mardi 1 décembre 2009

Chambres noires

Les miroirs sont des maraudeurs. Des canailles. D’ignobles menteurs. Ils ne créent ni ne retiennent. Je te prends et je te jette. Amnésiques. Alors on a inventé les appareils photo. Au début ils magouillaient avec la lumière dans leurs chambres noires, leur camera à soufflet.
L’attente du cliché développé créait le suspens. Ah ! Fais voir les photos ! Ah, Oh ! Ce que ! Et là ? Lui ? Elle ? Ah ! Quand même ! Après. Encore. Mouais… A table !
Alors est venu le génie qui dit zéro et compte jusqu’à un. De géniaux débiles ont inventé les « numériques ». Nous voici revenus aux miroirs, ces indépassables virtuoses de l’instantané. Et toutes ces machines, ces clés USB, ces imprimantes, ces scanners. Le temple du Moi multiplie ses saints.
Pourtant, nous ne sommes pas quittes en dépit de la manipulation effrénée de nos idoles sur papier glacé. Ils demeurent, ces réduits confinés que nous baladons toute notre vie. Fardeaux si légers que beaucoup leur dénient toute existence… Jusqu’au jour, jusqu’à l’heure de la stupeur. Alors vole en éclats, notre petite boîte noire, l’autre côté du miroir. Notre vie nous éblouit d’une lumière si insoutenable qu’elle nous fait mourir. Nous périssons de nous voir sans l’aide des miroirs. Peut-être qu’alors, certains découvrent un dieu fait à leur image, suprême création de leur intarissable besoin de consolation. La vie nous rattrape et nous fige dans la mort avant d’aller se reproduire plus loin. Reste l’insensible plaque des pierres tombales.
Qu’as-tu fait de ta vie ? De profundis. La vie t’a eu et… bien profond !
Il nous arrive, alors que nous poursuivons nos chemins aléatoires dans le magnifique terrain miné qu’est notre vie, de mettre le pied à quelques millimètres d’un engin explosif. Nous nous arrêtons au bord de l’anéantissement, pétrifiés par le regard de la Méduse. Nous ne dansons plus alors, insouciants que nous étions, dans les près et les bois. Nous mesurons nos pas, nous regardons nos montres, nous supputons les dénivelés, nous faisons le point, adossés à de vieux arbres. Nous avons vieilli… Féconde constatation ! Combien de kilomètres parcourus ! Nous soupirons. A quelle distance sommes-nous du but ? Nous sommes si fatigués ! Alors l’arbre nous fait la leçon. Nous nous asseyons sous ses frondaisons, pour l’écouter : « Il n’y a pas de but, sinon celui de croître, de faire souche et puis de disparaître. Contents. » Les arbres, même auprès des lacs et des rivières ne se mirent point, s’admirent encore moins. Ils sont trop occupés à édifier les colonnes du ciel. A proclamer l’extravagante pugnacité de la vie.

Clémence Psyché

lundi 30 novembre 2009

Vincere

Ah parce que Mussolini avait une femme ?
Salutaire remise au jour d’une histoire de fous.
Une tragédie où la belle passionnée, foudroyée par le culot du tribun socialiste à ses débuts, sera broyée comme leur fils lors de la montée vers le pouvoir de celui qui électrise les foules.
Nous pouvons être effarés encore aujourd’hui quand la comédie prend le dessus avec Berlu chez les nymphettes.
Beau film et belle occasion de ne pas voir qu’une reconstitution historique avec ce destin tragique en appât où des grilles ne peuvent délimiter les frontières de la déraison. Les images d’archives, celles de la société, se mêlent parfaitement à la terrible histoire intime.

dimanche 29 novembre 2009

Sous le volcan

D’après « Under the volcano » du britannique Malcolm Lowry, se déroulant au Mexique, joué en Néerlandais sur titré.
Faut-il tellement goûter la déchéance alcoolique, les histoires d’amour finissantes, pour prendre son billet pour un tel spectacle ?
Il suffit d’apprécier le théâtre qui sert un texte déchirant et poétique, l’accompagnant de belles images indisciplinées avec un système innovant n’effaçant pas le texte sous le clinquant. Le sur titrage bien synchronisé n’est pas gênant et nous rappelle qu’il s’agit de littérature avant tout. La musique de cette langue, servie par des voix chaudes, ajoute une dimension universelle à ces vies déchirées qui nous parlent de l’ennui sans ennuyer, de l’amour comme un chariot vers l’enfer, de la mort.

samedi 28 novembre 2009

Le sport peut-il former des citoyens ?

