mercredi 2 octobre 2013

Ethiopie J 4. En allant à Sodo.



Départ de bonne heure après un lavage des vitres du véhicule où les tisserins ont laissé des traces.
Nous nous frayons un passage parmi les bœufs et les ânes en troupeau qui daignent s’éparpiller après avoir hésité. La route a été tracée sur le parcours des troupeaux ; ils sont chez eux.
Nous nous arrêtons près de jolies cases construites parmi des champs de faux bananiers appelés aussi ensètes.
« Nos ensètes les éthiopiens ».
Notre guide négocie la visite de l’intérieur de l’une d’elles entourée de dahlias. Elle est surmontée d’un haut toit de chaume, de chaque côté de la porte les bandes, d’inégale largeur, peintes horizontalement, sont caractéristiques de la région Gouragé.
Un pilier central recouvert de papier journal supporte une magnifique charpente de bâtons rassemblés avec soin. L’habitat des bêtes avec au dessus une réserve de bois est séparé du logis par une corde, au centre, un cercle délimite le foyer sur lequel des poteries originales de différentes tailles servent de canoun. Des ustensiles de cuisine sont rangés au fond. Des nattes isolent du sol trois femmes assises ou allongées. Peu à peu nos yeux s’habituent à l’obscurité, alors l’espace nous apparait dans toute son ampleur. Les enfants arrivent et le clair obscur convient bien pour saisir quelques portraits.
Nous reprenons le chemin du sud, et à Hossana nous faisons une première halte chez des protestants qui ne servent pas de bière. Notre minibus a manifesté des faiblesses et tandis qu’il file dans un garage nous découvrons la ville à pied. Danny entame la palabre avec une jeune fille qui pile le café, je m’entraine à l’anglais avec un éthiopien qui vit en Amérique une partie de l’année. Si de jeunes hommes refusent d’abord d’être photographiés, lorsque nous  nous apercevons qu’ils nous imitent avec leur téléphone, le contact peut s’établir.
Nous retrouvons le minibus qui nous conduit à l’hôtel international fréquenté par une clientèle bigarrée pour un repas copieux (mouton grillé riz et légumes) avec une armada d’employés efficaces.
Nous poursuivons notre route vers Sodo, en nous abstenant d’utiliser la troisième vitesse. Un terrain de foot est tracé à l’araire et les terrains de volley sont nombreux. Des tables de ping pong et des baby foots posés sur les bas côtés ont la faveur de la jeunesse. Celui qui gagne ne paye pas.
Sodo est une agglomération de 80 000 personnes aux larges avenues.
Nous débarquons dans un tout nouvel hôtel où l’eau n’arrive pas avant 19 h.
Il nous reste 2 h pour découvrir la ville. Dans notre quartier, les rues sont goudronnées ou pavées. Comme chaque fois le phénomène photo commence tranquillement, toujours en demandant et en montrant, puis les attroupements se forment avec des rires et des envies de passer devant l’objectif parce que le copain s’est vu en photo. Nous négocions des cacahuètes, gagnons des rues plus fréquentées avec des gamins qui semblent plus miséreux. Les filles rentrent avant nous à l’hôtel. Nous nous attardons au marché et quand nous revenons, je peux dire que : « c’est la première fois qu’une femme prend autant ma défense ». Nous sommes rentrés, escortés par une folle démente qui caillassait les enfants et tous les gens s’approchant un peu trop de nous. Nous regrettons de n’avoir pu poursuivre nos photos de tailleurs et repasseuses à cause de ses violentes interventions, et nous sommes surpris que personne ne se rebelle devant son agressivité.
Nous prenons l’apéro devant une fontaine ornée par des chevaux : whisky, coca, puis repas à l’intérieur sur des nappes blanches: fish and chips, spaghetti tomates.
De retour à l’hôtel, l’eau est là comme prévu et au-delà de nos espérances ! Notre salle de bains avec douche électronique et bain de vapeur, comme on en a jamais vue, est inondée ! Puis ce sera le WC qui fuit, finalement la chambre grandiose au lit immense s’est révélée pleine de surprises: que d'eau à Sodo! . Nous allons prendre notre douche chez notre voisine.

mardi 1 octobre 2013

La vraie vie du docteur Aga. Alix Girod de l’Ain Soledad Bravi.


