samedi 8 janvier 2011

Indignez vous ! Stéphane Hessel.

Aux éditions « Indigène » dans la collection « Ceux qui marchent contre le vent » : il marche, le petit livre, oui, vers le million d’exemplaires pour une pincée de pages écrites à partir de son discours des Glières. Ce n’est pas tant l’originalité du propos, pour cela récemment la série d’articles dans Libération mettant le populisme en question est bien plus stimulante, ni la forme : un ami vient de m’envoyer pour ses vœux quelques lignes de Bénigno Cacérès fondateur de Peuple et culture qui ont le même souffle, la même hauteur de vue, mais le titre vivifiant a suffi pour fabriquer un phénomène éditorial semblable au « Matin brun » de Pavloff, il y a plus de dix ans déjà. Le succès va d’habitude tellement vers des productions qui flattent la passivité, que l’engouement pour ce texte est remarquable au-delà des mots qu’il contient. L’ancien diplomate s’indigne de la dictature des marchés financiers, des remises en cause en matière de retraites,de sécurité sociale, de l’état de la planète, du traitement réservé aux sans-abris, aux sans papiers, aux Palestiniens…Il place son engagement dans la lignée de Sartre « vous êtes responsables en tant qu’individus ». Ce succès peut-il rassurer sur les consciences qui ne dormiraient que d’un œil, mais signifier aussi à travers une certaine évidence voire banalité des propos ; qu’il faille un tel rappel ne renseigne-t-il pas aussi sur une certaine apathie de l’opinion ? Le simple sommaire d’un journal télévisé suffit à remplir notre caddie d’ indignations. Le problème reste entier pas seulement pour fournir des outils pour résister mais ce n'est pas gagné de s’entendre sur des perspectives où vivraient d’autres valeurs, où les jeunes auraient un emploi, les anciens des soins, les travailleurs du respect...
Il appelle avec les vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre à « une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation de masse ; le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous ». Ce bonhomme suave de 93 ans parle à la jeunesse non pour la flatter, mais pour l’élever : tout n’est pas perdu !
Dans la postface son éditeur rappelle qu’ « après des interrogatoires sous la torture - l’épreuve de la baignoire notamment, il déstabilise ses tortionnaires en leur parlant l’allemand sa langue natale. » Il est envoyé au camp de Buchenwald. Sa vie est un roman qui tiendrait lui bien des pages. Là dans une forme économique (3€) qui convient visiblement à l’époque, il nous envoie un joli signe pour la décennie qui s’ouvre. Il n’y a pas que des Dumas (Roland) qui ont voix au chapitre !

vendredi 7 janvier 2011

L’Afrique au cœur de l’Europe.

Il n’y a pas eu vraiment de débat au forum 2010 de Libé à Lyon sur ce sujet
puisqu’André Julien Mbem entonnant, après son arrivée tardive, un discours d’une Afrique rêvée :
« la mise en réseau des peuples grâce aux nouvelles technologies » était décalé après les développements du directeur français (IFRI) Dominique David, concernant par exemple la Méditerranée qui constitue une barrière plutôt que le pont envisagé par l’essayiste.
Si la Françafrique a tendance à s’effriter, le recentrage est plutôt utilitariste.
A un sommet, les seuls entretiens du président français l’ont été avec l’Afrique du Sud (BTP, centrales nucléaires) et le Nigéria (pétrole).
Historiquement, L’Europessimisme a alterné avec l’Afroptimisme, quand l’Afrique a mis fin à l’exclusivité de ses relations avec l’Europe, bien que les coopérations en matière de lutte contre le terrorisme, de sécurisation de l’accès aux matières premières soient vitales pour tous.
L’Inde, La Chine, le Brésil sont dans la place
Dans les années 60, l’Europe s’intégrait, les états s’affirmaient en Afrique,
aujourd’hui de grands ensembles se construisent en Afrique alors que l’Europe se morcelle.
« Les civilisations sont mortelles » comme disait Valéry ; elles seront durables, si elles s’ouvrent.
Les échanges sont certes inégaux, chaotiques pas spontanément pacifiés mais la diaspora africaine apporte de la jeunesse à l’Europe.
Nous sommes devant des difficultés où les discours lénifiants sont inopérants face à l’instrumentalisation des problèmes migratoires.
Le pacte, social, économique doit être redéfini.
L’assimilation c’est construire du « même », quels contenus à l’intégration ?
……………
Le dessin du Canard qui titrait par ailleurs cette semaine : « Vals tragique au parti socialiste »

jeudi 6 janvier 2011

Polka.

Un magazine de photos dirigé par Alain Genestar qui fut viré de Paris Match pour avoir lésé sa majesté en montrant Cécilia avec un autre. Cette publication trimestrielle en est à son numéro 10, elle valorise des photographes comme Peter Lindbergh familier de « Elle » et de « Vogue », celui-ci a une vraie patte, mais c’est du classique pour papier glacé. Cependant d’autres sujets sont forts : avoir vingt ans à Gaza, les enfants de la génération Katmandou, comment voient-ils la retraite ? Et d’Haïti à la ville de Troy aux Etats-Unis quel est le plus désespérant ? Une rencontre avec les familles des moines de Tibhirine prolonge le film remarquable. Les quelques images du festival de Black Rock désert sont un peu maigrichonnes, et on aurait aimé aussi plus de portraits de Hans Sylvester qui propose déjà un cadre de fenêtre rouge aux Ethiopiens qu’il photographie avec sympathie.
L’intitulé : « un autre regard sur le monde » est sans doute ambitieux, reste que les 130 pages se laissent feuilleter avec plaisir et que quelques reportages valent le coût (5€).

