Fabrice Conan a présenté aux amis du musée de Grenoble
l’œuvre du maître des jardins auquel
Versailles en particulier rend hommage pour le 400° anniversaire de sa
naissance.
Sa notoriété a débordé le XVII° siècle - il mourut en 1700 -
même si René Louis de Girardin, créateur
de jardins à l’anglaise, fut sévère avec lui au XVIII°:
« Le fameux Le Nôtre, qui fleurissait au dernier
siècle, acheva de massacrer la
Nature en assujettissant tout au compas de l'Architecte; il
ne fallut pas d'autre esprit que celui de tirer des lignes, et d'étendre le
long d'une règle, celle des croisées du bâtiment ; aussitôt la plantation
suivit le cordeau de la froide symétrie »
L’homme, devant lequel Louis XIV levait son chapeau, pense que la symétrie est dans la nature:
il suffit d’observer la disposition des
feuilles sur une tige, une fleur.
Au moyen âge les jardins étaient clos, la renaissance fit
tomber des murs et installa des plantations en contre bas. A Blois par exemple
s’ouvrent des perspectives qui unifient le paysage.
Dans les jardins de Boboli à Florence, les pièces de verdure
sont diverses et les fontaines de la villa d’Este inventives. Lors d’un
voyage en Italie, le jardinier fils de jardinier visite le pape mais pense
qu’il n’a rien à apprendre des parcs à l’italienne. Le conférencier dément par
ailleurs la légende des embrassades avec le Saint Père ainsi qu’avec le roi
dont il était cependant un familier.
En dehors de ses nombreux jardins remaniés depuis, le
« bonhomme » a laissé peu de traces sur son art : Saint Simon et
madame de Sévigné suffirent comme attachés de presse.
En 1637, dans le jardin des Tuileries qui fut son terrain de jeu, il remplace les ifs malades
par des buis et simplifie les grands parterres proches des bâtiments. Depuis là,
se modèle tout l’ouest de Paris dans un chantier qui dure 15 ans.
Allées, bosquets et jeux d’eau, clarté et zones d’ombre, le
minéral joue avec le végétal.
Il intervient à Meaux
avec des allées qui se croisent sur un rondeau, à Fontainebleau avec des « sauts du loup » pour éviter
l’intrusion d’animaux dans un domaine essentiellement destiné à la chasse. 150
jardiniers y travaillent, 400 à Versailles.
A Vaux le Vicomte
chez Nicolas Fouquet, les parterres en dentelle ressortent sur le rouge des tuiles
concassées, il joue des perspectives et des parallèles, les bassins du second
plan sont plus vastes que ceux du premier plan.
Chez le Grand Condé lors de la grande fête à Chantilly qui coûta le prix de trois
châteaux, Vatel se suicida, semble-t-il par peur de la révélation de son rôle
d’espion de Louis XIV plutôt que pour des retards de la Marée.
En 1682, la cour s’installe à Versailles : le lieu de loisir devient celui du pouvoir. Les
infrastructures hydrauliques sont impressionnantes et les conduites en plomb
toujours en usage. Les fleurs, très peu présentes dans les parterres, sont en
pots, et le temps d’une promenade depuis le Trianon, au retour, des petites
mains ont changé les espèces. Des femmes s’évanouissent devant l’abondance des
parfums, il faut dire qu’elles sont aussi
bien serrées dans leurs corsets.
Le surintendant du roi est décoré de l’ordre de Saint Michel qui ne
fut accordé qu’à 15 personnes. Amateur d’art, il léguera au roi des œuvres de
Poussin, Le lorrain, et Adam et Eve du
Dominiquin désormais au musée de Grenoble.
Le jardinier, architecte, ingénieur, intervient à Saint
Cloud, Saint Germain en Laye, Sceau et à l’étranger, mais on lui attribue des réalisations
dans des lieux qui ne l’ont jamais vu : on ne prête qu’aux riches.