mercredi 6 novembre 2013

Ethiopie J 9. Marché à Turmi.



Deux petits yeux jaunes d’une civette ont été vus en cours de nuit à la lumière d’une frontale. Ce matin la rivière ne coule plus, il ne reste que la trace boueuse de son passage.
Sur la route nous croisons des villageois  venus de loin pour se rendre  au marché de Turmi.
Celui ci se partage en deux zones : dans l’une du sorgho, du maïs sont proposés à la vente, des balances sont pendues aux arbres pour peser des chèvres. Se marchandent du tabac, de l’argile pour les cheveux, des feuilles de morenga, de la paille en fagot ou des roseaux pour les ruches. 
L’autre partie entourée de barbelés est consacrée à l’artisanat bien exposé sur des draps où nous passons un bon moment  à choisir et discuter du prix des bracelets, des poupées en terre, des calebasses, une kalachnikov en bois, une gourde à lait.
Juste avant de manger à l’Hôtel Tourist j’ai le bonheur de récupérer mes lunettes ramenées par un habitant du village des danseurs d’hier. Nos accompagnateurs qui ont favorisés ces retrouvailles redressent avec habileté la monture et les branches quelque peu piétinées la nuit dernière.
Nous passons à table et ne laissons pas un brin de viande de chèvre coupée en fins morceaux ni des légumes qui passent bien avec la St Georges beer.
Nous retournons  au marché plus fréquenté que ce matin après avoir remarqué des vautours perchés à proximité du dispensaire.
Les hommes ont des allures très efféminées, leurs habillements originaux paraissent excentriques, avec leurs jambes fines souvent peintes de blanc comme des chaussettes. Ils persistent dans leur jeunesse comme les femmes aux coiffures inédites dans leurs costumes traditionnels nullement destinés à un quelconque folklore
Nous repartons à pied au camping avant de visiter un village hamar près de chez nous nommé Domba.
Ce village est beau dans la lumière de fin d’après midi. Chaque maison délimitée par une barrière de branches épineuses est entourée d’un terrain sans herbe soigneusement balayé. les enclos servent à parquer le bétail ou abritent de maigres potagers dans lesquels se distinguent des plans de coton, des haricots. Dans une case une jeune fille moud du grain à la meule, dans un mouvement régulier et efficace. Un homme prépare avec un couteau pointu deux peaux de bœuf étalées au sol  tendues par des piquets de bois.
Nous nous rendons à une cérémonie du café chez la mère de notre guide local qui nous a pris en charge depuis hier et s’occupe de la lessive au camping. Nous avons ainsi l’occasion de pénétrer dans une case par une ouverture qui ressemble plus à une fenêtre étroite qu’à une porte.  Nous nous déchaussons à l’intérieur pour ne pas transporter de la terre sur les peaux  recouvrant le sol. Nous nous asseyons dans la petite pièce sombre, basse de plafond mais bien ventilée par une fenêtre de branches et par les espaces ménagés entre le toit de chaume et les murs. Une femme d’une quarantaine d’années nous attend devant une cruche de terre inclinée posée sur les braises. Elle y puise avec une louche en bois un breuvage bouillant qu’elle verse dans de grandes calebasses dans lesquelles flottent des écorces du café grillé.
Le dénuement.
Dehors des demoiselles jouent aux osselets avec des cailloux et des enfants nous attendent pour nous faire un brin de conduite jusqu’à la sortie du village.
Nous revenons à pied dans la brousse entre les champs et aboutissons à la rivière à nouveau alimentée en eau par les pluies de la montagne.
Nous profitons de la douceur du soir sous les manguiers à la lueur de chandelles romantiques ; notre hôte de tout à l’heure est dans l'obscurité.

mardi 5 novembre 2013

Droit du sol. Charles Masson.


