samedi 21 septembre 2024

Continuez sans moi. Jean Michel Mestre.

A son deuxième roman, l’auteur revient sur la vie de sa sœur qui s’est suicidée il y a quarante ans. Ce livre essaye de réparer l’absence de toute plaque sur la tombe où elle est enterrée. 
« À défaut de souvenirs, je m'en suis sorti en pensant : ce n'est pas moi qui l'ai oubliée, c'est elle qui est partie en claquant la porte, elle qui a tiré le rideau en lâchant : Ça suffit, basta, j'en ai assez, continuez sans moi. Elle ne l'a pas dit comme ça. A-t-elle seulement eu le temps de penser à ceux qui continueraient sans elle ? Et si ce que je prends pour de l'oubli relevait de la gêne. Il suffirait de la surmonter, d'ouvrir une vanne, puis deux ou trois, pour que d'autres bulles remontent à la surface. La trappe est lourde. » 
Dans toutes les appréciations de lecteurs à propos de ces 200 pages, figure l’expression « sans pathos » pour mieux souligner l’originalité du narrateur dans un exercice périlleux. J’ajouterai son honnêteté.
« Quand la maladie ou un accident emporte un proche, l'art de converser avec lui, de le garder vivant, d'entretenir un lien avec lui est casse-gueule mais un chemin reste possible. Chacun emprunte comme il peut, avec ses mots, ses silences, ses doutes, ses failles. Mais quand la violence du suicide éradique la possibilité d'un chagrin, qu'est-ce qui peut lui succéder ? J'ai cru remplacer la peine par l'effacement, la culpabilité par l'indifférence et le remords par le silence. Foutaises, bien sûr. » 
Le cheminement à l’intérieur de sa mémoire lacunaire est plus émouvant que le rappel des années post-68 communes à la génération boomeuse et au delà. Ses recherches tardives de souvenirs fantomatiques, bien sûr plus personnelles, font tout l’attrait, la force de ce retour vers ses faiblesses, ses fuites, son incompréhension.
Le cinéma, la musique, sont les instruments de cette archéologie avec Beaucarne, IBanez(Palabras para Julia de Juan Goytisolo). 
«  Mais souviens-toi toujours
De ce qu’un jour j’ai écrit
En pensant à toi, en pensant à toi
Comme j’y pense à présent. » 
Ses prospections minutieuses, fines, sont permises par un style limpide en accord avec l’intégrité de l’écrivain.  

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