Dans Libération le film figurait à la page économie, alors je me suis dit, avec des images, je vais peut être mieux comprendre cette crise des subprime de 2008, d’autant plus que le même quotidien précisait ces jours que l’aide à l’Irlande n’allait point aux Irlandais mais aux banques. Au niveau de la gouvernance économique c’est « on continue comme avant », en pire puisqu’ils n’ont rien appris, les cyniques, les autistes anti-sociaux.
Les commentaires de ce documentaire, sur fond de belles vues de Manhattan, sont sous titrés en blanc parfois sur blanc ce qui n’a pas aidé à ma compréhension. Les titres et qualités des personnes interrogées paraissent furtivement et un effet comique s’installe quand on arrive à la dizaine de responsables qui n’ont pas souhaité répondre aux interviews. C’est également amusant de présenter ce film réalisé par Charles Ferguson avec Christine Lagarde, DSK, et Matt Damon aux commentaires d’une réalité cruelle. Nous ne sommes pas vraiment à l’intérieur de ce boulot, c’est une suite d’entretiens, mais celui qui interroge est plus pugnace que les larbins de chez nous, sans la verdeur d’un Michael Moore ni la pédagogie d’un Al Gore dans « Une vérité qui dérange », ses interlocuteurs voient leur mauvaise foi révélée, leurs affirmations fausses débusquées.
Parmi mon lot d’incertitudes, j’ai quelques constantes comme celle de militer contre le cumul des mandats ; dans ces milieux de la finance, le mélange des genres, les conflits d’intérêt entre universitaires, politiques et autorité d’irrégulation sont une raison d’être.Ils vont même jusqu’à jouer contre leurs clients.
Entre Wall Street et Washington c’est la ligne directe : les conseillers sont les PDG de ces banques qui se gavent encore et encore depuis les dérégulations de Reagan jusqu’à - eh oui - Obama.
Rappel : l’Islande était un paradis, après un épisode de libéralisation sauvage, elle a été le lieu premier de la révélation d’une crise qui a été plus grave que celle de 29.
« 2,7% des américains vivent sous le seuil de pauvreté : 37 millions de personnes »
mercredi 24 novembre 2010
mardi 23 novembre 2010
La vie d’Augustine.#3
Je suis entrée à l’école à 6 ans. Cela a été une grande joie pour moi d’apprendre à lire et à écrire. J’y mettais tout mon cœur car je voulais devenir institutrice.
Dans nos jeux nous jouions souvent à ce que nous voulions faire plus tard. Comme c’est bizarre qu’à cette époque on n’avait aucune possibilité de faire des études.
Les quelques institutrices que j’ai eues, je les trouvais déjà âgées.
Peut-être mon imagination d’enfant ?
Le matin on nous faisait d’abord une leçon de morale avec tout ce qui s’en suit. Je trouvais cela très bien car nous étions de petits diables.
Vers l’âge de 10 ans j’ai eu une institutrice qui m’a prise en affection : elle avait peut-être pitié de ma maigreur. Elle habitait dans l’école. Elle me demandait de venir un peu plus tôt le matin et me conduisait chez elle devant un grand bol de lait sucré et des tartines beurrées avec de la confiture. Il ne fallait pas surtout que j’en parle et je m’en gardais bien. Mais Nana a fini par avoir des doutes !
Tous les ans il y avait la fête des écoles. On chantait, on dansait.
Il y avait une sorte de loterie. Le dispositif comportait deux poteaux auxquels était fixée une corde. Les institutrices accrochaient des cadeaux, récupérés auprès de bénévoles, à ce fil. On nous mettait un bandeau sur les yeux. On nous laissait à 7 ou 8 mètres : avec des ciseaux on essayait de couper les ficelles auxquelles pendaient les cadeaux. Une institutrice m’avait mise au courant, me signalant la ficelle que je devais couper. C’est elle qui nous mettait les bandeaux pour sa classe. Naturellement j’avais un œil qui voyait un peu. J’ai fait celle qui hésitait pour ne pas semer le doute. Mon paquet était le deuxième à droite : il y avait un cadeau pour chaque enfant.
Je suis partie avec mon paquet à la maison et quand le l’ai ouvert j’ai trouvé une belle robe bleu marine avec un col blanc. Je m’en souviendrai toujours car je portais les restes de mes sœurs aînées et des fois on avait des colis pour les familles nombreuses. De la Croix Rouge probablement.
