mercredi 16 janvier 2013

Saint Emilion.



Le village du Libournais n’est pas qu’une appellation prestigieuse, il est remarquable avec ses ruelles en pente (des tertres), reliées par des escalettes, et des édifices religieux aussi nombreux que ses caves. L’ancien ermitage  a conservé ses  remparts.
Sur la carte  des vins qui nous a été proposée pour accompagner une salade sur la place où un arbre de la liberté a été replanté, la bouteille de Château Lafitte Rothschild était à 4800€ ;  sans tomber dans la provocation d’une bière pression nous avons pris du vin au verre.
Il était trop tard pour visiter l’église monolithe (d’une seule pierre) creusée dans la falaise entre le IX° et le XIII° siècle, édifice unique en Europe. Depuis son clocher à 130 m au dessus de la place du marché nous avons une vue magnifique sur les toits ou aucune antenne ne dépasse ni fil électrique : nous sommes  comme dans un amphithéâtre, patrimoine mondial.
 Au moyen âge déjà le vin était qualifié d’ « honorifique » et offert aux souverains. Pendant la guerre de cent ans, la commune fut prise et reprise par la France et l’Angleterre ; Jean sans terre lui donnera un statut particulier avec ses jurats qui vêtus de leur robe rouge (bordeaux) en procession en juin et septembre, jugent de la qualité des productions et ouvrent le ban des vendanges depuis la tour du roi.

mardi 15 janvier 2013

Le fils de l’ours père. Nicolas Presl.



Sombre histoire. Parti pris radical d’un livre sans paroles où tout tient dans un dessin rigoureux.
L’exercice de lecture est stimulant, le récit fluide nous conduit à lire vite, ce n’est qu’après être arrivé au bout, que l’on peut goûter le rythme, la composition élégante, le graphisme tranchant, l’expressionnisme secouant.
Il s’agit d’un conte mythologique où l’animal rencontre l’homme et la femme, où sont questionnées les notions de filiation et de paternité, les racines, les liens, le pouvoir de la peinture. Sur fond de solitude, le désespoir est plus évident que l’amour.
Seule la couverture est pastel, à l’opposé des histoires de nounours : beau et ténébreux.

lundi 14 janvier 2013

Royal affair. Nikolaj Arcel.



Depuis  l’éclairage aux chandelles de Barry Lindon, les films en costume XVII° ont du charme, celui là est séduisant sans rajouter d’effets inutiles.
Pourtant un film qui traite de la folie à la tête du royaume de Danemark, d’une passion amoureuse sans cesse menacée, de la victoire des lumières contre l’obscurantisme, sur fond de manipulations  de cour, risquait de peser un peu.
Pas du tout, c’est passionnant, d’autant plus qu’il s’agit de faits réels.
Les relations des personnages sont complexes, le scénario limpide, les acteurs d’autant plus crédibles que je ne les connaissais pas. La reine aux joues rosissantes est craquante et fraîche. Le médecin du roi est progressiste et puissant. J’ai aimé apprendre que l’avancée des idées d’émancipation ne date pas de notre 1789. 30 ans auparavant du côté de Copenhague des lois établissant une plus grande justice furent signées avant d’être remises en cause ; liberté de la presse, abolition du servage, interdiction de la torture. Le vieux continent commençait à bouger.
L’éternelle question de la liberté depuis le dernier des serfs jusqu’à celui qui a tout le pouvoir dans ses mains, ou comment passer des livres à la réalité : quelques sujets parmi tant d’autres au cœur d’un récit où tous les ingrédients sont réunis pour se laisser séduire. Passion et politique.

dimanche 13 janvier 2013

L’or noir. Arthur H Nicolas Repac.


