dimanche 22 février 2009

Grenoble sous l’œil des photographes

Vingt jeunes grenoblois, qui se sont rencontrés sur le site de partage de photographies fickr.com, exposent à la galerie 8, dans la rue des Bons Enfants qui débouche sur le cinéma Le Club. La salle est vraiment exiguë mais le projet est sympathique, des photos sont à la disposition des visiteurs. Entre 14h et 18h du lundi au samedi jusqu’au 28 février. Ces amateurs revisitent à leur façon nos lieux communs de la cité olympique aux trois roses, aux trois tours, capitale de la houille blanche, des Alpes, de la noix, du gratin et des bulles.
La photographie, en illustration, a été prise au restaurant de la gare de Lyon.

samedi 21 février 2009

Participatif présent

Ce n’est pas sans raison que le monde politique souffre d’apparaître comme coupé des réalités du quotidien, de l’élu toujours réélu au militant des causes perdues.
Je donne raison à ceux qui peuvent trouver que mon zèle de néophyte dans mon implication au P.S. est aggravé par mes disponibilités de retraité; mais militant de base, j’ai toujours du mal à concevoir un parti où les professionnels élaboreraient seuls la ligne. L’adhérent étant sollicité de loin en loin pour coller quelques affiches, qui n’ont d’ailleurs jamais bouleversé un scrutin.
A propos, je ne me suis jamais senti si solidaire des poissonniers quand Séguela formule : « les poissonniers sentent le poisson, les publicitaires sentent le bonheur » ; n’aurait-il pas marché dans ce qui porterait bonheur, du pied gauche ?
Le naïf peut être redoutable de maladresses, qui ne saurait distinguer une compréhension tronquée, d’une mauvaise foi, et prendre pour des pratiques aux airs féodaux, de sincères reconnaissances.
En cette période de carnaval, sous le masque du bisounours, je peux examiner mon lot d’inélégances à mettre sur le dos de ces profs incorrigibles distributeurs de notes, mauvaises.
Où est l’irresponsabilité ? Mettre le doigt sur des faiblesses qui s’accommodent si bien avec les renoncements et chercher à faire évoluer un outil qui doit faire son miel des paroles libres, ou se taire. Bien au-delà des débats de personnes avec une Ségo et d’autres candidats à la caricature, prêts pour le bûcher des vanités.
Passons à présent, au participatif.
En poussant un peu la réflexion à ce sujet, je vérifie avec délice mon peu d’aptitude à l’obéissance, et je révise ce qui a constitué la part la plus intangible de mon engagement pédagogique : le goût de faire s’exprimer les autres, avec leurs différences. Mes propres incertitudes y trouvent leur remède. Et nous sommes plus forts un fois passés au feu des critiques. Veiller à ce qu'une fois refroidie, l’odeur de frittage, soit évacuée grâce au respect que se doivent les hommes de bonne volonté.
L’affirmation de soi passe par la confrontation, sinon les soliloques, déplaisants par surcroît, débouchent sur des impasses ; le bois pour les langues n’est plus de mode.
C’est bien dans nos fondamentaux : l’inscription des individus dans le collectif est valable pour améliorer des conditions de travail et de rémunération, mais notre épanouissement personnel passe aussi par la confrontation et l’entraide.
Dans ce refrain légèrement désuet du « tous ensemble », nous sommes au cœur de la résistance aux solitudes, aux compétitions individuelles.

vendredi 20 février 2009

Encyclopédie capricieuse du tout et du rien.

Je suis passé par tous mes états en lisant la dernière production de Charles Dantzig : 790 pages. Exaspéré au début, tant mon attente était déçue après son « dictionnaire égoïste de la littérature française » qui m’avait enchanté. Je trouvais que le titre de celui-ci pleinement justifié, tant il m’a semblé que le chroniqueur de France Inter commençait par l’exploration du rien et du n’importe quoi. Les villes qu’il évoque d’entrée avec des listes à peine entamées sonnent le creux : le snobisme le dispute à la banalité. Et puis je suis entré dans cette quête de l’impossible, j’ai partagé cette folle ambition de vouloir tout nommer, du plus futile au sublime : angoisse et jubilation. J’ai retrouvé son originalité, son humour, son érudition époustouflante. On avance à pas de géant dans ce pavé qui se lit comme un carnet. C’est toujours quand il parle de littérature qu’il excelle, avec son sens de la formule qui enchante. Sa rigueur s’accompagne de fragilité dans cette somme inachevée tellement personnelle, qui laisse toute sa place au lecteur. Si « tout livre est une tombe » celui là est revigorant, il ajoute de la profondeur à notre regard, même s’il souffle sans arrêt dans les trous de notre mémoire ou de notre inculture. Il y a la liste des « bons titres avec dimanche », la liste des « choses qui paraissent éternelles : un après midi d’été sous un soleil immuable … »
Je ne respecterai pas son conseil relevé dans « la liste des règles que je me suis faites : ne jamais répéter une citation faite par un autre ».
« Bons ou mauvais, je n’aime pas les souvenirs. Les mauvais sont pénibles. Les meilleurs sont les pires. » Paul Valéry.