Les tabliers noirs étaient obligatoires. Les nôtres étaient tout simples, parfois trop grands, parfois trop petits.
Dans le nombre, il y avait des enfants plus riches, eux étaient plus coquets. Nous, on s’en fichait bien.
Il y avait une école de bonnes sœurs plus bas que la nôtre. C’était pour les classes supérieures, les enfants des commerçants. Mais ils n’apprenaient pas mieux que nous. C’était beaucoup de prières, matin, midi et soir !
Dans nos jeux nous jouions souvent à ce que nous voulions faire plus tard. Comme c’est bizarre qu’à cette époque on n’avait aucune possibilité de faire des études.
Les quelques institutrices que j’ai eues, je les trouvais déjà âgées.
Peut-être mon imagination d’enfant ?
Le matin on nous faisait d’abord une leçon de morale avec tout ce qui s’en suit. Je trouvais cela très bien car nous étions de petits diables.
Vers l’âge de 10 ans j’ai eu une institutrice qui m’a prise en affection : elle avait peut-être pitié de ma maigreur. Elle habitait dans l’école. Elle me demandait de venir un peu plus tôt le matin et me conduisait chez elle devant un grand bol de lait sucré et des tartines beurrées avec de la confiture. Il ne fallait pas surtout que j’en parle et je m’en gardais bien. Mais Nana a fini par avoir des doutes !
Tous les ans il y avait la fête des écoles. On chantait, on dansait.
Il y avait une sorte de loterie. Le dispositif comportait deux poteaux auxquels était fixée une corde. Les institutrices accrochaient des cadeaux, récupérés auprès de bénévoles, à ce fil. On nous mettait un bandeau sur les yeux. On nous laissait à 7 ou 8 mètres : avec des ciseaux on essayait de couper les ficelles auxquelles pendaient les cadeaux. Une institutrice m’avait mise au courant, me signalant la ficelle que je devais couper. C’est elle qui nous mettait les bandeaux pour sa classe. Naturellement j’avais un œil qui voyait un peu. J’ai fait celle qui hésitait pour ne pas semer le doute. Mon paquet était le deuxième à droite : il y avait un cadeau pour chaque enfant.
Je suis partie avec mon paquet à la maison et quand le l’ai ouvert j’ai trouvé une belle robe bleu marine avec un col blanc. Je m’en souviendrai toujours car je portais les restes de mes sœurs aînées et des fois on avait des colis pour les familles nombreuses. De la Croix Rouge probablement.
Les tabliers noirs étaient obligatoires. Les nôtres étaient tout simples, parfois trop grands, parfois trop petits.
Dans le nombre, il y avait des enfants plus riches, eux étaient plus coquets. Nous, on s’en fichait bien.
Il y avait une école de bonnes sœurs plus bas que la nôtre. C’était pour les classes supérieures, les enfants des commerçants. Mais ils n’apprenaient pas mieux que nous. C’était beaucoup de prières, matin, midi et soir !
lundi 22 novembre 2010
Lost person area
Les titres de film sont désormais en anglais, celui-ci convient tout à fait à la description d'un no man’s land. Allure de western sur un chantier où s’achemine l’électricité vers nos villes pour ce film belge de Caroline Strubbe. Seuls des pylônes ponctuent un paysage absent, la lumière des baraques signale un brin de vie, de bruit, de chaleur furtive. La violence du travail électrise les rapports familiaux où les adultes en déplacement ne trouvent pas leur place. Une enfant dispose ses petites pierres poétiques mais elle est abandonnée des grands. Un sentiment de malaise m’a poursuivi une fois le drame accompli. « Tape-la, tord-lui le cou, et dis-lui au revoir » chante la petite.
dimanche 21 novembre 2010
Les"pains-coings"
Elisabeth avait contribué à ce blog avec la recette d ‘une terrine de lapin qui est une des pages des plus visitées; elle suggère cette recette pour utiliser ces fruits qui sont le parfum de l’automne :
« On prend des coings parfaitement sains, on les lave, on ne les épluche pas, on coupe un peu le haut et le bas, pour qu'ils tiennent debout, on prépare une pâte à tarte, on la découpe en carrés - ou ronds ou ovales - on pose un coing entier sur chaque morceau de pâte, on referme bien en " collant la pâte " pour que ce soit pas hermétique, mais presque et on met au four pendant 40 à 45 minutes. Et on déguste tiède. On n'ajoute pas de sucre, le coing en contient assez. Bon appétit ! A bientôt. Elisabeth. »
« On prend des coings parfaitement sains, on les lave, on ne les épluche pas, on coupe un peu le haut et le bas, pour qu'ils tiennent debout, on prépare une pâte à tarte, on la découpe en carrés - ou ronds ou ovales - on pose un coing entier sur chaque morceau de pâte, on referme bien en " collant la pâte " pour que ce soit pas hermétique, mais presque et on met au four pendant 40 à 45 minutes. Et on déguste tiède. On n'ajoute pas de sucre, le coing en contient assez. Bon appétit ! A bientôt. Elisabeth. »
samedi 20 novembre 2010
Vous dites grandir. Albert Thierry.
