dimanche 22 mars 2015

Médéaland. Sara Stridsberg, Jacques Osinski.

Le retour d’Osinski http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/03/orage-strindberg-osinski.html à Grenoble mettant en scène une suédoise, à ne pas confondre avec Strindberg August, n’a guère emballé le public.
Pour ma part, cette pièce, parmi les plus courtes des propositions théâtrales récentes  qui durent en général plus de 3h, m’a paru la plus longue avec ses 2h, bien que la fin rachète un peu de quelques longueurs et lourdeurs précédentes.
Le mythe terrible, rappelé sur le net à propos de la tragédie de Corneille, est modernisé:
«Médée est répudiée par Jason, après lui avoir donné deux enfants. Elle accomplit sa vengeance dans un premier temps en brûlant la nouvelle épouse de Jason, puis en égorgeant ses propres enfants. »
Mais l’approche psychiatrique de l’excentrique ne suscite guère de compassion et peu de réflexion dans la mesure où l’universalité de la légende disparait derrière un destin individuel à l’amour démesuré.
 « L’amour c’est le gaz carbonique du sang. L’amour c’est une punition. Dans le futur, personne n’aimera. L’amour sera supprimé. Une barbarie révolue, incompréhensible et antidémocratique. Tout le monde rira de nous, pauvres fous aimants. »
Les Rita Mitsouko étaient plus divertissants
« Les histoires d'A
Les histoires d'amour
Les histoires d'amour finissent mal
Les histoires d'amour finissent mal en général »
.
La liberté de cette femme ne peut se justifier derrière les  horreurs commises.
« Mais tu dois apprendre à t’incliner devant le monde quand il te regarde. Personne n’y échappe. Aucune femme. Pas même toi, Médée. »
Je venais de lire un portrait d’une mère infanticide dans le Libé du jour et il y avait bien plus de complexité, d’interrogations, que dans cette construction froide.
Bien que la belle Maud Le Grevellec soit une excellente comédienne, face à Jason, oison tombé du lit, l’émotion ne passe pas. Qu’elle n’ait pas de papiers m’a paru sans importance au cours de ce drame absolu n’éveillant aucun écho dans une actualité qui pourtant déborde entre les moindres virgules de textes, de musiques, de danses, pansements à nos pensées meurtries.
Si ! Médée attendait les dieux ; et ils n’ont pas fait signe !

samedi 21 mars 2015

Un candide à sa fenêtre. Régis Debray.

Lui qui a si bien le sens de la formule n’a pas trouvé, à mon avis, le titre adéquat, car le renard argenté n’est guère ingénu. Et s’il cultive une fraicheur revigorante en un regard embrassant la philo, la politique, les arts, la littérature depuis la France jusqu’au monde, c’est d’expérience qu’il parle.
Tout est bon dans le ronchon, avec ses 395 pages délicieuses où  la tentation est forte de se contenter de citations tant le lecteur toujours admiratif http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/09/reverie-de-gauche-regis-debray.html  se sent illégitime pour  juger celui qui tel Cyrano se sert lui -même, avec assez de verve, lui qui aime « assimiler d’innombrables lectures, leur donner une forme ramassée et alerte, les contreforter de souvenirs ou d’aperçus personnels… »
Je le suis dans sa critique de l’art contemporain ou de «la littérature sans écriture», dans les paradoxes soulignés d’un Sartre appelant à bouffer du capitaliste après une guerre passée à occuper essentiellement Saint Germain des Prés, quand il verrait bien Joséphine Baker au Panthéon, et ses fidélités à Santiago Carillo, Semprun, Grach, lui qui avait pressenti la remontée du religieux, « le leurre européen » , la révolution numérique…
Et je me mire dans le miroir d’une « France enfance » qui a sa place à côté de « France élégance », « souffrance » et « romance » :
« Elle a la plume sergent major chère aux gavroches amoureux des cartes et d’estampes, fleuves verts et départements saumon. Elle musarde  à cheval sur la Sologne et Ménilmontant. Le Grand Meaulne et Robert Doisneau. Entre les comptoirs de comptine (« Pondichéry, Chandernagor, Mahé… ») et ceux en zinc de la rue Villain. Elle est rêveuse humaniste, centre gauche, gouailleuse, doucement anarchisante. La France de Laforgue, de Perec, de Brassens et de Truffaut. Elle aime le calembour. Couleur : du gris tourterelle (les toits de Paris) au bleu –noir (l’encre Waterman). Le ton : à la confidence avec un grain de mélancolie. »
« Un pays qui n’a plus assez de musique en lui peut il réussir sa composition ?»
Léger, inattendu, pourtant le passage du temps se fait sentir, quand la mort n’est pas un départ mais un retour vers les familles et que la lutte contre l’oubli devient pathétique :
«  bienvenue la saumure doctrinale qui nous permet, à nous randonneurs sans biscuit, de puiser dans les stocks pour poursuivre notre route ».
Que fait-on quand les anorexiques sont pourvus de GPS ?
Pourtant le bon sens est bien dit : « Quand le jour se lève sur le tapis vert, le chimérique double la mise et joue banco » pour parler des surenchères de ceux qui s’aperçoivent de l’échec de leurs rêves, ils n’en ont pas fait assez !
 Allez, pour la route, quelques gourmandises :
« Il n’y a plus lieu de croire qu’on va fermer les mosquées en favorisant les mathématiques, ni faire fuir les ayatollahs à coup de Coca-Cola, ni ramener les hommes à une bonne gouvernance avec des ordinateurs. »
Parlant en bien des tweets qui comme « l’art vit de contrainte et meurt de liberté » :
« peut être manque-t-il à nos haïkus numériques et drolatiques cette goutte d’amertume qui aide à bien vieillir ».
Nous ne manquerons pas d’amaretti et vieillirons bien ensemble, tant qu’il y aura de si belles pages.

