lundi 12 janvier 2009
Charlie et la chocolaterie
Depuis les images d’ « Edward aux mains d’argent », Tim Burton me fait l’effet d’un crissement d’ongle sur un tableau et pourtant j’ai bien aimé « l’étrange Noël de Mister Jack » et « Mars attack ». Je savais que Roald Dahl, dont les livres ont donné ses lettres de noblesse à la littérature enfantine, était pour lui, avec son humour et son imagination débridée.
La famille de Charlie vit dans une misère à la Dickens, loin d’un monde aux couleurs acidulées et de la prodigieuse et mystérieuse fabrique de chocolat magique de M. Wonka.
Le noir et la neige conviennent mieux à Burton que le vert et le rose malgré des images époustouflantes.
A parcourir les critiques du film, celle de « Libération », me semble particulièrement intéressante, quand elle évoque l’ordalie : épreuves à surmonter pour obtenir le jugement de Dieu. C’est bien de cela dont il s’agit dans beaucoup des contes ; les enfants, ici, disparaissent à cause de leur goinfrerie, de leur effronterie, parce qu’ils sont trop gâtés.
Le gentil Charlie triomphe, modestement bien sûr.
La morale finale est un peu sucrée puisque les vertus familiales sont le recours vis-à-vis d’un capitalisme insensé.
On a beau « avoir le ticket », l’amour ne s’achète pas.
dimanche 11 janvier 2009
Blanche-Neige
Sombre ballet de Angelin Preljocaj dans les forêts profondes aux brumes mystérieuses sur une musique de Mahler avec des costumes de J.P. Gauthier. Un assemblage harmonieux qui restitue au conte toute sa gravité par des éclairages et un décor magnifiques. Débarrassés des images enfantines, nous sommes séduits par l’évocation de nains acrobates, émus par la mort d’une Blanche-Neige pourtant puissante : du plaisir tout du long. C’est vraiment bon de pouvoir être étonné encore au moment des passages attendus comme l’épisode du miroir, de la pomme, traités sans esbroufe, mais avec habileté. Les étiquettes ne tiennent plus : cette danse contemporaine romantique m’a parue plus familière qu’un classique.
samedi 10 janvier 2009
Modernes et silencieux.
L’école a été un formidable outil de modernisation.
Aujourd’hui la modernité nous déstabilise et l’affubler du seul masque du libéralisme, commode le temps d’une manif, ne rend pas compte de la complexité des mutations.
Nous restons perplexes quant aux réactions assez faiblardes vis-à-vis des mesures graves prises contre l’école. C’est qu’il n’y a plus unanimité et ce n’est pas en méprisant les thermomètres que ça ira mieux.
L’école, attaquée de toutes parts, nous voilà contraints de la défendre en bloc, oubliant parfois ses carences, percevant mais confusément que le monde a changé et la mentalité des personnels aussi.
Je cultive avec délices la posture de l’instit’ à l’ancienne, mais je sais bien en 2009, qu’il est d’avantage question de professionnalisme que de foi, de vocation. Nous sommes pressés par l’instantané : un clic, le speedant de la république est dans le mouv’. L’éducation nécessite un autre chronomètre : grandir prend du temps. Les parents attendent des services, et n’adhèrent plus d’emblée aux valeurs de l’école qui ne sont plus celles de la société.
En bénéficiant d’acteurs de l’éducation, critiques, écoutant distraitement nos incantations, remettant notre légitimité en question ; notre pédagogie aurait-elle porté ses fruits ?
Le corps des enseignants s’est atomisé : on n’a jamais tant parlé d’équipe alors que l’individualisme est entré dans le sanctuaire ; la multiplication des statuts l’aggrave.
Plus encore au collège, où l’éparpillement des taches éducatives dilue les responsabilités.
Le ver était dans le fruit. Les super- directeurs vont s’installer sur le désinvestissement des adjoints.
L’instituteur instituant a disparu sans une fleur. Nous avions tant crié contre les institutions.
En gagnant le rang de professeur après avoir revendiqué une dignité indexée sur grille de salaire, nous sommes entrés dans les valeurs CAC 40.
Face à l’attaque contre l’école publique qui vient du fond des âges réactionnaires, le P.S. sort son Bruno Julliard, mais qui nous entend ? Jack Lang bavarde sur l’école, cela revient au même qu’un silence gêné.