Sous sa couverture de papier cristal, avec des bords de page irréguliers, ce livre offert, édité par la maison « L’amitié par le livre », a tous les charmes. Il s’agit d’un recueil d’écrits pédagogiques, de contes, de poèmes parus dans des revues, celles de Péguy ou « La Vie Ouvrière » de Monatte, voire extraits d’un ouvrage intitulé « l’homme en proie aux enfants » ou « le sourire blessé » qui ne positionnent pas cette compilation dans la bibliothèque rose ni au rayon rigolade. Bien que l’humour affleure parfois : « Ce misérable mange donc du papier ? Il parle comme une affiche ». Mais en tous cas c’est un bel ouvrage où la présence de la nature est forte. « Seuls les sapins demeuraient impénétrables : leurs pyramides opaques faisaient des torches de ténèbres ; et l’on pensait involontairement, puisqu’ils noircissaient déjà le jour, que c’étaient eux qui devaient répandre la nuit. »
Et lorsque l’instituteur syndicaliste caractérise un de ses élèves en « regardeur de nuages », sûrement en était-il, lui, de cet enfant qu’il recherche avec application dans sa vérité d’enseignant. Si ses poèmes, où il se voit« assaillis par les hyènes », me semblent trop exaltés, il est intéressant de mesurer le temps qui nous a éloignés de ces fratries penchées sous la lampe, avec des enfants qui parlent comme des livres. La proclamation de l’amour dans la relation pédagogique est incongrue aujourd’hui où le mot pédophile est plus usité que celui de pédagogue. Les souffrances d’Albert Thierry peuvent paraître surjouées alors que ses écrits depuis les tranchées de la première boucherie mondiale sont distanciés. Il mourra au front. Les dilemmes de celui qui risque de sortir de sa classe sociale en paraissant obsolètes, confirment la perte de dignité des classes populaires : l’arrivisme individuel serait l’autre nom de l’ascenseur social. Les parfums du passé ont des séductions faciles dans les décombres présents mais une fois refermé l’ouvrage moelleux et parcourant un article du Libé du jour concernant une danseuse, Germaine Acogny : « la pédagogue ne forme pas des petits Acogny mais des personnalités », j’avais compris qu’il en était de même pour Albert Thierry, fiévreusement. " Je consens que des idéaux de ma jeunesse vous fassiez un fumier pour les vôtres."
Et lorsque l’instituteur syndicaliste caractérise un de ses élèves en « regardeur de nuages », sûrement en était-il, lui, de cet enfant qu’il recherche avec application dans sa vérité d’enseignant. Si ses poèmes, où il se voit« assaillis par les hyènes », me semblent trop exaltés, il est intéressant de mesurer le temps qui nous a éloignés de ces fratries penchées sous la lampe, avec des enfants qui parlent comme des livres. La proclamation de l’amour dans la relation pédagogique est incongrue aujourd’hui où le mot pédophile est plus usité que celui de pédagogue. Les souffrances d’Albert Thierry peuvent paraître surjouées alors que ses écrits depuis les tranchées de la première boucherie mondiale sont distanciés. Il mourra au front. Les dilemmes de celui qui risque de sortir de sa classe sociale en paraissant obsolètes, confirment la perte de dignité des classes populaires : l’arrivisme individuel serait l’autre nom de l’ascenseur social. Les parfums du passé ont des séductions faciles dans les décombres présents mais une fois refermé l’ouvrage moelleux et parcourant un article du Libé du jour concernant une danseuse, Germaine Acogny : « la pédagogue ne forme pas des petits Acogny mais des personnalités », j’avais compris qu’il en était de même pour Albert Thierry, fiévreusement. " Je consens que des idéaux de ma jeunesse vous fassiez un fumier pour les vôtres."
vendredi 19 novembre 2010
Culture, qu’attendre du numérique ?