Il s’agissait de lecture musicale.
Je m’étais emballé trop vite au moment des abonnements pour un spectacle avec Arthur H que je pensais entendre chanter : hé non, il lit des poèmes.
Pour avoir été impressionné par des acteurs qui tiennent seuls la scène avec de longs monologues, j’ai été un peu distant avec ce spectacle. Les poèmes lus alternent avec des contes qui se seraient offerts plus volontiers avec un conteur.
Sa  belle voix grave est toujours aussi évocatrice de mystères, mais la variété des poèmes d’auteurs caraïbes aurait mérité quelques ruptures de ton, un brin d’humour.
 « Je siffle oui je siffle des choses très anciennes
de serpents de choses caverneuses
Je or vent paix-là
et contre mon museau instable et frais
pose contre ma face érodée
ta froide face de rire défait. »
Césaire me transporta jadis, aujourd’hui je le goûte seulement à petites doses, tant ce lyrisme faisant ronfler les mots les éloigne de nos oreilles lassées.
Je préfère les images d’Edouard Glissant parlant de l’amour :
«  quand une femme, un homme, vont pour démarrer sur une motocyclette. Au moment même où le garçon appuie sur la vitesse, la fille entoure son buste de son bras arrondi et elle penche la tête sur son épaule.»
L’accompagnement musical variant les instruments, (sensa, guimbarde, pot, guitare…) est agréable mais n’a rien de résolument nouveau. Quand sont évoqués, « la terre, l’amour, les racines et les rêves, la fièvre et le tremblement, au cœur du monde, du tout-monde » pas facile de contenter tout son monde. Il y a des soirs où la poésie passe mieux dans le silence et la nuit qu’avec une voix fut-elle enjôleuse parfois.

samedi 12 janvier 2013

France Culture papiers numéro 4.



Bookzine de 190 pages avec des pleins et des déliés comme disait la pub de France Inter, jadis, des entretiens poussés et des brèves. La radio s’écrit et les photographies sont superbes : celles au dos de ce numéro avec un pêcheur muni d’une grosse chignole qui part pour percer la glace est symbolique sans ostentation de ceux qui s’acharnent à toujours chercher sous les apparences, sous la pellicule de l’immédiat.
Je n’ai pas tout lu : même avec Woody Allen en spermatozoïde pour illustrer les apprentis sorciers de l’espèce, je n’arrive pas à me former une idée concernant les progrès de la génétique et les enjeux quant à un « eugénisme démocratique » me dépassent.
Par contre Alain Finkielkrault m’est bien plus proche :
« Pendant deux décennies, une grande bataille idéologique a opposé les « pédagogues » et les « républicains ». J’ai participé à cette bataille. Elle est close aujourd’hui, parce que le problème n’est plus de savoir comment enseigner, mais comment tenir sa classe »
Et il y a des revirements encourageants, tel cet élu républicain en Alaska qui se dresse contre l’ouverture d’une mine. Des aspects nouveaux à découvrir chez Attila.
Mazarine Pingeot interrogeant Claude Chirac procure une détente digne des publications habituelles dans les salles d’attente comme l’article consacré aux œuvres censurées de Picasso ou des paroles de supporters du PSG.
Mais il y a des invités qui valent la lecture : William Christie le musicien, un architecte suisse original et tant d’autres rassemblés autour du thème central de cette livraison de cet hiver 2012 : la cuisine. Avec une série de brèves roboratives et d’interviews où l’on apprend que le gingembre était présent dans la cuisine française depuis le moyen âge  et que l’igname est arrivé dans la région Centre en 1845.
Il est question aussi des dimanches, des femmes en Algérie avec quelques morceaux choisis des chroniqueurs habituels de la station tels Jean louis Ezine ou Philippe Meyer qui nous régalent de leurs finesses.

vendredi 11 janvier 2013

Neutralité.