Léger : le ton, les thèmes, le nombre de pages.
Depuis Gaston Lagaffe la vie d’une rédaction et ses à côtés concerne les lecteurs, là en principe les lectrices, puisque c’est du magazine « Elle » dont il est question. 
Mais tout poilu en manque de frivolité peut  y jeter un coup d’œil : « un quart d’heure douche comprise ».
Cette femme séduisante est remarquable car comme toute femme, spécialiste en tout,
sait résister à la mignonnerie de son tardillon et comprendre ses ados :
« Allez tous au Franprix ! Et on se finit au Picard ! »
Elle est patiente, sauf avec les sachets de jambon « ouverture facile », déteste le mot « mise en bouche » mais « contrepèterie » la fait rire.
Ses problèmes s’appellent taille 34, les macarons Ladurée,  la question « ya quoi à déj’ ? », l’épilation,  et elle fantasme sur Georges Clooney.
Ce n’est pas très original, c’est futile, bien servi par des dessins désinvoltes et rafraichissants.

lundi 30 septembre 2013

Ilo Ilo. Anthony Chen.



Un enfant pénible, des parents qui se mentent, débordés. Une nounou philippine arrive dans la maison : qui a le pouvoir ? Qui est écrasé ?
Humiliation, jalousie, les personnages vont évoluer.
La violence à Singapour, là bas comme ici, économique, sociale, confessionnelle.
Une impression de déjà vu pour un cinéma asiatique qui sait traiter les tensions familiales, la façon de filmer  n’est pas vraiment novatrice et ce serait plutôt « la caméra dort » qui aurait pu lui être attribuée à Cannes, tant la trace de ce film s’est évaporée rapidement depuis que je l’ai découvert en mai.
J’avais titré mon avis sur le site City Vox : « une tension douce ».

dimanche 29 septembre 2013

Le Forestier. Le cadeau.



Sur l’enveloppe de son dernier CD, "Le Fox", comme disait Renaud, figure attablé solitaire à la fin d’un repas de fête.
A l’intérieur avec les 10 chansons,  j’ai l’impression que les lumières viennent  aussi de s’éteindre.
Il joue avec les mots : « je ne suis pas un cadeau » ou avec « les coups » :
« tous les coups sont dans la nature »
mais si les musiques sont plaisantes, je ne vois guère de flamme.
« Le papillon ne vole plus. »
Oui « Le p’tit air »  passe bien avec la musique de Julien Clerc :
« Il suffit que quelqu’un murmure
 Le p’tit air que j’avais fait pour toi
Si c’est un peu de nous qui dure
C’est déjà ça »
Que reste-t-il après notre dernier souffle ?
Un enfant était monté dans le compartiment du train d’atterrissage d’un avion :
« La petite hirondelle
 On l’a ramassée
 Sans papiers et sans ailes ».
Dans le registre qui l’avait amené à nous guider dans nos années indignées, son ami Souchon est plus vif et Cabrel plus explicite.
Ben oui : les traders et autres 
« les parachutes dorés ils voudront les garder. »
Son parachutiste emblématique a passé les 40 ans
«Mais, malheureusement pour toi,
Bientôt se finira ta guerre :
Plus de tueries, plus de combats.
Que vas-tu faire?
C´est fini le travail d´artiste,
Parachutiste. »
Je l’ai trouvé plus fort dans « Le caillou » qui cause de notre terre :
« Sur un caillou à peine poli
Qui s’ gratte entre les pôles
Qui s’mouche à coups de tsunamis »
ou lorsqu’il s’en prend à notre boulimie d’informations :
« Donne lui du scoop
Du sel pour sa soupe
Donne lui du gras
Tu sais qu’il adore ça »
Alors comme il le dit en duo avec Camille, ce serait donc ça :
« La folie c’est de voir
La vie telle qu’elle est »

samedi 28 septembre 2013

Le sermon sur la chute de Rome. Jérôme Ferrari.



«  Rome est tombée mais n’est- ce pas, en vérité, comme s’il ne s’était rien passé ? La course des astres n’est pas troublée, la nuit succède au jour qui succède à la nuit, à chaque instant, le présent surgit du néant, et retourne au néant, vous êtes là devant moi, et le monde marche encore vers sa fin mais il ne l’a pas encore atteinte, et nous ne savons pas quand il l’atteindra, car Dieu ne nous révèle pas tout »
Il est question de Saint Augustin, d’un retour au pays pour faire vivre un bar en Corse,  et de la fin de l’empire colonial français.
 « Le temps s’est allégé de l’espoir et il file imperceptible et vide, au rythme toujours plus rapide des enterrements qui rappellent Marcel au village… »
L’écriture riche varie ses rythmes et l’avancée dans les 200 pages se mérite.
Les paroles qui ont traversé les siècles s’accordent au temps de la mort ; des personnages grotesques s’agitent autour d’un comptoir dans des chapitres parallèles.
Cette juxtaposition est déstabilisante mais l’apocalypse finale fait se rejoindre le sacré et le profane.
 « Les fouilles étaient terminées, ils avaient regagné lentement leur monde respectifs et ils tendaient les mains l’un vers l’autre au dessus d’un abîme que rien ne pouvait combler. »
Les mots choisis de l’écrivain né en 68 ne peuvent nous consoler, ses récits sont  tous tragiques et on aime ça.

vendredi 27 septembre 2013

Les mystères de la gauche. Jean Claude Michéa.