Les bateaux chargés de clandestins arrivent chez nos voisins italiens ou dans quelques enclaves espagnoles au Maroc, mais aussi en territoire français à Mayotte où des habitants des Comores voisines veulent bénéficier d’un meilleur niveau de vie.
L’auteur  de cette BD est un médecin dont j’avais trouvé également très fort, le premier album « Soupe froide ».
Il dresse ici en 435 pages un portrait de l’île aux charmes coloniaux vénéneux ; la misère existentielle occidentale trempe ses pieds au bord du lagon où les habitants miséreux d’Anjouan se noient parfois lors de traversées périlleuses.
Des hommes venus de Paris ou Grenoble sont à la recherche d’un Eldorado tout comme les belles malgaches qu’ils vont rencontrer.
« Et quand t'es une belle fille, l'infinie misère est toujours moins profonde que quand t'es un mec. Surtout quand des Blancs avec des cartes bleues traînent en boîte de nuit. »
Le sexe apparait comme une exploitation parfois consentie, sans caricature.
Nous suivons une sage-femme qui débarque dans le milieu « métro » où nous croisons un gérant d’un magasin de téléphonie au romantisme saugrenu. Les idéalistes doutent, un des protagonistes est bien chargé, mais la galerie des portraits est variée comme celles de leurs conquêtes.
Le récit de traversées dangereuses à bord des « kwassas » scande les chapitres où les dessins efficaces teintent de nuit un découpage limpide.
Les nuances, les contradictions,  la reconnaissance des faiblesses humaines n’amoindrissent pas la force du témoignage militant, au contraire !
Nous avons la chance d’être né du bon côté de la frontière, ne pourrait-on avoir un peu plus de compassion envers les pauvres, les dépouillés ?

lundi 4 novembre 2013

Le transperceneige. Bong Joon-ho.



Le gaz qui devait combattre le réchauffement de la planète l’a gelée.
Ne subsiste plus en 2031 qu’un train tournant sans arrêt autour de la terre glacée, chargé de quelques humains : les riches, devant en première classe, les pauvres, à la queue.
Je reprends le mot révisé sur le site « avoir alire.com » de « dystopie » : une utopie qui a mal tourné, et me hasarde à avancer le mot : « apocalypse snow », pour caractériser ce récit aux métaphores politiques et écologiques bien visibles.
L’énergie perpétuelle, qui entraine tous les wagons lancés à toute vitesse, a un prix, que nous  découvrons après avoir franchi bien des portes depuis le wagon sans fenêtre où sont entassés les parias, en passant par le bar à sushis, l’aquarium, la salle de classe, la boite de nuit, le sauna,... jusqu’à la Machine et son maître.
Il en a fallu des corps transpercés, du sang sur les vitres, des membres broyés, mais une certaine ambigüité concernant l’alternance des chefs au pouvoir rattrape de quelques lourdeurs.
Les moyens du cinéma d’aujourd’hui aux décors soignés qui ont du "coûter un bras", servent parfaitement cette fable fatale, avec les traits marqués de la BD des années 80 qui a inspiré le film, quand le monde était simple.
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Le billet de François Morel: C'est pour qui la... par franceinter

dimanche 3 novembre 2013

Histoire du soldat & l’amour sorcier.


Du monde au générique pour ce spectacle de début de saison à la MC2 avec la ministre dans le public et sa cohorte de caméras : les régionaux de l’étape rassemblés, Minkowski à la baguette, Galotta à l’arabesque et Osinski en lever de rideau autour du Russe Stravinsky et de l’espagnol De Falla avec leurs œuvres centenaires.
Un récitant à la belle voix nous raconte l’histoire du soldat écrite par Charles Ferdinand Ramuz qui laisse son violon au diable, autant dire son âme, contre un livre devant le rendre riche.
Les danseurs furtifs  donnent du rythme à un récit qui ne m’a cependant pas accroché ; les comédiens disparaissant derrière la musique et les mouvements caractéristiques de notre sautillant meneur de ballet  accompagnant une musique guillerette.
Après un poème de Llorca pour assurer la transition, j’ai préféré les passions gitanes même si j’aurai vu plus de « corones » dans une histoire ne manquant pas de « corazón ».
Olivia Ruiz danse et garde tout son souffle pour chanter son amour
«Né lors des nuits d’août
 Quand la chaleur est insupportable ».
Grâce à la musique plus familière, s’ajoute le plaisir de retrouvailles.
J’ai pourtant trouvé que dans cette séquence aux accents entrainants, les danseurs étaient presque trop mignons, je les aurai aimés plus telluriques, plus passionnés.
Celle qui « trainait des pieds » dans ses chansons est tout à fait à sa place, impeccable, presque trop. 
La salle comble a adressé à l’orchestre, aux danseurs et aux comédiens des applaudissements nourris sans la folie qu’aurait pu entraîner les flamenquants accents.