Je ne reviendrai pas sur les photographes qui gravitent autour de Rama Yade et font ressortir d’autant plus la vacuité des propos de la belle dame.
Arnaud Mourot ancien lutteur, président de sport sans frontière, sur la scène du forum de Libé en septembre, avait bien plus à apporter au débat, même s’il était plaisant de rappeler le dessin représentant De Gaulle en survêtement après les J.O. de Rome :
« Dans ce pays, il faut que je fasse tout moi-même ».
Nous sommes loin des anglo-saxons chez qui l’excellence sportive vaut l’excellence scolaire, mais dans notre pays avec 16 millions de licenciés, 250 000 associations, le sport est un phénomène qui traverse l’économie, la culture, la santé, l’éducation.
Le jeu permet pour les plus fragiles de se projeter vers l’avenir, il apprend les règles : à transférer dans le projet éducatif.
Même si le sport est la « bagatelle de la vie », le foot « divin et diabolique » selon Marguerite D. à Michel P., c’est bien l’approche pédagogique qui sera déterminante pour faire du sport soit « l’école de la vie » soit « servir les causes les moins nobles, ou conduire aux comportements les moins citoyens ».
Dans nos sociétés au présent incertain, la lutte permet d’aller au-delà de soi même, même si les outils sont quelque peu émoussés.
Les lendemains de victoire, dans la nostalgie du « tous ensemble », comment échapper à la solitude ?
C’était un samedi à Lyon, la tristesse d’un GF 38 fainéant, des supporters insupportables et les pathétiques appels à la rénovation de mon parti usé : les images du sport et de la politique se percutent.
Qui peut réunir deux fois par mois 60 000 personnes de toutes conditions ?

vendredi 27 novembre 2009

Le bibendum céleste.

Le titre de cette bande dessinée résume bien le propos de Nicolas de Crécy que je découvre par le numéro 3 d’une série, métaphysique, drôle et superbement dessinée. Une imagination foisonnante, une originalité déroutante, avec le souvenir d’expressionnistes allemands qui a laissé quelque noirceur dans les cases.
Bebel, Belzebuth se défend :
« Evidemment que je suis présomptueux, grosse tarte. Et j’ai plein d’autres défauts…c’est avec des gens comme vous que les forces du mal deviennent politiquely correct ! »
Plusieurs personnages sont habités par d’autres. Et les emboitements en tous genres ne manquent pas. L’une de ces créatures « messie moderne d’une ère nouvelle, se résume à un volume de vide écroué dans du gras ».
Le père Nobel de l’amour connaît une faiblesse et demande qu’on lui injecte :
« du jeune, du vrai.Entreprenant et optimiste, cheveux dans le vent et bouche ouverte !, ça va donner un coup de fouet à mon économie ! Je veux ressembler à une publicité »
Des chiens nous en apprennent par ailleurs sur l’origine de l’homme et accessoirement sur l’origine des matériaux de construction de ces villes poétiques menaçant ruine. Peu importe que le scénario soit parfois obscur, les trouvailles sont à chaque coin. Du grand art qui dit bien notre temps.

jeudi 26 novembre 2009

Claude Blanc Brude

L’Espace Boureille, retapé par ses amis pour l’occasion, était plein à craquer pour le vernissage de la dernière expo de Claude Blanc Brude. Je le connais un peu puisque je participe à un de ses ateliers qu’il anime au sein de l’association ADCA dont il est le moteur, le mocoeur.
Sa peinture est comme le personnage ; franche, directe sans exclure l’habileté.
Je m’attendais à voir plus de sujets à croupes généreuses et beaux seins, tant il entretient avec verve un entourage féminin à qui il sait si bien dire leurs charmes. J’en suis à m’étonner de sa palette janséniste dans les tons que j’apprécie d’ailleurs, alors que dans son rôle de maître il affectionne les expressions vivement colorées. Je comprends qu’il nous ait vanté Pignon Ernest Pignon Ernest en voyant la qualité de son dessin efficace mais laissant toujours des transparences, de l’espace, au spectateur pour prolonger son plaisir. J’apprécie aussi ses cadrages originaux sans être abracadabrantesques.
Exposition ouverte jusqu’au 29 novembre 2009
de 14h 30 à 18h 30,
2 rue Commandant Rozan, quartier de l’aigle
à l’angle de Jean Jaurès et des grands Boulevards.

mercredi 25 novembre 2009

J 10 : vers Hué

Nous sortons faire des emplettes de jambon, salami, « Vache qui rit » et eau pour notre voyage de douze heures vers le centre du pays. Dans la boutique à côté nous ne résistons pas à deux affiches de propagande à l’ancienne sur papier de riz, marchandées à 200 000D (8€). Nous déambulons une dernière fois dans le quartier en arrêt devant une maison dans laquelle se déroule une cérémonie funéraire où les personnes en deuil portent un bandeau blanc au front. Après les dernières recommandations de notre guide du Nord nous échangeons nos adresses mail et nous nous séparons. Le train s’ébranle à 12h 25, il s’arrêtera fréquemment. Nous vérifions les premiers mots de Manh quand il nous avait accueillis : le pays est essentiellement agricole, avec des rizières à perte de vue, à peine interrompues par quelques parcelles de maïs. Autres images répétées: un homme accompagnant sa vache, des élevages de canards. La platitude cède la place à un paysage plus vallonné. En fin d’après midi, le ciel s’obscurcit sévèrement pour libérer une pluie abondante et l’ambiance peut évoquer un jour de Toussaint d’autant plus qu’on ne peut régler la climatisation refroidissante à l’excès. Nous nous jetons d’emblée sur les cacahuètes et le pop corn accompagnés de bière, auxquels nous ajoutons une partie du pique-nique prévu pour ce soir. Nous avons vu que la compagnie de chemins de fer assure la restauration et nous testons ses services vers 18h 30 avec trois repas de riz, poulet ou saucisse. Si bien qu’à 19h, le soir tombé, nous succombons au roulis berceur du train. Réveil programmé à 0h 30.
"Les trois perfections sont, nous dit-on,
la cuisine chinoise, les maisons françaises et les filles de Hué"