lundi 13 décembre 2010

Mardi, après Noël. Radu Montean

Une première scène où les deux amants s’abandonnent à leur plaisir ne constitue pas une situation vraiment originale, comme l’histoire d’une séparation entre un homme et une femme dans un milieu aisé en Roumanie; et pourtant la sympathie du réalisateur pour ses personnages, l’authenticité des portraits participent à la grâce de ce film. Je me suis laissé porter par les longs plans séquence que j’aurais encore volontiers étirés tant chaque personnage est vrai dans ses culpabilités, ses maladresses, ses audaces, ses tendresses.
Un film délicat et juste, grave et léger, à cœur.

dimanche 12 décembre 2010

Un tramway.

Eh oui ! D’ « après » « Un tramway nommé désir », ce grand rendez-vous de la saison à la MC2 a eu pour moi un léger air de déception malgré la prestation d’Isabelle Huppert « incandescente », à la hauteur des attentes vis-à-vis d’une star. Je n’avais pas choisi ce spectacle, au moment de la prise des abonnements, échaudé par « La nuit de l’iguane » de l’an dernier avec Tchéky Karyo qui me faisait douter des vedettes; un billet offert m’a permis d’assister à la représentation de 2h1/2 qui s’évertue à compliquer une intrigue se suffisant pourtant à elle-même. J’ai peut être trop coutume de penser surtout en politique : « on nous prend pour des billes » pour regretter que sur ce coup, on nous prend pour des profs de lettres ayant réussi leur thèse sur Tennessee Williams, familier de culture grecque et par ailleurs anglophones maitrisant l’espagnol. Comme dans beaucoup de reprises de grandes œuvres, les concepteurs d’une nouvelle version se défendent de penser à l’original, alors que nombre de spectateurs viendront parce qu’ils en ont au moins entendu parler. Sur Internet, les critiques sont souvent féroces. J’ai apprécié le décor, le bowling, la passerelle, Blanche derrière la vitre, la musique, les acteurs, la chanteuse, les costumes, la mise en scène où la vidéo convient bien et offre de belles images, les micros HF, mais pas l’intertextualité. « Remodelant le texte de Tennessee Williams, il (Warlikowski) y rajoute des extraits qui vont de la Correspondance de Flaubert à Œdipe à Colone, de Sophocle, en passant par la Dame aux camélias, un sketch de Coluche, un extrait du Banquet de Platon ou le combat de Tancrède et de Clorinde tel que raconté dans la Jérusalem délivrée de Torquato Tasso. » Merci Libé de m’avoir renseigné mais à trop me consacrer jadis à San Antonio, c’est Branlon Mado qui me vient sous la langue avant même le sex symbol qui fit face à Vivien Leigh. Là, Blanche tient toute la place.

samedi 11 décembre 2010

Nos cœurs vaillants. Jean Baptiste Harang.

Roman léger aux mots choisis, qui feint la désinvolture et nous amène vers plus d’attention au monde. L’ancien journaliste à Libération s’empare d’un prétexte original, une lettre anonyme envoyée par un lecteur, pour se lancer dans un récit de souvenirs de colos où se joue l’éternelle question de la fiction. Un regard tendre, sans mièvrerie, avec des souvenirs ni embellis ni méprisés, appliquant sans en avoir l’air ses réflexions sur le temps qui passe, la fidélité.
« La vie est une porte qu’on nous claque lentement au nez, et lorsque l’ouverture se réduit à une fine fente de lumière, nous tâchons de nous souvenir de ce merveilleux paysage qu’elle nous offrait jadis, grand ouvert, le panorama d’un souvenir sans fin ; cet avenir meurt ce jour même où je me souviens. »
Son souffle nous épargne, pour un temps, les graves, les pontifiants, les menteurs.
« Qui c’est ? »lui demandait-on, à travers la porte, quand il apportait des colis.
« C’est Le Printemps ». Oui.
Description d’un jeu chez les « Cœurs Vaillants », espèces de scouts :
« La « vie » est un petit foulard que l’on porte dans le dos, engagé dans son pantalon, il dépasse un peu, et l’on doit, dans un corps à corps vigoureux et sans se faire prendre la sienne, retirer la vie à l’envoyé du camp d’en face… »

vendredi 10 décembre 2010

Ecole décriée.