Une pétition contre Darcos a vu s’effacer récemment 15 000 signatures sur le web, faudrait pas virer paranos ! Au détour d’un article de Patrick Pellous dans Charlie Hebdo, remarquant qu’il a fallu du courage à ses collègues de l’Essonne pour révéler la mort d’un homme, que pendant six heures ils ont tenté en vain de faire admettre dans un hôpital, parce qu’ils se sont fait gronder par leur hiérarchie, montre que le silence réservé jadis à l’ hôpital, s’étendrait à toute une société.
Une affichette de 68 disait : «la police vous parle à 20h » : plus besoin, le policier est dans les têtes.
Le climat qui s’installe fait froid dans le dos : un Sarko XXI, en duplex avec Chabot, pourrait rendre la justice tous les soirs à 20h sous son chaîne, ça ferait de l’audience et économiserait des juges.
En période de vœux, nos mots sonnent cette année encore un peu plus dans le vide.
Solde sur les dictionnaires.
La crise nous tétanise ; des enfants portent à Gaza d’autres enfants morts dans leurs bras.
Les bras nous en tombent.
vendredi 9 janvier 2009
La chanson de Charles Quint
Charles Quint, qui a beaucoup voyagé comme Eric Orsenna l’auteur de ce livre , aimait cette chanson :
« Mille regretz de vous habandonner
Et deslonger votre fache amoureuse
J’ay si grand deuil et peine douloureuse
Qu’on me verra brief mes jours definer »
Delonger : quitter ; fache : visage ; definer : finir
Ce court roman décrit le parcours de deux frères proches et pourtant opposés dans leur quête amoureuse : l’un de l’amour unique, l’autre d’amours dispersés.
Ce conte à la poétique un peu traditionnelle, où il dialogue avec la femme aimée disparue, est traversé de belles sentences telles que :
« l’amour juge, tandis que l’amitié absout ».
Le rappel des richesses du futur antérieur a des airs nostalgiques.
Dans ce livre, j’ai regretté la sincérité des premiers romans ; lui, l’académicien sait écrire des livres en concluant :
« Pourquoi si souvent, est ce à la fin de l’hiver qu’il fait le plus froid » ? »
Argh !
jeudi 8 janvier 2009
"Espèces d’espaces"
C’est le titre d’une exposition du Magasin, centre d’art contemporain.
J’en sors en me sentant très beauf : « Boof ! ».
J’abuse souvent des jeux de mots mais il n’y a pas de quoi ériger celui là, dû à Perec en 1957, en titre pour une rétrospective des années 80.
Je m’applique à fréquenter les lieux d’exposition d’art contemporain, mais mon retour après des années d’incompréhension au Magasin, s’est soldé une nouvelle fois par une désillusion.
Je suis aussi familier des démarches militantes, cependant en lisant après coup le dépliant censé expliciter les œuvres, je demeure perplexe. Je n’ai pas compris en voyant ces installations en quoi elles pouvaient « mobiliser face à la détérioration des conditions de vie dans les quartiers peuplés majoritairement d’immigrés, à la montée des inégalités et au délabrement urbain ».
Les salles d’exposition ont très peu de visiteurs. Ce n’est pas l'installation d'un flacon d’Ajax sur une étagère qui risque de faire avancer la cause des démunis. Quant au « wall painting »de Gunther Förg, la tentation est grande de penser que la peinture qui a servi à recouvrir des dizaines de mètres de parois, aurait été bienvenue dans quelques halls d’immeubles. Faire correspondre ce travail, comme en exécutent quotidiennement tous les peintres en bâtiment, avec Rothko me consterne.
Pour illustrer ce billet, j’ai choisi une carte postale de Kounellis achetée à la boutique du musée : seule trace d’humour, ce jour là, en ces lieux.
J’ai trouvé, à cette occasion, que l’art contemporain s’aveugle avec les mots, ne nous fait plus voir grand-chose, sinon des autocitations, des mécaniques sans imagination. Si les artistes traduisent, précèdent l’époque ; eh bien nos heures seront palotes, perdues dans de grands espaces froids, même pas énigmatiques : vides.
mercredi 7 janvier 2009
Grammaire. Faire classe # 16
La bannie ressusciterait.
Ne plus courir après la mode conduit cycliquement à la branchitude. Les effets d’annonce s’éventent en sortant des flacons; les durées différent dans les J.T. et dans les classes.
J’écrivis sur le tableau au retour de la récré du matin :
« Cyril a oublié son goûter »
Cyril devient sujet.