vendredi 20 mars 2015

L’erreur de calcul. Régis Debray.

Ce Debray, n’est certes pas long (54 pages) mais si emballant que j’en ai acheté trois autres à 5 € pièce à distribuer comme du Hessel, en moins gnangnan.
Il s’agit de sa réponse au « j’aime l’entreprise » de Vals, sans insulte, avec sa verve habituelle :
« Un enfant du siècle transi par sa grande illusion, l'erreur de calcul qui nous bouche la vue et s'en prend à nos vies ».
 Loin des caricatures :
« Les entreprises sont évidemment nécessaires à la société. Elles en sont les jambes, mais sûrement pas le cœur, et encore moins l’âme. »
Il replace avec une gravité qui tranche avec les ricanements habituels, des paroles tellement dans l’air du temps, dans une suite historique où l’économie, « une catéchèse quotidienne et cathodique », est  devenue reine après le temps de l’église et de la nation.
Le réquisitoire a du souffle et son style agile toujours m’époustoufle. Il nous rappelle le poids des mots dans la langue de nos maîtres :
« Chacun s’exprime à l’économie : il gère ses enfants, investit un lieu, s’approprie une idée, affronte un challenge, souffre d’un déficit d’image mais jouit d’un capital de relations, qu’il booste pour rester bankable et garder la cote avec les personnalités en hausse. »
Il revient sur ses critiques de la modernité :
« Le mot de passe qui donne aux business schools des allures rimbaldiennes, justifie tous les abandons et paralyse la réflexion. »
Et sur l’injonction  de s’adapter
« Ni la république, ni la résistance n'ont été des faits d'adaptation, et le socialisme encore moins. S'adapter en 1940, c'était collaborer »
J’arrête là, je ne vais pas tout citer, son échange avec Renaud Girard: « Que reste-t-il de l’occident ? » est sur ce blog  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/01/que-reste-t-il-de-loccident-regis.html et demain je cause d’« Un candide à sa fenêtre ».
………….
Cette semaine dans « Le Canard » un clin d’œil à notre pourvoyeur de "Brèves de comptoir" chaque lundi.

jeudi 19 mars 2015

La Tour Perret. Cédric Avenier.