Dès le petit déjeuner (de plus en plus gras et sucré), l’école est au menu.
« La présence des parents pendant les publicités ne modifie pas le comportement des enfants » d’après Que Choisir ?
Avec une assiduité devant le téléviseur qui a tendance à s’amenuiser au bénéfice d’autres écrans, la parole des parents s’est elle dématérialisée ?
« D’après l’OCDE, les disparités parmi les élèves de 15 ans sont plus grandes en France qu’ailleurs, le poids du milieu social plus lourd. »
Et le ministre qui a su préserver au moins un emploi dans l’éducation nationale, le sien, de se féliciter de l’aide personnalisée. Il a pourtant fait diminuer, entre autres, la scolarisation avant trois ans qui était essentielle à la réussite des plus défavorisés.
Une dévastation sans précédent de l’éducation nationale où les valeurs morales sont mises à terre, les moyens drastiquement amputés, et ce sourire!
Des mesures se prennent et se déprennent. Entre deux week-end : semaine de quatre jours, un jour valable, un autre à jeter.
Des programmes à fondre et à refondre; les minutes consacrées au français diminuent et « c’est pourquoi votre fille est muette »(Le malade imaginaire)… ou plutôt votre garçon…
Ce flot de communications relayé en interne par des cadres new look récitant le catéchisme de l’instant, mine les personnels et fournit des alibis à leur flemme aux porteurs de portables sans cartable, ados et adulescents.
Alors que la droite appelle à la responsabilité des individus, la clameur de tous côtés vocifère : « c’est la faute de l’école ! »
C’est ce bruit qui nuit à l’école. J’avais rêvé du temps de Savary qui avait mis en place les ZEP et des consultations ; il y avait encore une foi dans l’éducation.
« Allègre m’a tuer ».
Désormais l’ironie a dégagé la plaine, le marché a planté ses panneaux, sottises et sornettes ont la voie libre, et le refus d’apprendre s’étale sans vergogne.
L’autre jour, j’accompagnais un groupe de jeunes élèves à la découverte de la ville. Un parent en tête de rang demande à un enfant de ne pas le dépasser ; c’est alors qu’un jeune attablé à une terrasse de claironner « tu es arabe, tu as raison de ne pas obéir ». Le petit en est resté coi. Je n’ai vu sur le moment qu’un jeu où la régression peut avoir des côtés attendrissants, mais fourvoyer ainsi une identité falsifiée dans le refus, accroit mon pessimisme.
Ma mère, 88ans, me demande :
« tu as vu, dans le journal, ce gosse qui s’est jeté au Rhône, à 11 ans ? »
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Un dessin du Canard:

jeudi 9 décembre 2010

La couleur dans l'art contemporain

C’est bien parce que la couleur ne me semblait pas un enjeu majeur de l’art contemporain que je suis allé trainer mon pliant devant quelques toiles du musée de Grenoble à la suite de la conférencière Lorelana Gritti autour de ce thème.
La couleur confronte la science et ses spectres face au sensible et ses humeurs météorologiques, la physique et la force émotionnelle.
Au moyen âge la couleur est symbolique après les particules qui s’entrechoquaient dans les visions de l’antique Platon. L’objet est plus important que la teinte. Celle-ci deviendra éclatante mais les protestants y virent là une dépravation. Le marron, couleur de la terre où nous retournerons, arriva. La Florence du dessin affronte Venise des couleurs. Bien que les œuvres aient pris de la profondeur, les formes enserrent les couleurs, on peut dire « couleur locale ».
A l’époque des impressionnistes, c’est l’atmosphère qui irradie. La couleur devient motrice, la pâte picturale va exercer sa séduction. Matisse sature la toile avec ses rouges comme il a exagéré la décoration. L’espace se construit par la couleur chez Cézanne, et avec De Staël la couleur devient frontale.
Kandinsky troublé par une meule de paille de Monnet, donnera toute sa puissance à la palette, discréditant les objets ; le couleur accède à la légitimité, seule.
Olivier Debré calé dans la nature, simplifiera le geste, cherchant l’essence dans l’huile.
Sam Francis a quitté un lit de douleur par la peinture, avec moins de théâtralité que Pollock, le vide devient le sujet principal du tableau dont ressortent les limites. « Dieu ne peut pas voir sans l’artiste. »
Morris Louis, lui retourne aux teinturiers, il n’a plus recours aux pinceaux, ses coloris déversés, il éprouve les différents degrés d’absorption de la toile et les effets de la gravité. Sortie de son atelier exigu, la toile déployée se découvre alors.