«  Au moment de proposer aux élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous vous s'il se trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu'il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de la dire, sinon dites-le hardiment. Vous ne toucherez jamais avec trop de scrupule à cette chose délicate et sacrée qu'est la conscience de l'enfant. »
Jules Ferry dans une lettre aux instituteurs.
Les querelles d’aujourd’hui autour du positionnement de l’enseignement catholique - tiens, on ne dit plus enseignement « libre »- dans le débat concernant le mariage pour tous ne sont pas toujours de ce niveau.
Et devant les hypocrisies d’un Wauquiez jouant les vierges effarouchées : « on veut culpabiliser les catholiques », et tous ces religieux qui « se tiennent par les couilles » car pour le sexe, ils sont à la queue leu leu, la verdeur me monte. Je ne peux m’empêcher de récidiver : « ça bouffe du bon dieu, ça chie le diable ».
La neutralité n’existe pas : le moindre sapin de Noël  est un engagement.
Quand Prévert est au menu de la classe, quand au moment des entretiens du matin viennent des sujets d’actualité, quand Napoléon prend le pouvoir, quand la chèvre de monsieur Seguin se bat : chacun peut reconnaître que « tout est politique » comme dit tout ancien tuitard.
Le précepte de Ferry Jules, j’ai essayé de l’appliquer et je désapprouve trop la grossièreté de certains qui prennent leur estrade pour une tribune vis-à-vis d’un public captif afin de délivrer des leçons qu’ils ne peuvent plus dispenser tant leurs salles de réunions, au soir, sont désertes. Les églises sonnent le vide. La chaire est faible.
Faire porter des pancartes à des enfants est une pratique de plus en plus répandue, elle n’en est pas moins contestable même si l’efficacité médiatique en est augmentée. Mais qui n’a jamais péché ?
A un âge qui me donne du temps pour couper les phrases en quatre, je n’ai pas de position arrêtée sur la PMA, par contre sur le non cumul, si ! Alors un collégien qui ne sait pas  vers où s’orienter l’an prochain, peut-il envisager toutes les dimensions anthropologiques de l’évolution des mœurs dans notre Europe ? Avoir deux mamans vaut mieux qu’une mono parentale. 
L’incertitude ne peut être un dogme, mais je sais aussi que les vérités venues d’en haut titillent heureusement les contradicteurs. Les anticléricaux les plus radicaux ont connu parfois les cléricaux de près.
S’exprimer pour lutter contre des préjugés est un devoir civique, ce n’est pas une opinion équivalente à son contraire : attiser les clivages.  
Aucune nuance, tout serait égal : Copé en est  la caricature décomplexée, lui qui disait que l’extrême droite et le Front de Gauche c’est pareil.
L’épiscopat n’est pas légitime quand il s’occupe de mariage civil,  par contre à mes yeux, c’est le travail de la ministre de la condition féminine Valaud Belkacem de s’exprimer pour défendre les homosexuels.
Il faut bien que notre société soit si peu sûre de ses valeurs pour qu’elle se donne des illusions démocratiques en faisant porter la chicane dans les enceintes scolaires alors que ceux qui apparaissent aux lucarnes n’élèvent pas forcément  le niveau.
Il y a des nuances entre  informer et débattre.
Un éducateur ne doit éluder aucun sujet, mais c’est d’une démagogie à vous décourager de devenir un citoyen responsable que de donner l’illusion à nos prescripteurs en phones qu’ils vont délibérer, alors que nos élus seraient aphones. 
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Dans le Canard de cette semaine:

jeudi 10 janvier 2013

C’est ma nature. Muséum de Grenoble.



Le dépliant annonçant l’exposition temporaire « C’est ma nature » jusqu’au 10 mars 2013, placé sous le patronage de Jean Jacques Rousseau était  attractif, le muséum l’endroit idéal pour célébrer le philosophe aimant herboriser.
 Au bout de la visite nous pouvons passer un test de personnalité pour découvrir notre nature : paléo, écolo, homo philo, mercato, voire Rousseau dont la citation : « femme qui pète n’est pas morte » sort des sentiers (botaniques) battus.
Dans les locaux rénovés de l’Orangerie des éléments exposés sont intéressants mais semblent perdus parmi des textes aux lettres dont la taille est envahissante.
En venant de nous régaler dans les collections permanentes qui permettent des approches plus intimes avec de objets judicieusement éclairés, la mise en scène m’a parue un peu tapageuse.
Le bâtiment principal avec sa galerie, ses parquets, ses vitrines, a le charme du XIX°siècle, sans la poussière. Les animaux, de la girafe aux acariens peuvent captiver tous les âges sans submerger les visiteurs qui ont un jardin de ville à l’ancienne à la sortie pour prendre le soleil et faire du vélo dans les allées. La présentation des oiseaux de nos régions avec leurs chants est particulièrement réussie. Des pistes interactives sont proposées en ne comptant pas seulement  sur les dispositifs tactiles trop fragiles.
Des photographies concernant la taxidermie d’aujourd’hui sont instructives : il ne s’agit plus d’empailler.
Comme je n’ai pas répondu que « l’homme est une espèce de trop dans la nature »,
ni que « la seule plante de mon jardin serait du blé pour le vendre au meilleur prix »,
je me suis retrouvé au bout du questionnaire ni deap écolo ni mercato, homo philo :
« Vous percevez la nature avec sensibilité mais sans naïveté ».