L’ouvrage exigeant du prof de philo languedocien porte au-delà des critiques banales à propos des frilosités de « la gauche ».
Il propose d’ailleurs d’abandonner la dénomination « Gauche » qui a  tant nourri nos espoirs, 
car « la mitterrandienne » a négligé le peuple non seulement sur le plan économique mais aussi culturellement.
Face au libéralisme amoral, inégalitaire et aliénant, il verrait bien une société « décente » dont le qualificatif vient d’Orwell, sa référence.
Cependant je crains que les pressés solitaires d’aujourd’hui ne se bousculent guère sous les belles charpentes théoriques où sont gravés les noms de Fourier ou de Marx.
Le corps principal du texte est exigeant, les scolies (des notes) qui occupent la moitié des 130 pages sont plus nerveuses et m’ont été plus accessibles, bien qu’elles versent quelques gouttes citronnées sur mon épiderme mis à vif par Cahuzac et autres sénateurs.
J’ai appris que Zola avait fait l’éloge de Thiers. Et quand il rappelle que sa ville de Montpellier se vendait « unlimited », sa critique de la publicité n’est pas anecdotique, pas plus que sa proposition d’appeler « principe de Bosman » « la loi qui pousse toute gauche moderne à vouloir accomplir les basses œuvres du capitalisme à sa place ». L’arrêt Bosman ayant permis aux émirs et mafieux divers de faire main basse sur le football, et « d’en corrompre l’essence ludique et populaire ».
L’expression « Le cœur à gauche et le portefeuille à droite » nous est familière et s’il est incontestable que le libéralisme est dans une logique déshumanisante et « écologiquement prédatrice », le cynisme s’est répandu sur toute chose, l’individualisme vaut pour tous.
Les autres ne comptent plus.
Le spectacle réunit le séparé, mais « il les réunit en tant que séparé »(Debord)
Bien que nourri de grands journaux (Canal +, Libé…), je m’autorise à penser que parfois « les choses allaient mieux avant ».
Mon conscrit remet en cause la notion de croissance, et adresse des avertissements contre le droit libéral qui vise à préparer « un monde mimétique et indifférencié […] dans lequel toute possibilité d’existence personnelle et authentique, de responsabilité morale effective, de bon sens élémentaire, ou de générosité véritable […] devrait être sacrifiée sur l’autel de la Forme et de l’Abstraction. »
Bien que dans ses dernières lignes il pense que « les classes populaires sauront elles mêmes inventer, le temps venu, les symboles fédérateurs les plus appropriés à leurs luttes », ses écrits n’ont pas figuré dans les ouvrages recommandés pour la plage, mais ils peuvent  apporter une cohérence à ceux qui ne se sont pas fait à l’idée d’une montée fatale de l’extrême droite en milieu populaire. 
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Dans le Canard de cette semaine:

jeudi 26 septembre 2013

Pons, Swarte, et Gabrielle Hébert au musée Hébert.



Il fait bon  faire un tour à La Tronche comme le faisait Ernest Hébert en route vers la villa Médicis et l’Italie; sa maison et son jardin sont apaisants.
Des photographies de sa femme sont exposées, sous le titre « Italiens pittoresques » traduisant quelque condescendance : les prises de vue  effectuées aux alentours de 1890 ont un certain intérêt documentaire.
Le duc d’Aumale propriétaire terrien en Sicile reçoit les hommages d’une paysanne, des buffles traversent une rivière, des maisons ressemblent à des cases africaines.
Les textes des cartels sont très explicites : « Paysannes remplissant leur conques à une fontaine dans laquelle s’abreuve une vache sur la droite. »
L’art contemporain en particulier est parfois plus laconique : « sans titre »
Surprise de trouver Joost Swarte dont les travaux préparatoires à un dépliant pédagogique concernant les jardins sont présentés. Sa ligne claire convient bien dans ce lieu où la peinture académique ne nous accable pas de ses pectoraux qui savent cependant se tenir dans l’exposition permanente. Le tableau de la mal’aria orthographié ainsi nous fait comprendre l’étymologie du mal auquel est confrontée la moitié de la population mondiale.
De l’autre côté de la rue, Louis Pons intitulé « braconnier de l’art » réussit à nous émouvoir davantage par ses  sombres dessins qui émergent de traits fins que dans ses collages de racines et de bâtonnets déjà vus ailleurs.