A l’approche des 90 ans de la construction de la Tour emblématique de la ville de Grenoble, la conférence du docteur en histoire de l’art et architecture devant les amis du musée dépassait le simple exposé, en appelant la nécessité de restaurer le bâtiment fermé au public depuis les années 60.
Le montant de la facture évalué à 7 à 8 millions risque de s’élever encore, suivant la vitesse exponentielle des dégradations. Elle qui ne coûta à l’époque que l’équivalent de 130 000 € ; ce fut  d’ailleurs un des arguments pour qu’Auguste Perret emporte le concours d’architectes par ailleurs bien aménagé en sa faveur.
Marie Dormoy critique littéraire l’introduisit  dans les milieux de l’art, et  leur liaison amoureuse n’est pas anecdotique:
« Tu ne peux pas savoir très cher à quel point je suis touchée d’avoir la Tour comme filleule.
Je l’accepte avec joie et qu’elle soit l’image de notre amour. »
L’influence du maire Paul Mistral conjuguée à celle du conservateur du musée Pierre-André Farcy fut déterminante. Franc maçon, l’architecte travaillait aussi avec son frère qui dirigeait une entreprise de construction.
« La tour pour regarder les montagnes » de section octogonale, mesure 95 m de haut avec la flèche au dessus de fondations allant à 15 m de profondeur. Ses huit piliers réunis par des anneaux forment une colonne de style ionique dont l’érection ne suscita pas de polémique, seulement des jalousies d’autres architectes.
Lors de l’inauguration, par Paul Painlevé président du conseil, deux députés sont restés coincés dans l’ascenseur et enfermés dans la tour. Herriot était un de ceux là, ce fut peut être la seule fois où il sauta un repas.
Fils d’un tailleur de pierres, le « seul architecte du vingtième siècle, aimait-il à dire, avec Le Corbusier », il est l’héritier d’une démarche rationaliste et classique.
Il mit en valeur le béton, fleuron à l’époque du « style français », et va innover avec cette structure légère et continue qui  a nécessité un chantier complexe mené en seulement sept mois. Les coffrages sont modulaires et les moules  pour pré-fabriquer des éléments de remplissage sont réemployés à partir d’une église qu’il avait construite au Raincy.
Le ciment ne provient pas des dizaines d’entreprises qui rivalisent alors sur Grenoble, mais de Marseille.
Redonner une seconde jeunesse à la première tour en béton armé du monde, peut être un projet excitant pour les labos de recherche sur le ciment de L’Isle d’Abeau, l’école d’architecture, les artisans, les chercheurs en sismologie de  l’Université Joseph Fourier, les artistes et les techniciens. Retrouver la vocation première de la tour, seul vestige de l’Exposition internationale de la Houille Blanche et du tourisme est un beau défi. Au pays de la recherche et des sciences, quelque lumière devrait apparaître ; tous les partis politiques s’étant prononcé pour cette restauration. Les hautes technologies au service du patrimoine : quoi de plus consensuel ?
Le défi technique complexe est passionnant car il s’agit de traiter fer et béton, de trouver des formules de matériaux de réparation qui accrochent par-dessus des ciments « Le Flambeau » qui ne se font plus. La porosité des substances nouvelles doit être identique et ne pas se décolorer différemment des supports qui doivent rester primordiaux par rapport aux restaurations.  
L’architecture loin d’être immuable connait les contraintes du temps qui passe, des aménagements, des ajouts, des transformations, dans ce cas la tour qui connut une belle table d’orientation à 60 m du sol , est « dans son jus » initial contrairement aux bâtiments qu’Auguste Perret construisit à Amiens, ou au Havre « un exemple exceptionnel de l'architecture et de l'urbanisme de l'après-guerre ».
« L’architecture, c’est ce qui fait les belles ruines » disait-il.
Une association "Ensemble pour la Tour Perret de Grenoble" s'est montée, 

mercredi 18 mars 2015

Images d'Iran 2014, suppléments.

Depuis septembre http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/09/quest-ce-que-vous-allez-faire-en-iran.html  chaque mercredi  nous avons raconté notre voyage en Iran . Accessible grâce au moteur de recherche du blog en tapant "Iran" dans la fenêtre.
Pour prolonger le récit, parmi 3000 photographies  en voici quelques unes  par un compagnon de route.
Vous pouvez cliquer sur les images pour les agrandir.









mardi 17 mars 2015

Petite terrienne. Aisha Franz.

Une mère et ses deux filles : une adolescente et une enfant, le papa n’est pas là.
Leurs rêves à toutes les trois ne sont guère fantastiques sous ce titre ambitieux et dérisoire qui  nous élève bien peu au dessus d’un terre à terre assez déprimant.
La mère a des regrets qui s’expriment par l’intermédiaire d’un poste de télévision qui lui rappelle les occasions manquées du passé. 
L’adolescente essaie de retrouver une amitié d’enfance et ce n’est pas l’amour espéré qui l’attend. Les garçons en voiture sont volages et les verres éclatés sur le carrelage nous accablent. 
La « petite » que les autres appellent ainsi, convoque un extra terrestre convenu entre deux petits déjeuners, où personne ne s’éveille aux autres, dans un pavillon triste de banlieue morne de notre zone européenne neurasthénique.
Les dessins maladroits au crayon accentuent la tristesse de ces vies solitaires. Ce n’est  vraiment pas joyeux, mais bien vu : le gris peut aller à la poésie, même si les ballons rouges ne portent pas toujours des messages sympathiques.

lundi 16 mars 2015

Pas son genre. Lucas Belvaux.

Il s’agit en réalité de "pas sa classe"… au sens marxiste.
Quand le prof de philosophie nommé à Arras dédicace un livre  pour « ma coiffeuse kantienne » à Jennifer la coiffeuse, son amoureuse, c’est mal parti pour réduire la fracture culturelle entre le parisien - et la fausse blonde.
Mais en dépit de quelques traits un peu appuyés pour contraster des conditions sociales différentes, leur histoire d’amour est émouvante pulsée par l’actrice Emilie Dequenne épatante de joie de vivre et de sensibilité.
C’est toujours bien quand un réalisateur arrive à faire du neuf avec une situation déjà traitée.
« Caressez moin » au karaoké avec les copines pêchues joue contre le sombre « Idiot » de Dostoïevski, avec en bouquet final « I will survive »  qui emballe toujours.
Le prof ne méprise pas la jeune mère moins empêtrée que lui, mais au moment où les masques de Carnaval sont de sortie, leur liaison vient dans la lumière, et arrive alors l’épreuve de vérité.
En écrivant quelques mots à propos d’un film, on se met à distance, mais les poèmes, les chansons, et les histoires d’amants qui se croisent peuvent arriver à accélérer le rythme de nos petits cœurs.