Le meneur de jeu au forum Libération en interpelant Bruno Racine le président de la BNF(Bibliothèque Nationale de France) sur la numérisation des œuvres écrites risquait de restreindre le débat, mais la finesse du débatteur partagée avec JL Martinelli directeur du théâtre des Amandiers, permettait d’aller au-delà de cette question.
La fréquentation des œuvres rares est décuplée par Internet et le spectacle vivant recherché encore plus par les spectateurs les plus connectés. La pérennité des productions sur support numérique est problématique, pourtant ce mode préserve les ressources de la planète.Le jour où les chinois atteindront la même consommation de papier que les japonais, la production mondiale n’y suffira pas.
Autre chiffre vertigineux : Google c’est 14 million de clics par seconde.
Il est indéniable que la révolution d’Internet est un progrès capital, sa diffusion est instantanée et universelle, et le pari sur l’intelligence collective a été une avancée fondamentale.
Pas plus que la radio, la télévision n’a annulé les formes culturelles précédentes, reste la hiérarchisation des biens de la pensée qui ne sera pas décrétée du haut d’une chaire.
Les critiques de théâtre en particulier ou celles des romans sont assez conformistes, à mon avis, contrairement au cinéma où les commentaires prospèrent;un symptôme préoccupant qui attesterait que ces domaines ne sont plus l’objet d’enjeux essentiels.
La mise en commun tourne parfois à la banalité et le grand nombre ne fait pas émerger forcément l’originalité, le singulier ; encore que sur le plan musical, des pépites courent le web - parait-il.
Les producteurs généralistes de pensée que sont les journaux sont menacés et spécialement les pages culturelles et les critiques.
Est-ce que le contenu est défini par l’outil ?
Comment garder l’autonomie de production quand ils dépendent des moyens de diffusion ? Comment vivre de son activité intellectuelle ?
Nous participons à un autre monde. Un dessin du "Canard" de cette semaine.
La fréquentation des œuvres rares est décuplée par Internet et le spectacle vivant recherché encore plus par les spectateurs les plus connectés. La pérennité des productions sur support numérique est problématique, pourtant ce mode préserve les ressources de la planète.Le jour où les chinois atteindront la même consommation de papier que les japonais, la production mondiale n’y suffira pas.
Autre chiffre vertigineux : Google c’est 14 million de clics par seconde.
Il est indéniable que la révolution d’Internet est un progrès capital, sa diffusion est instantanée et universelle, et le pari sur l’intelligence collective a été une avancée fondamentale.
Pas plus que la radio, la télévision n’a annulé les formes culturelles précédentes, reste la hiérarchisation des biens de la pensée qui ne sera pas décrétée du haut d’une chaire.
Les critiques de théâtre en particulier ou celles des romans sont assez conformistes, à mon avis, contrairement au cinéma où les commentaires prospèrent;un symptôme préoccupant qui attesterait que ces domaines ne sont plus l’objet d’enjeux essentiels.
La mise en commun tourne parfois à la banalité et le grand nombre ne fait pas émerger forcément l’originalité, le singulier ; encore que sur le plan musical, des pépites courent le web - parait-il.
Les producteurs généralistes de pensée que sont les journaux sont menacés et spécialement les pages culturelles et les critiques.
Est-ce que le contenu est défini par l’outil ?
Comment garder l’autonomie de production quand ils dépendent des moyens de diffusion ? Comment vivre de son activité intellectuelle ?
Nous participons à un autre monde. Un dessin du "Canard" de cette semaine.
jeudi 18 novembre 2010
Jean Dieuzaide
Jean « Dieu z » comme dit Michel Tournier dans la préface du livre consacré au photographe gascon : « Un regard, une vie ». L’octogénaire disparu en 2003 a contribué à sortir la photographie des arts mineurs : « école du regard, qui redouble le monde sous nos yeux pour mieux le faire comprendre ». Si sa gitane au regard fier qui donne le sein était accrochée à ma mémoire, c’est la diversité de ses productions qui est remarquable. Ses reportages, ses paysages du Lauragais avant les « vus du ciel » d’Arthus Bertrand, ses portraits, ses images industrielles et ses architectures jouent avec la géométrie par des cadrages inédits et rigoureux. Ses natures mortes élégantes et mélancoliques recèlent quelques pépites colorées d’autant plus éclatantes que le noir et blanc fut sa couleur tout au long de sa traversée du siècle.
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