jeudi 19 février 2009

Boulet. Notes

La bande dessinée, quoi qu’en disent certains auteurs, a un goût d’adolescence prononcé et Boulet qui arrive à ses 30 ans en souriant ne fait rien qu’à jouer de la naïveté. Il reprend aux éditions Shampoing les chroniques de son blog, très populaire, dans une version papier de 220 pages.
En colocation, aux prises avec son ordinateur, de dédicaces à Aubusson (Creuse) en centres culturels en Afrique, il varie les traits : du rigolo, au dessin d’observation classique, en passant par ses fantasmes de manga dans un foisonnement tendre et bienveillant. Un Larcenet pas encore papa. Ce "théâtre de la rue" nous repose; son blog est très mignon également. http://www.bouletcorp.com/blog/

mercredi 18 février 2009

Histoire. Faire classe # 21

« Pourquoi notre mémoire est-elle devenue un Clémenceau, un porte-gloire désarmé, un encombrant à recycler, une impureté immorale et assassine, une périssoire ingouvernable qu’on aurait trop chargée et trop peu délestée ? » J.P. Rioux
L'irrésistible modernité ringardise le journal de la veille. Les gazettes se réduisent en objets pour cercles avertis de plus en plus restreints. L’info nous coule dessus en temps réel. En temps réel : si le temps devient réel, lui ; il semble que c’est la réalité qui prend des allures virtuelles.
Grand-père, pardon, Papy passe beaucoup de temps devant son ordinateur pour garnir l’arbre généalogique de la famille. L’arbre est joli, mais ne pousse-t-il pas dans des jardinets aux murs qui s’élèvent ?
Dans l’épais volume de nos histoires, de notre histoire, glissons quelques signets pour mieux percevoir les liens qui nous unissent à nos contemporains et aux morts, pour porter une lumière sur les objets de nos vies. Vivons l’humanité en ses jours de fête.
Comme un certain président qui avouait en direct ne pas comprendre un jeune, je n’ai pas accepté tranquillement que certains de mes spectateurs restent indifférents à mes efforts pour partager les charmes de l’histoire. J’ai eu souvent plus de chance avec les garçons dont les parents venaient du Maghreb qu’avec certaines petites filles maintenues au royaume de Barbie. L’histoire constitue l’épine dorsale qui va structurer le temps d’une année scolaire, le socle pour la créativité et les projets.
« Il neigeait. Les blessés s'abritaient dans le ventre
Des chevaux morts ; au seuil des bivouacs désolés
On voyait des clairons à leur poste gelés,
Restés debout, en selle et muets, blancs de givre,
Collant leur bouche en pierre aux trompettes de cuivre. »
V. Hugo
J’ai privilégié cette matière parce qu’un prof me l’a donnée à aimer avec son humour et sa conviction. Les toujours assis verront flamberge au vent bien pathétique quand j’essaye de transmettre le passé afin de ne pas reproduire les comédies en tragédie, j‘essaye.
Des débats ont agité les chercheurs, rien n'est venu effleurer le terrain. Aucune conférence ni stage n'a porté sur le sujet.
Les hussards noirs ont cessé d'être invoqués au pied des marronniers de chaque rentrée. Pourtant la guerre des mémoires se déchaîne, les souffrances entrent en concurrence : difficile donc passionnant de poursuivre le récit d’une nation. Le passé colonial de la France, l’esclavage ressurgit. A défaut d’infléchir le présent, certains s’attardent à refaire le passé : c’est facile, oui, mais n’est ce pas un peu vrai ?
Depuis quelques années sur quatre pages concernant l’époque de Louis XIV, une était consacrée au commerce triangulaire et j’avais emprunté à Tardi une de ses planches pour ne pas ignorer que les tirailleurs sénégalais se battaient au premier rang dans les tranchées de la première guerre. Ces regards renouvelés sur notre passé honorent une culture vivante qui sait reconnaître ses erreurs. Ce n’est pas infamant pour le citoyen d’aujourd’hui ; par contre le refus de connaître, la négation de la raison, la perte de l’humour, l’enfouissement de l’esprit critique conduisent à la barbarie. Liberté de parole ; ah le beau temps des lumières ! Nous avons à mener ce combat aujourd’hui, malheureusement. Même si je me trouve dans la position de ces vieilles badernes qui suivaient le combat de leurs troupes à la jumelle du haut d’une colline : je n’exerce pas dans un lycée de banlieue où l’obscurantisme religieux pèse sur les cours. Il faut reprendre le mot laïcité qui a même servi à sa négation lorsque quelque débat fut recouvert sous un voile. Pépé, les calotins se sont remis à croasser !
