samedi 20 novembre 2010

Vous dites grandir. Albert Thierry.

Sous sa couverture de papier cristal, avec des bords de page irréguliers, ce livre offert, édité par la maison « L’amitié par le livre », a tous les charmes. Il s’agit d’un recueil d’écrits pédagogiques, de contes, de poèmes parus dans des revues, celles de Péguy ou « La Vie Ouvrière » de Monatte, voire extraits d’un ouvrage intitulé « l’homme en proie aux enfants » ou « le sourire blessé » qui ne positionnent pas cette compilation dans la bibliothèque rose ni au rayon rigolade. Bien que l’humour affleure parfois : « Ce misérable mange donc du papier ? Il parle comme une affiche ». Mais en tous cas c’est un bel ouvrage où la présence de la nature est forte. « Seuls les sapins demeuraient impénétrables : leurs pyramides opaques faisaient des torches de ténèbres ; et l’on pensait involontairement, puisqu’ils noircissaient déjà le jour, que c’étaient eux qui devaient répandre la nuit. »
Et lorsque l’instituteur syndicaliste caractérise un de ses élèves en « regardeur de nuages », sûrement en était-il, lui, de cet enfant qu’il recherche avec application dans sa vérité d’enseignant. Si ses poèmes, où il se voit« assaillis par les hyènes », me semblent trop exaltés, il est intéressant de mesurer le temps qui nous a éloignés de ces fratries penchées sous la lampe, avec des enfants qui parlent comme des livres. La proclamation de l’amour dans la relation pédagogique est incongrue aujourd’hui où le mot pédophile est plus usité que celui de pédagogue. Les souffrances d’Albert Thierry peuvent paraître surjouées alors que ses écrits depuis les tranchées de la première boucherie mondiale sont distanciés. Il mourra au front. Les dilemmes de celui qui risque de sortir de sa classe sociale en paraissant obsolètes, confirment la perte de dignité des classes populaires : l’arrivisme individuel serait l’autre nom de l’ascenseur social. Les parfums du passé ont des séductions faciles dans les décombres présents mais une fois refermé l’ouvrage moelleux et parcourant un article du Libé du jour concernant une danseuse, Germaine Acogny : « la pédagogue ne forme pas des petits Acogny mais des personnalités », j’avais compris qu’il en était de même pour Albert Thierry, fiévreusement. " Je consens que des idéaux de ma jeunesse vous fassiez un fumier pour les vôtres."

1 commentaire:

  1. Sympa. Il faut plus de grandeur d'âme que j'en ai pour accepter que SES idéaux à soi deviennent le fumier de la jeunesse.
    Perso, j'appelle ça.. un ECHEC de la transmission...

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