Il peut s’accrocher à décortiquer une phrase comme on pèle un fruit et qu’on le déguste.
Ce n’est pas Arcole forcément, ni Dien Bien Phu ; il faut en passer par-là.
Lecteur furtif mais vampirique, j’aime convoquer Orsenna et ses îles où les adjectifs sont collants et les pronoms prétentieux :
« Je savais maintenant, et pour toujours, que les mots étaient des êtres vivants rassemblés en tribus, qu’ils méritaient notre respect, qu’ils menaient, si on les laissait libres, une existence aussi riche que la nôtre, avec autant de besoin d’amour autant de violence cachée et plus de fantaisie joyeuse »
ou pour illustrer l’adjectif démonstratif, Jean Louis Fournier :
« Cette autruche qui pond debout est une mère indigne ».
Le rapport que l’académicien a remis, jadis, au ministre a tenu les colonnes de journaux, une petite semaine. La réhabilitation de la grammaire n’a pas soulevé de débats ébouriffants, peut être bien parce que beaucoup de praticiens n’avaient pas suivi le nouveau vent nouveau.
Il y avait un penseur fécond, La Garanderie, qui distinguait visuels et auditifs; j’en ai retenu aussi qu’il est des formes de compréhension qui se meuvent très bien avec la globalité: alors la règle sera immanente; d’autres auront besoin d’une loi posée en préalable pour mieux comprendre.
En classe, les ficelles d’animateur aident parfois : « tout le monde debout ! ». On s’assoit quand on a donné un adjectif qualificatif. On s’ébroue. On extrait du magma discoureur, les outils pour fabriquer à son tour en toute connaissance de cause.
L’intuition peut suffire à certains, mais donner quelques étayages pour plus de précision dans la compréhension : c’est bien notre mission, non ? Renoncer parce que c’est austère, voire difficile c’est mépriser l’intelligence.
Comme pour les mathématiques modernes, un Rouchette passa par-là et nous rendit méfiants sur les experts qui positionnent les enfants au milieu de l’arène de leurs recherches. Les gamins auront le temps plus tard, avec des armes pour juger et non la seule tyrannie de la mode, du conformisme comme guide. Bien sûr ils doivent être en situation d’investigation, d’exploration, invités à fureter. Ils ne peuvent ordonner le sens du travail.
Je n’ai toujours pas saisi pourquoi on prétend faire accéder les « apprenants » au rang de chercheurs et qu’on les éloigne de certaines exigences qui seraient paraît-il inaccessibles. Faillite des adultes qui font semblant d’abandonner la barre. Mais les mêmes ne rendent pas les clefs quand le moment de la retraite vient.
Nous avons réalisé à plusieurs reprises des petits films d’animation en classe ; entreprise de plus en plus lourde à mesure que le matériel devenait de plus en plus sophistiqué et les intervenants de plus en plus professionnels ; la paperasse déborda, les élèves avaient de moins en moins voix au chapitre. A ces occasions ils étaient initiés à une « grammaire » de l’image : ce qu’apporte un gros plan, une contre-plongée. Beaucoup de compétences des enfants des années 2000 pouvaient entrer en jeu, pourquoi leur contester avec l’écrit le droit d’entrer dans la salle des machines ?
Grammaire n’est pas une vieille indigne.
- Le livre de Français pour réviser lors du contrôle trimestriel.
- Livret pour exercices où des phrases sont à scinder, colorier, surligner.
- Cahier où écrire.
- Dénominations simples : le C.O.D. ou complément essentiel.
mardi 6 janvier 2009
Devinettes des « Terres froides »
Qu’est ce que c’est ?
- Plus y en a moins ça pèse ?
Des trous dans une planche.
- Gueule dans gueule, sept pieds et une queue ?
Un chien mangeant dans une marmite à trois pieds.
- Quatre dames au milieu d’un pré, ni l’une ni l’autre ne peuvent s’attraper ?
Les quatre roues d’un char.
- Je fais le tour du bois et ne peut pas y entrer ?
L’écorce.
Commère, prêtez moi votre coiffure, je couvrirai tout, sauf l’eau.
La neige.
Dicton :
« Si les orvets avaient des yeux et les chèvres des dents en haut, tout le monde serait perdu. »
Histoire :
« Une limace mis sept ans pour passer un pont.
Le pont s’écroula, elle se retourna et dit :
Voilà ce que c’est d’être leste ! »
Recueillis dans « La vie dans les terres froides » de l’abbé Fréchet.
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