Pour les méthodes, des enfants de dix ans ne peuvent réemprunter les chemins de « l’école des annales ». Ils manquent encore de culture pour interpréter des documents bruts, et ne peuvent aligner que des banalités. Certains manuels ne formulaient que des questions, aucune information. Leurs auteurs se font secouer en ce moment. Très bien !
Comme en chaque domaine, il convient de prendre connaissance de ce que savent les enfants, de la façon dont ils se représentent l’événement puis d’assumer l’enseignement frontal en n’hésitant pas à mettre en scène. L’incarnation n’a pas nuit à toutes les religions : dialogues de sans-culottes s’attelant aux cahiers de doléance, lettres de poilus… Un peu d’épopée que diable ! Avec moult anecdotes, l’histoire mythique et puis ne pas hésiter à situer les controverses : les représentations de la terre à géométries variables, les cités lacustres qui remontent sur les berges, Galilée … Ces exemples illustrent la notion de vérité d’un instant, vérité relative, ils introduisent la complexité.
Multiplier des entrées :
- courte séance de vidéo
- diapositives
- grandes gravures type Rossignol
- textes courts où s’expriment des points de vue divers concernant le même événement
- dessins humoristiques
- musiques : Marseillaise, Pauvre conscrit du Languedoc, l’Internationale, Bella ciao, Le chant des partisans, Le temps des cerises, Les canuts…
- livres documentaires pour approfondir dans un coin de la classe.
L’histoire ne se vit pas que dans les livres
- objets de brocante à manipuler : soldats de plomb, casques, masque à gaz, ticket de rationnement…
- maquettes : villa romaine, immeuble en coupe du XIX ième siècle, avion biplan…
Ces pièces figuraient dans le musée de la classe, elles auraient pu appartenir à un fond commun à l’école avec son squelette grandeur nature, sa collection de fossiles, ses kaléidoscopes - un cabinet des curiosités.
Concrétiser la durée :
- En guise de révision chacun apporte son dessin au thème négocié pour une bande de couleurs variées qui traversera la classe : de la « crèche » de Jésus aux tours jumelles. Chaque élève contribue à cette fresque chronologique, surtout pas achetée dans le commerce.
Les magazines pour enfants Milan ou Bayard presse proposent dans ce domaine des dessins simples et rigolos. Ainsi peut-on renouveler cette appropriation des icônes de l’histoire autour par exemple des inventions du XIX ième, que chacun présentera.
Les débats d’actualité donnent l’occasion de fixer quelques repères historiques. Si le journal très prisé dans les écoles, « Mon quotidien » pourvoit en infographies séduisantes entre Britney Speers et une vedette jetable de la Star Ac, il ne peut substituer l’aléatoire du jour le jour à la cohérence d’une progression magistrale. A l’issue de la scolarité, une heure dédiée chaque année au 11 novembre apparaît sans doute un peu lassant et la guerre de 14 hors de la continuité, un peu en l’air, anecdotique. De même, la révolution française tous les cent ans de la maternelle au C.M.2 s’inscrit dans une durée légèrement longuette.
L’histoire palpite dans les pierres, dans les paysages, dans les cœurs.
Les connaissances abordées dans les classes précédentes se révisent avec un parcours dans la ville pour saisir quelques traces du passé moyenâgeux, renaissance et royauté, le rapport de la province à l’état, la ville et ses remparts et au-delà, quelques noms de rue. Les promis du tourisme culturel surlignent au fur et à mesure leur trajet sur une carte et lèvent le nez au-dessus des boutiques de fringues.
Le voyage de fin d’année nous conduit en pèlerinage dans le Vercors : dans les cimetières, monuments autour de la résistance, un spécialiste nous déploie in situ quelques affiches de l’époque et des photos ainsi en abîme. A midi au pique-nique les enfants prennent le maquis. J’ai eu la chance de pouvoir faire appel à d’anciens résistants qui savaient user de beaucoup de pédagogie pour parler de leur jeunesse : de grands moments.

