samedi 18 février 2023

Le goût de l’adieu.

Ce livre mince d’un peu plus de cent pages écrites en petit est un grand livre.
Je savais que je trouverai dans ce recueil d’hommages rendus aux morts, le discours de Malraux en hommage à Jean Moulin qui à l’oreille ou en tournant les pages m’émeut  toujours au plus profond. 
«Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d'exaltation dans le soleil d'Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège.» 
D' impérissables plumes s’expriment avec Hugo bien entendu dans l’éloge funèbre à Balzac et à Georges Sand:
«Je pleure une morte, je célèbre une immortelle !» 
Plus inattendus sont les mots de Sartre à Camus auquel il n’adressait plus la parole et le poème de Mallarmé à Verlaine.
Martin Luther King avait prévu sa propre oraison et la dernière lettre de Marie Antoinette avant d’être guillotinée est poignante : 
«Je pardonne à tous mes ennemis le mal qu’ils m’ont fait.» 
Villon était dans la même situation quand il a écrit la balade des pendus, mais a échappé à la pendaison. 
«Jamais nul temps nous ne sommes assis
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d’oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !»
 
Commencées avec Périclès s’exprimant pour les soldats morts pendant la guerre du Péloponnèse :
«Les hommes éminents ont la terre entière pour tombeau.»
les interventions situées avec clarté dans leur contexte se terminent par « Salut ma poule ! » d’Attali pour Coluche.
L’oraison de Bossuet à l’égard d’Henriette d’Angleterre est un sommet, pas seulement d’éloquence mais d’émotion :
«Madame cependant a passé du matin au soir, ainsi que l’herbe des champs; 
le matin elle fleurissait; avec quelles grâces, vous le savez: 
le soir nous la vîmes séchée » 
Massillon inconnu à mon bataillon est à la hauteur pour Louis XIV : 
«Aviez-vous cru que les rois étaient immortels ? » 
Moravia pour Pasolini, Zola pour Maupassant, Anatole France pour Zola, Mauriac pour Proust, Zweig pour Freud, sont sincères et élèvent les qualités des morts au dessus d’une destinée particulière.  
Oprah Winfrey parle puissamment de Rosa Parks. 
Il ne pouvait y avoir qu’Obama pour Mandela et Fidel pour le Che, Cocteau pour Mistinguett et Pierre Bergé pour Saint Laurent : 
«C’est à toi que je m’adresse, à toi qui ne m’entends pas, qui ne me réponds pas. » 

1 commentaire:

  1. Très beau. L'oraison funèbre (est-ce comme ça qu'on l'appelle ?) peut être du grand art.
    Je suis toujours profondément émue par Ecclésiaste, qu'on entend dans toute évocation de l'herbe qui sèche, les fleurs qui tombent, car la chair, la nôtre, est fragile, et vouée à disparaître, comme ont disparu tous ceux qui nous ont précédés : l'égalité de la condition humaine sur ce plan.
    Oui, touchante, Marie Antoinette. Impressionnant, Malraux. Ça sonne.. comme une trompette.
    Merci.

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