samedi 2 novembre 2013

Le bel âge. Régis Debray.


Le septuagénaire est alerte, chacun de ses mots virevolte, mais cette virtuosité qui m’enivre me conduit à me laisser bercer là où il voudrait que le lecteur use de la lenteur.
Il fulmine élégamment contre le zapping mais produit à la pelle des livres qui dépassent à peine la centaine de pages pleines d’une verve qui vous amène trop vite à la page ultime:
«  si la nuit est si longue, c’est que le jour est là ».
Cette fois il s’en prend au jeunisme  au nom de la jeunesse :
« Dans cet univers de séniors aux loyers prohibitifs, aux candidatures mijotées vingt ans à l’avance, aux promotions longuement mûries et aux conseils de surveillance verrouillés, le jeune, qui expie en réalité, triomphe en image et par l’image, avec l’aveu et le soutien enthousiaste du kroumir aux commandes. »
Le sens de la formule toujours aussi affuté :
« C’est en oubliant qu’on répète, c’est en se souvenant qu’on invente »
Il illustre dans ces pages vives le bonheur d’être libre, détaché des modes, donc bougrement actuel.
« Nous chassons le trépassé comme un témoin gênant qu’il importe de réduire en cendres prestissimo pour nous éviter l’écœurante image d’une lente décomposition, en oubliant que la fermentation, pourriture conduite à bon escient, nous a donné le pain, le vin , le fromage et la bière, soit quelques sérieuses raisons de vivre. »

vendredi 1 novembre 2013

Gauche à Saint Egrève : la fosse.



Pour ceux qui ont suivi la constitution d’une liste d’opposition à la municipalité en place ( voir sur ce blog l’article d’il y a deux semaines intitulé la machine à perdre).
Depuis l’enclos où je me retrouve avec d’autres à qui on n’apprend plus à faire la grimace, on va dire d’abord « fosse » comme celle où des éléphants fatigués viennent chercher un rayon de soleil dans les zoos à l’ancienne.
Alors qu’il s’agit surtout de «  la fosse » ouverte dans la terre grasse par DSKahuzac où sont enfouis nos idéaux.
En tous cas « fausse » gauche pour finir de jouer des mots et tendre un miroir où des éminences revenues du diable vauvert n’aiment guère s‘attarder.
L’exercice du pouvoir par l’actuelle maire, face à une opposition anodine l’a ancrée dans des certitudes cassantes mettant en évidence des contradictions entre quelques technos aux manières peu en phase avec son électorat conservateur, suppléant un conseil municipal sans personnalité.
Mais qui est conservateur dans la campagne qui s’annonce ?
Il est vrai que pour avoir sa photo dans le journal mieux vaut flatter les intérêts individuels, utiliser l’énergie des revanchards et des NINBY (« Not In My Back Yard » « Pas dans mon jardin ») que d’exprimer une vue d’avenir où l’intérêt général ne serait pas un gros mot comme « logement social » ou « densification urbaine ».
« Il faut que tout change pour que rien ne change » Le Guépard 
J’aurai du mal à dénier à d’autres le droit de changer d’option, ayant moi-même varié.
Par exemple sur la démocratie : du temps de Ségolène j’avais pris la « démocratie participative » comme une résurgence d’une utopique autogestion, j’en suis aujourd’hui à me méfier des appels au référendum à toute occasion, à la concertation au moindre ralentisseur, car s’expriment surtout les « contre » qui conduisent à la paralysie de l’action politique.
D’entendre aujourd’hui certains en appeler au « contrat citoyen » alors que décisions de couloir et billard à trois bandes ont été une façon d’être au cours de plates carrières politiques m’offre encore des occasions de sourire.
Finalement il n’y a que la clarté des engagements qui vaille, d’autant plus que la prudence nécessaire aux équipages hétéroclites qui se mettent en branle à la dernière minute, est de mise. Surtout ne pas dire. Ne pas dire quel est son parti, nier son histoire.
Les décisions se prennent à la Métro : les mots de cohérence, de solidarité, figureront sur les programmes mais risquent de rester vides quand les pratiques antérieures font douter de la sincérité, quand une liste d’intérêts locaux ne peut envisager une voie autre que défensive.
Elle peut gagner des voix.
A Meylan, un travail de longue haleine a débouché par une liste commune de la gauche et des écologistes, bien loin de la course pathétique aux égos de ce côté de l’agglo.
A l’heure ou bien des débats se tiennent autour du FN, qui crame tout débat bien au-delà des abords de sa flamme, quelle défaite de ne pas assumer son histoire, de se comporter comme eux, héritiers de la Cagoule, en se voilant la face.
Se taire : la place est libre pour les plus brutaux !
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 Dans le Canard de cette semaine:

