée à 10 km/h.
Et puis après ce départ calamiteux où je fulminais contre les metteurs en scène qui cherchent à compliquer plutôt qu’à rendre accessible les auteurs qu’ils ont choisis de « monter », j’ai pris le temps d’envisager les ambiguïtés, les paradoxes des proclamations vertueuses et apprécié la montée en puissance de la création. Effet bénéfique de la sortie  pour un moment des compulsions et compilations par téléphone.
Après être passé par-dessus le déshonneur daté d’un marquis ou les lâchetés d’un prêtre dans les années 20 en Italie, j’ai apprécié la recherche d’une vérité qui peut se révéler sous les masques.
Un homme prend le pouvoir en jouant de l’honnêteté, dans une famille où il endosse le rôle de père d’un enfant qui n’est pas le sien. 
Le rôle est subtil, se risquant à l’authenticité : théâtre dans le théâtre, et recherche d’une dignité, d’une humanité qui élève.
Si le  mot « honneur » du titre parait démodé, c’est que dans les sphères médiatiques qui nous aveuglent, nous sommes bien loin de ces valeurs, alors que tant d’anonymes « sauvent l’honneur », et pas seulement dans une partie de rugby, comme le répète le FCG chaque fin de semaine.
Les lumières sont très importantes dans les spectacles d’aujourd’hui, pourtant cette fois la salle reste allumée sans que le plateau soit mis en valeur. Mais à la fin, les acteurs jouent habilement avec les interrupteurs pour illuminer les différents plans de l’action, et tout s’éclaire.
La salle est plongée dans le noir le temps d’un éclair qui donne le signal des applaudissements.
« Il est plus facile d'être héros qu'honnête homme. Héros nous pouvons l'être une fois par hasard; honnête homme il faut l'être toujours. »

samedi 26 novembre 2016

Grand-père. Gilles Perrault.

A plus d’un titre, ces 200 pages revenant en des terres familières ne pouvaient que me plaire, tout en me permettant de prendre des nouvelles de l’auteur du « Pull-over rouge »  et du « Dictionnaire amoureux de la Résistance ».
Un grand père exemplaire :
- excellent enseignant au moment où les hussards étaient noirs,
« Son antimilitarisme viscéral se conjuguait avec un patriotisme intransigeant. »
- anticlérical, dreyfusard,
« Te battre pour faire rendre justice à quelqu'un que tu aimes bien, c'est facile, c'est même plaisant ; pour quelqu'un qui t'est antipathique, c'est plus difficile. Et pourtant, il faut le faire. Sinon, tu ne crois plus en la justice. »
- franc-maçon dans une famille dont l’un fut un forçat qui aurait inspiré Hugo pour son personnage de Jean Valjean.
L’époque est épique entre la commune de Paris et la seconde guerre. 
Dans un livre scolaire qui fit scandale dans le Jura figurait :
«  Jeanne d’Arc croit entendre des voix »
Indigné le curé exige des excuses et un rectificatif :
« Jeanne entendit des voix ».
Maintenant que les prêtres se raréfient, les gardiens des temples et mosquées se multiplient. 
Le style est soigné, ainsi pour évoquer les duels qui perduraient :
« Si ce n’est pas l’épée ou le sabre, c’est le pistolet. Or, avec une arme si aléatoire, on a tôt fait de coller dans la tête de l’adversaire une balle qui met assurément fin à ses soucis, mais en fait lever une triste moisson pour le vainqueur embarrassé : poursuites judiciaires, procès, amende, lourds dommages et intérêts à verser à la famille du défunt »
Malgré tout, l’hommage trop lisse ne comporte pas d’enjeu et si les anecdotes rendent la lecture plaisante, sa trace sera fugace.

vendredi 25 novembre 2016

Nous nous sommes tant trumpés.

