samedi 27 janvier 2024

La péremption. Nicolas Fargues.

Ne pas se fier à la quatrième de couverture : « Assignée femme » mais plutôt à la première phrase du livre de 190 pages écrit par un écrivain, se mettant dans la peau d’une femme, alors que les écrivaines ne manquent pas: 
« Ce qui a de bien avec vous, Madame, c’est que vous donnez envie d’être vieille ».
Elle vient de prendre sa retraite de prof d’art plastique à 50 ans et si son écriture est pleine de verve, de lucidité désabusée, elle se refuse à intervenir tant auprès de ses élèves, de son fils, de ses ex, de sa mère, de son frère, de son nouvel amant qui la conduira au bord du lac Kivu au Congo.
Sa grande tolérance alimente tant de renoncements, se laissant si facilement prendre par « des ivresses sans fondement. » L’indifférence maquillée en bienveillance me semble dans cet air du temps maternant dont je connais la délicatesse bien que son hypocrite aveuglement agace. 
« Une raison de vivre, cela peut se délaisser pour mieux que ça : se laisser vivre. »
Le vieillissement devient pathétique lorsqu’il s’accroche aux modes tout en sachant leur vanité. 
« Il y a pire que notre splendeur d’antan qui pique l’égo : les éloges qui blessent. » 
J’ai aimé quelques nuances grammaticales signifiantes : 
« Qu’est ce qui t’a prise ? ça ne te va pas du tout. »
« Mais que te prend-il ? » 
La mise à distance épargne les grandes douleurs pendant que la lucidité, l’ironie font des bonheurs de lecture, nous donnant l’impression de ne pas être dupe, d’être un malin nous aussi :  
« Tu penses à cette phrase de Robert-Louis Stevenson, tellement citée et tellement reprise pour justifier tout et n’importe quoi qu’elle a fini par s’apparenter à un bibelot de boutique pour touristes : «  L’important, ce n’est pas la destination, c’est le voyage. » 
Avec tes mots à toi, cela reviendrait à prétendre qu’à défaut d’un avenir, tu es en train de te fabriquer de beaux souvenirs. »

2 commentaires:

  1. Cinquante ans ?? On commence à parler de vieillesse à 50 ans ? Ce n'est pas un peu indécent de parler de vieillesse à partir du moment où la retraite est prise, surtout quand on peut durer si longtemps après 50 ans ?
    Il m'est venu dernièrement qu'on n'a pas à regarder loin pour comprendre le terriblement chamboulement qui frappe l'Occident en ce moment : l'arrivée à l'âge de la retraite de tant de personnes qui, du temps où ils travaillaient avaient quelques contraintes de présence, de mode de vie, quelques incitations à la stabilité. L'arrivée de la retraite a précipité un incroyable élan pour "tourner la page" qui a fait beaucoup pour encourager une mobilité qui devient vite précarité, pour le meilleur, mais pour le pire aussi.
    Je note la sempiternelle besoin de ne pas être dupe...Que notre besoin de ne pas être dupe fait des ravages, et donne des allures grimaçantes à la société.
    Je ne sais pas si l'indifférence est maquillée en bienveillance, ou si le besoin de ne pas dire UN mot qui risquerait de déplaire, et faire sortir du lot n'est pas une forme de tyrannie que l'homme démocratique (du marché) s'impose pour son "bien", mais qu'il tient impérativement à imposer... aux autres aussi.

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  2. Commentaire numéro 2...
    Ce matin, il m'est venu, et pas pour la première fois, combien il y a une dimension prométhéenne à l'ambition de l'Homme moderne. Il y a un petit problème avec une ambition prométhéenne... Prométhée était un titan, condamné pour son.. hubris ? à rester enchaîné sur un rocher et se faire dévorer le foie par un aigle (symbole de Zeus, je crois) jusqu'à être délivré par je ne sais plus qui. (Hercule, peut-être...)
    Un titan n'est pas un homme. Un homme est tragiquement ? mortel, et son foie ne va pas se régénérer à chaque fois qu'un aigle vient le lui arracher.
    Je serais la dernière à conspuer quiconque pour vouloir atteindre une certaine grandeur ? mais dans et par l'ambition prométhéenne ? Y aurait-il d'autres grandeurs à explorer ?

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