jeudi 31 octobre 2013

Le MuCEM.



Le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, MuCEM, est devenu à Marseille un nom commun directement identifiable par son architecture en résille de béton.
Le magnifique carré de Riciotti construit à l’emplacement du hangar portuaire J4 est la partie la plus remarquée d’un ensemble relié par des passerelles très fréquentées menant au fort Saint Jean aménagé également pour des expositions. Les fortifications à l’entrée du vieux port sont désormais agrémentées de jardins et nous pouvons profiter de point de vues variés sur Notre Dame de la Garde d’un côté et de l’autre le quartier Euro méditerranée et la Joliette, derrière la cathédrale Nouvelle Major de style romano byzantin aux pierres alternant le vert et le blanc.
Au fort Saint Jean des maquettes anciennes concernant le cirque ou des marionnettes nous reposent d’autres expositions plus roboratives.
Jusqu’à début janvier dans le musée de société ,« bâtiment de pierre, d’eau et de vent », une exposition particulièrement d’actualité s’intitule « Au bazar du genre » et brasse les notions de masculin et de féminin.
Il est question de régulation des naissances, de maternité, de virginité, de séduction, d’égalité homme / femme, des droits des homosexuels, et  de ceux qui jouent de leur genre.
Des objets rituels sont présentés où une écharpe d’enterrement de vie de jeune fille en Angleterre côtoie une serviette d’apparat syrienne brodée à nouer autour de la poignée du sabre du marié.
Des installations d’artistes, des témoignages, des affiches rappellent ces luttes sempiternelles pour l’égalité, la liberté. Agréablement présentées, elles n’apportent pas d’éléments vraiment inédits à ceux et celles qui ont vécu ou se sont bagarré pour des évolutions de la société française.
Mais  bien des victoires remportées se situent plutôt dans le passé alors que dans une vidéo une femme ne cesse d’enlever les tissus qui lui masquent le visage : nous pouvons être perplexes.
Dans la galerie de la Méditerranée, semi permanente, nous suivons 2000 ans d’évolution de l’agriculture avec beaucoup de pièces provenant du musée des arts et traditions populaires de Paris : blé, eau et troupeaux. Je n’avais pas vu qu’il était aussi question de l’invention des dieux.
Nous passons ensuite à Jérusalem la ville trois fois sainte avec son Mur, sa mosquée Al Aqsa son église du Saint Sépulcre, puis derrière une guillotine et une vidéo où la liberté de Delacroix finit mal, un parcours est consacré à la citoyenneté et un autre aux découvertes des routes maritimes.