Que ne viennent pas de dire les sondeurs des sondeurs et les éditorialistes des éditorialistes, au son des trompettes !
Collés à eux, nous sommes dans le même seau où nous faisons trempette.
Mais peu importe : quand on chérit la démocratie, les voix qui se sont exprimées ici ou là par millions sont prépondérantes par rapport à tous les avis, même les plus éclairés à qui il arrive de ne rien voir venir.
Et puisque le libre arbitre est reconnu aux nourrissons, je m’autorise à ajouter quelques mots prétendument personnels, sur ce blog qui vient de dépasser les 500 000 visiteurs.
Parmi les noires nouvelles qui nous assaillent, ne boudons pas l’éclaircie, aussi rare qu’une victoire de l’O.M., survenue avec l’éloignement de la scène de Sarko et Copé, après celui de Duflot. Nous gagnerons en finesse.
On peut déplorer l’impuissance de nos politiques, mais que dire de la portée, de l’utilité, d’un avis de plus concernant Trump, Fillon ou Erdogan ?
Les comiques éditorialisant sont devenus prépondérants. Nous voilà décidément enfermés dans le cercle de sciure avec Beppe Grillo ou Trump en clown inquiétant ; Coluche fut notre coqueluche.
Charline Vanhoenacker donne le tempo rigolard sur France Inter, elle tient l’antenne matin et soir, bien que comme tant de ses collègues omniprésents sur divers supports, elle se montre sûrement prompte à critiquer le cumul des mandats des politiques.
Lundi, elle mimait des pleurs, suite à la défaite de l’autre histrion de Neuilly.
L’audition du sketch au premier degré est autorisée, tant celui-ci était « un bon client » pour tous les caricaturistes qui du coup m’ont semblé bien mièvres pour saluer son départ, tant le modèle ne rechignait guère à dépasser sa caricature.
Fillon prend son tour dans la machine à bâcher, en particulier pour sa complicité avec la « Manif pour tous » alors qu’en économique et social, il n’est pas très catholique.
Les caravanes d’un « Mariage pour tous » promu par ceux qui avaient des rapports distendus avec les rites en général et celui là en particulier, sont passées. Celles de leurs  contempteurs qui s’y redorèrent un moment l’hostie, me semblent en fin de cycle.
Le « Tous » commun à toutes leurs banderoles, tentait d’exorciser le fait de ne concerner finalement qu’une fraction de la société.
La charité chrétienne aurait encore à se dépenser pour les réfugiés et les élus auraient à travailler plus pour réduire les distances entre riches et pauvres.
Comme si le mariage était un problème central !
Cette polarisation me semble significative d’une difficulté de plus à hiérarchiser les problèmes, d’une confusion des valeurs.
La gauche ayant hâté et acté sa défaite, va se retrouver avec délectation sur son estrade préférée, celle de l’opposant dispensé de toute proposition.
La timidité, en particulier sur le plan économique, des partis au socialisme parti, les honore, car les reniements se savent encore, que des cadeaux électoraux ne masqueront pas.
En ce moment apparaissent les mots de « post-vérité » comme il y eut la « post modernité » alors que la « post politique » s’annonce aussi, en constatant que tous les fastes checking, tous les décodeurs ne peuvent  pas grand-chose contre les énormités qui circulent sur les réseaux sociaux, jusqu’à nier il y a peu le réchauffement de la planète pour un des maîtres du monde.
Frédéric Lordon dans Le Monde diplomatique cite Gilles Deleuze en se payant « Le Monde », « Libé » et « l’Obs » :
« On connaît des pensées imbéciles, des discours imbéciles qui sont faits tout entiers de vérités ».
 Alors en bonne compagnie et en imbécile assumé: trier, ne pas recopier, ni parodier dans des dégagements trop joueurs et définitifs.
Est-ce que des expressions tendant à distinguer l’usure liée à mon âge, du sentiment d’assister à une fin de civilisation seraient plus crédibles, en me contentant de m’exprimer seulement  à partir ce je connais de près? L’école, génératrice et victime de ces délitements.
Avec quelques détours qui consisteraient à parler de ses difficultés pour ne pas oser voir l’effondrement de la transmission ? Je reviendrai sur nos aveuglements, nos fautes, nos naïvetés…
A 4h de l’aéroport de Notre Dame des Landes, à Istanbul, des actes générateurs de fortes inquiétudes se multiplient. 
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Le dessin au dessus de l'article est de Bertrams paru dans De Groene Amsterdammer repris par " Courrier International" et ci-dessous le dessin du "Canard enchainé " de la semaine.