mercredi 5 janvier 2011

L’élite de Brooklyn

Film noir d’Antoine Fuqua avec Richard Gere, classique et efficace : rap, putes and drugs, calibres et liquide. Juliani avait fait baisser la violence à NYC, il y a semble-t-il encore du boulot ! D’autant plus que les fonctionnaires doutent violemment de leur mission quand ils ont une famille à nourrir, la retraite qui arrive chez un suicidaire, une carrière soumise aux chantages.
A quel prix se remettront-ils sur la voie des défenseurs de la loi ? Il paraîtrait que l’abus de la Play Station a vidé les rues de la convivialité qui faisait la force des gangs. Mais il n’est pas besoin que les lascars menacent de précipiter leur prochain du haut des immeubles pour se faire des sensations, un bon film avec beaucoup de coups de révolver peut y pourvoir.

mardi 4 janvier 2011

L’almanach dauphinois.

En relisant le titre de ce numéro 45 valable pour l’année 2011, je m’aperçois que le terme « vieux » a disparu du titre, bien que le dessin de couverture avec la vieille au rouet et le vieux à la lecture devant l’âtre, persiste sur le créneau patrimonial.
Même si un site web existe, le charme de ces 130 pages tient bien sûr à ses fondamentaux immuables :
Les travaux du mois : « au rucher : s’il fait doux, mettre à la portée des abeilles de l’eau légèrement salée dans une petite auge remplie de pierres lavées »
Des dictons : « Quand l’arbre est tombé, tout le monde court aux branches »
Du patois (de Saillans) : « Como plou louf ru dins las casteletos,
Ecoumo bravament acanou las drouletos »
« Comme pleuvent les fruits mûrs dans les claies en osier
Et comme fortement les secouent les jeunes filles. »

Des expressions : « Celui là quel gnâgnou, on est toujours obligé de l’attendre. »
Interactif, en répondant à un lecteur recherchant un chant appris à l’école, qui disait :
« Honneur et gloire à l’école laïque
Où nous avons appris à penser librement,
A défendre à chérir la grande République,
… Tu fis notre âme Ecole et notre conscience. »

Echos du passé.
Et les faits écoulés l’an dernier en Dauphiné, France et Monde, avec un reportage à Saint Marcellin, une veillée patois et tout sur le lys martagon et la poire Martin Sec, les histoires de Fafois, les centenaires... Mais ce qui me semble le plus savoureux ce sont des suggestions pour son almanach personnel où l’on peut noter la date du premier chant du merle, quand les forsythias ont fleuri, quand on a aperçu le premier papillon jaune, mis le chauffage …

lundi 3 janvier 2011

Another year. Mike Leigh.

Encore un effet du dithyrambe critique qui aurait vu volontiers un prix à Cannes pour ce film; je sors de cette chronique agréable avec un léger sentiment de déception. Je n’ai absolument pas retrouvé la noirceur des âmes dont parlait Libération, sans aller jusqu’à rejoindre le Petit Bulletin qui parle de mépris de l’auteur et des personnages principaux. Le gratuit grenoblois à côté de qui les Inrocks apparaît comme un pourvoyeur des critiques consensuelles.
Quatre saisons dans le jardin et autour de la table d’un couple de la classe moyenne anglaise auprès de qui viennent se réchauffer des solitudes sérieusement imbibées. Miroir de nos propres arrangements qui aident aux relations, avec sa part de rites, de jeux de rôles, de rires, où l’aveuglement peut côtoyer la bienveillance ; ce film fait discuter. Si je crois que l’amitié se nourrit de réciprocité sur une base égalitaire, les relations décrites par Mike Leigh et sa troupe ne sont pas toujours de cette eau. Le vin est bon autour des barbecues et les tomates du jardin savoureuses. Il arrive si souvent dans la vraie vie que l’on dise « si c’était au ciné, on trouverait ça exagéré » alors je ne sais si les personnages sont caricaturaux, mais j’aurai goûté plus d’ambigüité, de nuances.

dimanche 2 janvier 2011

Leçon de jazz # 2 : Bill Evans.

Antoine Hervé au piano a beau être un pédagogue emballant, je n’ai pas tout saisi de ses explications à la MC2. Quand il évoque la « working bass », il arpente la scène en rythmes différents, il mime l’orchestre et la formation de Duke Ellington et ses balancements occupe alors le plateau. Mais si « la tonique » et « le modal » ont gardé leurs secrets, j’essaye de mieux approcher les subtilités d’un compositeur raffiné marqué par Ravel et une ascendance russe qui inspirera le ton des dédicaces qu’il adressera à son père. Romantique comme Chopin, il se distingue de Peterson qui correspondrait lui au virtuose Liszt. Plus chercheur de mélodies qu’embarqué dans les beats impassibles. Peu sûr de lui, recroquevillé sur son clavier, le blanc va connaître la notoriété après sa rencontre avec la super star Miles Davis, le noir. C’est « Kind of Blue », l’album de jazz le plus vendu au monde. Tout à ses improvisations qui l’ont fait reconnaître comme un des plus grands, il laisse la place à la batterie et à la contrebasse qui sortent alors des limites accordées jusque là, dans un trio très « interplay ». La valse lui va bien pour traduire la mélancolie. « Quand les étoiles s’éteignent » ; en 1980 il meurt, il était né en 29, la drogue, ce singe qui s’agrippait à son épaule, l’avait étranglé.