jeudi 7 avril 2022

Baisers voulus, baisers volés. Christian Loubet.

La première image proposée par le conférencier devant les amis du musée de Grenoble est celle de « Io et Zeus » par le vif Le Corrège pour illustrer un thème récurent de l’art occidental : le baiser, « ce point rose qu’on met sur le i du verbe aimer » Edmond Rostand.
Un nuage divin embrasse la nymphe ingénue, vue de fesse.
Les premiers « baisers consacrés » vont du « Rendez-vous à la porte dorée » de Giotto où les anges annoncent à Joachim et Anne qu’ils vont engendrer Marie
au « Baiser de Judas » d’Ary Scheffer 
quand le Christ méprise le traitre car il sait son sacrifice inéluctable.
Les représentations d’une intimité entre « La vierge et l’enfant » 
telles que Quentin Metsys en donne une version sont rares.   
Concernant « le frisson des lèvres », la mythologie a fourni une source inépuisable de représentations.
L’insatiable Zeus prend toutes les formes :  
Véronèse pousse loin la métonymie avec « Léda et le cygne »
comme Giulio Romano lorsqu’il fait se rencontrer « Zeus et Olympia ».
Luca Cambiaso, le maniériste, 
donne une version quasi cubiste du baiser au mourant avec « Vénus et Adonis ».
« Hercule et Omphale »
chez François Boucher 
ont inversé les rôles et à pleine bouche, les sens triomphent.
L’ « Amour et Psyché » de François Picot est subtilement sensuel.
Chez Francesco Hayez « Le baiser » troubadour a été vu 
comme l’union du Nord et du Sud Italiens.
Les charmants « Amoureux surpris » de  Ferdinand Waldmüller s'inscrivent dans un mode rustique.
Même chez les « artistes et modèles modernes » le mythe de « Pygmalion et Galatée »  vu par Gérôme permet de ne pas tomber dans l’anecdote.
Camille Claudel avait séduit son sculpteur Rodin : « Le baiser ».
Celui d'Andrès Zörn fait entrer la banalité dans un cadrage et une touche instantanés.
Chez Klimt le corps féminin fleuri se love dans la structure minérale du corps masculin.
L’érotisme fusionnel porte le malheur chez Edvard Munch 
et la nuit avec son « Vampire (L’amour et la douleur) ».
Les amants musculeux fixent une auto représentation d’ Egon Schiele, mort avant sa trentième année, « 
L'Étreinte»
Dans ces explorations entre amour divin et charnel 
Toulouse Lautrec occupait  une bonne place et aussi Courbet 
« Ambigüité récente »
titrait pourtant le conférencier
c’est que « Le baiser » anthropophage de Picasso
plus connu que « La douceur » n’a pas la tranquillité
des pierres cubistes de Brancusi.
Baisers voilés pour « Les amants » de Magritte,
projetés dans l’au-delà avec Chagall,
corps fondus chez De Staël inspiré par la musique « Les Indes galantes ».
L’expressionniste Otto Müller « Le couple d’amoureux » nous est proche
comme le néo impressionniste Ron Hicks
quand le « Kiss » de Roy Lichtenstein valait pour les posters.
Ne pas oublier « Le baiser de l’hôtel de ville » de Doisneau,
ni la pochade de Banksy, « Kissing Coppers »,
la publicité de Toscani, « Le prêtre et la nonne »,
ni la performance d’Orlan « Le Baiser de l'artiste » 
avec quatre intensités différentes, à partir de 5 F.
Les « baisers volés » sont gracieux quand avec le Bernin, Daphné échappe à Apollon
ou lorsque Fragonard traite « Enjeu perdu, baiser gagné ».
Hans Belmer ira à l’extrême du morbide sadique avec « Le baiser de la mort »
comme est résignée une sculpture de Barba et Fonbernat au cimetière de Barcelone. 
« Sa destinée a été accomplie.».
La pandémie nous rappelle que les baisers nous manquent, bien qu’ils soient devenus parfois la « menue monnaie » des amoureux, ainsi le cinéma les célébra : « Autant en emporte le vent ».

1 commentaire:

  1. Très beau sujet, bien illustré.
    Oui, les baisers nous manquent, d'autant plus que ça fait longtemps que les baisers... même entre amoureux, me semblent frapper de déperdition. Une lente agonie pour le baiser. Mais après tout, le baiser est bel et bien... un contact.

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