mardi 17 février 2009

« Ce jour où ce qu’on sait est devenu inutile » J.B. Pontalis *

Parfois je me dis cette phrase, pendant une insomnie. Je me démène sous ma couverture. Je me sens grise comme un soldat avant la bataille. Je veille, armée.
Ces jours où je me dis que ce que je sais est devenu inutile, ces jours-là, j’ai peur. J’ai peur d’être trop vivante, constat inouï, angoissant.
J’ai peur de me lever, j’ai peur du jour nouveau qui pointe, j’ai peur des minuscules prisons des habitudes, ces petits cercueils.
Alors je reste gisante sous la couverture.
Des couvertures, j’en ai à foison. Des bleues, des roses et des noires. Des unies et des chamarrées, des laineuses, des cotonneuses, des soyeuses, des écossaises, la somptueuse en mohair, si légère.
A l’abri sous mes couvertures, je me répète ce que je sais, je me raconte mes vies : je vis à l’étouffé. Je tricote entre les vieilles images et les récentes des contes improbables. Etais-je heureuse dans ce champ où le photographe m’a surprise endormie dans la plénitude de mes trente ans ? Etais-je malheureuse sur cette plage où je ne souris pas, où je regarde des enfants qui s’éclaboussent.
Oui, je me raconte ce que je sais de ma vie, ces bribes, comme fibres végétales palpitant doucement dans le vent de la mémoire. Souvenirs fugaces, instables, insaisissables, du sable.
Tout ce que je crois savoir de moi et qui ne me sert à rien. Des écrans, des enveloppes, des tchadors. Je sue, le souffle en suspend, lasse comme un poisson pris dans la vase d’une mare desséchée.
Et puis je me lève, je rejette le linceul tissé par l’insomnie. Je retrouve l’eau froide, puis les vaisseaux bleus du Vercors défiant l’espace, le ciel et la vallée. Les premiers pas du matin sont chaque jour les premiers pas de la vie. Hier n’est que fumée et demain dans la brume. Un merle siffle sans vergogne sur la gouttière, la lumière brise les fenêtres. Le monde est terrible, vivre est terrible, être soi est une terrible énigme.
Il est des nuits merveilleuses où je brûle toutes mes couvertures. Le sommeil m’emporte comme une mère. Mes rêves me disent que je suis une inconnue, que la seule tâche, la seule qui vaille la peine qu’on s’y livre, c’est d’accepter de se perdre en cette inconnue corps et biens. Alors je ne peux me dire guérie, mais il arrive que je m’espère sauvée.
Philomène
J.B.Pontalis est un écrivain contemporain édité chez Gallimard.
Son œuvre est marquée par son travail de psychanalyste, mais c’est une empreinte légère, pudique, modeste.
Je n’ai lu de lui que des œuvres faites de fragments par exemple, « Fenêtres », « Perdre de vue », « l’enfant des limbes »
J.B. Pontalis m’étonne au vieux sens de se prendre la foudre.

lundi 16 février 2009

Noces rebelles

Le titre n’est pas bien choisi, tant la rébellion porte un sens politique, alors que dans cette réalisation de Sam Mendes, c’est d’un malaise existentiel dont il s’agit, genre « tu la voyais pas comme ça ta vie ».
« Fenêtre panoramique », titre du livre de Richard Yates, qui a inspiré le film aurait mieux rendu le dilemme de l’ennui et des rêves.
Les années 50 couleur sépia avec ses vagues d’employés en chapeaux, appartiennent désormais à une autre époque. La secrétaire de si peu d’importance, comme les enfants, disparaissent dans le décor. Il faut bien le personnage du fou pour révéler les impostures, les lâchetés ; le procédé est d’ailleurs facile malgré la puissance des acteurs. Petites vies; mais sommes nous supérieurs aux autres, différents ?
La cinématographie française s’est souvent sentie plus exigeante que les productions américaines, eh bien, en lancement, un film avec Sophie Marceau ne faisait pas le poids avec ses bribes rigolotes, avant la performance de Leonardo DiCaprio et Kate Winslet.
C’est le film hollywoodien qui pose des questions graves sur le sens de la vie.
Et tout le monde n’a pas la possibilité de débrancher son sonotone quand les cris se font trop stridents.