mercredi 8 décembre 2010

L’empire du milieu du sud. J. Perrin.

J’aime trop la littérature, avec le « trop » qui vient de l’Afrique de l’Ouest dans sa nuance ironique, et la poésie, pour ne pas m’interdire de trouver que dans ce documentaire un lyrisme excessif amoindrit la force des mots. Un sous titrage aurait déjà permis de contextualiser les nombreux textes qui arrivent à faire perdre de la force aux images. Souvent inédits les extraits de film sont intéressants mais les métaphores les diminuent.
«L’oppression nous vient de la France, mais l’esprit de libération aussi.»
Le Viet Nam, son histoire, sont passionnants et nous concernent, et Duras et d’autres sont de grands écrivains, mais pourquoi se refuser à toute pédagogie ?
« J’envoie mon cerveau à votre centre de recherches pour qu’on trouve ce qui nous fit lutter. J’envoie mes yeux à votre président pour qu’il les regarde en face. J’envoie mes dents à vos généraux, elles ont mordu plus de fusils que de pain car la faim fut ma compagne. Mon corps, je le laisse au Mékong. » Testament d'un combattant vietnamien.

mardi 7 décembre 2010

La vie d'Augustine # 5

La boucherie se trouvait rue Pasteur à Loos qui touche Lille. Il y avait un couple de jeune mariés et les parents ( ?). Le père était énorme, sa femme petite et boulotte. Mais le jeune couple était sympathique. Ils m’ont attribué une toute petite chambre et le lendemain on m’a mise au courant de mon travail.
D’abord je devais faire la tournée pour porter la viande aux clients par tous les temps, le matin. Il fallait appuyer sur les pédales et aller bien loin parfois.
Une fois mon panier vide je devais retourner le remplir à la boucherie avec les nouvelles commandes et pédaler jusqu’à midi.
Le soir j’allais chercher les commandes chez les particuliers. Mais entre-temps, il fallait nettoyer la boucherie, récurer les billots, ensuite le local où se faisait la charcuterie. Les outils, je n’aimais pas les nettoyer car c’était tout gras. Le soir j’étais éreintée aussi je dormais bien.
Je gagnais 150 francs par mois. J’envoyais 100 francs à mon père et je gardais le reste pour m’acheter des chaussures et des pulls car l’hiver était dur : je rentrais souvent trempée jusqu’aux os !
Heureusement je mangeais de bons steaks. Je n’avais pas le droit de sortir le dimanche aussi j’allais voir des gens de la rue car je sympathisais avec tout le monde surtout les petits vieux.
Je commençais à prendre tournure. Je n’étais pas trop mal de ma personne avec mes cheveux tout blonds. J’ai commencé à faire quelques ravages dans le coin et pendant mes tournées.
J’avais mon grand panier sur le porte-bagages avant. Quelque fois on me faisait des croche-pattes et je faisais de belles bûches ! Cela était le fait de ceux qui ne me plaisaient pas et qui se vengeaient de cette façon. J’aurais pu faire des courses cyclistes car pour la pédale j’étais rodée.